Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme C... B... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 28 novembre 2019 par laquelle le préfet du Haut-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français.
Par un jugement n° 1909661 du 30 avril 2020, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé l'arrêté du 28 novembre 2019 et enjoint au préfet du Haut-Rhin de lui délivrer un certificat de résidence.
Procédure devant la cour :
I. Par une requête enregistrée sous le n° 20NC01385 le 30 juin 2020, le préfet du Haut-Rhin demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 30 avril 2020 ;
2°) de rejeter la demande de Mme B....
Il soutient que :
- le jugement est entaché d'une erreur d'appréciation dès lors que Mme B... ne justifie pas avoir déplacé le centre de ses intérêts sur le territoire français ;
- l'intéressée ne justifie pas d'une ancienneté significative sur le territoire français ni entretenir des relations d'une particulière intensité avec ses enfants ;
- l'intéressée ne justifie pas d'une insertion dans la société française ni d'une précarité financière en Algérie et son état de santé ne nécessite pas son maintien en France ;
- elle a fait l'objet d'une précédente mesure d'éloignement à laquelle elle n'a pas déférée.
Par un mémoire en défense, enregistré le 6 novembre 2020, Mme B..., représentée par Me A... conclut au rejet de la requête.
Elle fait valoir que les moyens soulevés par le préfet ne sont pas fondés.
II. Par une requête n° 20NC01386, enregistrée le 30 juin 2020, le préfet du Haut-Rhin demande à la cour d'ordonner la suspension de l'exécution du jugement du 30 avril 2020.
Il présente les mêmes moyens que dans sa requête n° 20NC01385.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles et ses avenants ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de Mme Grossrieder, présidente-assesseure, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme B..., ressortissante algérienne née 18 janvier 1948, est entrée régulièrement
en France le 6 octobre 2014, sous couvert d'un visa à entrées multiples valable du 30 mars 2014 au 29 mars 2015. Elle a sollicité le 28 août 2019, pour la troisième fois, un titre de séjour, sur le fondement de l'article 6-5 de l'accord franco-algérien modifié. Par arrêté du 28 novembre 2019, le préfet du Haut-Rhin a refusé de lui délivrer le titre demandé et l'a obligée à quitter le territoire dans le délai de trente jours. Par un jugement du 30 avril 2020, le tribunal administratif de Strasbourg, d'une part, a annulé l'arrêté du 28 novembre 2019 et, d'autre part, a enjoint au préfet du Haut-Rhin de délivrer à l'intéressée un certificat de résidence d'Algérien. Par deux requêtes distinctes, le préfet du Haut-Rhin, d'une part, relève appel de ce jugement et, d'autre part, demande à la cour d'en prononcer le sursis à exécution.
2. Les requêtes n° 20NC01385 et n° 20NC01386, présentées par le préfet du Haut-Rhin, tendent respectivement à l'annulation et au sursis à exécution du même jugement et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour qu'elles fassent l'objet d'un seul arrêt.
Sur le motif d'annulation retenu par le tribunal :
3. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) 5) au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus ; (...) ".
4. Si Mme B..., née en 1948, entrée en France en 2014, se prévaut de la présence en France de cinq de ses enfants, il ressort toutefois des pièces du dossier que deux de ses enfants et deux de ses frères résident en Algérie où elle a vécu la majeure partie de sa vie. Mme B... n'établit ni même n'allègue que son état de santé nécessiterait des soins qui ne pourraient lui être dispensés qu'en France ni même, au demeurant, qu'elle aurait perdu son autonomie justifiant qu'elle vive auprès de ses enfants. Elle ne produit par ailleurs aucun élément de nature à établir la réalité de ses liens en France. Ainsi, eu égard aux conditions de son séjour en France, la décision contestée ne porte pas une atteinte disproportionnée au droit de Mme B... au respect de sa vie privée et familiale.
5. Il résulte de ce qui précède que c'est à tort que le tribunal administratif de Strasbourg s'est fondé sur la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 6-5 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié, pour annuler l'arrêté du préfet du Haut-Rhin du 28 novembre 2019.
6. Il appartient à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme B... tant devant le tribunal administratif de Strasbourg que devant la cour en appel.
Sur les autres moyens soulevés par Mme B... :
7. Les moyens dirigés contre la décision portant refus de titre de séjour ayant été écartés, le moyen tiré, par la voie de l'exception, de l'illégalité de cette décision ne peut qu'être écarté par voie de conséquence.
8. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet du Haut-Rhin est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé son arrêté du 28 novembre 2019.
Sur les conclusions à fins de sursis à exécution du jugement :
9. La cour se prononçant, par le présent arrêt, sur la requête n° 20NC01385 du préfet du Haut-Rhin tendant à l'annulation du jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 30 avril 2020, il n'y a plus lieu de statuer sur la requête n° 20NC01386 par laquelle le préfet du Haut-Rhin sollicitait le sursis à exécution de ce jugement.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 30 avril 2020 est annulé.
Article 2 : La demande de Mme B... est rejetée.
Article 3 : Il n'y a pas lieu de statuer sur la requête n° 20NC01386.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... B... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Haut-Rhin.
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N° 20NC01385-20NC01386