Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société civile immobilière (SCI) Mathis et Théo a demandé au tribunal administratif de Marseille, d'une part, d'annuler les décisions des 19 et 27 avril 2021 par lesquelles le maire de Corbières-en-Provence et le président du conseil départemental des Alpes-de-Haute-Provence ont refusé de procéder à l'indemnisation des préjudices qu'elle estime avoir subis consécutivement à la chute d'un mur, le 23 mars 2017, à la suite d'un épisode pluvieux, d'autre part, de condamner cette commune et ce département à lui verser les sommes respectives de 91 172,22 et de
212 735,18 euros, en réparation de ces préjudices et, enfin, de mettre à leur charge solidaire la somme de 5 400 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n° 2105123 du 20 avril 2023, le tribunal administratif de Marseille a condamné, en premier lieu, le département des Alpes-de-Haute-Provence à verser à la SCI Mathis et Théo une somme de 46 959,81 euros et, en second lieu, la commune de Corbières-en-Provence à lui verser une somme de 11 739,95 euros, avant de mettre à leur charge respective des sommes de 1 000 et de 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de rejeter le surplus des conclusions des parties.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et des mémoires complémentaires, enregistrés les 14 juin et
24 novembre 2023, le 2 avril 2024, et les 8 janvier et 14 mars 2025, la SCI Mathis et Théo, représentée par Me de Permentier, demande à la Cour, dans le dernier état de ses écritures :
1°) de réformer ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 20 avril 2023 ;
2°) de condamner, d'une part, le département des Alpes-de-Haute-Provence, à lui verser une somme de 212 735,18 euros et, d'autre part, la commune de Corbières-en-Provence ou, le cas échéant, la communauté d'agglomération Durance-Lubéron-Verdon-Agglomération, à lui verser une somme de 91 172,22 euros, en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait de la chute de ce mur ou, si la Cour devait retenir que celui-ci était un accessoire de la voirie, d'enjoindre au département des Alpes-de-Haute-Provence de le reconstruire, selon les prescriptions techniques et le chiffrage retenus par l'expert désigné par le juge des référés du tribunal de grande instance de Digne-les-Bains ;
3°) de mettre à la charge solidaire du département des Alpes-de-Haute-Provence et de la commune de Corbières-en-Provence une somme de 5 400 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- elle maintient ses conclusions indemnitaires en appel dès lors qu'elle dispose du droit d'agir contre la commune de Corbières-en-Provence et le département des Alpes-de-Haute-Provence, sous couvert de la responsabilité sans faute des personnes publiques et qu'elle est fondée à voir leur responsabilité engagée respectivement à hauteur de 30 et 70 % ;
- les objections des parties défenderesses en première instance doivent être écartées ;
- il n'est établi aucune faiblesse du mur en cause et son défaut d'entretien peut être imputé aux précédents propriétaires ; le totem ne lui appartient pas et se trouve sur la parcelle cadastrée section B n° 2040 ; aucune faute ne pouvant ainsi lui être reprochée, elle ne doit elle-même supporter aucune part de responsabilité ;
- l'état de catastrophe naturelle n'a pas été déclaré par arrêté ;
- si le tribunal administratif de Marseille a retenu, dans son jugement attaqué, que le mur était une dépendance d'un ouvrage public pour rejeter ses demandes de versement d'une somme de 219 000 euros, au titre de sa réfection, et d'une somme de 11 000 euros, pour la maîtrise d'œuvre, le mur a été édifié par le précédent propriétaire et il est situé sur sa propriété ; interrogé sur la prise en charge du mur comme un accessoire d'un ouvrage public le 25 avril 2023, le département des Alpes-de-Haute-Provence n'a pas répondu dans le délai d'appel ;
- les véhicules de collection détruits ont été chiffrés par un expert à la somme de 15 400 euros et ces véhicules ont été listés par un huissier de justice ;
- si la Cour devait retenir que le mur est un accessoire de la voirie, elle constatera que le département des Alpes-de-Haute-Provence a refusé de déférer à l'exécution du jugement attaqué et si la Cour ne devait pas réformer ce jugement de ce chef, il lui est demandé de condamner ce département à reconstruire ce mur, selon les prescriptions techniques et le chiffrage retenus par l'expert judiciaire ;
- la communauté d'agglomération Durance-Lubéron-Verdon-Agglomération ayant la qualité d'observateur, l'intégralité de ses demandes est irrecevable ;
- la Cour devra confirmer le point 8 du jugement attaqué ;
- en tant que de besoin, la Cour retiendra une part de responsabilité de la communauté d'agglomération Durance-Lubéron-Verdon-Agglomération à hauteur de 20 % ; en effet, si la commune de Corbières-en-Provence s'était jugée incompétente en la matière, elle aurait dû réorienter sa réclamation indemnitaire préalable vers cette communauté d'agglomération ; en ne le faisant pas, cette commune a lié le contentieux pour le compte de cette communauté d'agglomération ;
- les sommes qu'elle réclame sont fondées et justifiées.
