Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La paroisse Saint-Guillaume a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de condamner M. C...B..., ancien président du conseil presbytéral, à lui verser la somme de 27 879,96 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 8 avril 2013 et de la capitalisation de ces intérêts à compter du 8 avril 2014, en réparation du préjudice qu'elle a subi alors que l'intéressé présidait le conseil presbytéral.
Par un jugement n° 1301661 du 1er octobre 2014, le tribunal administratif de Strasbourg a condamné M. B...à verser à la paroisse Saint-Guillaume la somme de 27 879,96 euros, ainsi que les intérêts au taux légal à compter du 9 avril 2013 et la capitalisation de ces intérêts à compter du 9 avril 2014.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 19 novembre 2014, et deux mémoires en réplique enregistrés le 12 mars 2015 et le 29 juin 2015, M. B..., représenté par MeD..., demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 1er octobre 2014 ;
2°) de rejeter la demande présentée par la paroisse Saint-Guillaume devant le tribunal administratif de Strasbourg ;
3°) d'enjoindre à la paroisse Saint-Guillaume de lui restituer la somme de 29 586,25 euros ;
4°) de mettre à la charge de la paroisse Saint-Guillaume la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- aucune faute personnelle ne peut lui être reprochée dans la location à son fils et à sa belle-fille de l'appartement dont la paroisse Saint-Guillaume est propriétaire, dès lors que le cautionnement ne constituait pas une pratique systématique et qu'il ne pouvait procéder au recouvrement des loyers impayés sans un mandat exprès du conseil presbytéral ;
- il n'a jamais reconnu sa responsabilité ;
- la mission sociale de la paroisse justifie qu'aucune caution n'ait été demandée, ainsi que l'absence d'action tendant au recouvrement des loyers ;
- l'attestation établie par l'agence immobilière est dépourvue de valeur probante ;
- ces locataires justifiaient d'un niveau de revenus suffisant lors de la prise à bail ;
- l'action engagée par la paroisse à son encontre est prescrite en application de l'article 2224 du code civil.
Par deux mémoires en défense, enregistrés le 29 janvier 2015 et le 29 mai 2015, la paroisse Saint-Guillaume, représentée par la société d'avocats Roth-Pignon, Leparoux et associés, conclut au rejet de la requête et à la condamnation du requérant à lui verser une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
La paroisse Saint-Guillaume fait valoir que :
- le cautionnement constitue une pratique systématique pour les locations de biens appartenant à la paroisse ;
- le requérant a reconnu sa responsabilité en proposant une indemnisation de 10 000 euros, avant que la juridiction ne soit saisie ;
- il ne saurait se prévaloir ni de l'absence de mandat du conseil presbytéral, ni de la mission sociale de la paroisse ;
- il ne justifie pas de la solvabilité des locataires à la date du bail ;
- l'action engagée par la paroisse n'est pas prescrite.
La clôture d'instruction a été fixée au 10 juillet 2015 à 16 heures par une ordonnance du 23 juin 2015.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code civil ;
- la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 ;
- le décret du 26 mars 1852 portant réorganisation des cultes protestants ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Guérin-Lebacq,
- les conclusions de M. Collier, rapporteur public,
- et les observations de MeA..., pour la paroisse Saint-Guillaume.
1. Considérant que la paroisse Saint-Guillaume, propriétaire d'un appartement situé 9 rue Calvin à Strasbourg, a donné ce bien en location, par un bail daté du 31 juillet 2004, au fils et à la belle-fille de M.B..., alors que celui-ci présidait le conseil presbytéral de la paroisse ; que la paroisse Saint-Guillaume a saisi le tribunal administratif de Strasbourg en vue d'obtenir la condamnation de M. B...à l'indemniser du préjudice résultant pour elle des loyers impayés et des frais d'huissier engagés afin de les recouvrer ; que M. B...relève appel du jugement du 1er octobre 2014 par lequel le tribunal administratif l'a condamné à verser à la paroisse Saint-Guillaume la somme de 27 879,96 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 9 avril 2013 et de la capitalisation de ces intérêts à compter du 9 avril 2014 ;
Sur la responsabilité :
2. Considérant qu'aux termes de l'article 1er du décret du 26 mars 1852 portant réorganisation des cultes protestants, en vigueur dans les départements du Haut-Rhin, du Bas-Rhin et de la Moselle : " La paroisse est une circonscription territoriale au sein de laquelle l'Etat rétribue un ou plusieurs postes pastoraux. (...) / La paroisse est administrée, sous l'autorité du consistoire, par un conseil presbytéral composé de six à seize membres laïques et du ou des pasteurs en service dans la paroisse ou ses annexes. / Les membres laïques du conseil presbytéral sont élus pour une durée de six ans et renouvelés par moitié tous les trois ans (...) / Après chaque renouvellement triennal, le conseil élit un président, un vice-président, un trésorier et un secrétaire parmi ses membres. En cas d'empêchement du président, le vice-président assure ses fonctions. " ; qu'aux termes de l'article 1-4 du même décret : " Le conseil presbytéral connaît de toutes les questions concernant la vie spirituelle et matérielle de la paroisse dans le respect des règlements de son église. (...) / Il administre les biens de la paroisse (...) " ;
3. Considérant, en premier lieu, que si les agents des collectivités publiques, dont font partie les établissements publics du culte dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle, ne sont pas pécuniairement responsables envers lesdites collectivités des conséquences dommageables de leurs fautes de service, il ne saurait en être ainsi lorsque le préjudice qu'ils ont causé à ces collectivités est imputable à des fautes personnelles détachables de l'exercice de leurs fonctions ;
