La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

11/06/2025 | FRANCE | N°23MA02071

France | France, Cour administrative d'appel de MARSEILLE, 4ème chambre, 11 juin 2025, 23MA02071


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La société par actions simplifiées (SAS) Grand Casino de Bandol a demandé au tribunal administratif de Toulon de condamner la commune de Sanary-sur-Mer, d'une part, à lui verser la somme de 1 560 000 euros à titre de dommages-intérêts pour la période allant de septembre 2018 à la date d'introduction de la requête, ainsi que l'équivalent de la moitié de la perte annuelle de rentabilité subie soit 782 500 euros et 65 000 euros par mois, de la date d'introduction de la requ

te jusqu'à la date d'intervention de la décision judiciaire définitive statuant sur l'ac...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiées (SAS) Grand Casino de Bandol a demandé au tribunal administratif de Toulon de condamner la commune de Sanary-sur-Mer, d'une part, à lui verser la somme de 1 560 000 euros à titre de dommages-intérêts pour la période allant de septembre 2018 à la date d'introduction de la requête, ainsi que l'équivalent de la moitié de la perte annuelle de rentabilité subie soit 782 500 euros et 65 000 euros par mois, de la date d'introduction de la requête jusqu'à la date d'intervention de la décision judiciaire définitive statuant sur l'action en nullité de l'arrêté du 24 février 2017 et la fermeture définitive du casino de Sanary-sur-Mer et, d'autre part, à compenser sa perte de rentabilité de 65 000 euros par mois de dommages et intérêts à compter de la date de la décision judiciaire définitive statuant sur l'action en nullité précitée jusqu'à la fin de la concession du Grand Casino de Bandol, le 25 mars 2029, dans le cas où l'annulation de l'arrêté ministériel d'autorisation de jeux du 4 février 2017 ne serait pas prononcée par la juridiction compétente.

Par un jugement n° 2002245 du 12 juin 2023, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande et a mis à sa charge une somme de 2 000 euros à verser à la commune de Sanary-sur-Mer au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 7 août 2023, la SAS Grand Casino de Bandol, représentée par Me Sebag, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulon du 12 juin 2023 ;

2°) de condamner la commune de Sanary-sur-Mer à lui verser, en réparation du préjudice subi du fait de l'ouverture de son casino en septembre 2018, d'une part, la somme de

1 560 000 euros pour la période allant de septembre 2018 à la date d'introduction de la présente procédure et, d'autre part, l'équivalent de la moitié de la perte annuelle de rentabilité qu'elle a subie soit 782 500 euros et 65 000 euros par mois, pour la période allant de la date d'introduction de la présente procédure jusqu'au 25 mars 2029, date de la fin de son actuelle convention de délégation de service public ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Sanary-sur-Mer et/ou de l'agent judiciaire du Trésor public les entiers dépens et une somme de 5 000 euros en application de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- sa demande indemnitaire était recevable ;

- la commune a commis une faute en ne présentant pas de manière sincère au ministre compétent le projet de casino en cause, en méconnaissant ses engagements au sein de l'intercommunalité Sud-Sainte-Baume et en mettant en péril un service public existant ;

- elle a subi un préjudice financier à partir d'octobre 2018 du fait de l'ouverture sur la commune de Sanary-sur-mer d'un établissement de jeux.

Par un mémoire en défense, enregistré le 27 octobre 2023, la commune de

Sanary-sur-Mer, représentée par Me Hamon du cabinet Admys avocats AARPI, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la requérante la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La commune fait valoir que :

- la requête d'appel est irrecevable pour défaut de motivation ;

- l'appelante ne démontre pas l'existence d'un lien de causalité entre les fautes alléguées et le préjudice financier invoqué ;

- son moyen tiré de la faute commise par la commune en se comportant comme un entrepreneur privé, insuffisamment précis, est nouveau en appel ;

- les moyens d'appel ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 17 décembre 2024, la clôture de l'instruction a été fixée au

6 janvier 2025 à 12 heures.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de la sécurité intérieure ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Revert,

- les conclusions de Mme Balaresque, rapporteure publique,

- et les observations de Me Groentzinger, substituant Me Hamon, représentant la commune de Sanary-sur-Mer.

