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25/05/2022 | FRANCE | N°19NC01997

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre, 25 mai 2022, 19NC01997


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'association Le Pic Noir a demandé au tribunal administratif de Besançon, à titre principal, d'annuler la délibération du 23 mars 2017 par laquelle la communauté de communes Arbois-Poligny-Salins Cœur du Jura a approuvé le plan local d'urbanisme de la commune de Poligny, ensemble la décision du 6 juin 2017 portant rejet de son recours gracieux et, à titre subsidiaire, d'annuler cette délibération en tant qu'elle ouvre à l'urbanisation une zone à vocation touristique 1AUL instituée par le biais d'une

OAP sur une emprise de 88,9 hectares anciennement classée en zone naturelle ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'association Le Pic Noir a demandé au tribunal administratif de Besançon, à titre principal, d'annuler la délibération du 23 mars 2017 par laquelle la communauté de communes Arbois-Poligny-Salins Cœur du Jura a approuvé le plan local d'urbanisme de la commune de Poligny, ensemble la décision du 6 juin 2017 portant rejet de son recours gracieux et, à titre subsidiaire, d'annuler cette délibération en tant qu'elle ouvre à l'urbanisation une zone à vocation touristique 1AUL instituée par le biais d'une OAP sur une emprise de 88,9 hectares anciennement classée en zone naturelle ND au POS, expressément destinée à accueillir divers hébergements, équipements aquatiques et de loisirs, ainsi que les activités et infrastructures liées (habitations, bureaux, commerces, parkings...), ensemble la décision du 6 juin 2017 de rejet de son recours gracieux et de mettre à la charge de la communauté de communes Arbois-Poligny-Salins Cœur du Jura à lui verser la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1701409 du 26 avril 2019, le tribunal administratif de Besançon a annulé la délibération du 23 mars 2017 par laquelle la communauté de communes Arbois-Poligny-Salins Cœur du Jura a approuvé le plan local d'urbanisme de la commune de Poligny, ensemble le rejet du recours gracieux, en tant qu'a été instituée une OAP n° 1 : 1AUL visant à ouvrir à l'urbanisation une nouvelle zone à vocation touristique, a rejeté le surplus des conclusions de la requête de l'association Le Pic Noir, a mis à la charge de la communauté de communes Arbois-Poligny-Salins Cœur du Jura et de la commune de Poligny le versement à l'association Le Pic Noir d'une somme de 1 000 euros chacune au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et a rejeté les conclusions présentées par la communauté de communes Arbois-Poligny-Salins Cœur du Jura et la commune de Poligny au titre de cet article.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 25 juin 2019, sous le n° 19NC01997, et un mémoire enregistré le 28 octobre 2021, la communauté de communes Arbois-Poligny-Salins Cœur du Jura et la commune de Poligny, représenté par Me Grillon, demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Besançon du 26 avril 2019 ;

2°) de rejeter la demande présentée par l'association Le Pic Noir devant le tribunal administratif de Besançon ;

3°) de mettre à la charge de l'association Le Pic Noir la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elles soutiennent que :

- c'est à tort que le tribunal a estimé que l'ouverture à l'urbanisation d'une nouvelle zone à vocation touristique était susceptible de porter atteinte aux corridors écologiques répertoriés dans le schéma régional de cohérence écologique de Franche-Comté ;

- c'est à tort que le tribunal a retenu l'existence de plusieurs arrêtés de biotopes, d'un site Natura 2000 et de trois ZNIEFF ;

- c'est à tort que le tribunal a retenu que le projet contesté d'ouverture à l'urbanisation serait source d'une pression humaine et sonore dont l'impact s'étendrait largement au-delà de la seule surface de la zone 1AUL ;

- c'est à tort que le tribunal a retenu un risque de disparition du corridor écologique lié au recalibrage de la route de la Combe-aux-Larres ;

- en accueillant l'exception d'illégalité de l'arrêté du préfet du Jura du 3 novembre 2016 sans inviter le préfet à présenter ses observations, le tribunal a porté atteinte aux droits de la défense ;