Par un mémoire en défense, enregistré le 26 octobre 2023, le département des Alpes-de-Haute-Provence, représenté par Me Gouard-Robert, conclut à l'annulation du jugement du tribunal administratif de Marseille du 20 avril 2023 en tant qu'il retient sa responsabilité, au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de tout succombant au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir que :
- il conteste le principe de sa responsabilité ainsi que la répartition des imputabilités retenue par l'expert judiciaire ;
- il fait grief au jugement attaqué d'avoir retenu que le mur litigieux constituait un accessoire de la route départementale ;
- aucun lien de causalité certain n'est établi entre la route départementale et l'effondrement du mur ; au contraire :
. c'est l'arrivée importante d'eau non canalisée, sur le territoire de la commune de Corbières-en-Provence, depuis la montée des Aires, fortement pentue, qui constitue l'évènement à l'origine de cet effondrement ; la gestion des eaux pluviales dans l'aire urbanisée est de la compétence de cette commune et est donc susceptible d'engager la responsabilité de celle-ci ;
. les modalités constructives du mur de soutènement réalisé sans précaution particulière et la surcharge générée par le totem et le massif béton ressortent de la seule responsabilité de la SCI Mathis et Théo ;
- le défaut d'entretien de la rigole d'évacuation des eaux, qui est la charge de la SCI Mathis et Théo, est la principale cause extérieure de l'effondrement du mur de soutènement ;
- à titre subsidiaire, le partage de responsabilité retenu par l'expert, qui lui impute la plus grande part de responsabilité, à hauteur des 2/3, est erroné alors que sur les quatre causes dégagées, seule l'une d'entre elles serait susceptible de lui incomber ;
- il n'entend pas autoriser la reconstruction du mur, devenu inutile, et son remblaiement dans le domaine public routier, ni un quelconque dispositif de confortement dans l'emprise du domaine public routier ; c'est valablement que le jugement attaqué a écarté les postes de préjudices liés à la reconstruction de ce mur ;
- au regard de l'état de fragilité de ce mur et de son inutilité, il est demandé que la SCI Mathis et Théo le déconstruise avec son remblaiement et qu'elle restitue le talus routier initial toujours existant dans la continuité ;
- le chiffrage retenu par l'expert judiciaire dépasse largement le coût de la construction sinistrée et devra donc être ramené à de plus justes proportions.
Par deux mémoires en défense, enregistrés les 3 mars et 30 avril 2024, le second n'ayant pas été communiqué, la commune de Corbières-en-Provence, représentée par Me Chapuis, conclut, à titre principal, à l'annulation du jugement du tribunal administratif de Marseille du 20 avril 2023 en tant qu'il retient sa responsabilité et au rejet de la requête, à titre subsidiaire, à ce que la Cour ne reconnaisse pas sa responsabilité ou, à tout le moins, dans des proportions limitées à hauteur de 5 %, et, en tout état de cause, à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de tout succombant au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- sur la responsabilité de la SCI Mathis et Théo :
. le défaut de conception originel du mur en cause, son défaut d'entretien et le défaut d'entretien de la rigole sont constitutifs de fautes de la part de son propriétaire, la SCI Mathis et Théo ;
. positionnés au-dessus de ce mur, un totem et son massif pied béton ont constitué un facteur aggravant, voire déterminant de son effondrement ;
- s'agissant du département des Alpes-de-Haute-Provence, l'expert judiciaire relève une augmentation du trafic et l'élargissement de la plateforme de la route départementale (RD) 4096 depuis la construction du mur, outre une imperméabilisation des sols ;
- un arrêté portant reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle pour inondations et coulées de boues a été pris pour la journée du 5 avril 2017 ;
- aucun défaut d'installation ne peut lui être opposé et sa responsabilité ne saurait être engagée ;
- à titre subsidiaire, comme l'expert judiciaire le retient, la plateforme de la RD 4096 a été élargie et modifiée depuis la construction du mur, ce qui a eu pour incidence de soumettre celui-ci à des contraintes supplémentaires, en l'absence de vérification de l'adéquation de la circulation avec l'ouvrage de soutènement ; eu égard à la responsabilité du propriétaire et du département, il conviendra donc de juger qu'aucune responsabilité ne saurait être retenue à son encontre ou, à défaut, dans des proportions de l'ordre de 5 %.
Par un courrier du 14 novembre 2024, la Cour a invité le conseil de la commune de Corbières-en-Provence à lui transmettre, au regard du lieu de réalisation du dommage, toute précision utile sur la répartition des compétences entre elle et la communauté d'agglomération Durance-Luberon-Verdon-Agglomération en matière de gestion des eaux pluviales urbaines.
En réponse, la commune de Corbières-en-Provence, représentée par Me Chapuis, a produit, le 17 décembre 2024, une copie de la délibération n° BD-6-ll-21 du 8 novembre 2021 portant adoption du règlement du service public de gestion des eaux pluviales urbaines et elle a indiqué qu'il y est fait mention de la délibération du conseil communautaire n° CC-31-ll-19 relative à la prise de compétence obligatoire " gestion des eaux pluviales urbaines " par la communauté d'agglomération Durance-Luberon-Verdon-Agglomération approuvant le règlement de service gestion des eaux pluviales urbaines et que, depuis le 1er janvier 2020, cette communauté d'agglomération exerce cette compétence sur l'ensemble de son territoire, en lieu et place de ses communes membres.
