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01/06/2021 | FRANCE | N°19NC02632

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre, 01 juin 2021, 19NC02632


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg, d'une part, d'annuler la décision implicite par laquelle le maire de la commune de Behren-lès-Forbach a refusé de reconnaître qu'il a été victime de harcèlement moral et de l'indemniser des préjudices subis et, d'autre part, de condamner la commune de Behren-lès-Forbach à lui verser une somme globale de 150 000 euros ou, à tout le moins, une somme de 30 000 euros en réparation des préjudices moraux et professionnels résultant du harcèle

ment moral dont il a été victime.

Par un jugement no 1703064 du 18 juin 2019,...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg, d'une part, d'annuler la décision implicite par laquelle le maire de la commune de Behren-lès-Forbach a refusé de reconnaître qu'il a été victime de harcèlement moral et de l'indemniser des préjudices subis et, d'autre part, de condamner la commune de Behren-lès-Forbach à lui verser une somme globale de 150 000 euros ou, à tout le moins, une somme de 30 000 euros en réparation des préjudices moraux et professionnels résultant du harcèlement moral dont il a été victime.

Par un jugement no 1703064 du 18 juin 2019, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 14 août 2019 et le 7 octobre 2020, M. A... C..., représenté par Me E..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 18 juin 2019 ;

2°) d'annuler la décision implicite par laquelle le maire de la commune de

Behren-lès-Forbach a refusé de reconnaître qu'il a été victime de harcèlement moral et de l'indemniser des préjudices subis ;

3°) à titre principal, de condamner la commune de Behren-lès-Forbach à lui verser une somme de 50 000 euros en réparation du préjudice moral subi du fait du harcèlement moral dont il a été victime et de 100 000 euros en réparation de son préjudice professionnel ;

4°) à titre subsidiaire, de condamner la commune de Behren-lès-Forbach à lui verser une somme de 30 000 euros en réparation du préjudice moral qu'il a subi du fait du comportement du maire ;

5°) de mettre à la charge la commune de Behren-lès-Forbach la somme de 1 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement est irrégulier dès lors que son recours, enregistré avant l'expiration du délai d'un an fixé par la décision Czabaj du Conseil d'Etat du 13 juillet 2016 (n°387763), était recevable ; les nouvelles dispositions de l'article R. 421-3, dans leur rédaction issue du décret du 2 novembre 2016, du code de justice administrative ne s'appliquaient pas à sa situation dès lors que la décision implicite est née avant le 1er janvier 2017 ; il n'a pas été informé des voies et délais de recours ;

- il a subi, à compter de 2008, des agissements constitutifs d'un harcèlement moral en méconnaissance de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983 et qui se sont caractérisés par une mise à l'écart, un dénigrement de sa personne et de son travail, un refus d'avancement de carrière et le non-respect des préconisations du médecin affectant sa santé physique et mentale ;

- les agissement du maire, quand bien même ils ne pourraient pas être qualifiés de harcèlement, sont constitutifs d'une faute justifiant l'octroi de 30 000 euros en réparation de son préjudice moral ;

Par un mémoire en défense, enregistré le 6 avril 2020, la commune de

Behren-lès-Forbach, représentée par Me D..., conclut au rejet de la requête et demande que la somme de 5 000 euros soit mise à la charge de M. C... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les dépens.

Elle soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- le décret n° 2006-1691 du 22 décembre 2006 portant statut particulier du cadre d'emplois des adjoints techniques territoriaux ;

- le décret n° 2016-1480 du 2 novembre 2016 ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. B...,

- les conclusions de Mme Seibt, rapporteure publique,

- et les observations de M. C... et de Me D... pour la commune de

Behren-lès-Forbach.

1. M. C..., adjoint technique territorial, est employé par la commune de Behren-lès-Forbach en qualité de conducteur spécialisé. Estimant avoir été victime de faits constitutifs d'un harcèlement à la suite de la réorganisation des services municipaux, il a adressé au maire, le 2 octobre 2016, une réclamation indemnitaire qui, en l'absence de réponse, a été implicitement rejetée. Par un jugement du 18 juin 2019, dont M. C... fait appel, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la commune à lui verser la somme globale de 150 000 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis du fait du harcèlement.

