Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne, par deux demandes distinctes, d'une part, d'annuler le rejet opposé par le ministre de l'intérieur à son recours hiérarchique introduit à l'encontre de la lettre du préfet du 14 décembre 2017 et d'autre part, d'effacer toutes les mentions le concernant figurant dans les fichiers des services de la gendarmerie et d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 26 janvier 2018 par lequel le préfet de la Marne lui a ordonné de se dessaisir de toutes les armes de catégorie C et D dont il est en possession, dans un délai de trois mois à compter de la notification de cette décision, et lui a interdit d'acquérir ou de détenir les catégories d'armes et les types d'armes et munitions des catégories B, C et D.
Par un jugement n° 180312 et n° 181279 du 12 février 2019, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté ses demandes.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés le 23 mai 2019 et le 14 novembre 2019, M. B..., représenté par Me Zawada, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 12 février 2019 ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du préfet de la Marne du 26 janvier 2018 ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Marne de lui délivrer une autorisation d'acquisition ou de détention d'armes et munitions de catégorie C et D ;
4°) d'enjoindre au préfet de la Marne de procéder au retrait de ses données personnelles du fichier national des interdits d'acquisition et de détention d'armes ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- sa demande de première instance était recevable ;
- l'arrêté contesté est entaché d'erreur manifeste d'appréciation ;
- la fiche d'enquête n'a pas de valeur probante ;
- le préfet a dénaturé l'article L. 312-3-1 du code de la sécurité intérieure.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 11 octobre et 23 décembre 2019, le préfet de la Marne conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.
Par une lettre du 31 août 2021, les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de l'irrégularité du jugement au motif de ce que les conclusions de la demande de M. B... tendant à obtenir " l'effacement de toutes mentions le concernant figurant dans les services de la gendarmerie " sont portées devant une juridiction incompétente pour en connaître.
Par un mémoire enregistré le 2 septembre 2021, le préfet de la Marne a répondu au moyen susceptible d'être relevé d'office en le confirmant.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle partielle à hauteur de 25% par une décision du 25 avril 2019.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de procédure pénale ;
- le code de la sécurité intérieure ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Ghisu-Deparis, présidente,
- et les conclusions de M. Michel, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. A la suite de la déclaration effectuée par M. B... portant sur l'acquisition, le 5 août 2017, d'une arme de catégorie D, le préfet de la Marne a informé celui-ci, par un courrier du 14 décembre 2017, qu'il envisageait de lui demander de se dessaisir de ses armes au vu des faits commis par l'intéressé en 1997 et 1998. M. B... a répondu à ce courrier le 26 décembre 2017 en faisant valoir qu'il n'avait commis aucun délit depuis 1998, qu'il était entrepreneur de travaux publics depuis 2013 et détenait une autre arme dûment déclarée en 2014. Par un arrêté du 26 janvier 2018, le préfet de la Marne a ordonné à M. B... de se dessaisir de toutes les armes de catégorie C et D dont il est en possession dans un délai de trois mois sous peine de saisie par les services de gendarmerie sur autorisation du juge des libertés et de la détention, et lui a interdit d'acquérir ou de détenir des armes et munitions des catégories B, C et D. M. B... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne, par deux demandes distinctes, d'une part, d'annuler le rejet opposé par le ministre de l'intérieur à son recours hiérarchique introduit à l'encontre de la lettre du préfet du 14 décembre 2017, et, d'autre part, " d'effacer toutes mentions le concernant figurant dans les services de gendarmerie " ainsi que d'annuler l'arrêté du préfet de la Marne du 26 janvier 2018. M. B... fait appel du jugement en tant qu'il a rejeté sa seconde demande.
Sur la régularité du jugement :
En ce qui concerne les conclusions tendant à l'effacement des mentions concernant M. B... :
2. Aux termes de l'article 230-8 du code de procédure pénale, dans sa rédaction alors applicable : " Le traitement des données à caractère personnel est opéré sous le contrôle du procureur de la République territorialement compétent qui demande qu'elles soient effacées, complétées ou rectifiées, notamment en cas de requalification judiciaire.(...) / Les décisions du procureur de la République en matière d'effacement ou de rectification des données personnelles sont susceptibles de recours devant le président de la chambre de l'instruction (...) ".
3. Il ressort de la motivation de l'arrêté du 26 janvier 2018 que le préfet de la Marne, pour prendre la décision de dessaisissement d'armes, s'est fondé sur des faits révélés par une enquête de gendarmerie. En demandant en conséquence au tribunal administratif l'effacement des données détenues par les services de gendarmerie, M. B... a entendu exercé le recours prévu par les dispositions précitées. Or une telle demande ne ressort pas de la compétence du juge administratif.
4. Il y a lieu, par suite, comme en ont été informées les parties, d'annuler le jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne en tant qu'il a rejeté ces conclusions pour un motif non d'incompétence mais de recevabilité et de rejeter, par la voie de l'évocation, ces conclusions comme portées devant un ordre de juridiction incompétente pour en connaître.
En ce qui concerne les conclusions d'annulation de l'arrêté du 26 janvier 2018 et d'injonction :
5. Aux termes de l'article R. 421-1 du code de justice administrative : " La juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée ". Aux termes de l'article R. 421-5 du même code : " Les délais de recours contre une décision administrative ne sont opposables qu'à la condition d'avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision ".
6. Il ressort des pièces du dossier que l'arrêté contesté du 26 janvier 2018 du préfet de la Marne, comportant la mention des voies et délais de recours, a été notifié à M. B... par voie postale le 8 février 2018. En conséquence, les conclusions à fin d'annulation de cette décision présentées pour la première fois dans un mémoire enregistré le 18 mai 2018 au greffe du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne, soit après l'expiration du délai de recours contentieux, étaient tardives
7. Par suite, M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté ces conclusions, ainsi que celles, par voie de conséquence à fin d'injonction, comme irrecevables en raison de leur tardiveté. La requête d'appel de M. B... sur ce point doit en conséquence être rejetée.
Sur les frais de l'instance :
8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions tendant à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que M. B... demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 12 février 2019 en tant qu'il a rejeté les conclusions tendant à l'effacement des données personnelles de M. B... pour un motif d'irrecevabilité est annulé et ces conclusions sont rejetées comme portées devant un ordre de juridiction incompétente pour en connaître.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de la Marne.
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N° 19NC01547