La Cour a également invité, le 14 novembre 2024, le conseil de la SCI Mathis et Théo à lui transmettre une copie de l'entier rapport de la société Cunningham Lindsey du 21 juin 2017 ainsi qu'une copie du procès-verbal de constat d'huissier de justice du 24 mars 2017 avec des photographies en couleur, ou du moins, exploitables.
En réponse, des pièces ont été produites, le 19 novembre 2024, pour la SCI Mathis et Théo, par Me de Permentier, et, par une lettre, enregistrée le 17 décembre 2024, la commune de Corbières-en-Provence, représentée par Me Chapuis, a observé que le rapport produit n'était pas complet. Cet entier rapport a été produit par la SCI Mathis et Théo, représentée par Me de Permentier, le 8 janvier 2025.
Par un mémoire, enregistré le 13 février 2025, la communauté d'agglomération Durance-Provence-Verdon-Agglomération, appelée dans la cause par la Cour et représentée par Me Phelip, conclut, à titre principal, à sa mise hors de cause, à titre subsidiaire, au rejet de la requête, à titre infiniment subsidiaire, à ce que la Cour ramène les sommes susceptibles d'être allouées à la SCI Mathis et Théo à de plus justes proportions et à ce que la commune de Corbières-en-Provence soit condamnée à la garantir contre toute condamnation qui pourrait être prononcée à son encontre, et, en tout état de cause, à ce qu'une somme de 3 500 euros soit mise à la charge de la SCI Mathis et Théo au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- à titre principal, elle doit être mise hors de cause :
. la procédure lui ayant été transmise par la Cour pour observations et aucune demande n'étant dirigée contre elle, elle ne saurait être considérée comme une partie à l'instance et la Cour ne saurait statuer sur ses éventuelles obligations et prononcer une quelconque condamnation à son encontre ;
. toute demande qui serait dirigée contre elle serait irrecevable : à supposer que la responsabilité de la commune de Corbières-en-Provence ait été recherchée au titre de la compétence " Gestion des eaux pluviales urbaines " qu'elle n'assurait plus le 10 juin 2021, date du dépôt de la demande de la SCI Mathis et Théo devant le tribunal administratif de Marseille, cette demande était alors mal dirigée et elle aurait dû être mise en cause dès la première instance après avoir reçu une demande préalable d'indemnisation liant le contentieux ; en l'absence de liaison du contentieux et de toute demande formulée en première instance à son encontre, aucune réclamation ne saurait être dirigée contre elle en cause d'appel de sorte qu'aucune condamnation ne saurait ainsi être prononcée à son encontre par la Cour ;
. les ouvrages de collecte des eaux implantés sur la voirie constituent des éléments incorporés à la voie publique dont ils sont des dépendances et la responsabilité découlant de l'entretien de tels ouvrages relève de la personne publique chargée de l'entretien de la voirie ;
. elle a conclu une convention de gestion pour l'exercice des missions relevant de la gestion des eaux pluviales urbaines avec la commune de Corbières-en-Provence et dès lors que la gestion du service public " Gestion des eaux pluviales urbaines " y a été confiée à cette commune, seule cette dernière serait susceptible de voir sa responsabilité engagée pour tout manquement éventuel à ce titre ;
- à titre subsidiaire, les demandes de la SCI Mathis et Théo sont infondées :
. il n'existe pas de lien de causalité démontré entre le ruissellement des eaux en provenance de la voie communale et l'effondrement du mur litigieux ;
. très subsidiairement, l'éventuelle part des dommages susceptibles d'être attribués aux eaux en provenance de la voie communale ne saurait être fixée à 30 % comme demandé par
la SCI Mathis et Théo, ni à 20 % comme retenu par le tribunal administratif de Marseille mais à 15 %, l'expert de justice ayant proposé une imputabilité comprise entre 15 et 20 % ;
- si une quelconque part de responsabilité devait être mise à sa charge, elle entend contester les sommes réclamées par la SCI Mathis et Théo et, en tout état de cause, la Cour devra condamner la commune de Corbières-en-Provence de la garantir de toute condamnation prononcée à son encontre.
Un courrier du 31 janvier 2025, adressé aux parties en application des dispositions de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative, les a informées de la période à laquelle il était envisagé d'appeler l'affaire à l'audience et leur a indiqué la date à partir de laquelle l'instruction pourrait être close, dans les conditions prévues par le dernier alinéa de l'article
R. 613-1 et le dernier alinéa de l'article R. 613-2 du même code.
Par une ordonnance du 31 mars 2025, la clôture de l'instruction a été prononcée avec effet immédiat, en application du dernier alinéa de l'article R. 613-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- la loi n° 2015-991 du 7 août 2015 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Lombart,
- les conclusions de Mme Balaresque, rapporteure publique,
- les observations Me Marais, substituant Me de Permentier, représentant la SCI Mathis et Théo,
- les observations de Me Chapuis, représentant la commune de Corbières-en-Provence,
- et les observations de Me Gouard-Robert, représentant le département des Alpes-de-Haute-Provence.
