Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Le président du directoire du grand port maritime de Marseille a déféré au tribunal administratif de Marseille, comme prévenu d'une contravention de grande voirie, M. A... B... et a demandé à la juridiction, d'une part, de constater que les faits établis par le procès-verbal du 16 décembre 2022 constituent la contravention prévue et réprimée par les articles R. 5337-1 et R. 5333-24 du code des transports et l'article L. 2132-26 du code général de la propriété des personnes publiques, et d'autre part, de condamner en conséquence M. B... au paiement d'une amende de 1 500 euros. Il a également sollicité le remboursement des frais d'établissement et de notification du procès-verbal, ainsi que de notification du jugement à intervenir, d'un montant de 320,02 euros, et la mise à la charge de M. B... des frais d'instance.
Par un jugement n° 2302292 du 22 février 2024, le tribunal administratif de Marseille a condamné M. B... à payer une amende de 1 000 euros et a mis à sa charge, outre une somme de 300 euros au titre des frais d'instance, une somme de 240,02 euros au titre des frais de procès-verbal. Il a rejeté le surplus de la demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 28 mai 2024 et 12 janvier 2025, ainsi qu'un mémoire enregistré le 31 janvier 2025 et non communiqué, M. B..., représenté par Me Christine Bonnefoi, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du 22 février 2024 ;
2°) de le relaxer de toutes poursuites ;
3°) de reconnaître qu'il subit un préjudice professionnel et moral ;
4°) de condamner le grand port maritime de Marseille à lui rembourser ses frais d'avocat, d'un montant de 1 200 euros TTC, et de mettre en outre à sa charge les dépens de l'instance ainsi qu'une somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le procès-verbal de contravention ne lui a pas été notifié ; il a été envoyé à une mauvaise adresse ;
- le délai de 10 jours fixé par l'article L. 774-2 du code de justice administrative n'a pas été respecté ;
- le procès-verbal est insuffisamment précis ;
- le passage de gros navires dans la passe du port de Lavéra le matin du constat est incompatible avec la présence du filet de pêche allégué et son enlèvement pendant 45 minutes en fin de matinée ; aucun contact radio n'a été établi ; aucune alerte n'a été faite et la gendarmerie n'est pas intervenue ;
- il ressort de son journal de pêche que le navire a pêché dans une autre zone ce matin-là ; la profondeur de pêche, qui correspond à ses captures, ne peut être celle de la passe litigieuse ;
- aucun dommage n'a été causé au domaine public.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 16 juillet 2024 et 22 janvier 2025, le grand port maritime de Marseille, représenté par Me Morabito, conclut au rejet de la requête et à ce que les dépens ainsi qu'une somme de 1 500 euros soient mis à la charge de M. B... au titre des articles R. 761-1 et L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que les conclusions tendant à la reconnaissance d'un préjudice sont irrecevables faute de liaison du contentieux et que la requête est non fondée dans les moyens qu'elle soulève.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des transports ;
- le code général de la propriété des personnes publiques ;
- le code de justice administrative.
Le président de la Cour a désigné Mme Aurélia Vincent, présidente assesseure, pour présider la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Poullain,
- les conclusions de M. Guillaumont, rapporteur public,
- et les observations de Me Bonnefoi, représentant M. B....
Considérant ce qui suit :
1. Par procès-verbal du 16 décembre 2022, l'officier de port adjoint au grand port maritime de Marseille a constaté que le navire Shark IV, dont M. B... est propriétaire, avait relevé un filet de pêche dans la passe d'accès au port de Lavéra. M. B... relève appel du jugement du 22 février 2024 par lequel le tribunal administratif de Marseille, ayant constaté qu'une contravention de grande voirie était constituée, l'a condamné à payer une amende de 1 000 euros et a mis à sa charge, outre une somme de 300 euros au titre des frais d'instance, une somme de 240,02 euros au titre des frais de procès-verbal.
