Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme D... C... a demandé au tribunal administratif de Besançon, d'une part, d'annuler l'arrêté du 14 avril 2016 par lequel le maire de Sainte-Marie-en-Chanois a prononcé à son encontre la sanction disciplinaire de la révocation, ainsi que la décision du 9 juin 2016 portant rejet de son recours gracieux et, d'autre part, de condamner la commune de Sainte-Marie-en-Chanois à lui verser la somme de 50 000 euros en réparation du préjudice qu'elle estime avoir subi du fait de l'illégalité de sa révocation, ainsi que la somme de 50 000 euros en réparation du préjudice qu'elle estime avoir subi en raison de faits constitutifs de harcèlement moral.
Par un jugement n° 1601202 du 26 avril 2018, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée sous le n° 18NC01836 le 26 juin 2018, Mme D... C..., représentée par Me F..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Besançon du 26 avril 2018 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 14 avril 2016 et la décision du 9 juin 2016 ;
3°) de condamner la commune de Sainte-Marie-en-Chanois à lui verser la somme de 50 000 euros en réparation du préjudice qu'elle estime avoir subi du fait de l'illégalité de sa révocation, ainsi que la somme de 50 000 euros en réparation du préjudice qu'elle estime avoir subi en raison de faits constitutifs de harcèlement moral ;
4°) d'enjoindre à la commune de Sainte-Marie-en-Chanois, d'une part, de lui verser les sommes dues au titre de la rémunération dont elle a été privée suite à l'arrêté du 14 avril 2016 et, d'autre part, de la replacer dans la position dans laquelle elle se trouvait avant l'intervention de cet arrêté ;
5°) de mettre à la charge de la commune de Sainte-Marie-en-Chanois une somme de 3 000 euros à lui verser sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la décision de révocation du 14 avril 2016 est insuffisamment motivée ;
- elle a été victime, à partir de 2011, de faits répétés de harcèlement moral, ayant eu pour effet une dégradation de ses conditions de travail et de sa santé ;
- ces agissements sont constitutifs d'une faute de nature à engager la responsabilité de la commune de Sainte-Marie-en-Chanois et à lui ouvrir droit à une indemnisation à hauteur de 50 000 euros ;
- les griefs qui lui sont reprochés ne sont pas établis ;
- eu égard à l'illégalité fautive de la décision du 14 avril 2016, elle est fondée à solliciter une indemnité de 50 000 euros au titre de son préjudice moral et des troubles dans ses conditions d'existence.
Par un mémoire en défense, enregistré le 6 septembre 2018, la commune de Sainte-Marie-en-Chanois, représentée par Me E..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 500 euros soit mise à la charge de Mme C... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des relations avec le public ;
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 modifiée ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Favret, premier conseiller,
- les conclusions de Mme Peton, rapporteur public,
- et les observations de Me H..., pour Mme C..., ainsi que celles de Me G... substituant Me E..., pour la commune de Sainte-Marie-en-Chanois.
Considérant ce qui suit :
1. Mme D... C..., adjoint technique territorial de deuxième classe, a été recrutée par la commune de Sainte-Marie-en-Chanois pour l'entretien des locaux de l'école primaire, à raison de 3 h 30 hebdomadaires. Par un arrêté du 14 avril 2016, le maire de cette commune a prononcé à son encontre la sanction de révocation, au motif que l'intéressée n'assumait plus correctement ses missions d'entretien des locaux et qu'elle manquait à ses devoirs de réserve et d'obéissance envers ses supérieurs hiérarchiques. Mme C... fait appel du jugement du 26 avril 2018 par lequel le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté et de condamnation de la commune à lui verser la somme de 50 000 euros en réparation du préjudice qu'elle estime avoir subi du fait de l'illégalité de sa révocation, ainsi que la somme de 50 000 euros en réparation du préjudice qu'elle estime avoir subi en raison de faits constitutifs de harcèlement moral.
Sur les conclusions aux fins d'annulation de l'arrêté du 14 avril 2016 :
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : (...) 2° Infligent une sanction ; (...) ". Aux termes de l'article L. 211-5 du même code : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ".