Considérant ce qui suit :
1. Le 23 mars 2017, à l'occasion d'un épisode pluvieux, le mur bordant le côté Ouest de la parcelle cadastrée section B n° 2041, sise sur le territoire de la commune de Corbières-en-Provence et jouxtant la route départementale (RD) n° 2096, qui le surplombe, s'est effondré sur une longueur d'environ neuf mètres. Propriétaire tant de cette parcelle que des parcelles limitrophes cadastrées section B nos 1466, 1467 et 2043, la société civile immobilière (SCI) Mathis et Théo a sollicité du juge des référés du tribunal de grande instance de Digne-les-Bains la désignation d'un expert aux fins de rechercher tous éléments relatifs aux causes et conséquences des désordres qui ont résulté de cet effondrement. Après que l'expert judiciaire ainsi désigné par une ordonnance dudit juge des référés du 7 juin 2018 a rendu son rapport le 16 novembre 2020, la SCI Mathis et Théo a saisi le tribunal administratif de Marseille d'un recours indemnitaire. Par un jugement du 20 avril 2023, cette juridiction a condamné le département des Alpes-de-Haute-Provence et la commune de Corbières-en-Provence à lui verser, respectivement, les sommes de
46 959,81 et de 11 739,95 euros. La SCI Mathis et Théo ne relève appel de ce jugement qu'en tant qu'il limite à ces sommes le montant de son indemnisation tandis que, par la voie de l'appel incident, tant le département des Alpes-de-Haute-Provence que la commune de Corbières-en-Provence demandent à la Cour d'annuler ce même jugement en ce qu'il retient leur responsabilité.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
En ce qui concerne le cadre juridique applicable :
2. D'une part, le maître de l'ouvrage est responsable, même en l'absence de faute, des dommages que les ouvrages publics dont il a la garde peuvent causer aux tiers tant en raison de leur existence que de leur fonctionnement. Il ne peut dégager sa responsabilité que s'il établit que ces dommages résultent de la faute de la victime ou d'un cas de force majeure. Ces tiers ne sont pas tenus de démontrer le caractère grave et spécial du préjudice qu'ils subissent lorsque le dommage présente un caractère accidentel.
3. D'autre part, la circonstance qu'un ouvrage n'appartienne pas à une personne publique ne fait pas obstacle à ce qu'il soit regardé comme une dépendance d'un ouvrage public s'il présente, avec ce dernier, un lien physique ou fonctionnel tel qu'il doive être regardé comme un accessoire indispensable de l'ouvrage. Si tel est le cas, la collectivité propriétaire de l'ouvrage public est responsable des conséquences dommageables causées par cet élément de l'ouvrage public. Un mur destiné à soutenir une voie publique, qui passe en surplomb d'un terrain privé, constitue l'accessoire de la voie publique et présente le caractère d'un ouvrage public, alors même qu'il serait implanté dans sa totalité sur ce terrain privé. Est sans incidence sur cette qualification la circonstance que ce mur ait été édifié aux frais et sous le contrôle d'un particulier dans le cadre de travaux privés.
En ce qui concerne la responsabilité du département des Alpes-de-Haute-Provence :
4. Il résulte de l'instruction, éclairée par le rapport dressé par l'expert commis par le juge des référés du tribunal de grande instance de Digne-les-Bains, que l'effondrement du tronçon du mur en cause trouve son origine dans la circonstance que, mal dimensionné, construit sans armature d'acier et non équipé d'un système de drainage, et la rigole le jouxtant dans le prolongement de la voirie n'étant pas entretenue, ce mur n'a pas pu résister à une double pression exercée contre sa paroi par la " surcharge " résultant, d'une part, de l'augmentation des flux de circulation sur la route départementale (RD) n° 2096 qui passe en surplomb et dont la plateforme a été élargie depuis la construction de ce mur en 1941, et, d'autre part, par la poussée hydrostatique consécutive à un afflux d'eaux pluviales lors d'épisodes orageux et, en dernier lieu, lors de celui du 23 mars 2017. Alors même qu'il est implanté sur un terrain privé appartenant à la SCI Mathis et Théo et qu'il y a été construit par les précédents propriétaires de celui-ci, il résulte de l'instruction, et notamment des investigations d'études de sol réalisées, le 17 février 2020, au cours des opérations expertales, que ce mur, sur le tronçon qui s'est effondré, a pour fonction de soutenir les terres situées en amont ainsi que la structure de la chaussée. Par conséquent, ce mur exerce la fonction d'intérêt général de soutien indispensable de la voirie départementale. Avec la rigole qui le jouxte dans le prolongement de cette voirie, il constitue, par suite, un accessoire indispensable de cet ouvrage public et revêt le caractère d'une dépendance de celui-ci. Dans ces conditions, en tant que propriétaire de cette route départementale, le département des Alpes-de-Haute-Provence est responsable des dommages accidentels que ce mur a causés par sa chute aux tiers, dont la SCI Mathis et Théo.
