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27/06/2019 | FRANCE | N°17NC01743

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre, 27 juin 2019, 17NC01743


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... G... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler la délibération du 12 avril 2014 par laquelle le conseil municipal de la commune de Vigy lui a refusé l'octroi de la protection fonctionnelle, de lui enjoindre de lui octroyer cette protection fonctionnelle, de prendre en charge les honoraires de son avocat et les frais de procédure, et de condamner la commune de Vigy à lui verser la somme de 2 000 euros en réparation de son préjudice moral.

Par un jugement n° 1403864 du 16 mai

2017, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédur...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... G... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler la délibération du 12 avril 2014 par laquelle le conseil municipal de la commune de Vigy lui a refusé l'octroi de la protection fonctionnelle, de lui enjoindre de lui octroyer cette protection fonctionnelle, de prendre en charge les honoraires de son avocat et les frais de procédure, et de condamner la commune de Vigy à lui verser la somme de 2 000 euros en réparation de son préjudice moral.

Par un jugement n° 1403864 du 16 mai 2017, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 18 juillet 2017, M. B... G..., représenté par Me Roth, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 16 mai 2017 ;

2°) d'annuler la délibération du 12 avril 2014 par laquelle le conseil municipal de la commune de Vigy lui a refusé l'octroi de la protection fonctionnelle ;

3°) d'enjoindre à la commune de Vigy de lui accorder la protection fonctionnelle, de prendre à sa charge les honoraires de son avocat et les frais de la procédure ;

4°) de condamner la commune de Vigy à lui verser la somme de 2 000 euros en réparation de son préjudice moral et de la publicité donnée à ce refus dans le bulletin d'information communale ;

5°) de mettre à la charge de la commune de Vigy le versement de la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la délibération contestée n'est pas motivée, et la décision de la cour d'appel de Metz du 25 juin 2015 ne lui confère pas la base légale lui faisant défaut ;

- les éléments contenus dans le tract du 26 mars 2014 sont diffamatoires au sens des dispositions de l'article L. 2123-35 du code général des collectivités territoriales ;

- la commune était tenue de le protéger et de lui accorder sa protection fonctionnelle;

- la commune a engagé sa responsabilité ;

- il a subi un préjudice.

Par un mémoire en défense enregistré le 23 janvier 2018, la commune de Vigy, représentée par Me H..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de M. G... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens invoqués par le requérant ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 9 avril 2019, la clôture de l'instruction a été fixée au 30 avril 2019.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Steinmetz-Schies, président,

- les conclusions de M. Favret, rapporteur public,

- et les observations de Me H..., représentant la commune de Vigy.

Considérant ce qui suit :

1. M. G..., maire de la commune de Vigy de 2008 à 2014, s'est représenté aux élections municipales de 2014. Un tract a été distribué le 26 mars 2014 par la liste d'opposition municipale et M. G..., le jugeant outrageant, a demandé le 10 avril 2014, au nouveau maire de la commune, de lui accorder la protection fonctionnelle. M. G... relève appel du jugement du 16 mai 2017 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la délibération du 12 avril 2014 par laquelle le conseil municipal de la commune de Vigy lui a refusé l'octroi de la protection fonctionnelle.

Sur la légalité de la délibération du 12 avril 2014 :

2. Aux termes du deuxième alinéa de l'article L. 2123-35 du code général des collectivités territoriales : " Le maire ou les élus municipaux le suppléant ou ayant reçu délégation bénéficient, à l'occasion de leurs fonctions, d'une protection organisée par la commune conformément aux règles fixées par le code pénal, les lois spéciales et le présent code. / La commune est tenue de protéger le maire ou les élus municipaux le suppléant ou ayant reçu délégation contre les violences, menaces ou outrages dont ils pourraient être victimes à l'occasion ou du fait de leurs fonctions et de réparer, le cas échéant, le préjudice qui en est résulté (...). ". Ces dispositions instituent au profit des élus qu'elles visent lorsqu'ils ont été victimes d'attaques dans l'exercice de leurs fonctions, une obligation de protection à laquelle il ne peut être dérogé, sous le contrôle du juge, que pour des motifs d'intérêt général et dans la mesure où une faute personnelle détachable du service ne lui est pas imputable. Si cette obligation peut avoir pour objet, non seulement de faire cesser les attaques auxquelles l'intéressé est exposé, mais aussi de lui assurer une réparation adéquate des torts qu'il a subis¸ laquelle peut notamment consister à assister, le cas échéant, l'élu dans les poursuites judiciaires qu'il entreprend pour se défendre, il appartient dans chaque cas à la collectivité publique d'apprécier, sous le contrôle du juge et compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, notamment de la question posée au juge et de la gravité des faits qui font l'objet des poursuites entreprises, les modalités appropriées à l'objectif poursuivi.