- il y a lieu de confirmer le jugement en ce que, après avoir annulé partiellement la délibération du 23 mars 2017, il a rejeté le surplus des conclusions de l'association Le Pic Noir ;

Par deux mémoires en défense, enregistrés les 12 août et 15 septembre 2021, l'association Le Pic Noir, représentée par Me Braud, conclut :

1°) à titre principal, au rejet de la requête ;

2°) à titre subsidiaire, d'annuler la délibération du 23 mars 2017 par laquelle la communauté de communes Arbois-Poligny-Salins Cœur du Jura a approuvé le plan local d'urbanisme de la commune de Poligny, ensemble la décision du 6 juin 2017 par laquelle le président de la communauté de communes Arbois-Poligny-Salins Cœur du Jura a rejeté son recours gracieux ;

3°) à ce que soit mis à la charge des requérantes la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- les moyens soulevés par les requérantes ne sont pas fondés ;

- elle entend maintenir les moyens soulevés devant le tribunal, tirés du défaut de motivation de l'avis du commissaire enquêteur, de l'envoi irrégulier des convocations à la séance du conseil communautaire et du délai insuffisant laissé aux conseillers communautaires pour prendre connaissance du dossier.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Goujon-Fischer, premier conseiller,

- les conclusions de Mme Antoniazzi, rapporteure publique,

- les observations de Me Grillon, pour la communauté de communes Arbois-Poligny-Salins Cœur du Jura et la commune de Poligny, ainsi que celles de Me Bréaud, pour l'association Le Pic Noir.

Considérant ce qui suit :

1. Par une délibération du 23 mars 2017, le conseil de la communauté de communes Arbois-Poligny-Salins Cœur du Jura a approuvé le plan local d'urbanisme de la commune de Poligny. Par un jugement du 26 avril 2019, le tribunal administratif de Besançon, faisant droit aux conclusions subsidiaires de l'association Le Pic Noir, a annulé cette délibération ainsi que la décision rejetant son recours gracieux contre cette délibération en tant que ces actes ont institué et maintenu une orientation d'aménagement et de programmation (OAP) n° 1 visant à ouvrir à l'urbanisation une nouvelle zone à vocation touristique dénommée 1AUL. Par ce même jugement, il a rejeté les conclusions principales de cette association, tendant à l'annulation intégrale de la délibération et de la décision rejetant son recours gracieux. La communauté de communes Arbois-Poligny-Salins Cœur du Jura et la commune de Poligny relèvent appel de ce jugement en tant qu'il prononce cette annulation partielle et demandent le rejet de l'ensemble des conclusions présentées par l'association Le Pic Noir devant le tribunal administratif de Besançon. Celle-ci conclut, à titre principal, au rejet de l'appel et, à titre subsidiaire, à l'annulation intégrale de la délibération du 23 mars 2017 et de la décision rejetant son recours gracieux.

Sur la régularité du jugement :

2. Au point 11 de son jugement, le tribunal administratif de Besançon a jugé que, pour demander l'annulation partielle de la délibération du 23 mars 2017, l'association Le Pic Noir était fondée à se prévaloir, par la voie de l'exception, de l'illégalité de l'arrêté du préfet du Jura du 3 novembre 2016 accordant, en application de l'article L. 142-5 du code de l'urbanisme, la dérogation nécessaire à l'ouverture de la zone à vocation de développement touristique, dénommée 1AUL.

3. Ni l'annulation totale ou partielle de la délibération du 23 mars 2017, ni, au demeurant, le fait, pour le tribunal, d'accueillir à cette fin, dans les motifs de son jugement, une exception d'illégalité de l'arrêté du préfet du Jura du 3 novembre 2016, n'étaient susceptibles de préjudicier aux droits de l'Etat. Dès lors, le tribunal n'était tenu ni de communiquer au représentant de l'Etat la requête de l'association Le Pic Noir, ni d'inviter celui-ci à présenter des observations sur l'exception d'illégalité de son arrêté, soulevée dans cette requête. Par suite, l'absence d'une telle communication ou d'une telle invitation à présenter des observations ne saurait avoir méconnu le caractère contradictoire de la procédure juridictionnelle, qui au demeurant ne trouve à s'appliquer qu'aux parties à l'instance, et est restée, en tout état de cause, sans influence sur la régularité du jugement.