En ce qui concerne la responsabilité de la commune de Corbières-en-Provence :
S'agissant du principe de responsabilité :
5. Il résulte de l'instruction, et en particulier des conclusions de l'expertise diligentée par le juge des référés du tribunal de grande instance de Digne-les-Bains, qu'en l'absence de canalisation des eaux pluviales, au niveau de la rue des Pins, l'ex-rue des Aires, qui se situe en face de la parcelle cadastrée section B n° 2041 et qui, en pente, descend vers la route départementale, les eaux pluviales en provenance du village se sont déversées sur cette parcelle et ont contribué à l'effondrement du mur en cause. D'ailleurs, il ressort du procès-verbal de constat d'huissier de justice versé aux débats que, dès le 24 mars 2017, un dispositif provisoire de déviation des eaux pluviales a été installé avant qu'un caniveau ne soit ultérieurement construit en travers de cette rue pour diriger ces eaux de pluie vers l'ouvrage de collecte existant situé en aval. Dans ces conditions, il est établi un lien de causalité direct et certain entre l'effondrement du mur, qui présente un caractère accidentel, et l'insuffisance du réseau d'évacuation des eaux pluviales, à la date de la réalisation du dommage. En sa qualité de tiers, la SCI Mathis et Théo est fondée à rechercher la responsabilité sans faute du gardien de cet ouvrage public, sans avoir à démontrer le caractère grave et spécial du préjudice qu'elle prétend subir.
S'agissant de la détermination de la personne publique responsable :
6. L'article L. 2226-1 du code général des collectivités territoriales dispose, depuis le 1er janvier 2015, que : " La gestion des eaux pluviales urbaines correspondant à la collecte, au transport, au stockage et au traitement des eaux pluviales des aires urbaines constitue un service public administratif relevant des communes, dénommé service public de gestion des eaux pluviales urbaines. (...) ". Aux termes de l'article L. 5216-5 du même code, dans sa rédaction en vigueur à compter du 1er janvier 2020 : " I. - La communauté d'agglomération exerce de plein droit au lieu et place des communes membres les compétences suivantes : / (...) 10° Gestion des eaux pluviales urbaines, au sens de l'article L. 2226-1. / La communauté d'agglomération peut déléguer, par convention, tout ou partie des compétences mentionnées aux 8° à 10° du présent I à l'une de ses communes membres. / (...) / Les compétences déléguées en application des treizième et quatorzième alinéas du présent I sont exercées au nom et pour le compte de la communauté d'agglomération délégante (...) ".
7. En outre, aux termes des dispositions du III de l'article L. 5211-5 du code général des collectivités territoriales, applicables à l'ensemble des établissements publics de coopération intercommunale : " Le transfert des compétences entraîne de plein droit l'application à l'ensemble des biens, équipements et services publics nécessaires à leur exercice, ainsi qu'à l'ensemble des droits et obligations qui leur sont attachés à la date du transfert, des dispositions des trois premiers alinéas de l'article L. 1321-1, des deux premiers alinéas de l'article L. 1321-2 et des articles L. 1321-3, L. 1321-4 et L. 1321-5. / (...) / L'établissement public de coopération intercommunale est substitué de plein droit, à la date du transfert des compétences, aux communes qui le créent dans toutes leurs délibérations et tous leurs actes. (...) ".
8. Enfin, l'article 133 de la loi susvisée du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République : " (...) XII. - Sauf dispositions contraires, pour tout transfert de compétence ou délégation de compétence prévu par le code général des collectivités territoriales, la collectivité territoriale ou l'établissement public est substitué de plein droit à l'Etat, à la collectivité ou à l'établissement public dans l'ensemble de ses droits et obligations, dans toutes ses délibérations et tous ses actes. (...) ".
9. Il résulte des dispositions citées au point 8, à l'application desquelles ne font pas obstacle les dispositions citées au point 7, que le transfert par une commune de compétences à un établissement public de coopération intercommunale implique la substitution de plein droit de cet établissement à la commune dans l'ensemble de ses droits et obligations attachés à cette compétence, y compris lorsque ces obligations trouvent leur origine dans un événement antérieur au transfert. Ainsi, ces dispositions, combinées à celles du 10° de l'article L. 5216-5 du code général des collectivités territoriales qui rendent les communautés d'agglomération compétentes en matière de gestion des eaux pluviales urbaines, en lieu et place de leurs communes membres, à compter du 1er janvier 2020, ont pour effet de substituer, pour ce qui est du réseau d'eaux pluviales urbaines existant sur le territoire d'une commune, à compter de cette même date, la communauté d'agglomération dont celle-ci est membre dans l'ensemble de ses droits et obligations, notamment en ce qui concerne les actions en responsabilité engagées par les propriétaires riverains de ce réseau pour demander la réparation des préjudices qu'ils estiment avoir subis du fait de cet ouvrage avant comme après le transfert de compétence.