Considérant ce qui suit :

1. Après la conclusion le 4 mai 2010 entre la commune de Sanary-sur-Mer et la société Viking Casino, devenue société d'exploitation du Casino de Sanary-sur-Mer, d'une convention de délégation de service public pour l'exploitation sur cette commune d'un établissement de jeux, pour une durée de vingt ans, le casino de Sanary-sur-Mer a été autorisé par arrêté du ministre de l'intérieur du 26 mars 2012, jusqu'au 28 février 2017, pour l'exploitation de trois tables de jeux, et de cent machines à sous, sur un terrain de près de 13 000 m2, sis 1261 Chemin de Saint-Roch. Après avis favorable de la commission consultative de jeux et de casinos du

7 février 2017, le ministre de l'intérieur a renouvelé cette autorisation par un arrêté du

24 février 2017. Les recours de la SAS Grand Casino de Bandol contre l'autorisation du

26 mars 2012 et le renouvellement de cette autorisation du 24 février 2017 ont été rejetés par jugements du tribunal administratif de Toulon du 6 février 2014 et du 11 juillet 2019, contre lesquels les appels de cette société ont été également rejetés par arrêts irrévocables de la Cour du

26 juin 2015 et du 4 novembre 2020. En réponse à la demande de la commune de Sanary-sur-Mer tendant à ce qu'elle lui verse la somme de dix millions d'euros au titre du préjudice que son opposition au projet de casino lui aurait fait subir, la SAS Grand Casino de Bandol a demandé à la commune, par lettre du 23 janvier 2020, de lui verser la somme de 12, 5 millions d'euros en réparation des pertes financières qu'elle dit avoir subies du fait des décisions ministérielles.

Par un jugement du 12 juin 2023, dont la SAS Grand Casino de Bandol relève appel, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la commune de Sanary-sur-Mer à lui verser des sommes en réparation du préjudice financier qu'elle estime avoir subi du fait de l'ouverture du casino de Sanary-sur-Mer.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. En premier lieu, pour prétendre que la commune de Sanary-sur-Mer, membre de la communauté d'agglomération Sud-Sainte-Baume, a commis une faute au regard de ses obligations et engagements intercommunaux en favorisant sur son territoire un projet de casino qui aurait des conséquences financières négatives pour la commune de Bandol, également membre de cet établissement public de coopération intercommunale, la SAS Grand Casino de Bandol ne peut utilement se prévaloir du principe de solidarité à valeur constitutionnelle, ni d'un principe de solidarité qui découlerait des relations unissant les communes membres de la communauté d'agglomération Sud-Sainte-Baume. En effet, d'une part, la compétence lui permettant de déléguer le service public du développement économique, culturel et touristique, n'est pas au nombre de celles qui ont été transférées de plein droit à cette communauté en application des dispositions du I de l'article L. 5216-5 du code général des collectivités territoriales, ni au nombre de celles qui l'ont été de manière facultative en application du II du même article. D'autre part, en tant que commune station de tourisme, la commune de Sanary-sur-Mer a conservé la compétence relative à la promotion du tourisme sur son territoire suivant une délibération du 8 février 2017, prise en application de l'article L. 133-13 du code du tourisme.

3. En deuxième lieu, s'il n'est pas sérieusement contesté par la requérante, dont l'argumentation en ce sens a d'ailleurs déjà été écartée par l'arrêt de la Cour du

4 novembre 2020, que la demande de renouvellement de l'autorisation d'établissement de jeux présentée le 14 octobre 2016 portait sur un projet identique à celui qui avait été initialement autorisé et comportait notamment une partie hôtelière à implanter sur le même terrain que le casino, il ne résulte pas de l'arrêté de permis de construire modificatif délivré au porteur de ce projet le 16 mars 2017, que les modifications qui y ont été alors apportées, concernant notamment l'extension de la salle de restauration ou de spectacles et la création de 34 places de stationnement supplémentaires, emporteraient suppression de cette partie de l'opération et son déplacement sur un autre terrain. Ainsi, la seule circonstance que, par une délibération du

