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25/11/2021 | FRANCE | N°20NC03353

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre, 25 novembre 2021, 20NC03353


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... B... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler l'arrêté du 10 juin 2020 par lequel le préfet de l'Aube a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être reconduite d'office.

Par un jugement n° 2001218 du 16 octobre 2020, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a, d'une part, annulé l'arrêté susmentionné et, d

'autre part, enjoint au préfet de l'Aube de lui délivrer un titre de séjour en qualité ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... B... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler l'arrêté du 10 juin 2020 par lequel le préfet de l'Aube a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être reconduite d'office.

Par un jugement n° 2001218 du 16 octobre 2020, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a, d'une part, annulé l'arrêté susmentionné et, d'autre part, enjoint au préfet de l'Aube de lui délivrer un titre de séjour en qualité de parent d'enfant français dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 18 novembre 2020, le préfet de l'Aube, représenté par Me Termeau, demande à la cour d'annuler le jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 16 octobre 2020.

Il soutient que :

Sur le refus de titre :

- sa décision est suffisamment motivée quant au faisceau d'indices permettant de démontre la reconnaissance frauduleuse de l'enfant effectuée dans seul but de régulariser la situation de Mme B... ;

- le tribunal administratif a omis d'examiner la réalité de la contribution à l'entretien et à l'éducation de l'enfant conformément à l'article L. 313-11-7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'absence de suites données à la saisine du procureur de la république est sans indicence sur la légalité de sa décision ;

- il en résulte que Mme B... ne peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 313-11-6° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- sa décision ne méconnait pas les stipulations de l'article L. 313-1-7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales ;

- sa décision ne méconnait pas les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

Sur l'obligation de quitter le territoire français :

- la motivation de cette décision se confondant avec celle du refus de titre de séjour, celle-ci est suffisamment motivée ;

- elle n'est pas entachée d'erreur manifeste d'appréciation sur l'appréciation des conséquences de la mesure d'éloignement sur la situation de Mme B....

La requête a été communiquée à Mme B... en date du 8 décembre 2020, qui n'a pas présenté de mémoire en défense.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de Mme Barrois, conseillère, a été entendu au cours de l'audience publique :

Considérant ce qui suit :

1. Mme B..., ressortissante nigériane, née le 30 janvier 1984, est entrée en France, selon ses déclarations, le 20 mai 2015 sous couvert d'un visa délivré par les autorités italiennes. Elle a sollicité le 31 août 2018 auprès des services de la préfecture de l'Aube la délivrance d'un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " en qualité de parent d'enfant français. Par un arrêté du 10 juin 2020, le préfet de l'Aube a refusé de lui délivrer un tel titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français. Par un jugement du 16 octobre 2020, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a annulé cet arrêté et a enjoint à la délivrance du titre sollicité. Par la présente requête, le préfet de l'Aube fait appel de ce jugement.

Sur le moyen d'annulation retenu par le tribunal :

2. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) / 6° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à la condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée ; Lorsque la filiation est établie à l'égard d'un parent, en application de l'article 316 du code civil, le demandeur, s'il n'est pas l'auteur de la reconnaissance de paternité ou de maternité, justifie que ce dernier contribue effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant, dans les conditions prévues à l'article 371-2 du même code, ou produit une décision de justice relative à la contribution à l'éducation et à l'entretien de l'enfant. Lorsque le lien de filiation est établi mais que la preuve de la contribution n'est pas rapportée ou qu'aucune décision de justice n'est intervenue, le droit au séjour du demandeur s'apprécie au regard du respect de sa vie privée et familiale et au regard de l'intérêt supérieur de l'enfant ;". L'article 316 du code civil dispose : " Lorsque la filiation n'est pas établie dans les conditions prévues à la section I du présent chapitre, elle peut l'être par une reconnaissance de paternité ou de maternité, faite avant ou après la naissance. / La reconnaissance n'établit la filiation qu'à l'égard de son auteur. / Elle est faite dans l'acte de naissance, par acte reçu par l'officier de l'état civil ou par tout autre acte authentique (...) " et aux termes de l'article L. 371-2 du code civil, " Chacun des parents contribue à l'entretien et à l'éducation des enfants à proportion de ses ressources, de celles de l'autre parent, ainsi que des besoins de l'enfant. Cette obligation ne cesse de plein droit ni lorsque l'autorité parentale ou son exercice est retiré, ni lorsque l'enfant est majeur. " Enfin, aux termes de l'article 18 du code civil : " Est français l'enfant dont l'un des parents au moins est français ".

3. Pour annuler l'arrêté du préfet de l'Aube du 10 juin 2020, le tribunal a considéré que les seuls éléments produits par le préfet à l'appui de la reconnaissance de paternité frauduleuse à savoir l'absence de vie commune avec le père et le fait que ce dernier réside au Mali étaient insuffisants, en l'absence de suite donnée par le ministère public à la saisine du procureur de la république sur le fondement de l'article 40 du code de procédure pénale, pour établir que le ressortissant français ne serait pas le père biologique de l'enfant.

