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22/03/2022 | FRANCE | N°19NC02657

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 4ème chambre, 22 mars 2022, 19NC02657


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Grenke Location a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de condamner la commune de Rochereau à lui verser la somme de 4 739,51 euros, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 19 octobre 2016 et de leur capitalisation, à lui restituer le matériel objet du contrat de location n° 100-12356 à ses frais et risque et de mettre à sa charge une somme de 750 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1700431 du 20 jui

n 2019, le tribunal administratif de Strasbourg a condamné la commune de Rochereau ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Grenke Location a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de condamner la commune de Rochereau à lui verser la somme de 4 739,51 euros, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 19 octobre 2016 et de leur capitalisation, à lui restituer le matériel objet du contrat de location n° 100-12356 à ses frais et risque et de mettre à sa charge une somme de 750 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1700431 du 20 juin 2019, le tribunal administratif de Strasbourg a condamné la commune de Rochereau à verser à la société Grenke Location la somme de 4 739,51 euros, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 27 octobre 2016 et de leur capitalisation, à lui restituer le matériel dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement et a rejeté le surplus de sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 20 août 2019, la commune de Champigny en Rochereau, représentée par Me Renner, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Strasbourg en date du 20 juin 2019 ;

2°) de rejeter les demandes présentées par la société Grenke Location devant le tribunal administratif de Strasbourg ;

3°) de mettre à la charge de la société Grenke Location le versement d'une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, il y a lieu d'écarter l'application du contrat dès lors que celui-ci a été conclu dans des circonstances d'une particulière gravité, en méconnaissance des règles de mise en concurrence et de publicité et de loyauté des relations contractuelles ;

- les articles 10 et 11 du contrat ne peuvent être appliqués dès lors que ces clauses, qui sont de nature à porter atteinte à la continuité du service public, sont contraires à l'ordre public ;

- l'indemnité de résiliation contractuelle est manifestement disproportionnée.

Par un mémoire en défense, enregistré le 16 juin 2020, la société Grenke Location, représentée par Me Thiery, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 1 500 euros soit mise à la charge de la commune de Champigny en Rochereau sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le moyen soulevé par la commune à l'appui de la contestation de la validité du contrat n'est pas fondé et le litige doit être jugé sur le terrain contractuel;

- la commune a été mise en mesure de faire valoir les motifs d'intérêt général de nature à s'opposer à la résiliation du contrat ;

- elle a le droit, en application de l'article 11 du contrat, à une indemnité contractuelle de résiliation correspondant au montant des loyers échus impayés, augmenté des intérêts, et à échoir et aux frais de recouvrement.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Picque, première conseillère,

- et les conclusions de M. Michel, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La société Grenke Location et la commune de Rochereau, devenue Champigny en Rochereau, ont conclu le 29 septembre 2014 un contrat par lequel la société s'engageait à acheter auprès d'un fournisseur désigné, la société Mydefib, deux défibrillateurs pour les donner en location à la personne publique pour une durée de soixante-trois mois en contrepartie du versement d'un loyer trimestriel de 300 euros hors taxe (HT) soit 360 euros toutes taxes comprises (TTC) durant treize trimestres. Par un courrier du 19 octobre 2016, reçu le 27 octobre 2016 par la commune, la société a résilié le contrat en raison de loyers impayés et a demandé à la collectivité locale de lui restituer le matériel et de lui verser la somme de 4 739,51 euros en paiement de l'indemnité de résiliation prévue par l'article 11 des conditions générales du contrat de location longue durée. La commune de Champigny en Rochereau demande l'annulation du jugement du 20 juin 2019 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg l'a condamnée à verser à la société Grenke Location la somme de 4 739,51 euros, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 27 octobre 2016 et de leur capitalisation, à lui restituer le matériel dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement et a rejeté le surplus de sa demande.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne la validité du contrat :

2. Lorsque les parties soumettent au juge un litige relatif à l'exécution du contrat qui les lie, il incombe en principe à celui-ci, eu égard à l'exigence de loyauté des relations contractuelles, de faire application du contrat. Toutefois, dans le cas seulement où il constate une irrégularité invoquée par une partie ou relevée d'office par lui, tenant au caractère illicite du contrat ou à un vice d'une particulière gravité relatif notamment aux conditions dans lesquelles les parties ont donné leur consentement, il doit écarter le contrat et ne peut régler le litige sur le terrain contractuel. Ainsi, lorsque le juge est saisi d'un litige relatif à l'exécution d'un contrat, les parties à ce contrat ne peuvent invoquer un manquement aux règles de passation, ni le juge le relever d'office, aux fins d'écarter le contrat pour le règlement du litige. Par exception, il en va autrement lorsque, eu égard, d'une part, à la gravité de l'illégalité et, d'autre part, aux circonstances dans lesquelles elle a été commise, le litige ne peut être réglé sur le fondement de ce contrat. Ces circonstances doivent ainsi être directement liées au vice de passation retenu.

3. A l'appui de sa contestation de la validité du contrat, la commune de Champigny en Rochereau soutient que ce dernier aurait été conclu en méconnaissance des règles de mise en concurrence et de publicité et du principe de loyauté des relations contractuelles en faisant valoir qu'elle a été démarchée, que le contrat a été établi sur un formulaire-type émanant de la société Grenke et qu'elle a signé le contrat de location, sans bénéficier d'un délai de réflexion, le même jour que la livraison du matériel tandis que la société Grenke Location ne l'a signé que postérieurement.

