Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg, d'une part, d'annuler la décision du 9 février 2018 par laquelle la directrice interrégionale des services pénitentiaires de Strasbourg a opéré une retenue de 4/30ème de sa rémunération mensuelle à raison de l'absence de service fait entre les 25 janvier et 28 janvier 2018, d'autre part, d'enjoindre à l'Etat de lui rembourser les sommes dues.
Par un jugement n° 1804009 du 17 décembre 2020, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 22 février 2021, M. A..., représenté par Me Tassigny, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1804009 du 17 décembre 2020 du tribunal administratif de Strasbourg ;
2°) d'annuler la décision du 9 février 2018 de la directrice interrégionale des services pénitentiaires de Strasbourg qui a appliqué à son traitement mensuel de janvier 2018 une retenue de 4/30ème pour service non fait ;
3°) d'enjoindre à l'administration de lui restituer les retenues salariales indument effectuées ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la décision de retrait de la décision du 9 février 2018, annoncée dans la lettre du 31 mai 2018 par l'administration pénitentiaire, n'a pas été suivie car une retenue sur traitement a été effectuée sur son salaire de mars 2018 ;
- la situation particulière dans laquelle se trouvait fin janvier 2018 le centre pénitentiaire de Metz, où il est affecté, n'est pas avérée par les pièces du dossier ;
- en l'absence de contre-visite telle que prévue par l'article 25 du décret n° 86-442 du 14 mars 1986, l'administration ne pouvait pas considérer que son arrêt de travail n'était pas justifié par un motif médical ;
- son arrêt de travail était justifié par son état de santé ;
- l'administration a commis une erreur d'appréciation en fractionnant son arrêt de travail : elle a opéré un fractionnement de 4/30ème pour la période du 25 au 28 janvier 2018 alors que cet arrêt de travail couvre une période de 11 jours, soit du 25 janvier au 4 février 2018.
La requête a été communiquée au garde des sceaux, ministre de la justice, qui n'a pas produit de mémoire en défense.
Vu :
- la mesure d'instruction du 21 décembre 2021 ;
- la lettre du 7 janvier 2022 du garde des sceaux, ministre de la justice, précisant qu'il ne présentera pas d'observations ;
- les autres pièces du dossier.
Vu :
- l'ordonnance n° 58-696 du 6 août 1958 ;
- la loi n°61-825 du 29 juillet 1961 ;
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;
- la loi n° 2017-1387 du 30 décembre 2017;
- le décret n° 86-442 du 14 mars 1986 ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Roussaux, première conseillère,
- et les conclusions de M. Michel, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., surveillant de l'administration pénitentiaire affecté au centre pénitentiaire de Metz, a adressé à son administration un arrêt de travail pour une durée de onze jours, soit du 25 janvier au 4 février 2018. Par une décision du 9 février 2018, la directrice interrégionale des services pénitentiaires de Strasbourg, considérant qu'entre le 22 et le 23 janvier 2018, 1'agent était en situation d'absence non justifiée dans le cadre d'une cessation concertée du service faisant suite à un mouvement social, a décidé d'appliquer une retenue de 2/30ème pour service non fait sur son traitement mensuel. Par une seconde décision du même jour, la même autorité a également estimé pour les mêmes motifs que M. A... était en situation d'absence injustifiée pour la période allant du 25 au 28 janvier 2018 et a décidé d'appliquer une retenue de 4/30ème pour service non fait. Le 27 février 2018, M. A... a présenté un recours hiérarchique, auquel le garde des sceaux, ministre de la justice, a apporté une réponse le 31 mai 2018, notifiée le 17 octobre 2018. M. A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg l'annulation la décision du 9 février 2018 procédant à une retenue de 4/30ème pour service non fait du 25 au 28 janvier 2018 et à ce qu'il soit enjoint à l'administration de lui rembourser les sommes dues. M. A... relève appel du jugement du 17 décembre 2020 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'annulation de la décision du 9 février 2018 :
2. Aux termes, d'une part, de 1'article 20 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : " Les fonctionnaires ont droit, après service fait, à une rémunération comprenant le traitement, l'indemnité de résidence, le supplément familial de traitement ainsi que les indemnités instituées par un texte législatif ou réglementaire (...) ". Selon l'article 4 de la loi n° 61-825 du 29 juillet 1961 portant loi de finances rectificative pour 1961 : " (...) L'absence de service fait, pendant une fraction quelconque de la journée, donne lieu à une retenue dont le montant est égal à la fraction du traitement frappée d'indivisibilité en vertu de la réglementation prévue à l'alinéa précédent. / Il n'y a pas service fait : 1°) Lorsque l'agent s'abstient d'effectuer tout ou partie de ses heures de services ; 2°) Lorsque l'agent, bien qu'effectuant ses heures de service, n'exécute pas tout ou partie des obligations de service qui s'attachent à sa fonction telles qu'elles sont définies dans leur nature et leurs modalités par l'autorité compétente dans le cadre des lois et règlements (...) ".
