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11/06/2025 | FRANCE | N°24MA01147

France | France, Cour administrative d'appel de MARSEILLE, 4ème chambre, 11 juin 2025, 24MA01147


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :



M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Nice, d'une part, d'annuler la décision implicite de rejet résultant du silence gardé par le préfet des Alpes-Maritimes sur sa demande du 23 juin 2022 tendant à la délivrance d'un titre de séjour, d'autre part, d'enjoindre à ce même préfet de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la notification du jugement à intervenir et, en

fin, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros en application des dis...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Nice, d'une part, d'annuler la décision implicite de rejet résultant du silence gardé par le préfet des Alpes-Maritimes sur sa demande du 23 juin 2022 tendant à la délivrance d'un titre de séjour, d'autre part, d'enjoindre à ce même préfet de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la notification du jugement à intervenir et, enfin, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 2206114 du 2 avril 2024, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 3 mai 2024, M. A..., représenté par Me Garelli, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nice du 2 avril 2024 ;

2°) d'annuler cette décision implicite de rejet résultant du silence gardé par le préfet des Alpes-Maritimes sur sa demande du 23 juin 2022 tendant à la délivrance d'un titre de séjour ;

3°) d'enjoindre au préfet des Alpes-Maritimes, en application des articles L. 911-1 à L. 911-3 du code de justice administrative, de lui délivrer une carte de séjour portant la mention

" vie privée et familiale ", sous astreinte de 100 euros par jour de retard, passé un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le refus de délivrance d'un titre de séjour qui lui a été opposé n'est pas motivé ;

- au regard des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et des dispositions des articles L. 423-23 et L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la décision préfectorale contestée porte une atteinte excessive et injustifiée à sa vie privée ;

- compte tenu de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, la décision implicite contestée est entachée d'une erreur de droit et de fait.

La requête et les pièces complémentaires produites pour M. A..., par Me Garelli, en réponse à la mesure d'instruction qui lui a été adressée par la Cour le 6 mai 2024, ont été communiquées au préfet des Alpes-Maritimes qui n'a pas présenté de mémoire.

Par une ordonnance du 14 janvier 2025, la clôture de l'instruction fixée, en dernier lieu, au 17 janvier 2025, a été reportée au 31 janvier 2025, à 12 heures.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 en matière de séjour et de travail ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Lombart,

- et les observations tant de Me Garelli, représentant M. A..., que de ce dernier.

Considérant ce qui suit :

1. Par la présente requête, M. A..., né le 2 octobre 1974 et de nationalité tunisienne, relève appel du jugement du 2 avril 2024 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision implicite résultant du silence gardé par le préfet des Alpes-Maritimes sur sa demande du 23 juin 2022 tendant à la délivrance d'un titre de séjour.

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 232-4 du code des relations entre le public et l'administration : " Une décision implicite intervenue dans les cas où la décision explicite aurait dû être motivée n'est pas illégale du seul fait qu'elle n'est pas assortie de cette motivation. / Toutefois, à la demande de l'intéressé, formulée dans les délais du recours contentieux, les motifs de toute décision implicite de rejet devront lui être communiqués dans le mois suivant cette demande. Dans ce cas, le délai du recours contentieux contre ladite décision est prorogé jusqu'à l'expiration de deux mois suivant le jour où les motifs lui auront été communiqués. "

3. Il résulte des dispositions précitées de l'article L. 232-4 du code des relations entre le public et l'administration que la simple circonstance que la décision implicite contestée n'est pas assortie d'une motivation n'est pas de nature à la rendre illégale. De plus, M. A... n'établit ni même n'allègue avoir sollicité la communication des motifs de cette décision implicite.

Par conséquent, le moyen tiré du défaut de motivation de cette décision ne peut qu'être écarté.

4. En deuxième lieu, l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales stipule que : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. " Aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. / L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République. "