4. Il ressort néanmoins des pièces du dossier que le fils de A... B... né le 22 décembre 2017 à Troyes a été reconnu par anticipation le 25 août 2017 par un ressortissant français. Il ressort des pièces du dossier que ce dernier est père de deux autres enfants nés de deux mères différentes, toutes deux demandeuses de titres de séjour et qu'il n'est pas établi que le père vivrait toujours en France, ni qu'il contribuerait à l'entretien et à l'éducation de son enfant conformément aux dispositions précitées. Dès lors, le préfet de l'Aube est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne s'est fondé sur ce motif pour annuler son arrêté du 10 juin 2020.

5. Il appartient, cependant, à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme B... devant le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne.

Sur les autres moyens soulevés en première instance :

6. En premier lieu, la décision refusant la délivrance d'un titre de séjour doit être motivée au sens des articles L. 211-2 et L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration. Aux termes de cette dernière disposition : " la motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ". La décision contestée contient l'ensemble des considérations de droit et de fait en constituant son fondement car elle vise les dispositions pertinentes du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, notamment son article L. 511-1 et les articles L. 313-11-6° et L. 313-11-7°, de même que l'ensemble des circonstances factuelles concernant la situation familiale et personnelle de Mme B.... En outre, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet n'aurait pas procédé à un examen particulier de sa situation au regard de son droit au séjour avant de prendre la décision attaquée. Par suite, les moyens tirés d'une insuffisance de motivation et de l'absence d'examen de sa situation personnelle doivent être écartés.

7. En deuxième lieu, ainsi qu'exposé au point 4, la décision attaquée ne méconnait pas les dispositions du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

8. En troisième lieu, aux termes des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) / 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République. " et des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

9. Si Mme B... fait valoir qu'elle est entrée en France le 20 mai 2015 et qu'elle vit en France avec son enfant né en 2017, dont il n'est pas établi qu'il serait scolarisé, il ressort des pièces du dossier qu'elle est célibataire et n'est pas dépourvue de toute attache familiale au Nigeria, son pays d'origine, où elle a vécu plus de 31 ans et où se trouvent ses parents, et ses frères et sœurs. En outre, il n'est pas établi que le père de son enfant vivrait en France. Enfin, même si elle a suivi des cours de français, elle n'apporte aucun élément sur la réalité et l'intensité des liens familiaux et personnels qu'elle aurait noués en France. Dans ces conditions, la décision attaquée ne porte pas à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts qu'elle poursuit. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et d'une erreur manifeste d'appréciation doivent en conséquence être écartés.

10. En quatrième lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant. Comme exposé ci-dessus, il ressort des pièces du dossier que Mme B... n'établit pas que son enfance serait scolarisé en France ni que le père de son enfant, qui en tout état de cause, ne contribue ni à son entretien, ni à son éducation y vivrait encore alors que toute sa famille résiderait encore au Nigeria. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant doit être écarté.

11. En cinquième lieu, aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative qui refuse la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour à un étranger ou qui lui retire son titre de séjour, son récépissé de demande de carte de séjour ou son autorisation provisoire de séjour, pour un motif autre que l'existence d'une menace à l'ordre public, peut assortir sa décision d'une obligation de quitter le territoire français, laquelle fixe le pays à destination duquel l'étranger sera renvoyé s'il ne respecte pas le délai de départ volontaire prévu au troisième alinéa. L'obligation de quitter le territoire français n'a pas à faire l'objet d'une motivation. ". La motivation de l'obligation de quitter le territoire français se confond, s'agissant du principe d'une telle obligation, avec celle du refus de titre de séjour dont elle découle nécessairement. La décision du 10 juin 2020 par laquelle le préfet de l'Aube a refusé l'admission au séjour de Mme B... étant suffisamment motivée et la décision l'obligeant à quitter le territoire français visant l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, elle est, par suite, suffisamment motivée en son principe.

12. En sixième lieu, il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que la décision de refus de titre de séjour n'est pas entachée d'illégalité. Par suite, Mme B... ne saurait se prévaloir par voie d'exception, de l'illégalité de cette décision, pour demander l'annulation de la décision l'obligeant à quitter le territoire français.

13. En dernier lieu, il résulte de ce qui est exposé aux points 4, 9 et 10, que le préfet n'a pas entaché sa décision d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de Mme B....

14. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de l'Aube est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a annulé son arrêté en date du 10 juin 2020 refusant à Mme B... la délivrance d'un titre de séjour et l'obligeant à quitter le territoire français en fixant son pays de destination, a enjoint à lui délivrer un titre de séjour et a condamné l'Etat à verser la somme de 1000 euros à Me Gaffuri en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 2001218 du 16 octobre 2020 du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne est annulé.

Article 2 : Les demandes présentées par Mme B... devant le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... B... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de l'Aube.

4

N° 20NC03353


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 20NC03353
Date de la décision : 25/11/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. - Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : Mme VIDAL
Rapporteur ?: Mme Marion BARROIS
Rapporteur public ?: Mme ANTONIAZZI
Avocat(s) : SELARL ABSIL CARMINATI TRAN TERMEAU

Origine de la décision
Date de l'import : 07/12/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2021-11-25;20nc03353 ?
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