Sur les moyens d'annulation retenus par le tribunal :

En ce qui concerne l'erreur manifeste d'appréciation au regard des intérêts protégés par les article L. 101-1 et L. 101-2 du code de l'urbanisme :

4. Aux termes de l'article L. 101-1 du code de l'urbanisme : " Le territoire français est le patrimoine commun de la nation. Les collectivités publiques en sont les gestionnaires et les garantes dans le cadre de leurs compétences. En vue de la réalisation des objectifs définis à l'article L. 101-2, elles harmonisent leurs prévisions et leurs décisions d'utilisation de l'espace dans le respect réciproque de leur autonomie. ". Aux termes de l'article L. 101-2 du même code : " Dans le respect des objectifs du développement durable, l'action des collectivités publiques en matière d'urbanisme vise à atteindre les objectifs suivants : 1° L'équilibre entre : a) Les populations résidant dans les zones urbaines et rurales ; b) Le renouvellement urbain, le développement urbain maîtrisé, la restructuration des espaces urbanisés, la revitalisation des centres urbains et ruraux, la lutte contre l'étalement urbain ; c) Une utilisation économe des espaces naturels, la préservation des espaces affectés aux activités agricoles et forestières et la protection des sites, des milieux et paysages naturels ; (...) 6° La protection des milieux naturels et des paysages, la préservation de la qualité de l'air, de l'eau, du sol et du sous-sol, des ressources naturelles, de la biodiversité, des écosystèmes, des espaces verts ainsi que la création, la préservation et la remise en bon état des continuités écologiques ; (...) ". Selon l'article L. 151-1 de ce code : " Le plan local d'urbanisme respecte les principes énoncés aux articles L. 101-1 à L. 101-3 (...) ". Il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi d'un moyen en ce sens, de vérifier si un parti d'aménagement retenu par les auteurs d'un plan local d'urbanisme est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de ces dispositions.

5. Par ailleurs, l'article L. 131-7 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction applicable aux faits de l'espèce, prévoit qu'en l'absence de schéma de cohérence territoriale, les plans locaux d'urbanisme prennent en compte les documents énumérés à l'article L. 131-2, au nombre desquels figurent les schémas régionaux de cohérence écologique prévus à l'article L. 371-3 du code de l'environnement. L'article L. 371-3 du code de l'environnement dispose à cet égard : " (...) Les collectivités territoriales et leurs groupements compétents en matière d'aménagement de l'espace ou d'urbanisme prennent en compte les schémas régionaux de cohérence écologique lors de l'élaboration ou de la révision de leurs documents d'aménagement de l'espace ou d'urbanisme dans les conditions fixées aux articles L. 131-2 et L. 131-7 du code de l'urbanisme. (...) ". En vertu de ces dispositions, les plan locaux d'urbanisme ne doivent pas, en principe, s'écarter des orientations fondamentales du schéma régional de cohérence écologique, sauf, sous le contrôle du juge, pour un motif tiré de l'intérêt de l'opération envisagée et dans la mesure où ce motif le justifie.