3. Le mercredi 24 mars 2014, dans le cadre de la campagne électorale pour les élections municipales de la commune de Vigy, M. F... I... et Mme E... C... menant une liste d'union d'opposition contre le maire sortant, M. G..., ont distribué un tract électoral intitulé " un Maire pour tous, la Mairie pour tous ", comportant les propos suivants : " Que se passe-t-il actuellement à la commune avec Alain G... ' (...) les attaques individuelles d'Alain G... masquent mal son mépris et son incapacité à accepter la compétence des autres à pouvoir gérer la commune (...) si le 30 mars Alain G... sort gagnant, près de la moitié des agents municipaux demanderont leur mutation voire démissionneront. Actuellement plusieurs personnes sont en arrêt maladie, dont trois pour dépression et une tentative de suicide. Le harcèlement moral est le quotidien de nos agents (...) les maitresses de l'école maternelle demanderont leur mutation, les relations sont clairement rompues (...) du fait des conflits créés par Alain G.... (...) M. G... s'est mis à dos tous les élus locaux (...) Alain G... s'attribue le maximum des indemnités possibles (plus de 300 000 € sur ce mandat pour le maire et les adjoints...) ".

4. Les propos incriminés, qui laissent entendre que M. G... harcèle moralement les agents municipaux et s'attribue le maximum des indemnités possibles, mettent gravement en cause le comportement et la probité du maire en raison de ses fonctions et constituent des attaques liées à l'exercice de la fonction de maire. La circonstance que M. G... a pu y répondre par un tract diffusé deux jours plus tard est sans incidence. Si par un arrêt du 25 juin 2015, la cour d'appel de Metz a prononcé la relaxe de M. I... et Mme D..., cette décision de relaxe n'a pas l'autorité de la chose jugée. Par ailleurs, la circonstance que ces propos ont été tenus pendant une campagne électorale ne constitue pas un motif d'intérêt général permettant à la commune de déroger à l'obligation de protection à laquelle elle est tenue envers un de ses élus. Par suite, il y a lieu d'annuler la délibération du 12 avril 2014 refusant à M. G... le bénéfice de la protection fonctionnelle.

5. Il résulte de ce qui précède que M. G... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté ses conclusions à fin d'annulation et ses conclusions indemnitaires. Il y a lieu, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, d'annuler le jugement attaqué.

Sur les conclusions indemnitaires :

6. Il résulte de ce qui vient d'être dit que le refus de protection fonctionnelle est entaché d'excès de pouvoir. L'illégalité ainsi commise est de nature à engager la responsabilité de la commune de Vigy. Il sera fait une juste appréciation du préjudice moral subi de ce chef par le requérant en lui allouant une indemnité de 1 000 euros.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

7. Aux termes de l'article L. 9111 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution ". Aux termes de l'article L. 9112 du même code : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette décision doit intervenir dans un délai déterminé ".

8. Il y a lieu, eu égard au motif d'annulation de la délibération contestée, indiqué au point 4, d'enjoindre à la commune de Vigy d'accorder à M. G... le bénéfice de la protection fonctionnelle sollicitée et de prendre à sa charge ses dépenses d'avocat et frais de procédure, au regard des pièces et des justificatifs que produira M. G... ainsi que de l'utilité des actes ainsi tarifiés.

Sur les frais liés au litige :

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. G..., qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme dont la commune de Vigy demande le versement au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. En revanche, il y a lieu de mettre à la charge de cette commune une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. G... et non compris dans les dépens à ce même titre.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 16 mai 2017 et la délibération du 12 avril 2014 sont annulés.

Article 2 : La commune de Vigy est condamnée à verser une somme de 1 000 euros à M. G... au titre du préjudice subi.

Article 3 : Il est enjoint à la commune de Vigy d'accorder à M. G... le bénéfice de la protection fonctionnelle et de prendre à sa charge ses dépenses d'avocat et frais de procédure, au regard des pièces et des justificatifs que produira M. G... ainsi que de l'utilité des actes ainsi tarifiés.

Article 4 : La commune de Vigy versera une somme de 1 500 euros à M. G... sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Les conclusions de la commune de Vigy présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... G... et à la commune de Vigy.

N° 17NC01743 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 17NC01743
Date de la décision : 27/06/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-07-10-005 Fonctionnaires et agents publics. Statuts, droits, obligations et garanties. Garanties et avantages divers. Protection contre les attaques.


Composition du Tribunal
Président : M. MESLAY
Rapporteur ?: Mme Marie-Pierre STEINMETZ-SCHIES
Rapporteur public ?: M. FAVRET
Avocat(s) : BRANCHET

Origine de la décision
Date de l'import : 26/09/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2019-06-27;17nc01743 ?
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