5. A l'appui de sa requête, M. A... se prévaut très essentiellement de sa présence en France depuis le 18 juin 2000. Cependant, il n'établit, ni même n'allègue être entré régulièrement sur le territoire français et la seule durée de présence en France, même longue, d'un ressortissant étranger, ne suffit pas, par elle-même, à lui conférer un droit au séjour. Il ressort en outre des pièces du dossier, et en particulier des dix numéros relatifs aux instances engagées devant la juridiction administrative dont fait état son conseil, que M. A... ne doit son maintien sur le territoire français qu'à la circonstance qu'il n'a pas déféré à plusieurs mesures d'éloignement prises à son encontre et dont la légalité a pourtant été confirmées tant par le tribunal administratif de Nice que par la Cour, avant que, par un jugement n° 1904015 du 21 août 2019, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Nice n'annule le dernier arrêté, daté du 15 août 2019, par lequel le préfet des Alpes-Maritimes lui avait fait obligation de quitter le territoire français sans délai. De plus, en dépit de ses allégations au cours de l'audience, M. A... ne donne, dans ses écritures, aucune information sur sa situation familiale et ne se prévaut d'aucun lien amical en France. Par ailleurs, en l'absence de récit de vie, et d'explications précises et développées, quant à ses activités, tant personnelle que professionnelle, durant les décennies qu'il indique avoir passé en France, il ne met pas à même la juridiction administrative de statuer en toute connaissance de cause sur sa situation. La seule " épaisseur du dossier " constitué par son conseil dont M. A... a fourni une photographie à l'appui de ses écritures, ne saurait en tout état de cause attester de son insertion dans la société française. S'il s'est prévalu, lors de l'audience, d'un réseau relationnel important, aucune pièce versée au dossier ne vient en attester, pas davantage qu'une vie privée et familiale ancienne ou intense. A cet égard, bien que, par la mesure d'instruction susvisée, la Cour lui a demandé la communication des pièces composant ce dossier constitué par son conseil, l'appelant n'a apporté aucun élément supplémentaire d'explications. Il ne justifie ainsi ni de la réalité, ni de l'intensité de liens qu'il aurait créés sur le territoire français et ce alors qu'il a vécu dans son pays d'origine au moins jusqu'à l'âge de vingt-six ans et qu'il n'établit, ni n'allègue être dépourvu d'attaches familiales dans ce pays. S'il est constant qu'au cours de son séjour sur le territoire français, M. A... a pu travailler sans être déclaré, malgré cette même mesure d'instruction, les pièces produites ne permettent pas davantage d'attester de l'ancienneté, de la stabilité et de la continuité de son intégration professionnelle. Par suite, la décision implicite de rejet résultant du silence gardé par le préfet des Alpes-Maritimes sur la demande de M. A... datée du 23 juin 2022 tendant à la délivrance d'un titre de séjour n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise et n'a méconnu ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni les dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Cette décision n'est pas davantage entachée d'une erreur manifeste d'appréciation, ni encore d'une erreur de droit ou de fait, comme le soutient également l'appelant sans précision. L'ensemble de ces moyens doit, par conséquent, être écarté.

6. En troisième et dernier lieu, aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention "salarié", "travailleur temporaire" ou "vie privée et familiale", sans que soit opposable la condition prévue à l'article

L. 412-1. / Lorsqu'elle envisage de refuser la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par un étranger qui justifie par tout moyen résider habituellement en France depuis plus de dix ans, l'autorité administrative est tenue de soumettre cette demande pour avis à la commission du titre de séjour prévue à l'article L. 432-14. (...) ". Cet article est relatif aux conditions dans lesquelles les étrangers peuvent être admis à séjourner en France soit au titre de la vie privée et familiale, soit au titre d'une activité salariée. Dès lors que l'article 3 de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 prévoit la délivrance de titres de séjour au titre d'une activité salariée, un ressortissant tunisien souhaitant obtenir un titre de séjour au titre d'une telle activité ne peut utilement invoquer les dispositions de l'article L. 435-1 à l'appui d'une demande d'admission au séjour sur le territoire national, s'agissant d'un point déjà traité par l'accord franco-tunisien, au sens de l'article 11 de cet accord. Toutefois, si l'accord franco-tunisien ne prévoit pas, pour sa part, de semblables modalités d'admission exceptionnelle au séjour, il y a lieu d'observer que ses stipulations n'interdisent pas au préfet de délivrer un titre de séjour à un ressortissant tunisien qui ne remplit pas l'ensemble des conditions auxquelles est subordonnée sa délivrance de plein droit. Il appartient au préfet, dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire dont il dispose sur ce point, d'apprécier, en fonction de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressé, l'opportunité d'une mesure de régularisation.

7. La seule durée de présence de M. A... sur le territoire français ne saurait, compte tenu de ses conditions de séjour ci-dessus rappelées, constituer une circonstance humanitaire ou un motif exceptionnel justifiant son admission exceptionnelle au séjour à titre salarié ou au titre de sa vie privée et familiale. Le préfet des Alpes-Maritimes n'a donc pas commis d'erreur manifeste d'appréciation ni dans l'application de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, au titre de la vie privée et familiale, ni dans l'exercice de son pouvoir discrétionnaire de régularisation, au titre d'une activité salariée, en refusant de l'admettre au séjour. Il suit de là que ces moyens doivent également être écartés.

8. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande. Ses conclusions d'appel doivent donc être rejetées, y compris ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte ainsi que ses prétentions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet des Alpes-Maritimes.

Délibéré après l'audience du 27 mai 2025, où siégeaient :

- M. Marcovici, président,

- M. Revert, président assesseur,

- M. Lombart, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 11 juin 2025.

2

No 24MA01147


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de MARSEILLE
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 24MA01147
Date de la décision : 11/06/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. - Séjour des étrangers. - Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. MARCOVICI
Rapporteur ?: M. Laurent LOMBART
Rapporteur public ?: Mme BALARESQUE
Avocat(s) : GARELLI

Origine de la décision
Date de l'import : 29/06/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-06-11;24ma01147 ?
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