Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. D... B... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler la décision du 13 mars 2015 par laquelle le directeur du CFA du lycée des métiers Paul Emile Victor d'Obernai a prononcé son licenciement, d'enjoindre à ce lycée de le réintégrer dans son poste de professeur contractuel dans le délai de quinze jours à compter du jugement à intervenir sous astreinte de 150 euros par jour de retard, de condamner le lycée des métiers Paul Emile Victor d'Obernai à lui verser une somme de 5 000 euros au titre de l'indemnisation du préjudice résultant de son licenciement et de mettre à sa charge une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n° 1502636 du 15 mars 2018, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé la décision du 13 mars 2015 prononçant le licenciement de M. B..., mis à la charge du lycée des métiers Paul Emile Victor le versement à M. B... d'une somme de 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et rejeté le surplus des conclusions de la requête.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée, sous le n° 18NC01595, le 29 mai 2018, M. B..., représenté par Me C..., demande à la Cour :
1°) d'annuler l'article 3 du jugement du tribunal administratif de Strasbourg 15 mars 2018 ;
2°) d'annuler la décision du lycée des métiers Paul Emile Victor d'Obernai du 27 juin 2016 rejetant sa demande préalable d'indemnisation ;
3°) de condamner le lycée des métiers Paul Emile Victor d'Obernai à lui verser la somme de 5 000 euros au titre de l'indemnisation du préjudice résultant de son licenciement, assortie des intérêts au taux légal, avec capitalisation des intérêts ;
4°) de mettre à la charge du lycée des métiers Paul Emile Victor d'Obernai une somme de 2500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement contesté ne comporte pas la signature des juges qui ont siégé lors de l'audience du 15 mars 2018 ;
- c'est illégalement qu'il a été licencié pour inaptitude professionnelle alors que sa manière de servir n'a été examinée qu'à l'égard d'une des quatre options qu'il enseignait ;
- la décision de le licencier est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ; il n'a bénéficié, avant son évaluation, d'aucun accompagnement ni d'aucune formation dans la filière pour laquelle il a été évalué ; il a pâti d'une mauvaise organisation des cours et d'un manque de moyens ;
- son licenciement a constitué une faute de nature à engager la responsabilité de l'administration ; c'est donc à tort que le tribunal a rejeté sa demande indemnitaire ;
- il a subi un préjudice moral directement en lien avec son licenciement illégal ;
Par un mémoire enregistré le 7 septembre 2018, le ministre de l'éducation nationale conclut à son incompétence à présenter des observations en défense.
Il fait valoir que la décision du 13 mars 2015 a été prise par le proviseur du lycée Paul-Emile Victor d'Obernai en sa qualité d'exécutif d'un établissement public local d'enseignement.
Par un mémoire en défense enregistré le 8 avril 2019, le lycée Paul-Emile Victor d'Obernai et le recteur de l'académie de Strasbourg, représentés par Me E... concluent :
1°) au rejet de la requête ;
2°) à ce que soit mis à la charge de M. B... le versement de la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils font valoir que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'éducation ;
- le code du travail ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Goujon-Fischer, premier conseiller,
- les conclusions de Mme Peton, rapporteur public,
- et les observations de Me A..., pour le rectorat de l'académie de Strasbourg et le lycée Paul-Emile Victor d'Obernai.
Considérant ce qui suit :
1. Par un contrat à durée déterminée d'un an signé avec le lycée Paul-Emile Victor d'Obernai le 1er septembre 2014 et prenant effet à la même date, M. B... a été recruté en qualité de professeur de génie en construction mécanique au sein du centre de formation des apprentis. A la suite d'une inspection pédagogique du 2 décembre 2014, l'inspecteur de l'éducation nationale a exprimé un avis défavorable au maintien de l'intéressé dans ses fonctions de professeur. Par une décision du 13 mars 2015, le proviseur du lycée Paul-Emile Victor d'Obernai a prononcé le licenciement de M. B... pour insuffisance professionnelle. Par un jugement du 15 mars 2018, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé cette décision comme entachée d'un défaut de motivation et a rejeté les conclusions de M. B... tendant à la condamnation du lycée Paul Emile Victor d'Obernai à lui verser une somme de 5 000 euros en réparation du préjudice ayant résulté, selon lui, de son licenciement. M. B... relève appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté ses conclusions indemnitaires.
Sur la régularité du jugement :
2. Aux termes de l'article R. 741-7 du code de justice administrative : " Dans les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, la minute de la décision est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience ". Il résulte de l'examen de la minute du jugement attaqué que celui-ci comporte toutes les signatures requises par les dispositions qui précèdent. Par suite, le moyen tiré de l'irrégularité du jugement attaqué manque en fait.
Sur le bien-fondé du jugement :
3. Si toute illégalité qui entache une décision constitue en principe une faute de nature à engager la responsabilité de la collectivité au nom de laquelle cette décision a été prise, une telle faute ne peut donner lieu à la réparation du préjudice subi par le destinataire de la décision si la nature et le degré de gravité de l'illégalité empêchent de regarder le préjudice résultant de cette décision comme entretenant un lien de causalité direct avec cette illégalité, notamment si la même décision aurait pu être légalement prise dans le cadre d'une procédure régulière.
