Vu I) le recours n° 13NC02064, enregistré le 27 novembre 2013, du ministre chargé du budget ;
Le ministre chargé du budget demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1200773 du 17 octobre 2013 du tribunal administratif de Besançon en tant qu'il a partiellement fait droit à la demande de la SCI Combe Rosiers tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés qui lui ont été assignées au titre de l'exercice 2006 et des pénalités correspondantes ;
2°) de rejeter la demande de la SCI Combe Rosiers ;
3°) de rétablir la SCI Combe Rosiers au rôle de l'impôt au titre de l'année 2006 en droits et pénalités ;
Le ministre soutient que :
- c'est à tort que le tribunal a imputé une quote-part des factures notariales sur l'exercice 2006 dès lors que ces factures sont relatives à des opérations menées durant l'année 2005 ;
- c'est à tort que le tribunal a prononcé la décharge des pénalités pour manquement délibéré dès lors que la volonté du contribuable d'éluder l'impôt est établie ;
Vu II) la requête n° 13NC02193, enregistrée le 19 décembre 2013, complétée par un mémoire enregistré le 20 décembre 2013, présentée pour la SCI Combe Rosiers, dont le siège est Champs sur le Ranchot à L'Isle sur le Doubs (25250), par MeB... ;
La SCI Combe Rosiers demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1200773 du 17 octobre 2013 du tribunal administratif de Besançon en tant qu'il a partiellement rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés qui lui ont été assignées au titre de l'exercice 2006 et des pénalités correspondantes ;
2°) de prononcer la décharge de l'imposition contestée et des pénalités correspondantes ;
3) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
La SCI Combe Rosiers soutient que :
- l'avis de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires n'est pas suffisamment motivé, ce qui vicie la procédure d'imposition ;
- les commissions versées à M. A...sont justifiées et constituent des charges déductibles au titre de l'exercice 2006 ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 12 mars 2014, présenté par le ministre chargé du budget qui conclut au rejet de la requête ;
Le ministre soutient que :
- l'avis de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires est suffisamment motivé ; une insuffisante motivation serait sans incidence sur la régularité de la procédure d'imposition ;
- les sommes versées à M. A...ne sont pas des charges déductibles de l'exercice 2006 ;
Vu les lettres du 27 novembre 2014 par lesquelles les parties ont été informées qu'en application de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative il était envisagé d'appeler les affaires à l'audience du 15 janvier 2015 et que l'instruction pourrait être close à partir du 11 décembre 2014 sans information préalable ;
Vu les avis d'audience portant clôture de l'instruction immédiate pris le 16 décembre 2014 en application de l'article R. 613-2 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 15 janvier 2015 :
- le rapport de Mme Guidi, premier conseiller,
- et les conclusions de M. Goujon-Fischer, rapporteur public ;
1. Considérant que les requêtes visées ci-dessus sont dirigées contre le même jugement et ont fait l'objet d'une instruction commune ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt ;
2. Considérant qu'en application des articles 38, 39 et 209 du code général des impôts, dans leur rédaction applicable au litige, les charges nées au cours d'un exercice doivent entrer en compte pour la détermination du bénéfice imposable dudit exercice, alors même qu'elles n'auraient pas encore été payées au moment de la clôture de cet exercice lorsque ces charges sont certaines, dans leur principe ou dans leur montant à la clôture de l'exercice ;
3. Considérant que si la SCI Combe Rosiers demande que soient comptabilisées en charges au titre de l'exercice clos en 2006 des sommes correspondant à des frais acquittés en 2006 par le notaire chargé de l'acquisition d'un terrain situé à L'Isle sur le Doubs effectuée le 21 novembre 2005 pour un montant de 144 178,95 euros, il résulte de l'instruction que ces charges se rattachent à une opération effectuée en 2005 ; que la SCI Combe Rosiers qui était tenue d'acquitter les sommes afférentes à cette cession, n'établit pas que sa dette, à la clôture de l'exercice 2005, ne pouvait être déterminée avec une précision suffisante ; que, dès lors, c'est à bon droit que le service n'a pas admis que ces frais qui se rattachent à l'exercice 2005 soient pris en compte au titre de l'exercice clos en 2006 et a par suite réintégré les sommes correspondantes, d'un montant total de 14 324 euros, dans les résultats de cet exercice ;
4. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que c'est à tort que le tribunal administratif de Besançon s'est fondé sur la déductibilité au titre de l'exercice clos en 2006 des frais acquittés par la SCI Combe Rosiers au cours de cet exercice et relatifs à l'acquisition d'un terrain le 21 novembre 2005 pour décharger partiellement la SCI des impositions litigieuses ;
5. Considérant, toutefois, qu'il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par le ministre chargé du budget et par la SCI Combe Rosiers devant le tribunal administratif et le cas échéant devant la cour ;
