Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La SA Alsacienne du Bâtiment a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler deux titres de recettes émis par la commune de Strasbourg le 22 décembre 2017, l'un n° 8583 pour un montant de 15 825,60 euros et l'autre n° 8582 pour un montant de 21 829,50 euros, ensemble la décision implicite de rejet du recours gracieux formé le 2 mars 2018.
Par deux ordonnances n° 1804037 et 1804038 du 17 septembre 2018, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté ses demandes comme étant irrecevables.
Procédure devant la cour :
I. Par une requête n° 18NC03112 enregistrée le 19 novembre 2018, la SA Alsacienne du Bâtiment, représentée par Me A..., demande à la cour :
1°) d'annuler l'ordonnance n° 1804038 du tribunal administratif de Strasbourg du 17 septembre 2018 ;
2°) de condamner la ville de Strasbourg à lui verser une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le tribunal a commis une erreur de droit en jugeant que les pièces annexées à la requête de première instance n'étaient pas présentées conformément aux dispositions de l'article R. 414-3 du code de justice administrative ;
- la présentation des pièces jointes dans l'application télérecours est conforme à leur dénomination dans l'inventaire détaillé au moins par une référence au numéro d'ordre attribué dans l'inventaire ;
- en annexe un fichier contenait l'inventaire détaillé des pièces, chaque pièce était identifié par un intitulé et faisait l'objet d'un dépôt par un fichier propre et individualisé ; chacun des fichiers de dépôt a été nommé d'après le numéro d'ordre de l'inventaire ;
- la requête a donc respecté les règles de forme et de présentation du dossier.
II. Par une requête n° 18NC03113 enregistrée le 19 novembre 2018, la SA Alsacienne du Bâtiment, représentée par Me A..., demande à la cour :
1°) d'annuler l'ordonnance n° 1804037 du tribunal administratif de Strasbourg du 17 septembre 2018 ;
2°) de condamner la ville de Strasbourg à lui verser une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le tribunal a commis une erreur de droit en jugeant que les pièces annexées à la requête de première instance n'étaient pas présentées conformément aux dispositions de l'article R. 414-3 du code de justice administrative ;
- la présentation des pièces jointes dans l'application télérecours est conforme à leur dénomination dans l'inventaire détaillé au moins par une référence au numéro d'ordre attribué dans l'inventaire ;
- en annexe un fichier contenait l'inventaire détaillé des pièces, chaque pièce était identifié par un intitulé et faisait l'objet d'un dépôt par un fichier propre et individualisé ; chacun des fichiers de dépôt a été nommé d'après le numéro d'ordre de l'inventaire ;
- la requête a donc respecté les règles de forme et de présentation du dossier.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Grossrieder, présidente-assesseure,
- les conclusions de Mme Peton, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Les requêtes susvisées n° 18NC03112 et n° 18NC03113, présentées pour la SA Alsacienne du Bâtiment, présentent à juger les mêmes questions. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.
2. Il ressort des pièces du dossier que la ville de Strasbourg a émis le 22 décembre 2017 à l'encontre de la SA Alsacienne du Bâtiment deux titres de recettes n° 8582 et 8583 d'un montant de 21 829,50 euros et de 15 825,60 euros pour occupation du domaine public lors de travaux de construction réalisés entre la rue du Noyer et la rue Marbach. Par deux ordonnances du 17 septembre 2018, le président de la 4ème chambre du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté les demandes de la société Alsacienne du Bâtiment tendant à l'annulation de ces titres exécutoires comme manifestement irrecevables en l'absence de régularisation de la présentation des pièces jointes au moyen de l'application informatique mentionnée à l'article R. 414-1 du code de justice administrative, dénommée Télérecours, au motif que ces pièces n'avaient pas été répertoriées par un signet les désignant conformément à leur inventaire. La société Alsacienne du Bâtiment relève appel de ces ordonnances.
3. Aux termes de l'article R. 222-1 du code de justice administrative : " (...) les présidents de formation de jugement des tribunaux et des cours (...) peuvent, par ordonnance : / (...) 4° Rejeter les requêtes manifestement irrecevables, lorsque la juridiction n'est pas tenue d'inviter leur auteur à les régulariser ou qu'elles n'ont pas été régularisées à l'expiration du délai imparti par une demande en ce sens (...) ". Aux termes de l'article R. 612-1 du même code : " Lorsque des conclusions sont entachées d'une irrecevabilité susceptible d'être couverte après l'expiration du délai de recours, la juridiction ne peut les rejeter en relevant d'office cette irrecevabilité qu'après avoir invité leur auteur à les régulariser. / (...) / La demande de régularisation mentionne que, à défaut de régularisation, les conclusions pourront être rejetées comme irrecevables dès l'expiration du délai imparti qui, sauf urgence, ne peut être inférieur à quinze jours. La demande de régularisation tient lieu de l'information prévue à l'article R. 6117 ".