22 février 2018, prise après avis de la commission communale de délégation de service public du 14 février 2018, le conseil municipal a approuvé un avenant n° 3 à la convention de délégation de service public relative à l'exploitation du casino, incluant un déplacement de la partie hôtelière du projet et se réfère à l'annonce par le porteur du projet d'une prochaine demande de modification de son autorisation pour l'exploitation de machines à sous et de jeux supplémentaires, n'est pas de nature à révéler que, dès l'établissement du cahier des charges produit à l'appui de la demande de renouvellement de l'autorisation et dès le dépôt de cette demande, la commune de Sanary-sur-Mer et la société exploitante avaient l'intention commune de tirer plus de droits que l'autorisation sollicitée. Il ne résulte en outre pas de l'instruction que le renouvellement de l'autorisation n'aurait pas été accordé par le ministre de l'intérieur si la demande avait prévu un déplacement de l'hôtel sur un autre terrain que le casino. Il suit de là que la SAS Grand Casino de Bandol n'établit pas que l'autorisation de renouvellement du 24 février 2017 aurait été délivrée sous l'effet de la fraude, ni qu'à cette occasion la commune de Sanary-sur-Mer se serait comportée de manière déloyale et insincère à l'égard de l'autorité compétente pour statuer sur la demande.

4. En troisième lieu, à supposer cette argumentation distincte des considérations précédentes, l'affirmation de la SAS Grand Casino de Bandol suivant laquelle la commune de Sanary-sur-Mer aurait mis en péril un service public existant n'est pas assortie des précisions suffisantes pour en apprécier le bien-fondé.

5. Au demeurant, la décision par laquelle l'administration rejette une réclamation tendant à la réparation des conséquences dommageables d'un fait qui lui est imputé lie le contentieux indemnitaire à l'égard du demandeur pour l'ensemble des dommages causés par ce fait générateur, quels que soient les chefs de préjudice auxquels se rattachent les dommages invoqués par la victime et que sa réclamation ait ou non spécifié les chefs de préjudice en question.

6. La demande formée le 23 janvier 2020 par la SAS Grand Casino de Bandol et reçue par la commune de Sanary-sur-Mer le 27 janvier 2020, tendait à la réparation, par le versement d'une somme de 12, 5 millions d'euros, du préjudice financier que la société affirmait avoir subi du fait des décisions du ministre de l'intérieur autorisant l'établissement de jeux sur le territoire de cette commune et renouvelant cette autorisation. Ainsi, la demande contentieuse présentée devant le tribunal, qui se fonde sur les fautes commises par la commune de Sanary-sur-Mer dans la présentation au ministre de l'intérieur du projet de casino sur son territoire, dans l'exécution de ses engagements au sein de la communauté d'agglomération à l'égard des autres communes membres, et dans ses obligations de service public, porte sur un fait générateur différent de celui auquel la société imputait ses dommages dans sa demande d'indemnisation préalablement présentée à la commune. Ainsi, faute de porter sur des préjudices qui se rattachent au même fait générateur que celui invoqué dans sa demande préalable, la demande contentieuse de la SAS Grand Casino de Bandol, pour laquelle le contentieux n'avait pas été lié, n'était pas recevable.

7. Il résulte de tout ce qui précède que la SAS Grand Casino de Bandol n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande indemnitaire dirigée contre la commune de Sanary-sur-Mer.

Sur les frais liés au litige :

8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de la commune de Sanary-sur-Mer, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, au titre des frais exposés par la SAS Casino de Bandol et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la SAS Grand Casino de Bandol une somme de 2 000 euros au bénéfice de la commune de

Sanary-sur-Mer, en application de ces mêmes dispositions.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la SAS Grand Casino de Bandol est rejetée.

Article 2 : La SAS Grand Casino de Bandol versera à la commune de Sanary-sur-Mer une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société par actions simplifiées Grand Casino de Bandol et à la commune de Sanary-sur-Mer.

Délibéré après l'audience du 27 mai 2025, où siégeaient :

- M. Marcovici, président,

- M. Revert, président assesseur,

- M. Martin, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 11 juin 2025.

N° 23MA020712


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de MARSEILLE
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 23MA02071
Date de la décision : 11/06/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

63-02 Sports et jeux. - Casinos.


Composition du Tribunal
Président : M. MARCOVICI
Rapporteur ?: M. Michaël REVERT
Rapporteur public ?: Mme BALARESQUE
Avocat(s) : SEBAG

Origine de la décision
Date de l'import : 29/06/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-06-11;23ma02071 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award