3. L'arrêté contesté du 14 avril 2016 mentionne les textes dont il fait application, notamment la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale et le décret n° 89-677 du 18 septembre 1989 relatif à la procédure disciplinaire applicable aux fonctionnaires territoriaux, et précise qu'il est reproché à l'intéressée " une manière de servir dégradée depuis 2011 caractérisée par des propos irrespectueux et une attitude irrévérencieuse à l'égard de l'autorité territoriale et de ses collègues, une désobéissance envers l'autorité hiérarchique et un manquement au devoir de réserve ". Il souligne également que depuis la réorganisation des services de l'Etat intervenue à compter de la rentrée scolaire 2015-2016, Mme C... " a persisté dans son attitude fautive, perturbant de façon notable la bonne marche du service public ", ainsi qu'en attestent de nombreux rapports d'incidents. La décision litigieuse fait également état du " mauvais entretien des locaux communaux " et de " carences dans les tâches " confiées à l'intéressée. Elle comporte, dès lors, les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de l'arrêté du 14 avril 2016 doit être écarté.
4. En deuxième lieu, il incombe à l'autorité investie du pouvoir disciplinaire d'apporter la preuve qui lui incombe de l'exactitude matérielle des griefs sur le fondement desquels elle inflige une sanction à un agent public. Il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes.
5. L'arrêté contesté a motivé la sanction de révocation prononcée à l'encontre de Mme C... par les circonstances, d'une part, que l'intéressée n'assumait plus correctement ses missions d'entretien des locaux et, d'autre part, qu'elle manquait à ses devoirs de réserve et d'obéissance envers ses supérieurs hiérarchiques.
6. Il ressort des pièces du dossier, et notamment de plusieurs rapports d'incidents rédigés notamment par Mme A..., directrice de l'école primaire de Sainte-Marie-en-Chanois, par Mme I..., enseignante et par Mme B..., maire de la commune de Sainte-Marie-en-Chanois, ainsi que d'un courrier en date du 17 novembre 2015 de l'inspectrice de l'éducation nationale et d'une lettre rédigée par des parents d'élèves en date du 15 décembre 2015, que Mme C... tient des propos agressifs et déplacés tant à l'égard d'élus locaux qu'à l'égard de ses supérieurs et des enseignants de l'école, contestant régulièrement les ordres qui lui sont donnés, qu'elle a mis en cause à diverses reprises l'autorité de ses supérieurs hiérarchiques devant les parents et les élèves et, enfin, qu'elle n'exécute pas les tâches qui lui sont confiées, en particulier le nettoyage des salles de classe et de jeux, au point que les enseignants devaient parfois procéder eux-mêmes au nettoyage de leurs salles ou installer leurs élèves dans une autre pièce. Si la requérante prétend qu'elle ne disposait pas d'un temps suffisant pour entretenir correctement les locaux du fait d'une réduction de ses heures de travail, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'elle ne disposait pas du temps nécessaire pour effectuer correctement les tâches qui lui étaient confiées, ni même qu'elle aurait tenté d'alerter sa hiérarchie sur ce point. Dans ces conditions, les faits reprochés à l'intéressée doivent être regardés comme établis.
7. En dernier lieu, les griefs reprochés à la requérante et exposés au point 6 sont constitutifs de fautes de nature à justifier une sanction. Par son comportement, qui révèle des manquements graves et réitérés à ses obligations professionnelles, la requérante a perturbé le fonctionnement du service public de l'enseignement depuis 2011, sans tenir compte des nombreuses mises en garde qui lui avaient été adressées par sa hiérarchie. Dans ces conditions, alors que l'inspectrice de l'éducation nationale avait expressément demandé à Mme B..., dans son courrier du 17 novembre 2015, " de procéder au remplacement immédiat de Mme D... C... ", et nonobstant les circonstances que Mme C... avait toujours été bien notée jusqu'en 2011, la sanction de révocation retenue par l'autorité disciplinaire n'apparaît pas disproportionnée.
8. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 14 avril 2016.
Sur les conclusions indemnitaires :
En ce qui concerne l'illégalité de la sanction de révocation :
9. Il résulte de ce qui a été dit aux points 2 à 8 du présent arrêt que Mme C... n'est pas fondée à demander la condamnation de la commune de Sainte-Marie-en-Chanois à lui verser une somme de 50 000 euros en réparation du préjudice qu'elle estime avoir subi du fait de l'illégalité de sa révocation.
En ce qui concerne le harcèlement moral allégué :
10. Aux termes de l'article 6 quinquiès de la loi du 13 juillet 1983 : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel (...) ".
11. D'une part, il appartient à l'agent public qui soutient avoir été victime de faits constitutifs de harcèlement moral de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles d'en faire présumer l'existence. Il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile.