4. Aux termes de l'article R. 412-2 du code de justice administrative : " Lorsque les parties joignent des pièces à l'appui de leurs requêtes et mémoires, elles en établissent simultanément un inventaire détaillé (...) ". L'article R. 414-1 du même code dispose : " Lorsqu'elle est présentée par un avocat, un avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, une personne morale de droit public autre qu'une commune de moins de 3 500 habitants ou un organisme de droit privé chargé de la gestion permanente d'un service public, la requête doit, à peine d'irrecevabilité, être adressée à la juridiction par voie électronique au moyen d'une application informatique dédiée accessible par le réseau internet. La même obligation est applicable aux autres mémoires du requérant (...) ". Aux termes des dispositions de l'article R. 414-3 du même code, dans leur rédaction applicable au litige : " Par dérogation aux dispositions des articles R. 411-3, R. 411-4, R. 412-1 et R. 412-2, les requérants sont dispensés de produire des copies de leur requête et des pièces qui sont jointes à celle-ci et à leurs mémoires. / Les pièces jointes sont présentées conformément à l'inventaire qui en est dressé. / Lorsque le requérant transmet, à l'appui de sa requête, un fichier unique comprenant plusieurs pièces, chacune d'entre elles doit être répertoriée par un signet la désignant conformément à l'inventaire mentionné ci-dessus. S'il transmet un fichier par pièce, l'intitulé de chacun d'entre eux doit être conforme à cet inventaire. Le respect de ces obligations est prescrit à peine d'irrecevabilité de la requête. / Les mêmes obligations sont applicables aux autres mémoires du requérant, sous peine pour celui-ci, après invitation à régulariser non suivie d'effet, de voir ses écritures écartées des débats. / Si les caractéristiques de certaines pièces font obstacle à leur communication par voie électronique, ces pièces sont transmises sur support papier, dans les conditions prévues par l'article R. 412-2. L'inventaire des pièces transmis par voie électronique en fait mention ".
5. Les dispositions citées au point 4 relatives à la transmission de la requête et des pièces qui y sont jointes par voie électronique définissent un instrument et les conditions de son utilisation qui concourent à la qualité du service public de la justice rendu par les juridictions administratives et à la bonne administration de la justice. Elles ont pour finalité de permettre un accès uniformisé et rationalisé à chacun des éléments du dossier de la procédure, selon des modalités communes aux parties, aux auxiliaires de justice et aux juridictions.
6. Ces dispositions organisent la transmission par voie électronique des pièces jointes à la requête à partir de leur inventaire détaillé. Cet inventaire doit s'entendre comme une présentation exhaustive des pièces par un intitulé comprenant, pour chacune d'elles, un numéro dans un ordre continu et croissant ainsi qu'un libellé suffisamment explicite.
7. Ces dispositions imposent également, eu égard à la finalité mentionnée au point 4, de désigner chaque pièce dans l'application Télérecours au moins par le numéro d'ordre qui lui est attribué par l'inventaire détaillé, que ce soit dans l'intitulé du signet la répertoriant dans le cas de son intégration dans un fichier unique global comprenant plusieurs pièces ou dans l'intitulé du fichier qui lui est consacré dans le cas où celui-ci ne comprend qu'une seule pièce. Dès lors, la présentation des pièces jointes est conforme à leur inventaire détaillé lorsque l'intitulé de chaque signet au sein d'un fichier unique global ou de chaque fichier comprenant une seule pièce comporte au moins le même numéro d'ordre que celui affecté à la pièce par l'inventaire détaillé. En cas de méconnaissance de ces prescriptions, la requête est irrecevable si le requérant n'a pas donné suite à l'invitation à régulariser que la juridiction doit, en ce cas, lui adresser par un document indiquant précisément les modalités de régularisation de la requête.
8. Il ressort des pièces du dossier que la société Alsacienne du Bâtiment a adressé au tribunal administratif de Strasbourg, le 29 juin 2018, en utilisant l'application Télérecours, deux demandes concernant chacune un titre de recettes, accompagnées chacune d'un inventaire mentionnant quatre pièces qui y étaient numérotées par ordre croissant continu et désignées par des libellés suffisamment explicites, ainsi que de fichiers comprenant chacun une seule pièce et reprenant les numéros des pièces figurant à l'inventaire mais sans comporter aucun libellé. Le 16 juillet 2018, l'avocat de la requérante a reçu deux invitations à régulariser ces demandes dans le délai de quinze jours. Ces invitations à régulariser précisaient, notamment, qu'en cas de transmission des pièces dans des fichiers séparés, l'intitulé de chacun des fichiers devait être conforme à l'inventaire des pièces. Toutefois, dès lors que chaque fichier transmis le 29 juin 2018 était intitulé d'après le numéro d'ordre affecté par l'inventaire détaillé à la pièce qu'il comprenait, le président de la 4ème chambre du tribunal administratif de Strasbourg a commis une erreur de droit en rejetant les demandes de la requérante comme manifestement irrecevables au motif que leur avocat n'avait pas, comme il y était tenu, régularisé les demandes en produisant les fichiers assortis d'un intitulé les désignant conformément à l'inventaire des pièces.
9. Il résulte de ce qui précède que les demandes de la requérante étaient recevables et qu'elle est fondée à soutenir que c'est à tort que, par les ordonnances attaquées, le président de la 4ème chambre du tribunal administratif a rejeté ses demandes. Les affaires n'étant pas en état d'être jugées, il y a lieu de les renvoyer au tribunal administratif de Strasbourg.
10. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la ville de Strasbourg le versement à la SA Alsacienne du Bâtiment de la somme de 2 000 euros, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : Les ordonnances du 17 septembre 2018 du tribunal administratif de Strasbourg sont annulées.
Article 2 : Les affaires sont renvoyées au tribunal administratif de Strasbourg.
Article 3 : La ville de Strasbourg versera à la SA Alsacienne du Bâtiment une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la SA Alsacienne du Bâtiment et à la ville de Strasbourg.
2
N° 18NC03112-18NC03113