10. En l'espèce, le lieu du dommage se situe dans une zone identifiée comme
" à urbaniser " dans le plan local d'urbanisme (PLU) de la commune de Corbières-en-Provence, qui est accessible tant au juge qu'aux parties sur le site Internet Géoportail de l'urbanisme, et les ouvrages dont l'insuffisance est mise en cause doivent donc être considérés comme faisant partie du réseau public d'eaux pluviales urbaines. Or, depuis le 1er janvier 2020, la communauté d'agglomération Durance-Luberon-Verdon-Agglomération est compétente de plein droit, en lieu et place de ses communes membres, dont la commune de Corbières-en-Provence, pour assurer le service public administratif de la gestion des eaux pluviales urbaines. Elle est en charge, à ce titre, de l'entretien du réseau public d'eaux pluviales urbaines existant sur le territoire de la commune de Corbières-en-Provence et est substituée à cette dernière dans les droits et obligations liés à cette compétence, y compris lorsque ces obligations trouvent leur origine dans un événement antérieur au transfert. A cet égard, en sa qualité de maître d'ouvrage du réseau public d'évacuation des eaux pluviales urbaines de la commune de Corbières-en-Provence, la communauté d'agglomération Durance-Luberon-Verdon-Agglomération est seule tenue de répondre des conséquences dommageables attachées à l'existence et au fonctionnement de ce réseau, survenues avant, comme après, la date de ce transfert de compétence, le 1er janvier 2020. Si, en l'espèce, la communauté d'agglomération Durance-Luberon-Verdon-Agglomération se prévaut de la convention de gestion pour l'exercice des missions relevant de la gestion des eaux pluviales que son président a signée avec le maire de Corbières-en-Provence le 8 mars 2021 par laquelle ont notamment été définis les éléments constitutifs du système de gestion des eaux pluviales urbaines en excluant une partie des ouvrages rattachés à la voirie, ces stipulations n'ont pas pu avoir pour objet ni pour effet, en application des dispositions rappelées ci-dessus, d'opérer un transfert de l'exercice de cette compétence au profit de la commune de Corbières-en-Provence, la compétence " gestion des eaux pluviales " demeurant exercée au nom et pour le compte de la communauté d'agglomération.
Au surplus, et en tout état de cause, cette convention n'a été signée que le 8 mars 2021 et, en l'absence de stipulation expresse le prévoyant, elle n'a pas d'effet rétroactif. Il s'ensuit que la commune de Corbières-en-Provence doit être mise hors de cause et que la communauté d'agglomération Durance-Luberon-Verdon-Agglomération est seule responsable des dommages subis par la SCI Mathis et Théo. Dans ces conditions, les conclusions de la SCI Mathis et Théo tendant à la réparation de ses préjudices doivent être regardées comme dirigées contre cet établissement public de coopération intercommunale et ce, alors même que cette dernière n'a pas présenté initialement de conclusions en ce sens et que la communauté d'agglomération Durance-Luberon-Verdon-Agglomération n'a pas elle-même été destinataire d'une réclamation indemnitaire préalable.
En ce qui concerne le partage de responsabilité :
11. Il sera fait une juste appréciation de la part de responsabilité incombant au département des Alpes-de-Haute-Provence et à la communauté d'agglomération Durance-Luberon-Verdon-Agglomération en la fixant à 80 %, pour le premier, et à 20 %, pour la seconde.
En ce qui concerne les causes exonératoires :
S'agissant de la force majeure :
12. Il ne résulte pas de l'instruction que les pluies qui se sont abattues sur le territoire de la commune de Corbières-en-Provence le 23 mars 2017 ont présenté un caractère de violence imprévisible et irrésistible constituant un cas de force majeure. En outre, si la commune de Corbières-en-Provence fait valoir que l'état de catastrophe naturelle a été reconnu, un tel arrêté n'a pas, en l'absence d'autres prévisions, pour effet de qualifier de force majeure l'évènement en cause. En tout état de cause, il résulte de l'instruction que cet état de catastrophe naturelle n'a été reconnu, pour cette commune, que par un arrêté conjoint du ministre d'Etat, ministre de l'intérieur, du ministre de l'économie et des finances, du ministre de l'action et des comptes publics, et de la ministre des outre-mer du 26 juin 2017, pour des inondations et des coulées de boue qui se sont déroulées le 5 avril 2017, et non pour l'épisode pluvieux qui a eu lieu le 23 mars 2017.
S'agissant de la faute de la victime :
13. Les intimées ne peuvent utilement, pour se dégager de leur responsabilité, se borner à reprocher à la SCI Mathis et Théo, qui, ainsi qu'il a été déjà dit, a la qualité de tiers vis-à-vis du mur qui constitue l'accessoire indispensable de la voie publique dont le département des
Alpes-de-Haute-Provence est le gardien, un défaut d'entretien de ce mur et de la rigole qui le jouxte dans le prolongement de la voirie dès lors que cet entretien incombe à ce département.
Par suite, les intimées ne sont pas fondées à se prévaloir d'une faute de la victime à ce titre.
S'agissant du fait du tiers :
14. Il résulte de l'instruction que le totem de l'ancienne station-service et son pied en béton positionnés en tête de mur qui, selon l'expert judiciaire, a constitué un facteur aggravant dans la chute de celui-ci, étaient implantés sur la parcelle cadastrée section B n° 2040 qui n'appartient pas à la SCI Mathis et Théo. Toutefois, la responsabilité du département des
Alpes-de-Haute-Provence et celle de la communauté d'agglomération Durance-Luberon-Verdon-Agglomération étant engagées sans faute à l'égard de la SCI Mathis et Théo, les intimés ne peuvent utilement invoquer le fait d'un tiers.
