Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. D... B... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler la décision implicite de rejet du 4 avril 2016 par laquelle le directeur du centre de formation d'apprentis (CFA) du lycée Schweisguth de Sélestat a refusé de retirer la décision de licenciement dont il a fait l'objet, de le réintégrer dans son poste de professeur, de lui reconnaître la qualité d'agent non titulaire de la fonction publique, de signer un contrat à durée indéterminée ou, à défaut, un contrat à durée déterminée et de lui verser une indemnité de 25 000 euros en réparation du préjudice subi, d'enjoindre au CFA du lycée Schweisguth de le réintégrer à compter du 20 septembre 2012 dans ses fonctions de professeur contractuel non-titulaire de droit public à durée indéterminée, à défaut à durée déterminée, avec toutes conséquences de droit, y compris la reconstitution de sa carrière, dans un délai de quinze jours à compter du jugement à intervenir sous astreinte de 150 euros par jour de retard, de condamner le CFA du lycée Schweisguth à lui verser une somme de 25 000 euros avec intérêts au taux légal à compter du 4 février 2016 au titre de l'indemnisation du préjudice résultant de son licenciement et de mettre à sa charge une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n° 1603273 du 9 mai 2018, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé la décision implicite de rejet du 4 avril 2016 du CFA du lycée Schweisguth de Sélestat en tant qu'elle refuse de requalifier les contrats de vacation que le requérant a conclus avec le CFA entre le 20 septembre 2012 et le 29 mai 2015 en contrats d'agent non titulaire de l'Etat et a rejeté le surplus des conclusions de la requête.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée, sous le n° 18NC01929, le 9 juillet 2018, M. B..., représenté par Me C..., demande à la Cour :
1°) d'annuler l'article 2 du jugement du tribunal administratif de Strasbourg 9 mai 2018 ;
2°) d'annuler la décision implicite de rejet du CFA du lycée Schweisguth de Sélestat en date du 4 avril 2016 ;
3°) d'annuler la décision de licenciement prise à son encontre, ensemble le courrier du CFA du lycée Schweisguth du 19 octobre 2015, la décision verbale du directeur du CFA mettant fin à ses fonctions, le courrier du CFA du 3 novembre 2015 accompagné d'un projet de contrat et le courrier du 6 novembre 2015 refusant sa candidature ;
4°) d'enjoindre au CFA du lycée Schweisguth de le réintégrer dans son poste de professeur contractuel en régularisant sa situation en tant qu'agent contractuel non-titulaire de droit public à durée indéterminée depuis le 20 septembre 2012, à défaut à durée déterminée, avec toutes conséquences de droit, reconstitution de carrière comprise (notamment complément de rémunération, droits à congés, droits à formation, protection sociale, supplément familial de traitement, indemnité de résidence, primes annuelles, régularisation en matière de cotisations retraite, indemnité de licenciement), dans le délai de quinze jours à compter de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;
5°) de condamner le CFA du lycée Schweisguth à lui verser la somme de 25 000 euros avec intérêts au taux légal à compter du 4 février 2016 au titre de l'indemnisation du préjudice résultant de son licenciement ;
6°) de mettre à la charge du CFA du lycée Schweisguth de Sélestat une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement contesté ne comporte pas la signature des juges qui ont siégé lors de l'audience du 9 mai 2018 ;
- il avait droit, en qualité d'agent contractuel, aux avantages prévus par le décret n° 86-83 du 17 janvier 1986 ; c'est donc à tort que le tribunal a refusé de faire droit à sa demande de reconstitution de carrière ;
- en cette même qualité, il pouvait prétendre à la requalification de son contrat en contrat à durée indéterminée en application de la loi du 12 mars 2012 ;
- c'est à tort que le tribunal a estimé qu'il n'avait pas fait l'objet d'un licenciement ;
- ce licenciement aurait dû intervenir par une décision motivée, après la tenue d'un entretien préalable et la mise en oeuvre de la procédure applicable en matière de licenciement d'un agent public ;
- l'administration ne l'a pas informé de son intention de ne pas renouveler son contrat, en méconnaissance de l'article 45 du décret du 17 janvier 1986 ;
- il est fondé à demander qu'il soit enjoint au lycée CFA Schweisguth de Sélestat de le réintégrer ;
- il avait droit à être indemnisé du préjudice résultant de son éviction illégale ; il a subi un préjudice moral justifiant le versement d'une somme de 25 000 euros.