6. Il ressort des pièces du dossier qu'au nombre des orientations d'aménagement et de programmation (OAP) définies par le plan local d'urbanisme de la commune de Poligny approuvé par la délibération de la communauté de communes Arbois-Poligny-Salins Cœur du Jura du 23 mars 2017 figure une OAP n° 1 prévoyant l'institution, dans la partie sud-ouest de la forêt de Poligny, d'une zone à urbaniser à vocation touristique dite 1AUL, d'une surface de 88,9 hectares, anciennement classée en zone naturelle ND au POS, destinée à accueillir un ou plusieurs secteurs d'habitat touristique, des aires de stationnement, des équipements communs avec espaces publics et activités commerciales, notamment des espaces ludiques, espaces de restauration, commerces de souvenirs et de vente de produits locaux et bureaux. Cette zone doit être desservie, depuis la route nationale 5, par la route de la Combe-aux-Larres, traversant la forêt, dont il est précisé qu'elle devra être recalibrée avant la réalisation du projet. Cette OAP fait suite à la signature, le 7 août 2014, par la région Franche-Comté, le département du Jura, la communauté de communes Arbois-Poligny-Salins Cœur du Jura, la commune de Poligny et le groupe Pierre et Vacances d'un document d'intention en vue de la réalisation, dans les mêmes lieux, sur une surface alors envisagée de 150 ha, d'un parc Center Park comportant un village de 400 cottages et des équipements de loisir, notamment un vaste espace aqualudique. Dans les termes où elle est rédigée, cette OAP vise en réalité à la mise en œuvre de ce projet particulier et autorise, en tout état de cause, la réalisation éventuelle d'un projet de même nature et de même ampleur.

7. D'une part, contrairement à ce que soutiennent la communauté de communes et la commune requérantes, il ressort des éléments cartographiques annexés au schéma régional de cohérence écologique de Franche-Comté du 16 octobre 2015 que la zone 1 AUL instituée par l'OAP n° 1 est traversée par un des corridors écologiques à préserver, identifiés par ce même schéma, reliant le nord de la forêt de Poligny à d'autres massifs boisés ou naturels situés plus au sud en dehors du territoire de la commune. Ces corridors sont définis par l'article R. 371-19 du code de l'environnement comme composant, avec les réservoirs de biodiversité, un élément des continuités écologiques constitutif de la trame verte et bleue mentionnée aux articles L 371-1 et suivants du même code et comme devant assurer des connexions entre des réservoirs de biodiversité, offrant aux espèces des conditions favorables à leur déplacement et à l'accomplissement de leur cycle de vie. L'article R. 371-20 de ce code prévoit que la préservation des milieux nécessaires aux continuités écologiques assure au moins le maintien de leur fonctionnalité et que les actions de préservation et de remise en bon état des milieux nécessaires aux continuités écologiques sont décidées et mises en œuvre, dans le respect des procédures qui leur sont applicables, par les acteurs concernés conformément à leurs compétences respectives. Il ressort par ailleurs du schéma régional de cohérence écologique de Franche-Comté du 16 octobre 2015 que le vaste ensemble que constitue la forêt de Poligny est le siège de nombreux réservoirs de biodiversité et corridors écologiques identifiés comme devant faire l'objet de mesures de préservation ou de remise en état. Ce schéma, dont l'une des orientations essentielles vise à limiter la fragmentation des continuités écologiques, précise que les corridors écologiques de la sous-trame des milieux forestiers ont été identifiés pour les déplacements de la grande et moyenne faune (lynx boréal, chat forestier) et des grands ongulés (chamois, cerfs, chevreuils).

8. D'autre part, il résulte de ce qui a été dit au point 6 que la réalisation d'un projet touristique de la nature et de l'ampleur de celui permis par l'OAP n° 1 implique, outre un déboisement important de l'aire concernée par ce projet et une artificialisation des sols devant lui servir d'assiette, la réalisation d'équipements destinés à accueillir un public de masse, appelé, le cas échéant, à séjourner sur place, pour des activités de loisirs dont l'ensemble de la forêt de Poligny est susceptible de constituer le prolongement, sans que l'exploitant dispose à cet égard de possibilités de contrôle ou même d'atténuation des nuisances occasionnées. Comme l'ont relevé à bon droit les premiers juges, une telle zone touristique est de nature à accroître notablement la fréquentation de la forêt de Poligny par des visiteurs accédant au site principalement par des véhicules individuels, ainsi que par les personnels et fournisseurs de l'exploitant, provoquant un essor important et continu de la présence humaine et des nuisances qui y sont associées dans un espace comprenant, ainsi qu'il a été dit, des continuités écologiques devant être préservées ou remises en état, ainsi qu'un patrimoine forestier exceptionnel. L'accès à cette zone implique, comme le mentionne le plan local d'urbanisme, un recalibrage de la route de la Combe-aux-Larres, susceptible lui-même de porter atteinte à ces continuités écologiques. Ainsi, le projet en cause est susceptible de porter une atteinte sensible aux intérêts énoncés aux articles L. 101-1 et L. 101-2 du code de l'urbanisme, notamment aux milieux et paysages naturels, à la biodiversité, aux écosystèmes, à la préservation et à la remise en bon état des continuités écologiques.