Sur le bien-fondé du jugement :

2. Aux termes de l'article R. 421-1 du code de justice administrative, dans sa rédaction issue du décret du 2 novembre 2016 portant modification du code de justice administrative : " La juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée (...) ". S'agissant du délai de recours contre les décisions implicites, l'article R. 421-2 du même code dispose, dans sa rédaction issue du décret de modification du code de justice administrative du 15 septembre 2015 : " Sauf disposition législative ou réglementaire contraire, dans les cas où le silence gardé par l'autorité administrative sur une demande vaut décision de rejet, l'intéressé dispose, pour former un recours, d'un délai de deux mois à compter de la date à laquelle est née une décision implicite de rejet (...) ". Cette dernière règle comporte toutefois deux exceptions, fixées par l'article R. 421-3 du même code, qui prévoit, dans sa rédaction issue du décret du 2 novembre 2016, que seule une décision expresse est de nature à faire courir le délai de recours contentieux " (...) 1° Dans le contentieux de l'excès de pouvoir, si la mesure sollicitée ne peut être prise que par décision ou sur avis des assemblées locales ou de tous autres organismes collégiaux ", ainsi que " 2° Dans le cas où la réclamation tend à obtenir l'exécution d'une décision de la juridiction administrative ". Ce même décret du 2 novembre 2016 a, par son article 10, supprimé à cet article R. 421-3 une troisième exception, qui prévoyait que le délai de recours de deux mois ne courait qu'à compter d'une décision expresse " en matière de plein contentieux ". Enfin, l'article 35 du décret du 2 novembre 2016, qui fixe les conditions de son entrée en vigueur, dispose que : " I. - Le présent décret entre en vigueur le 1er janvier 2017. / II. - Les dispositions des articles 9 et 10 (...) sont applicables aux requêtes enregistrées à compter de cette date ".

3. Il résulte de ces dispositions, telles qu'interprétées par l'avis n° 420797 du Conseil d'Etat rendu le 30 janvier 2019, que, s'agissant des décisions implicites relevant du plein contentieux qui sont nées avant le 1er janvier 2017, les dispositions citées au point 2 n'ont pas pour objet et n'auraient pu légalement avoir pour effet de déroger au principe général du droit selon lequel, en matière de délai de procédure, il ne peut être rétroactivement porté atteinte aux droits acquis par les parties sous l'empire des textes en vigueur à la date à laquelle le délai a commencé à courir.

4. A ce titre, lorsque, avant le 1er janvier 2017, une personne s'était vue tacitement opposer un refus susceptible d'être contesté dans le cadre d'un recours de plein contentieux, ce recours n'était enfermé, en l'état des textes en vigueur, dans aucun délai, sauf à ce que cette décision de refus soit, sous forme expresse, régulièrement notifiée à cette personne, un délai de recours de deux mois courant alors à compter de la date de cette notification. Il s'ensuit que, s'agissant des refus implicites nés avant le 1er janvier 2017 relevant du plein contentieux, le décret du 2 novembre 2016 n'a pas fait - et n'aurait pu légalement faire - courir le délai de recours contre ces décisions à compter de la date à laquelle elles sont nées.

5. Toutefois, les dispositions du II de l'article 35 du décret du 2 novembre 2016, citées au point 2, qui prévoient l'application de l'article 10 de ce décret à " toute requête enregistrée à compter " du 1er janvier 2017, ont entendu permettre la suppression immédiate, pour toutes les situations qui n'étaient pas constituées à cette date, de l'exception à la règle de l'article R. 421-2 du code de justice administrative dont bénéficiaient les matières de plein contentieux. Or, la réglementation applicable jusqu'à l'entrée en vigueur, le 1er janvier 2017, du décret du 2 novembre 2016, ne créait pas de droit acquis à ce que tout refus tacite antérieur reste, en matière de plein contentieux, indéfiniment susceptible d'être contesté. Elle conférait seulement aux intéressés le droit à ce que le délai de recours contre un tel refus ne courre qu'à compter du moment où, ainsi qu'il a été dit, ce refus était explicitement et régulièrement porté à leur connaissance. Un délai de recours de deux mois court, par suite, à compter du 1er janvier 2017, contre toute décision implicite relevant du plein contentieux qui serait née antérieurement à cette date.

