Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme E... D... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de condamner la commune de Pfastatt à lui verser la somme totale de 21 531,88 euros, augmentée de la capitalisation des intérêts échus, en réparation des préjudices financier et moral qu'elle estime avoir subis du fait du harcèlement moral dont elle a été victime.
Par un jugement no 1805718 du 25 juin 2019, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 26 août 2019 et le 1er octobre 2020, Mme E... D..., représentée par Me F..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 25 juin 2019 ;
2°) de condamner la commune de Pfastatt à lui verser la somme totale de 21 531,88 euros, augmentée de la capitalisation des intérêts échus, en réparation des préjudices financier et moral qu'elle estime avoir subis du fait du harcèlement moral dont elle a été victime ;
3°) d'enjoindre à la commune de Pfastatt de reconstituer ses droits à carrière, avancement, grade et échelon et de régulariser rétroactivement son régime indemnitaire ainsi que le manque à gagner résultant de son placement en congé de maladie ;
4°) de mettre à la charge de la commune de Pfastatt la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- elle a été victime d'un harcèlement moral ;
- le changement d'affectation dont elle a été victime, justifié par des difficultés relationnelles, constitue une mesure prise en considération de sa personne, sans pour autant qu'elle ait eu accès à son dossier et que la commission administrative paritaire et le comité technique aient été consultés ;
- elle est victime d'une sanction disciplinaire déguisée prononcée sans consultation du conseil de discipline qui lui aurait permis de s'expliquer ; en outre, la perte de responsabilité et le changement d'affectation ne constituent pas des sanctions disciplinaires légales ;
- elle a été victime d'une discrimination dès lors qu'un autre agent à l'issue d'un congé de maladie plus long que le sien a repris son poste ;
- elle n'est pas responsable de l'arrêt de travail d'un agent ;
- le maire a tardé à présenter son dossier au comité médical ;
- elle a subi un préjudice moral du fait du harcèlement qui a eu un impact sur sa santé ;
- elle a subi un préjudice financier et de carrière en l'absence de revalorisation de son régime indemnitaire et de la perte de traitement liée à la réduction des primes à la suite de son passage à demi-traitement en mars 2017, à la perte de la nouvelle bonification indiciaire et du treizième mois, enfin elle a été contrainte de déménager.
Par un mémoire en défense, enregistré le 13 février 2020, la commune de Pfastatt, représentée par Me B..., conclut au rejet de la requête et demande que la somme de 2 000 euros soit mise à la charge de Mme D... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ;
- le décret n° 88-386 du 19 avril 1988 ;
- le décret n° 88-976 du 13 octobre 1988 ;
- le décret n° 89-376 du 8 juin 1989 ;
- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. C...,
- les conclusions de Mme Seibt, rapporteur public,
- et les observations de Me F... pour Mme D....
Une note en délibéré, présentée pour Mme D..., par Me F..., a été enregistrée le 24 février 2021.
1. Mme D..., attachée territoriale principale de 1ère classe, est employée par la commune de Pfastatt en qualité de directrice des ressources humaines. A la suite de la mise en cause de son comportement par une collègue et d'un état d'épuisement professionnel, elle a été placée en congé de maladie imputable à un accident de service à compter du 20 avril 2016. L'intéressée, en dépit de l'avis d'un médecin agréé du 17 novembre 2016 la déclarant apte, n'a pas été réaffectée à son poste et, en raison d'un stress important qu'elle imputait à l'attitude de son employeur, a été placée en congé de maladie ordinaire à compter du 30 décembre 2016, puis en congé de longue maladie du 30 décembre 2016 au 30 décembre 2017 et, enfin, en congé de longue durée jusqu'au 29 mars 2019. S'estimant victime de faits de harcèlement moral, l'intéressée a présenté une réclamation indemnitaire le 30 avril 2018 que la commune de Pfastatt a implicitement rejetée. Par un jugement du 25 juin 2019, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la commune de Pfastatt à l'indemniser des préjudices financier et moral résultant du harcèlement moral et des autres fautes dont elle s'estime avoir été victime.