En ce qui concerne la réparation et l'évaluation des préjudices subis par la SCI Mathis
et Théo :
S'agissant des travaux de réfection du mur :
15. Ainsi qu'il a été dit, il résulte de l'instruction que le mur en cause soutient l'ouvrage public constitué par la voie départementale qui passe en surplomb et constitue, par suite, un accessoire indispensable de cet ouvrage. Par conséquent, ce mur de soutènement doit être regardé comme une dépendance du domaine public routier appartenant au département des Alpes-de-Haute-Provence. Sa reconstruction et son entretien incombent donc à ce département. Dès lors, le coût des travaux de réfection de ce mur ne constitue pas un préjudice propre dont la SCI Mathis et Théo serait fondée à demander réparation. Il suit de là que les conclusions à fin d'indemnisation relatives à ce chef de préjudice doivent être rejetées.
S'agissant des travaux de reconstruction du hangar :
16. Il résulte de l'instruction que le hangar d'une surface de 72 m2 appartenant à la SCI Mathis et Théo et situé sur la parcelle cadastrée section B n° 2041 a été détruit par l'effondrement du mur qui le jouxtait. La SCI Mathis et Théo a produit lors des opérations d'expertise un devis pour la démolition puis la reconstruction de ce hangar, à hauteur de 34 192,36 euros, ainsi qu'un devis d'un montant de 6 953,10 euros en vue du retrait des plaques ondulées contenant de l'amiante et constitutives du toit de ce hangar. Comme l'ont relevé à juste titre les premiers juges, il ne résulte de l'instruction ni que ces travaux ne correspondraient pas aux procédés techniques nécessaires, ni que ces sommes, qui ne sont au demeurant pas sérieusement contestées, seraient disproportionnées ou qu'elles excéderaient le coût de la valeur vénale de ce hangar. Par suite, et alors qu'il ne résulte pas davantage de l'instruction que la fragilité ou la vulnérabilité de ce hangar, et, en tout état de cause, sa vétusté, auraient joué un quelconque rôle causal dans l'apparition ou l'étendue des dommages, il y a lieu de condamner le département des Alpes-de-Haute-Provence et la communauté d'agglomération Durance-Luberon-Verdon-Agglomération à lui verser la somme totale de 41 145,46 euros au titre de la reconstruction du hangar.
S'agissant de l'indemnisation des voitures de collection :
17. Pour la première fois en cause d'appel, la SCI Mathis et Théo produit un procès-verbal de constat de commissaire de justice du 19 juin 2023 démontrant la présence de quatre véhicules qui ont été endommagés lors de l'effondrement du hangar et qui ont été évalués " dans l'état dans lequel il[s] étai[ent] lors de l'expertise ", le 2 novembre 2020, par un expert automobile à la somme de 15 400 euros. Toutefois, il ressort de cette dernière pièce que le propriétaire de ces voitures est M. A... B..., en son nom personnel, et non la SCI Mathis et Théo, laquelle n'est dès lors pas fondée à demander l'indemnisation de ces voitures de collection.
S'agissant du remboursement des frais et honoraires de l'expertise judiciaire :
18. L'expertise ordonnée à la demande de la SCI Mathis et Théo par le juge des référés du tribunal de grande instance de Digne-les-Bains a été utile à l'appréciation par la juridiction administrative des responsabilités encourues et des préjudices subis. Les frais et honoraires de cette expertise judiciaire, taxés et liquidés à la somme de 17 554,30 euros et mis la charge de la SCI Mathis et Théo par une ordonnance du 19 janvier 2021, rectifiée le 1er février suivant, doivent donc être comptés au nombre des préjudices dont l'appelante peut solliciter l'indemnisation.
La SCI Mathis et Théo est dès lors fondée à demander la condamnation du département des Alpes-de-Haute-Provence et de la communauté d'agglomération Durance-Luberon-Verdon-Agglomération à lui verser cette somme de 17 554,30 euros.