Par un mémoire enregistré le 7 septembre 2018, le ministre de l'éducation nationale conclut à son incompétence à présenter des observations en défense.
Il fait valoir que la décision pour laquelle M. B... demande réparation a été prise par le proviseur du lycée Schweisguth en sa qualité d'exécutif d'un établissement public local d'enseignement.
Par un mémoire en défense enregistré le 15 janvier 2019, le directeur du CFA du lycée François-Charles Schweisguth de Sélestat et le recteur de l'académie de Strasbourg, représentés par Me E..., concluent :
1°) au rejet de la requête ;
2°) à ce que soit mis à la charge de M. B... le versement de la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils font valoir que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'éducation ;
- le code du travail ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Goujon-Fischer, premier conseiller,
- les conclusions de Mme Peton, rapporteur public,
- et les observations de Me A..., pour le lycée CFA Schweisguth de Sélestat.
Considérant ce qui suit :
1. Par trois contrats, qualifiés de contrats de vacataire, M. B... a été recruté par le centre de formation d'apprentis du lycée Schweisguth de Sélestat en qualité de professeur de mécanique automobile pour les périodes du 20 septembre 2012 au 5 juillet 2013, du 17 septembre 2013 au 30 mai 2014 et du 17 septembre 2014 au 29 mai 2015. Il a refusé de signer le projet de contrat, transmis le 19 octobre 2015 par le CFA du lycée Schweisguth, régularisant son engagement au titre de la période du 1er septembre au 31 octobre 2015, correspondant à 60 heures d'enseignement. Par un courrier reçu par l'administration le 4 février 2016, M. B... a demandé au CFA le retrait de la décision de licenciement dont il estimait avoir ainsi fait l'objet, sa réintégration dans son poste de professeur, la reconnaissance de sa qualité d'agent non titulaire de la fonction publique, la conclusion d'un contrat à durée indéterminée ou à défaut un contrat à durée déterminée et le versement d'une indemnité de 25 000 euros en réparation du préjudice qu'il considérait avoir subi du fait de son licenciement. Le silence de l'administration sur ces demandes a fait naître une décision implicite de rejet le 4 avril 2016. Par un jugement n° 1603273 du 9 mai 2018, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé cette décision implicite en tant qu'elle refusait de requalifier les contrats de vacation conclus entre le requérant et le CFA du lycée Schweisguth entre le 20 septembre 2012 et le 29 mai 2015 en contrats d'agent non titulaire de l'Etat et a rejeté le surplus des conclusions de la requête dirigées contre cette décision. M. B... relève appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté ce surplus de conclusions.
Sur la régularité du jugement :
2. Aux termes de l'article R. 741-7 du code de justice administrative : " Dans les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, la minute de la décision est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience ". Il résulte de l'examen de la minute du jugement attaqué que celui-ci comporte toutes les signatures requises par les dispositions qui précèdent. Par suite, le moyen tiré de l'irrégularité du jugement attaqué manque en fait.
Sur le bien-fondé du jugement :
En ce qui concerne les conclusions à fins d'annulation :
3. En premier lieu, les conclusions de M. B... tendant à l'annulation du courrier du CFA du lycée Schweisguth du 19 octobre 2015, de la décision verbale du directeur de ce CFA du 3 novembre 2015 mettant fin à ses fonctions, du courrier du CFA du 3 novembre 2015 accompagné d'un projet de contrat et du courrier du 6 novembre 2015 refusant sa candidature à un recrutement sont nouvelles en appel et ne peuvent dès lors qu'être rejetées comme irrecevables.