4. Toutefois, aucun principe ni aucune règle du droit de la commande publique ne prohibe le recours aux contrats-types et le démarchage, ni n'impose de délai de réflexion qu'il était au demeurant loisible à la commune de s'accorder avant de signer. Le maire de la commune a accepté les conditions générales du contrat conclu avec la société Grenke Location en signant sa première page où il est mentionné qu'il a pris connaissance desdites conditions. Il ne résulte pas de l'instruction que le signataire ait été contraint de les signer dans des circonstances ne lui permettant pas d'en prendre connaissance dans leur intégralité et d'en apprécier leur portée. Au regard de ce qui vient d'être dit, dès lors qu'il n'est pas établi que le consentement de la commune a été vicié au moment de la conclusion du contrat litigieux, cette dernière n'est pas fondée à demander que le contrat soit écarté et que le litige ne soit pas réglé sur le terrain contractuel.

En ce qui concerne la demande indemnitaire la société Grenke présentée sur le fondement du contrat :

5. En vertu des règles générales applicables aux contrats administratifs, la personne publique cocontractante peut toujours, pour un motif d'intérêt général, résilier unilatéralement un tel contrat, sous réserve des droits à indemnité de son cocontractant. Si l'étendue et les modalités de cette indemnisation peuvent être déterminées par les stipulations contractuelles, l'interdiction faite aux personnes publiques de consentir des libéralités fait toutefois obstacle à ce que ces stipulations prévoient une indemnité de résiliation qui serait, au détriment de la personne publique, manifestement disproportionnée au montant du préjudice subi par le cocontractant du fait de cette résiliation, résultant, des dépenses qu'il a exposées et du gain dont il a été privé.

6. Aux termes de l'article 10.5 des conditions générales du contrat de location longue durée en litige : " Le locataire peut mettre fin de façon anticipée au contrat s'il le souhaite. Toutefois, cette résiliation ne pourra se faire qu'avec l'accord du Bailleur et sous réserves du paiement des sommes visées à l'article 11 ". Selon cet article 11 : " 1. En cas de résiliation anticipée dans les conditions définies à l'article précédent ou en cas de résiliation judiciaire du Contrat, ou de prononcé judiciaire de sa caducité, et plus généralement, en cas de terminaison anticipée du Contrat, quel qu'en soit le motif ou le fondement, le Locataire restera tenu de payer au Bailleur, en compensation du préjudice subi, les loyers échus, les intérêts de retard de paiement éventuels restant dus, et les loyers à échoir jusqu'au terme initialement prévu du Contrat pour la période contractuelle en cours majorés de 10 % à titre de sanction. Les intérêts commenceront à courir à compter de la première présentation au Locataire de la lettre de résiliation (...) ".

7. En premier lieu, le cocontractant lié à une personne publique par un contrat administratif est tenu d'en assurer l'exécution, sauf en cas de force majeure, et ne peut notamment pas se prévaloir des manquements ou défaillances de l'administration pour se soustraire à ses propres obligations contractuelles ou prendre l'initiative de résilier unilatéralement le contrat. Il est toutefois loisible aux parties de prévoir dans un contrat qui n'a pas pour objet l'exécution même du service public les conditions auxquelles le cocontractant de la personne publique peut résilier le contrat en cas de méconnaissance par cette dernière de ses obligations contractuelles.

8. Le contrat en litige qui ne porte que sur la location de défibrillateurs n'a ni pour objet, ni pour effet de confier à la société Grenke Location la charge d'assurer l'exécution même d'un service public. Par suite, la clause de résiliation du contrat en litige n'est pas, contrairement à ce que soutient l'appelante, illicite.

9. En deuxième lieu, en application des stipulations citées au point 6, la société Grenke Location a demandé le versement d'une indemnité de 4 739,51 euros correspondant aux loyers échus, aux intérêts, aux loyers à échoir et à une indemnité de recouvrement. Contrairement à ce que soutient la commune, cette indemnité ne constitue pas une libéralité dès lors qu'en la percevant, la société Grenke aura obtenu une somme inférieure à ce qu' elle aurait perçu si le contrat était allé à son terme et qu'il ne résulte pas de l'instruction que la restitution du matériel ordonnée par le tribunal, cinq ans après sa mise en service, puisse procurer à la société un bénéfice par sa revente ou location.

10. Il résulte de tout ce qui précède que la commune de Champigny en Rochereau n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le jugement attaqué l'a condamnée à verser la somme de 4 739,51 euros à la société Grenke.

Sur les frais de l'instance :

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la société Grenke, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que l'appelante demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu en revanche de mettre à la charge de la commune de Champigny en Rochereau le versement de la somme de 1 000 euros à l'intimée sur le fondement des mêmes dispositions.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la commune de Champigny en Rochereau est rejetée.

Article 2 : La commune de Champigny en Rochereau versera à la société Grenke une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié la commune de Champigny en Rochereau et la société Grenke.

2

N° 19NC02657


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 19NC02657
Date de la décision : 22/03/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

39-04-02-03 Marchés et contrats administratifs. - Fin des contrats. - Résiliation. - Droit à indemnité.


Composition du Tribunal
Président : Mme GHISU-DEPARIS
Rapporteur ?: Mme Anne-Sophie PICQUE
Rapporteur public ?: M. MICHEL
Avocat(s) : CABINET RENNER

Origine de la décision
Date de l'import : 29/03/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2022-03-22;19nc02657 ?
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