6. Cette règle doit toutefois être combinée avec les dispositions de l'article L. 112-6 du code des relations entre le public et l'administration, aux termes desquelles, sauf en ce qui concerne les relations entre l'administration et ses agents, les délais de recours contre une décision tacite de rejet ne sont pas opposables à l'auteur d'une demande lorsque l'accusé de réception prévu par l'article L. 112-3 du même code ne lui a pas été transmis ou que celui-ci ne porte pas les mentions prévues à l'article R. 112-5 de ce code et, en particulier, dans le cas où la demande est susceptible de donner lieu à une décision implicite de rejet, la mention des voies et délais de recours.

7. Ainsi, sous réserve qu'aient été respectées les règles rappelées au point précédent, les recours de plein contentieux dirigés contre une décision implicite de rejet née antérieurement au 1er janvier 2017 ne sont recevables que dans un délai franc de deux mois à compter de la date d'entrée en vigueur du décret du 2 novembre 2016, soit jusqu'au 2 mars 2017.

8. Il est constant que M. C... a adressé, le 2 octobre 2016, une réclamation au maire de la commune de Behren-lès-Forbach tendant à l'indemnisation des préjudices qu'il estime avoir subis du fait d'un harcèlement moral. Cette demande tendant à la liaison du contentieux a été, en l'absence de réponse, implicitement rejetée deux mois plus tard soit, ainsi que l'ont relevé les premiers juges et que l'intéressé ne conteste pas, antérieurement au 1er janvier 2017. Si le requérant fait valoir que la commune de Behren-lès-Forbach ne l'a pas informé des voies et délais de recours, cette circonstance est sans incidence sur le déclenchement de ce délai de recours dès lors que l'article L. 112-6 du code des relations entre le public et l'administration ne lui est pas applicable en raison de sa qualité de fonctionnaire. Il lui appartenait ainsi de saisir le tribunal administratif dans le délai de recours de deux mois à compter du 1er janvier 2017 ainsi qu'il a été indiqué au point 5. Les conclusions indemnitaires de la demande de M. C... n'ont été enregistrées au greffe du tribunal administratif que le 16 juin 2017, soit après l'expiration du délai de recours de deux mois qui expirait le 2 mars 2017.

9. Dès lors qu'en vertu des dispositions du II de l'article 35 du décret du 2 novembre 2016, le délai de recours de deux mois court à compter du 1er janvier 2017 contre toute décision implicite relevant du plein contentieux qui serait née, comme en l'espèce, antérieurement à cette date, ainsi qu'il a été indiqué au point 5, M. C... ne peut utilement se prévaloir de ce qu'il a saisi le tribunal administratif dans un délai raisonnable suivant la naissance le 2 décembre 2016 de la décision implicite de rejet de sa réclamation indemnitaire.

10. Il s'ensuit que, comme l'ont jugé les premiers juges, la demande de M. C... était, en conséquence, tardive et, par suite, irrecevable.

11. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Sur les dépens et les frais liés à l'instance :

12. D'une part, la présente instance n'ayant pas donné lieu à des dépens, les conclusions présentées par la commune de Behren-lès-Forbach sur le fondement de l'article R. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

13. D'autre part, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de

Behren-lès-Forbach, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que M. C... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. C... le versement d'une somme au titre des mêmes dispositions.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par la commune de Behren-lès-Forbach sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Me E... pour M. A... C... en application des dispositions de l'article 6 du décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 et à la commune de Behren-lès-Forbach.

N° 19NC02632 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 19NC02632
Date de la décision : 01/06/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

54-01-07 Procédure. Introduction de l'instance. Délais.


Composition du Tribunal
Président : Mme VIDAL
Rapporteur ?: M. Stéphane BARTEAUX
Rapporteur public ?: Mme SEIBT
Avocat(s) : CABAILLOT

Origine de la décision
Date de l'import : 08/06/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2021-06-01;19nc02632 ?
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