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06/07/2021 | FRANCE | N°20NC03565

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 4ème chambre, 06 juillet 2021, 20NC03565


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... B... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 22 juillet 2020 du préfet de la Moselle en tant qu'il l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de soixante jours et a fixé le pays à destination duquel il sera éloigné.

Par un jugement n° 2006237 du 13 novembre 2020, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 9

décembre 2020, M. B..., représenté par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du ma...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... B... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 22 juillet 2020 du préfet de la Moselle en tant qu'il l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de soixante jours et a fixé le pays à destination duquel il sera éloigné.

Par un jugement n° 2006237 du 13 novembre 2020, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 9 décembre 2020, M. B..., représenté par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg du 13 novembre 2020 ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 22 juillet 2020 du préfet de la Moselle en tant qu'il l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de soixante jours et a fixé le pays à destination duquel il sera éloigné ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Moselle de lui délivrer un titre de séjour, subsidiairement de réexaminer sa situation, dans un délai déterminé, au besoin sous astreinte ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 2 000 euros en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- la mesure d'éloignement aura pour effet de mettre un terme au traitement nécessaire à son état de santé ;

- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- il encourt des risques de persécution en cas de retour dans son pays.

Par un mémoire en défense, enregistré le 3 juin 2021, le préfet de la Moselle conclut au rejet de la requête.

Il soutient, en se référant à ses écritures de première instance, que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 4 février 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme C..., première conseillère, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant ivoirien né le 7 avril 1973, déclare être entré irrégulièrement en France le 3 juin 2017 afin de solliciter la reconnaissance du statut de réfugié. Instruite en procédure accélérée, sa demande d'asile a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides (OFPRA) le 29 juin 2018, confirmée le 12 juin 2019 par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA). Le 23 janvier 2020, l'intéressé a présenté une demande de réexamen de sa demande d'asile, qui été déclarée irrecevable par l'OFPRA le 31 janvier 2020. Le 1er octobre 2019, l'intéressé a sollicité la délivrance d'un titre de séjour en se prévalant de son état de santé. Par un arrêté du 22 juillet 2020, le préfet de la Moselle a rejeté cette demande, lui a fait obligation de quitter le territoire dans un délai de soixante jours, a fixé le pays de destination et lui a interdit le retour sur le territoire français pendant une durée d'un an. M. B... fait appel du jugement du 13 novembre 2020 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté en tant qu'il l'oblige à quitter le territoire français et fixe le pays à destination duquel il sera éloigné.

Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. (...). La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. (...) ".

3. Un étranger ne peut faire l'objet d'une mesure prescrivant à son égard une obligation de quitter le territoire français en application des dispositions du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, lorsque la loi prescrit que l'intéressé doit se voir attribuer de plein droit un titre de séjour.

4. Sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve à l'une des parties, il appartient au juge administratif, au vu des pièces du dossier, et compte-tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si l'état de santé d'un étranger nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié.

5. La partie qui justifie d'un avis du collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires. En cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile.

6. Dans son avis du 26 mars 2020, le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a estimé que l'état de santé de M. B... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut ne devrait pas entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qu'au vu des éléments du dossier et à la date de l'avis, son état de santé peut lui permettre de voyager sans risque vers son pays d'origine.

7. Il ressort des pièces du dossier que le requérant bénéficie d'un suivi psychothérapeutique et d'un traitement médicamenteux à base de cyamémazine, rispéridone et zopiclone. Pour contester l'avis du collège des médecins de l'OFII selon lequel le défaut de prise en charge ne devrait pas entrainer des conséquences d'une exceptionnelle gravité, le requérant produit ses ordonnances ainsi que la fiche Vidal de chaque médicament. Ces documents ne remettent pas en cause l'appréciation portée par le préfet sur la gravité de l'état de santé de M. B... Dès lors, M. B... ne remplit pas les conditions pour se voir délivrer un titre de séjour sur le fondement des dispositions précitées du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, le moyen tiré de ce que le préfet ne pouvait pas l'obliger à quitter le territoire français dès lors qu'il remplit les conditions pour se voir délivrer de plein droit un titre de séjour doit être écarté.

8. En second lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

9. M. B... résidait en France depuis trois ans à la date de la décision attaquée et ne justifie d'aucune attache personnelle en France. En revanche, son épouse et ses trois enfants résident toujours en Côte d'Ivoire où il a lui-même vécu jusqu'à l'âge de 44 ans. Par suite, eu égard à la durée et aux conditions de séjour de l'intéressé en France, le préfet de la Moselle n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels la décision l'obligeant à quitter le territoire français a été prise. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut qu'être écarté.

Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :

10. Aux termes des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".

11. M. B... soutient qu'il craint pour sa sécurité en cas de retour dans son pays d'origine, la Côte d'Ivoire, en raison de son engagement politique et du climat de violence instauré dans ce pays du fait des élections présidentielles. Toutefois, le requérant n'établit pas, par la production d'articles de journaux, d'une carte de membre au congrès panafricain pour la justice et l'égalité des peuples et d'un certificat médical dont les constatations ne permettent pas d'établir les circonstances exactes à l'origine de ses séquelles, l'existence de risques réels, sérieux et personnels auxquels il serait exposé en cas de retour en Côte d'Ivoire, alors qu'au demeurant tant l'OFPRA que la CNDA ont rejeté sa demande d'asile. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

12. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte ainsi que celles présentées au titre des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent également qu'être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... B... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de la Moselle.

2

N° 20NC03565


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 20NC03565
Date de la décision : 06/07/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme GHISU-DEPARIS
Rapporteur ?: Mme Sandrine ANTONIAZZI
Rapporteur public ?: M. MICHEL
Avocat(s) : FAVREL

Origine de la décision
Date de l'import : 03/08/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2021-07-06;20nc03565 ?
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