Sur le bien-fondé du jugement :
En ce qui concerne le harcèlement moral :
2. Aux termes de l'article 6 quinquiès de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ".
3. Il appartient à un agent public, qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral, de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement. Il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile. Pour apprécier si des agissements dont il est allégué qu'ils sont constitutifs d'un harcèlement moral revêtent un tel caractère, le juge administratif doit tenir compte des comportements respectifs de l'agent auquel il est reproché d'avoir exercé de tels agissements et de l'agent qui estime avoir été victime d'un harcèlement moral. En revanche, la nature même des agissements en cause exclut, lorsque l'existence d'un harcèlement moral est établie, qu'il puisse être tenu compte du comportement de l'agent qui en a été victime pour atténuer les conséquences dommageables qui en ont résulté pour lui. Le préjudice résultant de ces agissements pour l'agent victime doit alors être intégralement réparé.
4. Mme D... fait valoir que la lenteur avec laquelle l'administration a organisé sa reprise du service, à l'issue de son congé de maladie, a fortement dégradé son état de santé, provoquant notamment un syndrome dépressif réactionnel et des troubles intestinaux, pour lesquels elle a été placée en arrêt de maladie le 30 décembre 2016, puis en congé de longue maladie et, enfin, en congé de longue durée.
5. Il est constant que le 24 novembre 2016, le directeur général des services adjoint a informé Mme D..., soit quatre jours avant la reprise du service, qu'elle ne reprendrait pas ses fonctions de directrice des ressources humaines, puis le 13 décembre 2016, en dépit de l'assurance que lui avait donné le maire, par un courriel du 12 décembre, de lui confier de nouvelles missions en rapport avec ses compétences, l'intéressée n'a été affectée sur aucun poste correspondant à son grade. Ce n'est que le 25 janvier 2017, après plusieurs échanges et entretiens avec les élus et le directeur général des services adjoint, qu'un poste de directrice de la bibliothèque lui a été proposé qu'elle a refusé au motif qu'il ne correspondait pas à son cadre d'emploi. Toutefois, il résulte de l'instruction que la commune de Pfastatt a décidé de ne pas réintégrer l'intéressée sur son poste en raison de difficultés relationnelles avec le personnel et d'une réorganisation du service durant son absence qui a permis d'améliorer les relations entre les agents. En outre, il ressort du compte rendu d'entretien du 16 octobre 2016, établi par la première adjointe au maire, que Mme D... ne souhaitait plus exercer l'intégralité de ses attributions et, plus particulièrement, être quotidiennement en contact avec le personnel. S'il est vrai que la commune de Pfastatt a sollicité le vote du personnel concernant la reprise par Mme D... de son poste, ce procédé avait pour seul objet de mesurer l'importance des difficultés entre cette dernière et les agents. Ainsi, cette décision de changement d'affectation, motivée par l'intérêt du service, alors qu'un fonctionnaire n'a aucun droit acquis à conserver son poste mais seulement à recevoir une affectation correspondant à son grade dans un délai raisonnable, n'excède pas les limites de l'exercice du pouvoir hiérarchique. A cet égard, les attestations établies par trois collègues de la requérante ne sont pas de nature à remettre en cause l'existence de difficultés relationnelles avec d'autres agents.
6. Par ailleurs, il résulte de l'instruction que tant les élus que le directeur général des services adjoint ont examiné, notamment lors d'entrevues les 16 octobre 2016, 3 et 16 janvier 2017, avec Mme D... les conditions dans lesquelles elle pourrait reprendre le service.
7. S'il est constant que Mme D... a été placée dès le 30 décembre 2016 en congé de maladie puis, en congé de longue maladie du 30 décembre 2016 au 29 décembre 2017 et, enfin, en congé de maladie de longue durée à compter du 30 décembre 2017 jusqu'au 29 mars 2019 et que les certificats médicaux et rapports d'expertise qu'elle a produits soulignent le lien entre son état de santé et la situation professionnelle qu'elle a vécue, cette circonstance n'est pas de nature à établir un lien de causalité avec des agissements répétés de harcèlement moral. Il résulte de l'instruction que la dégradation de son état de santé résulte du seul refus de la réintégrer sur son poste de directrice des ressources humaines.