9. Enfin, il ne ressort pas des pièces du dossier que les risques graves d'atteinte aux continuités écologiques, telles qu'identifiées par le schéma régional de cohérence écologique, susceptibles de concerner, non seulement, l'assiette de la zone 1AUL, mais également une partie importante de la forêt de Poligny, dont un secteur est couvert par une ZNIEFF de type II, soient susceptibles d'être surmontés efficacement par de simples mesures de réduction ou de compensation des atteintes. A cet égard, le commissaire enquêteur, en réponse aux observations faites sur ce point, s'est borné à indiquer qu'une étude plus précise serait à conduire dès que les modalités précises du projet seraient connues, alors qu'il ressort des pièces du dossier que les risques d'atteinte sont moins liés aux conditions d'exploitation du site touristique, envisagé qu'à sa nature et à son ampleur mêmes ainsi qu'à la fréquentation de masse et aux nuisances inhérentes à la présence d'un tel site implanté au sein du massif forestier. Les circonstances que la zone 1AUL, d'une surface de 88,9 ha, serait située à la bordure ouest et non au cœur de ce massif de 19 000 ha, qu'elle serait entourée de bordures de 400 et de 3 500 mètres de forêt la séparant des lisières ouest et est de la forêt, permettant ainsi le déplacement des espèces animales, et que le projet initial d'une zone de 150 ha a été réduit à celui d'une zone de 88,9 ha ne suffisent pas, au regard de l'ampleur des impacts possibles sur les continuités écologiques, à faire regarder les atteintes à celles-ci comme n'étant pas significatives, ainsi que le soutiennent la communauté de communes et la commune requérantes. Par ailleurs, si, comme il a été rappelé au point 5 de cet arrêt, les auteurs d'un plan local d'urbanisme ne sont seulement tenus de prendre en compte les schémas régionaux de cohérence écologique, ce qui implique qu'ils peuvent s'écarter des orientations fondamentales de ce schéma pour un motif tiré de l'intérêt de l'opération envisagée et dans la mesure où ce motif le justifie, les atteintes susceptibles d'être portées aux continuités écologiques de la forêt de Poligny ne résultent pas, en l'espèce, de la mise à l'écart d'une des orientations du schéma régional de cohérence écologique de Franche-Comté, mais de la méconnaissance des principes généraux énoncés aux articles L. 101-1 et L. 101-2 du code de l'urbanisme dont est porteur le projet de zone 1AUL. Le moyen tiré de ce qu'il appartient seulement aux auteurs d'un plan local d'urbanisme de prendre en compte un tel schéma est par suite inopérant.

10. Il suit de là que l'OAP n° 1 prévoyant l'institution, dans la partie sud-ouest de la forêt de Poligny, d'une zone à urbaniser à vocation touristique dite 1AUL est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des intérêts protégés par ces articles du code de l'urbanisme.