4. Considérant qu'il résulte de l'instruction que le bail à l'origine du litige a été signé le 31 juillet 2004 par M. B..., au nom de la paroisse Saint-Guillaume, pour une durée de six ans ; qu'il n'est pas sérieusement contesté que pour justifier de la solvabilité de son fils, le requérant a établi une attestation de complaisance le 27 juillet 2004 par laquelle il certifie, en sa qualité de président de l'union départementale des associations familiales, avoir embauché son fils au sein de ladite union pour une rémunération équivalente au SMIC ; qu'il ne pouvait ignorer que les ressources de son fils provenaient exclusivement de prestations versées par les Assedic, pour un montant inférieur à 800 euros par mois, alors que le bail stipulait que le loyer du logement s'élevait, charges comprises, à 665 euros ; que M. B... ne justifie pas que le couple formé par son fils et sa belle-fille disposait d'un niveau de revenus suffisant pour prétendre au logement proposé à la location, en se bornant à produire une unique fiche de paie, établie au nom de sa belle-fille au titre du mois de juin 2005 ; qu'il ressort encore, tant des termes du bail que de l'attestation du 7 décembre 2010 émanant de l'agence immobilière chargée de proposer les biens immobiliers de la paroisse à la location, qu'aucune caution n'a été exigée pour la location de l'appartement destiné au fils de M. B... ; que si M. B... soutient que le cautionnement ne constituait pas une pratique systématique pour la location des biens de la paroisse, il n'apporte aucun élément de nature à contredire l'attestation précitée selon laquelle il a pris l'initiative de dispenser son fils et sa belle-fille d'une telle garantie ; qu'en outre, il résulte de l'instruction qu'aucun dépôt de garantie n'a été demandé aux futurs locataires, contrairement aux stipulations expresses du contrat de bail ; que si M. B...produit pour la première fois en appel des attestations établies à la fin de l'année 2014 par d'anciens membres du conseil presbytéral, lesquels indiquent avoir été informés par leur président des difficultés rencontrées pour le recouvrement des loyers dus par ses enfants, ni cette information, ni l'assentiment de certains membres du conseil ne sont de nature à établir que l'intéressé n'aurait poursuivi que l'intérêt paroissial ; que M. B...ne conteste pas utilement l'affirmation de l'intimée selon laquelle il n'a entrepris aucune démarche à l'encontre de son fils et de sa belle-fille, qui n'ont versé que les deux premiers mois de loyers tout en se maintenant dans l'appartement de la paroisse jusqu'en 2007, alors qu'il avait la possibilité de proposer au conseil presbytéral, avant de quitter ses fonctions de président en mai 2006, de prendre les mesures prévues par le bail en cas de défaut de paiement des locataires ; que les faits reprochés à M.B..., eu égard à leur caractère intentionnel et à la nature des fonctions exercées par l'intéressé, doivent être regardés comme constitutifs d'une faute personnelle, détachable de l'exercice des fonctions de président du conseil presbytéral ;
5. Considérant, en second lieu, que la loi du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile a substitué aux dispositions de l'article 2262 du code civil, aux termes duquel : " Toutes les actions, tant réelles que personnelles, sont prescrites par trente ans ", celles du nouvel article 2224, aux termes duquel : " Les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer " ; qu'aux termes de l'article 26 de la loi du 17 juin 2008 : " (...) II. Les dispositions de la présente loi qui réduisent la durée de la prescription s'appliquent aux prescriptions à compter du jour de l'entrée en vigueur de la présente loi, sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure. (...) " ; que la loi du 17 juin 2008, publiée au Journal officiel de la République française le 18 juin 2008, est entrée en vigueur le lendemain ;
6. Considérant que M. B...soutient que l'action engagée par la paroisse Saint-Guillaume à son encontre le 9 avril 2013 devant le tribunal administratif de Strasbourg était prescrite en application de l'article 2224 précité du code civil, dès lors qu'elle avait connaissance des faits reprochés au plus tard le 11 juillet 2006, date de la sommation de payer notifiée aux locataires ; que, toutefois, à la date d'entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile, l'action de la paroisse n'était pas atteinte par la prescription trentenaire de l'article 2262 du code civil ; que le délai de prescription quinquennale de l'article 2224 du code civil, applicable à compter du 19 juin 2008, n'était pas expiré le 9 avril 2013, date à laquelle la paroisse a saisi les premiers juges ; que la durée totale de la prescription n'excède pas, conformément aux dispositions du II de l'article 26 de la loi précitée, celle de trente ans prévue antérieurement ; que, par suite, contrairement à ce que soutient M.B..., l'action engagée à son encontre devant le tribunal administratif par la paroisse Saint-Guillaume n'était pas prescrite ;
7. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. B..., qui ne conteste pas le montant du préjudice allégué par la paroisse, n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg l'a condamné à verser à la paroisse Saint-Guillaume la somme de 27 879,96 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 9 avril 2013 et de la capitalisation de ces intérêts à compter du 9 avril 2014 ; que, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction, ainsi que celles présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ne peuvent qu'être rejetées ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. B...une somme de 1 500 euros sur le fondement des mêmes dispositions ;
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : M. B...versera à la paroisse Saint-Guillaume une somme de 1 500 (mille cinq cents) euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B...et à la paroisse Saint-Guillaume.
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N° 14NC02124