8. La circonstance qu'un autre fonctionnaire, à l'issue de son congé de maladie, a pu reprendre son poste n'est pas de nature à établir que Mme D... a été victime d'un harcèlement moral, ni même d'une discrimination.
9. Il résulte de tout ce qui précède que le seul fait de ne pas avoir proposé à Mme D... un poste correspondant à son grade ne suffit pas à faire présumer l'existence d'un harcèlement moral.
En ce qui concerne les autres fautes :
10. En premier lieu, s'il résulte de l'instruction que la commune de Pfastatt a sollicité le vote des agents concernant la reprise par Mme D... de son poste de directrice des ressources humaines, ce fait, dont le seul objet était de permettre de mesurer les difficultés relationnelles entre celle-ci et les agents ainsi qu'il a été dit au point 5, ne saurait être regardé comme constitutif d'une faute.
11. En deuxième lieu, il ne résulte ni de l'article 33, ni de l'article 97 de la loi du 26 janvier 1984, ni d'aucune autre disposition législative ou réglementaire, que le changement d'affectation de Mme D... aurait dû être précédé de la consultation du comité technique paritaire. Par suite, en ne consultant pas cette instance, la commune de Pfastatt n'a commis aucune faute.
12. En troisième lieu, aux termes de l'article 52 de la loi du 26 janvier 1984 dans sa rédaction applicable au litige : " L'autorité territoriale procède aux mouvements des fonctionnaires au sein de la collectivité ou de l'établissement ; seules les mutations comportant changement de résidence ou modification de la situation des intéressés sont soumises à l'avis des commissions administratives paritaires. (...) ". Il ne résulte pas de l'instruction que l'affectation de Mme D... sur le poste de directrice de la bibliothèque, au demeurant seulement envisagé par la commune de Pfastatt, qui n'implique aucun changement de résidence, entraînerait une modification de la situation de la requérante. Par suite, elle n'est pas fondée à soutenir qu'en s'abstenant de consulter la commission administrative paritaire, la commune aurait commis une faute.
13. En quatrième lieu, la commune de Pfastatt n'a pas commis de faute en ne proposant un poste à Mme D... que le 25 janvier 2017, soit trois mois après la date à laquelle sa reprise du service était prévue, puis en s'abstenant de lui en proposer d'autres dès lors que l'intéressée a été placée en congé de longue maladie à compter du 30 décembre 2016, puis en congé de longue durée jusqu'au 29 mars 2019, sans discontinuité.
14. En cinquième lieu, si Mme D... fait valoir que la commune a commis une faute en prononçant à son encontre une sanction disciplinaire déguisée sans avoir respecté la procédure disciplinaire, il ne résulte pas de l'instruction qu'en décidant de la changer d'affectation, la commune de Pfastatt aurait eu l'intention de la sanctionner.
15. En dernier lieu, il résulte de l'instruction, et n'est pas contesté, que le 24 novembre 2016, le directeur général des services adjoint a informé Mme D... qu'elle ne reprendrait pas ses fonctions de directrice des ressources humaines et qu'elle serait affectée sur un autre poste, soit quatre jours avant la reprise du service prévue initialement le 28 novembre 2016, puis reportée au 13 décembre suivant, ce que le maire de la commune lui a confirmé par un courriel du 12 décembre 2016. Si la commune lui a proposé, le 25 janvier 2017, une affectation sur le poste de directrice de la bibliothèque, aucune décision de changement d'affectation n'a été effectivement prononcée. Par suite, la requérante n'est pas fondée à soutenir qu'elle n'a pas été mise en mesure de consulter son dossier préalablement à son changement d'affectation et qu'en conséquence, la commune de Pfastatt aurait commis une faute.
16. Il résulte de tout ce qui précède que Mme D... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande indemnitaire. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées. Enfin, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées au titre du même article par la commune de Pfastatt.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de Mme D... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par la commune de Pfastatt sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Me F... pour Mme E... D... et à Me B... pour la commune de Pfastatt en application des dispositions de l'article 6 du décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020.
N° 19NC02684 6