6. Considérant, en premier lieu qu'aux termes l'article L. 192 du Livre des procédures fiscales : " Lorsque l'une des commissions visées à l'article L. 59 est saisie d'un litige ou d'une rectification, l'administration supporte la charge de la preuve en cas de réclamation, quel que soit l'avis rendu par la commission. / Toutefois, la charge de la preuve incombe au contribuable lorsque la comptabilité comporte de graves irrégularités et que l'imposition a été établie conformément à l'avis de la commission. La charge de la preuve des graves irrégularités invoquées par l'administration incombe, en tout état de cause, à cette dernière lorsque le litige ou la rectification est soumis au juge. / Elle incombe également au contribuable à défaut de comptabilité ou de pièces en tenant lieu, comme en cas de taxation d'office à l'issue d'un examen contradictoire de la situation fiscale personnelle en application des dispositions des articles L. 16 et L. 69 " ; qu'il résulte de ces dispositions que les vices de forme ou de procédure dont peut être entaché l'avis de la commission n'affectent pas la régularité de la procédure d'imposition et ne sont, par suite, pas de nature à entraîner la décharge de l'imposition établie à la suite des rectifications ou redressements soumis à l'examen de la commission ; qu'en conséquence, la circonstance que l'avis de la commission départementale des impôts n'a pas été motivé conformément aux dispositions de l'article R. 60-3 du livre des procédures fiscales est sans incidence sur la régularité de la procédure d'imposition ;
7. Considérant, en deuxième lieu qu'aux termes de l'article 39 du code général des impôts, applicable en matière d'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 209 du même code : " 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant (...) notamment : / 1° Les frais généraux de toute nature (...) " ; que seules peuvent être déduites de chaque exercice les charges effectivement supportées au cours de l'exercice ou ayant fait l'objet de provisions justifiées ; que si, en vertu des règles gouvernant l'attribution de la charge de la preuve devant le juge administratif, applicables sauf loi contraire, il incombe, en principe, à chaque partie d'établir les faits qu'elle invoque au soutien de ses prétentions, les éléments de preuve qu'une partie est seule en mesure de détenir ne sauraient être réclamés qu'à celle-ci ; qu'il appartient, dès lors, au contribuable, pour l'application des dispositions précitées du code général des impôts, de justifier tant du montant des charges qu'il entend déduire du bénéfice net défini à l'article 39 du même code que de la correction de leur inscription en comptabilité, c'est-à-dire du principe même de leur déductibilité ; que le contribuable peut apporter cette justification par la production de tous éléments suffisamment précis portant sur la nature de la charge en cause, ainsi que sur l'existence et la valeur de la contrepartie qu'il en a retirée ;
8. Considérant que la SCI Combe Rosiers a versé à M. A...au cours de l'exercice 2006 une somme de 121 300 euros qu'elle a déduite de ses résultats et soutient que cette commission rétribue le travail accompli par l'intéressé depuis 2001 pour la réalisation du projet d'acquisition et de revente d'un terrain à construire en vue de l'implantation d'une grande surface alimentaire à l'Isle-sur-le-Doubs, projet qui ne s'est concrétisé qu'au cours de l'année 2006 ; que la SCI Combe Rosiers ne produit toutefois aucune facture justificative des prestations accomplies par M. A...au cours de cette période, ni aucun autre élément probant ; que, par suite, c'est à bon droit que l'administration a réintégré cette somme dans le résultat imposable de la SCI Combe Rosiers au titre de l'exercice 2006 ;
9. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 195 A du livre des procédures fiscales : " En cas de contestation des pénalités fiscales appliquées à un contribuable au titre des impôts directs, de la taxe sur la valeur ajoutée et des autres taxes sur le chiffre d'affaires, des droits d'enregistrement, de la taxe de publicité foncière et du droit de timbre, la preuve de la mauvaise foi et des manoeuvres frauduleuses incombe à l'administration " ; qu'aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : a. 40 % en cas de manquement délibéré (...) " ;
10. Considérant que l'administration fait valoir que la SCI Combe Rosiers a déduit 369 000 euros de commissions de son résultat fiscal sans que ces charges soient assorties de pièce justificative et alors qu'une autre société a été rémunérée pour des travaux identiques à ceux allégués pour justifier lesdites commissions ; qu'ainsi, alors même que la comptabilité de la société n'a pas été écartée comme non probante et nonobstant l'absence de récidive, l'administration apporte la preuve, qui lui incombe, du manquement délibéré de la SCI Combe Rosiers à ses obligations déclaratives en vue d'éluder l'impôt ; que, par suite, la SCI Combe Rosiers n'est pas fondée à demander la décharge des pénalités en cas de manquement délibéré que l'administration lui a infligées au titre des rehaussements relatifs aux commissions non justifiées ;
11. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que, d'une part, les prétentions de la SCI Combe Rosiers ne sauraient être accueillies et que, d'autre part, le ministre est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Besançon a prononcé la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles la SCI Combe Rosiers a été assujettie au titre de l'année 2006 ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
12. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme demandée par la SCI Combe Rosiers au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Besançon en date du 17 octobre 2013 est annulé en tant qu'il a prononcé la décharge, d'une part, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution additionnelle à cet impôt auxquelles la SCI Combe Rosiers a été assujettie au titre de l'année 2006 et résultant du refus d'admettre en charges déductibles une quote-part des factures notariales de 4 836,44 euros et 2 217,82 euros, et d'autre part, de la majoration en cas de manquement délibéré ayant assorti les rehaussements relatifs aux commissions non justifiées.
Article 2 : Les cotisations supplémentaires d'impôt auxquelles la SCI Combe Rosiers a été assujettie au titre de l'année 2006 sont remises à sa charge ainsi que les pénalités pour manquement délibéré dues au titre de l'année 2006.
Article 3 : La requête de la SCI Combe Rosiers est rejetée.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la SCI Combe Rosiers et au ministre chargé du budget.
Copie en sera adressée au directeur du contrôle fiscal Est.
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N° 13NC02064-13NC02193