3. Aux termes, d'autre part, de l'article 3 de l'ordonnance n° 58-696 du 6 août 1958 relative au statut spécial des fonctionnaires des services déconcentrés de l'administration pénitentiaire, dans sa rédaction applicable au litige : " Toute cessation concertée du service, tout acte collectif d'indiscipline caractérisée de la part des personnels des services extérieurs de l'administration pénitentiaire est interdit. Ces faits, lorsqu'ils sont susceptibles de porter atteinte à l'ordre public, pourront être sanctionnés en dehors des garanties disciplinaires ". Aux termes de l'article 34 de loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat, dans sa rédaction applicable en l'espèce : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants (...) ". L'article 25 du décret n° 86-442 du 14 mars 1986 relatif à la désignation des médecins agréés, à l'organisation des comités médicaux et des commissions de réforme, aux conditions d'aptitude physique pour l'admission aux emplois publics et au régime de congés de maladie des fonctionnaires prévoit que : " Pour obtenir un congé de maladie ainsi que le renouvellement du congé initialement accordé, le fonctionnaire adresse à l'administration dont il relève, dans un délai de quarante-huit heures suivant son établissement, un avis d'interruption de travail. (...) L'administration peut faire procéder à tout moment à la contre-visite du demandeur par un médecin agréé ; le fonctionnaire doit se soumettre, sous peine d'interruption du versement de sa rémunération, à cette contre-visite. / Le comité médical compétent peut être saisi, soit par l'administration, soit par l'intéressé, des conclusions du médecin agréé ".
4. Si en vertu des dispositions citées au point précédent, l'agent qui adresse à l'administration un avis d'interruption de travail est placé de plein droit en congé de maladie dès la demande qu'il a formulée sur le fondement d'un certificat médical, cela ne fait pas obstacle à ce que l'administration conteste le bien-fondé de ce congé. Dans des circonstances particulières, marquées par un mouvement social de grande ampleur dans une administration où la cessation concertée du service est interdite, lorsqu'en dehors d'une période d'épidémie un nombre important et inhabituel d'arrêts maladie est adressé à l'administration sur une courte période et que l'administration démontre avoir été dans l'impossibilité pratique de faire procéder de manière utile aux contre-visites prévues par l'article 25 du décret n°86-442 du 14 mars 1986, l'administration peut contester le bien-fondé de ce congé par tous moyens. Il appartient alors à l'agent, seul détenteur des éléments médicaux, d'établir que ce congé était dûment justifié par des raisons médicales.
5. En l'espèce, et il n'est pas sérieusement contesté, qu'à la suite de l'appel au blocage des établissements pénitentiaires fin janvier 2018 par les organisations syndicales, le nombre moyen d'arrêts maladie par jour a progressé de 85,9 jours sur la période du 1er janvier au 20 janvier 2018, à 126 jours entre le 22 janvier et le 31 janvier 2018, dans le ressort de la direction interrégionale de Strasbourg, dont dépend le centre pénitencier où est affecté le requérant. L'absence d'un grand nombre de surveillants durant cette période a nécessité le recours à des agents extérieurs, en particulier des forces de sécurité intérieure et des élèves de 1'administration pénitentiaire. Ces circonstances très particulières de 1'espèce sont de nature à révéler que des certificats médicaux ont été délivrés dans le cadre d'une cessation concertée du service et non pour des motifs médicaux. Dans ces conditions, il appartenait à M. A..., seul détenteur des éléments médicaux, d'établir que son congé était dûment justifié par des raisons médicales.
6. Il ressort des pièces du dossier que M. A... a présenté un arrêt de travail indiquant le motif médical " SAD " (dépression saisonnière). Par une attestation du 28 février 2018 le même médecin indique que M. A... n'était médicalement pas apte à travailler durant cette période, confirmant ainsi le bien-fondé de l'arrêt de travail. Dans ces conditions, M. A... apporte un élément circonstancié permettant d'établir la réalité de la pathologie au titre de laquelle il a bénéficié de l'arrêt de travail litigieux. Dans ces conditions, c'est à tort que l'administration a estimé que l'intéressé était en situation d'absence injustifiée durant la période du 25 janvier au 28 janvier 2018 et procédé, pour ce motif, à une retenue sur son traitement.
7. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande d'annulation de cette décision du 9 février 2018.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
8. Aux termes de l'article 115 de la loi du 30 décembre 2017 de finances pour 2018 dispose que : " I. - Les agents publics civils et les militaires en congé de maladie et les salariés en congé de maladie pour lesquels l'indemnisation de ce congé n'est pas assurée par un régime obligatoire de sécurité sociale ou est assurée par un régime spécial de sécurité sociale mentionné à l'article L. 711-1 du code de la sécurité sociale ne bénéficient du maintien de leur traitement ou de leur rémunération, ou du versement de prestations en espèces par l'employeur qu'à compter du deuxième jour de ce congé ".
9. Eu égard au motif d'annulation retenu au point 6, le présent arrêt implique nécessairement que l'administration reverse à M. A... le traitement auquel il avait droit pour la période allant du 25 au 28 janvier 2018, sous réserve cependant de l'application des dispositions de l'article 115 de la loi du 30 décembre 2017 précité. Il y a lieu, sur le fondement de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, d'enjoindre au garde des sceaux, ministre de la justice, d'y procéder dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Sur les frais liés à l'instance :
10. Il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat, qui est la partie perdante à l'instance, le versement à M. A... d'une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 1804009 du 17 décembre 2020 du tribunal administratif de Strasbourg et la décision du 9 février 2018, procédant à une retenue de 4/30ème sur son traitement, de la directrice interrégionale des services pénitentiaires de Strasbourg sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au garde des sceaux, ministre de la justice, de procéder au reversement à M. A... du traitement auquel il avait droit pour la période du 25 janvier au 28 janvier 2018, sous réserve cependant de l'application des dispositions de l'article 115 de la loi du 30 décembre 2017 de finances pour 2018, et ce, sous un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera à M. A... une somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au garde des sceaux, ministre de la justice.
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N° 21NC00514