4. Le licenciement pour insuffisance professionnelle d'un agent public contractuel ne peut être fondé que sur des éléments révélant l'inaptitude de l'agent à exercer normalement les fonctions pour lesquelles il a été engagé ou correspondant à son grade et non sur une carence ponctuelle dans l'exercice de ces fonctions.
5. Il résulte de l'instruction qu'à la demande du proviseur du lycée Paul-Emile Victor d'Obernai, M. B... a fait l'objet, le 2 décembre 2014, d'une inspection pédagogique au cours d'un enseignement dispensé aux élèves du centre de formation des apprentis dans l'option " parcs et jardins ".
6. En premier lieu, aucune disposition législative ou réglementaire ni aucun principe ne fait obstacle à ce que l'insuffisance professionnelle d'un agent contractuel de la fonction publique territoriale exerçant des fonctions d'enseignement dans un centre de formation des apprentis soit constatée à l'occasion d'une visite d'inspection pédagogique diligentée dans les conditions prévues par les articles R. 6251-1 et suivants du code du travail et portant sur l'activité pédagogique de l'agent examinée dans la durée. Si M. B... fait valoir que l'inspection dont il a fait l'objet le 2 décembre 2014 n'a porté que sur son enseignement dans l'option " parcs et jardins ", alors qu'il dispensait en outre des cours dans trois autres options, il ressort du rapport d'évaluation rédigé par l'inspecteur de l'éducation nationale à la suite de cette inspection que l'évaluation de sa manière de servir a porté sur son activité et sa pratique pédagogiques dans leur ensemble. Aucune disposition, ni aucun principe n'impliquait que l'insuffisance professionnelle de l'intéressé ne puisse être constatée qu'après une inspection particulière des séances d'enseignement propres à chacune de ces options. Dès lors, aucune illégalité ne saurait résulter de ce que le licenciement pour insuffisance professionnelle de M. B... a été décidé sur la base de l'évaluation réalisée par l'inspecteur de l'éducation nationale au cours de la seule séance d'enseignement du 2 décembre 2014.
7. En second lieu, dans le rapport qu'il a élaboré à la suite de cette séance, l'inspecteur de l'éducation nationale met en avant l'absence totale de démarche pédagogique de l'enseignant, révélée par le fait que les objectifs de la séance de cours n'ont à aucun moment été explicités à l'attention de la classe, qu'aucune synthèse n'a été faite à l'issue de la séance, empêchant ainsi de mesurer les compétences ou les savoirs acquis par les élèves et que l'intéressé ne maîtrisait pas les techniques pédagogiques devant permettre l'acquisition des compétences au travers de mises en situation concrètes. L'inspecteur relève en outre l'absence d'échanges argumentés avec les élèves et la faiblesse des apports de l'enseignant, des approximations et imprécisions dans les explications fournies, la difficulté de l'intéressé à problématiser une situation, à analyser les contextes pour mettre en place des outils de suivi et d'accompagnement, en particulier pour les apprentis en difficulté, ainsi, notamment, que l'absence de tableau de suivi de formation ou de grilles d'évaluation. Il ressort de cette évaluation qu'au-delà des critiques adressées à M. B... sur sa maîtrise insuffisante des connaissances propres à l'option " parcs et jardins ", de graves déficiences pédagogiques affectant l'aptitude de l'intéressé aux fonctions d'enseignant ont pu être constatées. M. B... n'apporte aucun élément de nature à établir que ces difficultés auraient été circonscrites à l'organisation des cours de cette option ou qu'elles auraient présenté un caractère passager ou exceptionnel. La circonstance que l'intéressé n'aurait pas pu bénéficier effectivement de la formation qui lui avait été annoncée sur les spécificités propres à chacune des options dont il avait été chargé n'est pas de nature à remettre en cause l'appréciation portée sur l'aptitude de l'intéressé aux fonctions d'enseignant. Le proviseur du lycée Paul-Emile Victor d'Obernai n'a dès lors pas inexactement qualifié les faits de l'espèce en décidant de procéder au licenciement de M. B... pour insuffisance professionnelle.
8. Il résulte de ce qui vient d'être dit que la décision de licenciement du 13 mars 2015, bien qu'entachée d'un défaut de motivation, était légalement justifiée. Par suite, l'illégalité dont elle est affectée ne présente pas un lien de causalité direct avec le préjudice dont M. B... demande réparation.
9. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté ses conclusions indemnitaires.
Sur les frais liés à l'instance :
10. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens, ou à défaut la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ".
11. Ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge du lycée Paul-Emile Victor d'Obernai, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que M. B... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions du lycée Paul-Emile Victor d'Obernai et du recteur de l'académie de Strasbourg tendant à l'application de ces dispositions.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par le lycée Paul-Emile Victor d'Obernai et le recteur de l'académie de Strasbourg au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... et au lycée Paul-Emile Victor d'Obernai.
Copie en sera adressée au ministre de l'éducation nationale et au recteur de l'académie de Strasbourg.
2
N° 18NC01595