4. En deuxième lieu, lorsqu'un agent contractuel a été recruté sur un contrat, même verbal, ne comportant aucune indication de durée, l'administration doit régulariser sa situation en lui proposant un contrat écrit. Si le contrat proposé comporte des modifications substantielles des clauses du contrat initial en cours d'exécution, autres que celles justifiées par la suppression de stipulations illégales qui y figuraient, la décision prise par l'employeur de mettre fin à toute relation contractuelle avec l'agent, à la suite du refus par ce dernier de la proposition qui lui est faite, doit être regardée comme un licenciement.
5. Il ressort des pièces du dossier que M. B... a été recruté au titre de trois années scolaires successives, de septembre 2012 à mai 2015, pour assurer un enseignement de mécanique automobile aux élèves du centre de formation des apprentis du lycée Schweisguth de Sélestat préparant le certificat d'aptitude professionnelle de cette spécialité. Il a de nouveau assuré une soixantaine d'heures d'enseignement en septembre et octobre 2015 dans la même discipline et pour le même public, sans qu'aucun élément versé au dossier ne permette d'établir la commune intention des parties au contrat verbal en vertu duquel cet enseignement a été dispensé de limiter son engagement en qualité de professeur à la seule période couvrant les mois de septembre et octobre 2015, alors, au demeurant, que les premiers juges ont estimé que les fonctions de M. B... correspondaient à un besoin permanent. Dans ces conditions, la reprise par M. B... de ses fonctions de professeur du centre de formation des apprentis au mois de septembre 2015 établit la commune intention des parties de renouveler l'engagement de l'intéressé par un contrat à durée déterminée couvrant l'ensemble de l'année scolaire 2015-2016. Dès lors, la proposition faite à M. B..., par courrier du 19 octobre 2015, de conclure un contrat couvrant la période du 1er septembre au 30 octobre 2015, mettant fin, au-delà de cette date, à toute relation contractuelle entre lui et le lycée Schweisguth, doit être regardée comme portant licenciement de l'intéressé.
6. Aux termes de l'article 47 du décret n° 86-83 du 17 janvier 1986 relatif aux dispositions générales applicables aux agents contractuels de l'Etat, qui prévoit que : " Le licenciement ne peut intervenir qu'à l'issue d'un entretien préalable (...) ". Il est constant que la décision de licenciement de M. B... n'a donné lieu à aucun l'entretien préalable prévu par les dispositions précitées de l'article 47 du décret du 17 janvier 1986. Cette décision est ainsi entachée d'illégalité. Par suite et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens soulevés par M. B..., celui-ci est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a refusé d'annuler la décision implicite du 4 avril 2016 en tant qu'elle a refusé de retirer cette mesure de licenciement.
7. En troisième lieu, en se bornant à soutenir qu'il a été recruté comme professeur de plusieurs centres de formation des apprentis depuis 2010, sans faire état d'aucune disposition législative ou réglementaire de nature à justifier légalement, au regard de cette circonstance, son droit à la requalification de son engagement par le CFA du lycée Schweisguth en contrat à durée indéterminée, M. B... ne conteste par utilement la légalité de la décision implicite du 4 avril 2016 en tant qu'elle refuse de faire droit à sa demande tendant à ce que lui soit proposée la conclusion d'un contrat à durée indéterminée.
En ce qui concerne les conclusions indemnitaires :
8. Si toute illégalité qui entache une décision constitue en principe une faute de nature à engager la responsabilité de la collectivité au nom de laquelle cette décision a été prise, une telle faute ne peut donner lieu à la réparation du préjudice subi par le destinataire de la décision si la nature et le degré de gravité de l'illégalité empêchent de regarder le préjudice résultant de cette décision comme entretenant un lien de causalité direct avec cette illégalité, notamment si la même décision aurait pu être légalement prise dans le cadre d'une procédure régulière.