19. Il résulte de tout ce qui précède que la SCI Mathis et Théo n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par son jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a condamné le département des Alpes-de-Haute-Provence à lui verser la somme de 46 959,81 euros. En revanche, la communauté d'agglomération Durance-Luberon-Verdon-Agglomération devant être condamnée à verser à cette société la somme de 11 739,95 euros en lieu et place de la commune de Corbières-en-Provence, il y a lieu, pour la Cour, de prononcer cette condamnation et, en conséquence, et dans cette mesure, de réformer ce jugement.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
20. Lorsque le juge administratif condamne une personne publique responsable de dommages qui trouvent leur origine dans l'exécution de travaux publics ou dans l'existence ou le fonctionnement d'un ouvrage public, il peut, saisi de conclusions en ce sens, s'il constate qu'un dommage perdure à la date à laquelle il statue du fait de la faute que commet, en s'abstenant de prendre les mesures de nature à y mettre fin ou à en pallier les effets, la personne publique, enjoindre à celle-ci de prendre de telles mesures. Pour apprécier si la personne publique commet, par son abstention, une faute, il lui incombe, en prenant en compte l'ensemble des circonstances de fait à la date de sa décision, de vérifier d'abord si la persistance du dommage trouve son origine non dans la seule réalisation de travaux ou la seule existence d'un ouvrage, mais dans l'exécution défectueuse des travaux ou dans un défaut ou un fonctionnement anormal de l'ouvrage et, si tel est le cas, de s'assurer qu'aucun motif d'intérêt général, qui peut tenir au coût manifestement disproportionné des mesures à prendre par rapport au préjudice subi, ou aucun droit de tiers ne justifie l'abstention de la personne publique. En l'absence de toute abstention fautive de la personne publique, le juge ne peut faire droit à une demande d'injonction, mais il peut décider que l'administration aura le choix entre le versement d'une indemnité dont il fixe le montant et la réalisation de mesures dont il définit la nature et les délais d'exécution.
21. Pour la mise en œuvre des pouvoirs décrits ci-dessus, il appartient au juge, saisi de conclusions tendant à ce que la responsabilité de la personne publique soit engagée, de se prononcer sur les modalités de la réparation du dommage, au nombre desquelles figure le prononcé d'injonctions, dans les conditions définies au point précédent.
22. Le juge administratif ne peut être saisi, dans le cadre d'une action en responsabilité sans faute pour dommages de travaux publics, de conclusions tendant à ce qu'il enjoigne à la personne publique de prendre les mesures de nature à mettre fin au dommage ou à en pallier les effets, qu'en complément de conclusions indemnitaires.
23. Il résulte de l'instruction que le dommage constitué par la dégradation du mur partiellement effondré perdure à la date du présent arrêt. Le département des Alpes-de-Haute-Provence ne fait état d'aucun motif d'intérêt général l'ayant conduit à différer les travaux de remise en état de ce mur au droit de la propriété de la SCI Mathis et Théo, ni d'un droit des tiers auquel sa reconstruction pourrait porter atteinte. Dans ces conditions, l'abstention du département des Alpes-de-Haute-Provence de mettre fin à ce dommage susceptible de menacer la stabilité de la voie publique présente un caractère fautif. Par suite, il y a lieu de faire droit aux conclusions complémentaires et ayant trait aux modalités de la réparation d'un dommage, présentées pour la première fois en appel par la SCI Mathis et Théo, et tendant à ce qu'il soit enjoint à ce département de réaliser les travaux de réfection du mur dans un délai qu'il convient de fixer à quatre mois à compter de la notification du présent arrêt. Par ailleurs, et par voie de conséquence, il y a lieu de rejeter, les conclusions, à supposer qu'elles en soient, du département intimé tendant à ce qu'il soit enjoint à la SCI Mathis et Théo de " déconstrui[re] le mur et son remblaiement et [de] restitu[er] le talus routier initial et toujours existant dans la continuité. "
Sur l'appel en garantie présenté par la communauté d'agglomération Durance-Lubéron-Verdon-Agglomération à l'encontre de la commune de Corbières-en-Provence :
24. Conformément à ce qui a été dit au point 10 ci-dessus du présent arrêt, la commune de Corbières-en-Provence n'ayant, compte tenu du transfert de compétence intervenu, aucune part de responsabilité dans les préjudices indemnisés et devant être mise hors de cause, les conclusions présentées par la communauté d'agglomération Durance-Provence-Verdon-Agglomération tendant à ce que cette commune la garantisse de toute condamnation prononcée à son encontre ne peuvent qu'être rejetées, sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir qui leur est opposée par la SCI Mathis et Théo.
Sur les frais liés au litige :
25. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Les parties peuvent produire les justificatifs des sommes qu'elles demandent et le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. "
26. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de laisser à la charge des parties les frais non compris dans les dépens qu'elles ont exposés dans le cadre de la présente instance.
D E C I D E :
Article 1er : La commune de Corbières-en-Provence est mise hors de cause.
Article 2 : La communauté d'agglomération Durance-Luberon-Verdon-Agglomération est condamnée à verser à la SCI Mathis et Théo une somme de 11 739,95 euros.
Article 3 : Le jugement n° 2105123 du tribunal administratif de Marseille du 20 avril 2023 est réformé en ce qu'il a de contraire aux articles 1er et 2 du présent arrêt.
Article 4 : Il est enjoint au département des Alpes-de-Haute-Provence de réaliser les travaux de réfection du mur soutenant la route départementale (RD) n° 4096, au droit de la propriété de la SCI Mathis et Théo, dans un délai de quatre mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 5 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à la société civile immobilière (SCI) Mathis et Théo, au département des Alpes-de-Haute-Provence, à la commune de Corbières-en-Provence et à la communauté d'agglomération Durance-Provence-Verdon-Agglomération.
Délibéré après l'audience du 29 avril 2025, où siégeaient :
- M. Duchon-Doris, président de la Cour,
- M. Revert, président assesseur,
- M. Lombart, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 13 mai 2025.
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No 23MA01504