12. D'autre part, pour apprécier si des agissements, dont il est allégué qu'ils sont constitutifs d'un harcèlement moral, revêtent un tel caractère, le juge administratif doit tenir compte des comportements respectifs de l'agent auquel il est reproché d'avoir exercé de tels agissements et de l'agent qui estime avoir été victime d'un harcèlement moral.
13. Si Mme C... se plaint de l'attitude du maire de Sainte-Marie-en-Chanois à son égard, affirmant que Mme B... aurait tenu des propos agressifs et humiliants à son encontre et lui aurait refusé des congés sans raison valable, il ne résulte de l'instruction ni que le comportement et les propos du maire à l'égard de l'intéressée auraient excédé les limites de l'exercice normal du pouvoir hiérarchique, ni que ses refus d'accorder à la requérante tous les congés qu'elle sollicitait n'étaient pas justifiés par les nécessités du service. En outre, si Mme C... soutient avoir été agressée par la directrice de l'école, Mme A..., elle ne le démontre pas par les pièces qu'elle produit. Les circonstances, d'une part, que le mari de Mme A... a eu une altercation avec Mme C... à propos des relations que celle-ci entretenait avec son épouse et, d'autre part, que le père de Mme A... se soit rendu au domicile des parents de Mme C... pour évoquer avec eux le conflit opposant leurs deux filles, ne sont pas davantage de nature à révéler l'existence d'un harcèlement moral. Par ailleurs, si Mme C... soutient avoir été soumise à des horaires de travail qui ne lui permettaient pas d'effectuer normalement toutes les tâches qui lui étaient attribuées et que son planning de travail a été souvent modifié sans raison valable, elle ne justifie pas avoir alerté sa hiérarchie sur l'impossibilité d'effectuer correctement son travail après la réduction de ses horaires de travail, laquelle était au demeurant justifiée par la fin de sa participation, pour des raisons économiques, au service de transport scolaire du mercredi. En outre, il ne résulte pas de l'instruction que Mme C... ne disposait pas du matériel nécessaire à l'accomplissement de ses missions. Si Mme C... soutient avoir été systématiquement mise à l'écart des manifestations scolaires, elle ne conteste pas avoir notamment accompagné une sortie d'élèves le 28 juin 2012 et avoir elle-même vivement remis en cause l'opportunité de sa participation à de telles manifestations en décembre 2015. De plus, il ne résulte pas de l'instruction que la commune aurait contraint la requérante à effectuer régulièrement le ménage, en période hivernale, dans des salles de classe non chauffées. La circonstance que plusieurs rapports d'incidents ont été établis pour exposer les multiples manquements de l'intéressée à ses obligations professionnelles n'est pas de nature à démontrer une volonté de l'administration de lui nuire et à caractériser l'existence d'un harcèlement moral. Les circonstances que l'intéressée a fait l'objet, au mois de janvier 2012, d'une procédure disciplinaire qui finalement n'a pas abouti, et que ses fiches de notation ne lui ont plus été communiquées depuis 2012, ne sont pas davantage de nature à caractériser un tel harcèlement. Enfin, la nette diminution de la notation de Mme C... à partir de 2011 s'explique par les manquements répétés de l'intéressée à ses obligations professionnelles. Dès lors, la requérante n'est pas fondée à soutenir que ses problèmes de santé sont en lien avec une situation de harcèlement.
14. Dans ces conditions, la requérante n'est pas fondée à demander l'indemnisation, par la commune de Sainte-Marie-en-Chanois, des préjudices qu'elle soutient avoir subis du fait du harcèlement moral allégué.
15. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Besançon a rejeté ses demandes indemnitaires.
Sur les conclusions aux fins d'injonction :
16. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution ".
17. Le présent arrêt n'impliquant aucune mesure d'exécution, les conclusions aux fins d'injonction de Mme C... ne peuvent qu'être rejetées.
Sur les frais liés à l'instance :
18. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens, ou à défaut la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ".
19. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la commune de Sainte-Marie-en-Chanois, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que Mme C... demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.
20. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme C... le versement de la somme que la commune de Sainte-Marie-en-Chanois demande sur le fondement des mêmes dispositions.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme D... C... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de la commune de Sainte-Marie-en-Chanois tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... C... et à la commune de Sainte-Marie-en-Chanois.
Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Saône.
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N° 18NC01836