2. D'une part, aux termes de l'article R. 5337-1 du code des transports : " Constitue une contravention de grande voirie la violation des interdictions ou le manquement aux obligations prévues par le règlement général de police défini au chapitre III et par les règlements locaux le complétant. / Sauf disposition législative contraire, ces contraventions sont punies de l'amende prévue par le premier alinéa de l'article L. 2132-26 du code général de la propriété des personnes publiques ". Aux termes de l'article R. 5333-24 du même code, figurant dans son chapitre III portant règlement général de police : " Dans les limites administratives du port, il est interdit, sauf si le règlement particulier du port en dispose autrement ou si une autorisation exceptionnelle est accordée par l'autorité portuaire : / (...) ; / 2° De pêcher ; / (...) ". Le règlement particulier de police des pêches dans le grand port maritime, n° 13-2020-07-22-002 du 22 juillet 2020, précise en son article 3.2 : " Hormis le cas des pêches traditionnelles et culturelles, la pose des arts dormants sont strictement interdites dans les chenaux, les voies d'accès et les passes, ainsi que dans certaines parties des darses situées à l'intérieur des limites administratives du GPMM. / Tout engin de pêche mouillé ou ayant dérivé dans ces zones pourra être retiré aux risques et périls du propriétaire par les forces de l'ordre, la police des pêches ou les services de l'autorité investie du pouvoir de police portuaire ". L'article L. 2132-26 du code général de la propriété des personnes publiques fixe le montant maximum de l'amende encourue par renvoi à celui prévu par le 5° de l'article 131-13 du code pénal, à savoir 1 500 euros.
3. D'autre part, aux termes de l'article L. 5337-2 du code des transports : " Ont compétence pour constater les contraventions de grande voirie prévues par les dispositions du présent titre et les textes pris pour leur application : / 1° Les officiers de port et officiers de port adjoints ; / (...) ".
4. Le procès-verbal du 16 décembre 2022, qui fait foi jusqu'à preuve du contraire, mentionne que le filet de pêche présent toute la matinée dans la passe d'accès au bassin de Lavéra entre le feu de musoir du port de la Lecque et le Fort de Bouc et obstruant cette passe a été relevé entre onze heures trente et douze heures quinze par le navire SHARK IV, immatriculé MA 924205, commandé par M B.... Toutefois, ce document, qui n'est assorti d'aucune photographie ou plan, ne donne aucune autre précision sur les modalités du constat et sur la position exacte dudit filet et du navire mis en cause, et notamment aucune coordonnée GPS, alors que ladite passe est bordée par une zone de pêche professionnelle autorisée au filet, y compris entre le feu et le fort désignés. Dans ces circonstances, alors que M. B..., qui conteste toute infraction, fait valoir que plusieurs gros navires sont entrés et sortis du port pétrolier de Lavéra durant la matinée du 16 décembre 2022, qu'aucun contact, même simplement radio, n'a été établi à ce sujet au moment des faits litigieux entre le personnel du port et le commandant du navire, et que le journal de pêche du navire ne rapporte pas une pêche à si faible profondeur, la motivation de ce procès-verbal ne permet pas de s'assurer de la matérialité des faits et est, dès lors, insuffisante.
5. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Marseille l'a, par le jugement attaqué, condamné à payer une amende de 1 000 euros et a mis à sa charge des frais d'instance et de procès-verbal. Il y a lieu d'annuler ce jugement et de relaxer M. B... des fins de la poursuite.
6. A supposer que M. B... ait entendu présenter des conclusions indemnitaires en sollicitant de la juridiction qu'elle reconnaisse qu'il a subi un préjudice, celles-ci sont, en tout état de cause, irrecevables faute de demande indemnitaire préalable.
7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de M. B... qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du grand port maritime de Marseille une somme de 1 200 euros à verser à M. B... sur leur fondement, cette somme correspondant aux frais d'avocat qu'il justifie avoir exposés.
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 2302292 du 22 février 2024 du tribunal administratif de Marseille est annulé.
Article 2 : M. B... est relaxé des fins de la poursuite.
Article 3 : Le grand port maritime de Marseille versera la somme de 1 200 euros à M. B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au grand port maritime de Marseille.
Délibéré après l'audience du 23 mai 2025, à laquelle siégeaient :
- Mme Vincent, présidente assesseure, présidente de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,
- M. Point, premier conseiller,
- Mme Poullain, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 5 juin 2025.
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N° 24MA01330
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