Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Marseille, d'une part, d'annuler l'arrêté du 26 mai 2023 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a rejeté sa demande de titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel cette obligation pourra, le cas échéant, être exécutée d'office, d'autre part, d'enjoindre à l'administration, sous astreinte, de lui délivrer une carte de séjour temporaire, ou subsidiairement, de réexaminer sa situation.
Par un jugement n° 2308120 du 13 décembre 2023, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 7 mai 2024, Mme A..., représentée par Me Coulet-Rocchia, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Marseille du 13 décembre 2023 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône du 26 mai 2023 ;
3°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône, à titre principal, de lui délivrer une carte de séjour temporaire dans un délai d'un mois à compter de la notification de la décision à intervenir sous astreinte de 150 euros par jour de retard, et subsidiairement de procéder à un nouvel examen de sa situation, sous les mêmes conditions de délai et d'astreinte, en lui délivrant dans l'attente une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros à verser à son conseil au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- le tribunal a omis de statuer sur le moyen tiré de ce que la décision portant refus de titre de séjour est entachée d'une erreur d'appréciation en ce que le préfet a considéré que sa présence constituait une menace pour l'ordre public au sens de l'article L. 432-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision portant refus de titre de séjour est insuffisamment motivée ;
- elle est entachée d'une erreur d'appréciation dès lors que le préfet a considéré que sa présence constituait une menace pour l'ordre public au sens de l'article L. 432-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire est insuffisamment motivée en droit ;
- elle est dépourvue de base légale dès lors qu'elle se fonde sur l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui méconnaît les objectifs de la directive 2008/115/CE ;
- elle est illégale en conséquence de l'illégalité de la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 29 mars 2024.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la Cour a désigné Mme Aurélia Vincent, présidente assesseure, pour présider la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Poullain a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A..., de nationalité comorienne, née le 31 décembre 1983, relève appel du jugement du 13 décembre 2023 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande dirigée contre l'arrêté du 26 mai 2023 du préfet des Bouches-du-Rhône lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays à destination duquel cette obligation pourra, le cas échéant, être exécutée d'office.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. En première instance, Mme A... soutenait que le préfet avait considéré à tort qu'elle constituait une menace pour l'ordre public au sens des dispositions de l'article L. 432-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour lui refuser la délivrance d'un titre de séjour. Le tribunal administratif de Marseille n'a pas visé ce moyen et n'y a pas répondu. Son jugement est, par suite, irrégulier et doit être annulé.
3. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par Mme A... devant le tribunal administratif.
Sur le bien-fondé de la demande :
En ce qui concerne la décision portant refus de titre de séjour :
4. En premier lieu, d'une part, l'arrêté contesté vise les textes dont il fait application, notamment les articles L. 423-7 et L. 432-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ainsi que l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. D'autre part, il comporte les considérations de fait sur lesquelles il se fonde, à savoir les conditions dans lesquelles la requérante est entrée sur le territoire, le rapport d'analyses biologiques établi au sujet de la filiation paternelle de sa fille aînée, les déclarations faites par Mme A... devant les services de police et les suspicions de reconnaissance frauduleuse de paternité, ainsi que les éléments relatifs à la vie privée et familiale de l'intéressée. Dès lors, le préfet, qui n'est pas tenu de mentionner tous les éléments relatifs à la situation de l'étranger, a suffisamment motivé sa décision.
5. En deuxième lieu, d'une part, aux termes de l'article L. 423-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France et qui établit contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil, depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1 ". D'autre part, aux termes de l'article L. 432-1 du même code : " La délivrance d'une carte de séjour temporaire ou pluriannuelle ou d'une carte de résident peut, par une décision motivée, être refusée à tout étranger dont la présence en France constitue une menace pour l'ordre public ".
6. Alors que Mme A... a demandé son admission au séjour en qualité de parent d'enfant français, elle ne conteste pas qu'aucun de ses enfants ne détient la nationalité française et qu'elle ne pouvait dès lors se prévaloir des dispositions de l'article L. 423-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que l'a relevé le préfet dans la décision attaquée. Si ce dernier a également motivé sa décision par la menace pour l'ordre public que la présence de Mme A... sur le territoire représenterait, il résulte de l'instruction qu'il aurait pris la même décision s'il s'était seulement fondé sur la circonstance que Mme A... ne remplissait pas les conditions fixées par les dispositions de l'article L. 423-7. Par suite, sont sans incidence les faits que, par un jugement correctionnel du 24 mai 2023, le tribunal judiciaire de Marseille a relaxé Mme A... des fins de poursuites pour complicité du délit de reconnaissance frauduleuse de paternité et pour avoir obtenu, par des moyens frauduleux, la délivrance indue d'un document destiné à constater un droit, une identité ou une qualité ou à accorder une autorisation, et que la présence de l'intéressée sur le territoire ne constituerait pas une menace pour l'ordre public.
7. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / (...) ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
8. Mme A..., mère de trois enfants de nationalité comorienne, nés sur le territoire français en 2018, 2021 et 2022, n'établit pas qu'elle aurait vécu en concubinage avec un ressortissant de nationalité française. Il ne ressort pas des pièces du dossier, notamment de ses contrats de travail à durée déterminée et à temps partiel des 17 septembre et 1er décembre 2021, de son avenant au contrat de travail du 16 novembre 2021, de l'attestation employeur de fin de contrat du 9 janvier 2022 et de ses bulletins de salaire, qu'elle justifierait d'une intégration socio-professionnelle significative. Ainsi, alors même qu'elle serait entrée sur le territoire le 7 juillet 2017 et qu'elle y résiderait continuellement depuis, Mme A... ne justifie pas de liens suffisamment intenses, anciens et stables sur le territoire français et ne démontre pas être dans l'impossibilité de reconstituer sa cellule familiale dans son pays d'origine, où résident ses parents. Dans ces conditions, le préfet des Bouches-du-Rhône n'a pas porté au droit de l'intéressée au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels la décision portant refus de droit au séjour a été prise. Par suite, les moyens tirés de ce que cette décision méconnaîtrait les dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doivent être écartés.
9. En quatrième lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".
10. Comme précédemment exposé, Mme A... et ses enfants sont tous les quatre de nationalité comorienne et il n'est fait état d'aucun obstacle s'opposant à ce que leur cellule familiale se reconstitue dans leur pays d'origine. Dès lors, l'arrêté en litige n'a ni pour objet, ni pour effet de séparer Mme A... de ses enfants. La requérante n'est ainsi pas fondée à soutenir que la décision portant refus de droit au séjour méconnaîtrait les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
11. En premier lieu, l'arrêté en litige vise le 3° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dont les dispositions prévoient que l'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsque ce dernier s'est vu refuser la délivrance d'un titre de séjour. La requérante n'est, dès lors, pas fondée à soutenir que l'arrêté serait à cet égard insuffisamment motivé.
12. En deuxième lieu, les dispositions de l'article L. 613-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, antérieurement codifiées à l'article L. 511-1, prévoient que l'obligation de quitter le territoire français, si elle doit être motivée, n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour dans le cas, comme en l'espèce, où un titre de séjour a été refusé à l'étranger. Ces dispositions ne sont pas incompatibles avec les objectifs de la directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008 dont l'article 12 dispose que : " les décisions de retour (...) indiquent leurs motifs de fait et de droit (...) ", lesquels n'excluent pas que la motivation de l'obligation de quitter le territoire français puisse se confondre avec celle du refus de titre de séjour qu'elle assortit et dont elle découle alors nécessairement. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français serait privée de base légale en raison de l'illégalité de ces dispositions ne peut qu'être écarté.
13. En troisième lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 8, le moyen tiré de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire méconnaitrait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
14. En dernier lieu, il résulte de ce qui a été exposé précédemment que la décision portant refus de titre de séjour n'est pas illégale. Par suite, le moyen tiré, par la voie de l'exception, de l'illégalité de cette décision, présenté à l'encontre de la décision portant obligation de quitter le territoire français ne peut qu'être écarté.
15. Il résulte de ce qui précède que les conclusions de Mme A... tendant à l'annulation de l'arrêté litigieux doivent être rejetées, de même que ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte et celles présentées au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 2308120 du 13 décembre 2023 du tribunal administratif de Marseille est annulé.
Article 2 : La demande de première instance de Mme A..., ainsi que le surplus de ses conclusions d'appel, sont rejetés.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A..., à Me Coulet-Rocchia et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône.
Délibéré après l'audience du 23 mai 2025, à laquelle siégeaient :
- Mme Vincent, présidente assesseure, présidente de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,
- M. Point, premier conseiller,
- Mme Poullain, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 5 juin 2025.
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N° 24MA01167
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