9. D'une part, si M. B... soutient que la décision verbale par laquelle il a été licencié n'a, de ce fait, pas satisfait à l'obligation de motivation, il ne résulte pas de l'instruction qu'il ait sollicité la communication des motifs de droit et de fait qui en constituaient le fondement, de sorte que le moyen tiré du défaut de motivation de cette décision ne peut qu'être écarté. En outre, en se bornant à soutenir qu'il a été licencié sans respect de la procédure de licenciement prévue au profit des agents contractuels de l'Etat, sans préciser quelles formalités, hormis la tenue d'un entretien préalable, et quelles dispositions auraient été méconnues, M. B... ne met pas la cour à même d'apprécier la portée de son moyen.
10. D'autre part, il ne résulte pas de l'instruction que l'irrégularité résultant de l'absence d'entretien préalable au licenciement dont a fait l'objet M. B... ait eu, dans les circonstances de l'espèce, une incidence sur la décision du CFA du lycée Schweisguth de prononcer ce licenciement. Par suite, cette irrégularité ne constitue pas la cause directe du préjudice dont se prévaut M. B.... Le requérant ne présente par ailleurs aucun moyen de nature à remettre en cause le bien-fondé de la décision de licenciement prise à son égard. Par suite, il n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté ses conclusions indemnitaires.
11. Il résulte de tout ce qui précède qu'il y a lieu d'annuler la décision implicite du CFA du lycée Schweisguth du 4 avril 2016 en tant qu'elle refuse de retirer le licenciement de M. B... ainsi que le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 9 mai 2018 en tant qu'il a rejeté les conclusions de M. B... tendant à l'annulation de cette décision.
Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :
12. Il appartient à la juridiction administrative, saisie de conclusions à fin d'injonction, d'y statuer en tenant compte de la situation de fait et de droit existant à la date de sa décision. Si l'annulation du licenciement d'un agent contractuel implique en principe la réintégration de l'intéressé à la date de son éviction, cette réintégration doit être ordonnée sous réserve de l'examen de la date à laquelle le contrat aurait normalement pris fin si la mesure d'éviction illégale n'était pas intervenue. Il résulte de ce qui précède que l'annulation de la décision implicite du 4 avril 2016 refusant de retirer le licenciement de M. B... n'implique pas la réintégration de ce dernier, dont le contrat aurait pris fin, au plus tard, au terme de l'année scolaire 2015-2016. Par suite, les conclusions de M. B... tendant à ce qu'il soit enjoint au CFA du lycée Schweisguth de procéder sous astreinte à sa réintégration doivent être rejetées. Il y a lieu, en revanche, d'enjoindre au CFA de procéder, dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, à l'examen des droits de l'intéressé au titre de la période comprise entre son éviction illégale et la date d'échéance normale de son contrat. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les frais liés à l'instance :
13. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens, ou à défaut la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ".
14. Ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. B..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que le CFA du lycée Schweisguth demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du lycée Schweisguth une somme de 2 000 euros au titre de ces dispositions.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 9 mai 2018 est annulé en tant qu'il a rejeté les conclusions de M. B... tendant à l'annulation de la décision implicite du CFA du lycée Schweisguth de Sélestat du 4 avril 2016 en tant qu'elle refuse de retirer son licenciement.
Article 2 : La décision implicite du CFA du lycée Schweisguth du 4 avril 2016 est annulée en tant qu'elle refuse de retirer le licenciement de M. B....
Article 3 : Il est enjoint au CFA du lycée Schweisguth de procéder, dans un délai de deux mois suivant la notification du présent arrêt, à l'examen des droits de M. B... au titre de la période comprise entre son éviction illégale et la date d'échéance normale de son contrat.
Article 4 : Le CFA du lycée Schweisguth versera à M. B... une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... B... et au CFA du lycée Schweisguth de Sélestat.
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N° 18NC01929