Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler les décisions des 26 février et 30 avril 2018 par lesquelles la garde des sceaux, ministre de la justice a rejeté ses demandes de nomination dans un office notarial à créer.
Par un jugement nos 1801222, 1801802 du 7 juillet 2020, le tribunal administratif de Nancy a annulé la décision de la garde des sceaux, ministre de la justice du 26 février 2018 et rejeté le surplus des demandes de M. A....
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 7 septembre 2020, M. A..., représenté par Me Varela, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nancy du 7 juillet 2020 ;
2°) de confirmer ce jugement en tant qu'il a annulé la décision de la garde des sceaux, ministre de la justice du 26 février 2018 ;
3°) d'infirmer ce jugement en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision de la garde des sceaux, ministre de la justice du 30 avril 2018 ;
4°) d'annuler la décision de la garde des sceaux, ministre de la justice du 30 avril 2018 ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient qu'il n'a pas commis de faits contraires à l'honneur et à la probité.
Par un mémoire en défense enregistré le 1er février 2022, le garde des sceaux, ministre de la justice, conclut au rejet de la requête.
Il soutient que le moyen soulevé par le requérant n'est pas fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le décret n° 73-609 du 5 juillet 1973 dans sa version modifiée issue du décret n° 2016-661 du 20 mai 2016 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Picque, première conseillère,
- et les conclusions de M. Michel, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M. C... A... est titulaire du diplôme d'aptitude aux fonctions de notaires. Depuis 2009, il exerce les fonctions de notaire assistant au sein d'une étude dont le notaire à résidence est Me Jean-Pierre Guillaume. Le 26 février 2018, la garde des sceaux, ministre de la justice, a rejeté la demande de M. A... tendant à sa nomination dans un office notarial à créer dans quatre zones de libre installation. Parallèlement, le 5 décembre 2017, M. A... avait demandé sa nomination en tant que notaire à la résidence d'Epinal en remplacement de Me Jean-Pierre Guillaume. Cette demande a été rejetée par une décision de la garde des sceaux, ministre de la justice du 30 avril 2018. M. A... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler les décisions des 26 février et 30 avril 2018. Par un jugement du 7 juillet 2020, le tribunal a annulé la première décision, pour insuffisance de motivation, et rejeté les conclusions dirigées contre la décision du 30 avril 2018. M. A... fait appel de ce jugement en tant uniquement qu'il a rejeté sa demande d'annulation de cette décision.
2. Aux termes de l'article 3 du décret du 5 juillet 1973 : " Nul ne peut être notaire s'il ne remplit les conditions suivantes : (...) 2° N'avoir pas été l'auteur de faits contraires à l'honneur, à la probité ou aux bonnes mœurs ; (...) ".
3. Lorsqu'il vérifie le respect de la condition de n'avoir pas été l'auteur de faits contraires à l'honneur et à la probité, il appartient au ministre de la justice d'apprécier, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si l'intéressé a commis des faits contraires à l'honneur et à la probité qui sont, compte tenu notamment de leur nature, de leur gravité, de leur ancienneté ainsi que du comportement postérieur de l'intéressé, susceptibles de justifier légalement un refus de nomination.
4. Il ressort des pièces du dossier que le 3 août 2015 Mme B... a conclu avec M. D..., gérant d'une société de promotion immobilière, client de l'office notarial dans lequel exerce M. A... et ami de ce dernier, un compromis sous seing privé pour l'achat d'un terrain et d'une maison à construire alors qu'à cette date le bien n'était pas la propriété du promoteur. Le même jour, l'acquéreuse a fait virer une somme de 22 500 euros sur le compte de la société Or'Habitat et M. D... a signé une attestation rédigée sur un papier comportant l'en-tête de l'office notarial de Me Jean-Pierre Guillaume dans laquelle il déclarait " avoir reçu la somme de 22 500 euros à titre de séquestre (...) ". Par un courriel du 14 novembre 2015, Mme B... a demandé à l'office notarial la communication de l'original du compromis de vente et des précisions sur le terme " séquestre ". Dans un courriel du 18 novembre 2015 M. A... lui a répondu : " (...) M. D... m'a effectivement remis l'original du compromis de vente (...) qui a été directement négocié entre vous. Je peux parfaitement vous transmettre une copie. Concernant le séquestre c'est M. D... qui a rédigé ce document. Je pense que le terme juridique exact est plutôt " dépôt de garantie " ", avant de donner à Mme B... la définition de ce terme. Le lendemain de cet échange, Mme B... a demandé l'annulation de la vente et la restitution de l'argent versé. Des chèques sans provision lui ont été remis par M. D... et le 20 décembre 2015 Mme B... a porté plainte pour escroquerie.
5. Si le gérant de la société Or'Habitat a été reconnu coupable de ces faits, il n'est pas établi, au vu des pièces du dossier, ainsi que cela ressort du jugement du tribunal de grande instance d'Epinal du 19 janvier 2017, que M. A... aurait volontairement transmis à M. D... un document à en-tête de l'office notarial, ni, dans tous les cas, qu'il avait conscience de ce que l'agent immobilier en ferait un usage malhonnête dans le cadre de la commission d'une escroquerie.
6. Néanmoins, il ne ressort pas des pièces que M. A... se soit offusqué de l'usage par une de ses connaissances d'un papier à en-tête de l'office que ce soit auprès de la victime de l'escroquerie ou du titulaire de l'office notarial qui n'a pas été informé. Par ailleurs, selon l'avis du procureur de la République du 28 septembre 2017, le 2 février 2016, invité par M. D... à " lui arranger le coup " avec Mme B... en lui communiquant de fausses informations, M. A... s'est borné à lui indiquer " je vais essayer de temporiser mais je serai obligé de dire que je n'ai pas les éléments " et à ne plus répondre aux messages de son ami lorsque celui-ci lui demandait de mentir à Mme B... sur la réception de fonds de sa part. L'ensemble de ces éléments révèlent une certaine complaisance de M. A... vis-à-vis du comportement de M. D... allant au-delà de la simple négligence, alors même que le requérant n'a pas fait l'objet de sanction pénale ou disciplinaire. Dans ces conditions, et compte tenu également de l'avis très défavorable du procureur de la République d'Epinal du 28 septembre 2017, la garde des sceaux, ministre de la justice a fait une exacte application des dispositions du 2° de l'article 3 du décret du 5 juillet 1973 en estimant que les agissements de M. A... étaient contraires à l'honneur et à la probité.
7. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 30 avril 2018 de la garde des sceaux, ministre de la justice. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.
D E C I D E:
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A... et au la garde des sceaux, ministre de la justice.
Délibéré après l'audience du 26 avril 2022, à laquelle siégeaient :
- Mme Ghisu-Deparis, présidente,
- Mme Roussaux, première conseillère,
- Mme Picque, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 18 mai 2022.
La rapporteure,
Signé : A.-S. PicqueLa présidente,
Signé : V. Ghisu-Deparis
La greffière,
Signé : N. Basso
La République mande et ordonne au garde des sceaux, ministre de la justice, en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
N. Basso.
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N°20NC02634