En ce qui concerne l'illégalité de l'arrêté du préfet du Jura du 3 novembre 2016 :

11. Aux termes de l'article L. 142-4 du code de l'urbanisme : " Dans les communes où un schéma de cohérence territoriale n'est pas applicable : 1° Les zones à urbaniser délimitées après le 1er juillet 2002 ainsi que les zones naturelles, agricoles ou forestières d'un plan local d'urbanisme ou d'un document en tenant lieu ne peuvent être ouvertes à l'urbanisation à l'occasion de l'élaboration ou d'une procédure d'évolution d'un document d'urbanisme ; (...) ". Aux termes de l'article L. 142-5 du même code : " Il peut être dérogé à l'article L. 142-4 avec l'accord de l'autorité administrative compétente de l'Etat après avis de la commission départementale de la préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers prévue à l'article L. 112-1-1 du code rural et de la pêche maritime et, le cas échéant, de l'établissement public prévu à l'article L. 143-16. La dérogation ne peut être accordée que si l'urbanisation envisagée ne nuit pas à la protection des espaces naturels, agricoles et forestiers ou à la préservation et à la remise en bon état des continuités écologiques, ne conduit pas à une consommation excessive de l'espace, ne génère pas d'impact excessif sur les flux de déplacements et ne nuit pas à une répartition équilibrée entre emploi, habitat, commerces et services. ".

12. La commune de Poligny n'étant pas couverte par un schéma de cohérence territoriale et le projet de plan local d'urbanisme prévoyant l'ouverture à l'urbanisation d'une zone naturelle, la commune a, le 28 juillet 2016, saisi le préfet du Jura au titre des dispositions précitées de l'article L. 142-5 du code de l'urbanisme, lequel a, par un arrêté du 3 novembre 2016, accordé la dérogation nécessaire à l'ouverture de la zone 1AUL à vocation de développement touristique classée jusqu'à présent en zone ND du POS. Pour les mêmes motifs que ceux indiqués aux points précédents de cet arrêt, l'association Le Pic Noir est fondée à soutenir que l'arrêté du préfet du Jura a été pris en méconnaissance des dispositions rappelées ci-dessus des articles L. 142-4 et L. 142-5 du code de l'urbanisme.

13. Il résulte de tout ce qui précède que la communauté de communes et la commune requérantes ne sont pas fondées à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Besançon a partiellement annulé la délibération du 23 mars 2017 et le rejet du recours gracieux de l'association Le Pic Noir.

Sur les frais liés à l'instance :

14. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens, ou à défaut la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ".

15. Ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'association Le Pic Noir, qui n'est pas, dans la présente instance, partie perdante, la somme demandée par la communauté de communes et la commune requérantes au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu en revanche de mettre à la charge de celles-ci le versement à l'association Le Pic Noir de la somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de la communauté de communes Arbois-Poligny-Salins Cœur du Jura et de la commune de Poligny est rejetée.

Article 2 : La communauté de communes Arbois-Poligny-Salins Cœur du Jura et la commune de Poligny verseront à l'association Le Pic Noir la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la communauté de communes Arbois-Poligny-Salins Cœur du Jura, à la commune de Poligny et l'association Le Pic Noir,

Copie en sera adressée au préfet du Jura pour information.

Délibéré après l'audience du 5 mai 2022, à laquelle siégeaient :

- Mme Vidal, présidente de chambre,

- M. Rees, président-assesseur,

- M. Goujon-Fischer, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 25 mai 2022.

Le rapporteur,

Signé : J.-F. Goujon-FischerLa présidente,

Signé : S. Vidal

La greffière,

Signé : S. Robinet

La République mande et ordonne à la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales en ce qui la concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

S. Robinet

2

N° 19NC01997


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 19NC01997
Date de la décision : 25/05/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-01-01 Urbanisme et aménagement du territoire. - Plans d'aménagement et d'urbanisme. - Plans d`occupation des sols (POS) et plans locaux d’urbanisme (PLU).


Composition du Tribunal
Président : Mme VIDAL
Rapporteur ?: M. Jean-François GOUJON-FISCHER
Rapporteur public ?: Mme ANTONIAZZI
Avocat(s) : SELARL ATMOS AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 07/06/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2022-05-25;19nc01997 ?
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