Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme C... A... B... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 20 août 2021, notifié le 13 septembre 2021, par lequel la préfète du Bas-Rhin a ordonné son transfert aux autorités italiennes, d'enjoindre à la préfète du Bas-Rhin de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour et un formulaire de demande d'asile, sous astreinte de 100 euros par jour de retard au-delà de huit jours à compter de la notification du jugement et de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 1 500 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
Par un jugement n° 2106546 du 11 octobre 2021, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé l'arrêté de la préfète du Bas-Rhin du 20 août 2021, a enjoint à la préfète du Bas-Rhin d'enregistrer la demande d'asile et de remettre à Mme A... B... une attestation de demande d'asile portant la mention " procédure normale - première demande d'asile " dans un délai de quinze jours à compter de la notification du jugement et a mis à la charge de l'Etat le versement à Me Gaudron, avocat de Mme A... B..., de la somme de 900 euros, au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, sous réserve que Mme A... B... obtienne le bénéfice de l'aide juridictionnelle et que Me Gaudron renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée sous le n° 21NC02856 le 2 novembre 2021, la préfète du Bas-Rhin demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 11 octobre 2021 ;
2°) de rejeter la demande présentée par Mme A... B... devant le tribunal administratif de Strasbourg.
Elle soutient que :
- sa requête, introduite dans le délai d'appel, est recevable ;
- si la situation de grossesse de Mme A... B... pouvait affecter l'exécution de la décision de transfert, elle était en revanche sans incidence sur sa légalité ;
- c'est à tort que le tribunal a jugé que le transfert de l'intéressée était entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
Par un mémoire en défense, enregistré le 28 mars 2022, Mme A... B..., représentée par Me Gaudron, conclut :
1°) au rejet de la requête ;
2°) à l'annulation de l'arrêté du 20 août 2021, par lequel la préfète du Bas-Rhin a ordonné son transfert aux autorités italiennes ;
3°) à ce qu'il soit enjoint à la préfète du Bas-Rhin de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour et un formulaire de demande d'asile dans un délai de 8 jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat le versement à son avocat de la somme de 1 500 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
Elle fait valoir que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.
Mme A... B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 23 mai 2022.
Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de ce que, la France étant devenue responsable de l'examen de la demande de protection de Mme A... B... à l'expiration du délai de six mois prévu à l'article 29 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, la requête est privée d'objet et il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions.
Par un mémoire en réponse au moyen relevé d'office enregistré le 17 mai 2022, la préfète du Bas-Rhin, informe la cour que le transfert de la requérante n'ayant pu intervenir avant le 11 avril 2022, l'intéressé ne relève plus, depuis cette date, de la procédure Dublin, et qu'il n'y a dès lors plus lieu de statuer sur la requête.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le traité sur l'Union européenne ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le règlement (UE) n° 603/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de M. Goujon-Fischer, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A... B..., ressortissante somalienne, est entrée irrégulièrement en France selon ses déclarations le 15 juillet 2021 et a déposé une demande d'asile auprès de la préfecture du Bas-Rhin le 23 juillet 2021. La consultation du fichier Eurodac ayant révélé qu'elle avait précédemment sollicité l'asile auprès des autorités italiennes, ces dernières ont été saisies le 2 août 2021 d'une demande tendant à sa reprise en charge. Les autorités italiennes ont donné leur accord explicite le 10 août 2021. Par un arrêté du 20 août 2021, la préfète du Bas-Rhin a prononcé son transfert aux autorités italiennes pour l'examen de sa demande d'asile. La préfète du Bas-Rhin relève appel du jugement du 11 octobre 2021 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a annulé cet arrêté et lui a enjoint d'enregistrer la demande d'asile ainsi que de remettre à Mme A... B... une attestation de demande d'asile portant la mention " procédure normale - première demande d'asile " dans un délai de quinze jours à compter de la notification du jugement.
2. Aux termes de l'article 29, paragraphe 1, du règlement n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013, le transfert du demandeur vers l'Etat membre responsable de l'examen de sa demande d'asile doit s'effectuer " dès qu'il est matériellement possible et, au plus tard, dans un délai de six mois à compter de l'acceptation par un autre Etat membre de la requête aux fins de la prise en charge ou de reprise en charge de la personne concernée ou de la décision définitive sur le recours ou la révision lorsque l'effet suspensif est accordé conformément à l'article 27, paragraphe 3 ". Aux termes du paragraphe 2 du même article : " Si le transfert n'est pas exécuté dans le délai de six mois, l'État membre responsable est libéré de son obligation de prendre en charge ou de reprendre en charge la personne concernée et la responsabilité est alors transférée à l'État membre requérant. Ce délai peut être porté à un an au maximum s'il n'a pas pu être procédé au transfert en raison d'un emprisonnement de la personne concernée ou à dix-huit mois au maximum si la personne concernée prend la fuite ".
3. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA) : " Sous réserve du second alinéa de l'article L. 742-1, l'étranger dont l'examen de la demande d'asile relève de la responsabilité d'un autre Etat peut faire l'objet d'un transfert vers l'Etat responsable de cet examen ". Aux termes du I de l'article L. 742-4 du même code applicable au litige : " (...) II. - Lorsqu'une décision de placement en rétention prise en application de l'article L. 551-1 ou d'assignation à résidence prise en application de l'article L. 561-2 est notifiée avec la décision de transfert ou lorsque celle-ci est notifiée alors que l'étranger fait déjà l'objet d'une telle décision de placement en rétention ou d'assignation à résidence, l'étranger peut, dans les quarante-huit heures suivant leur notification, demander au président du tribunal administratif l'annulation de la décision de transfert et de la décision d'assignation à résidence. Il est statué sur ce recours selon la procédure et dans le délai prévu au III de l'article L. 512-1. (...) ".
4. Il résulte de la combinaison de ces dispositions que l'introduction d'un recours devant le tribunal administratif contre la décision de transfert a pour effet d'interrompre le délai de six mois fixé à l'article 29 du règlement (UE) n° 604/2013, qui courait à compter de l'acceptation du transfert par l'Etat requis, délai qui recommence à courir intégralement à compter de la date de notification à l'autorité administrative du jugement du tribunal administratif statuant au principal sur cette demande, quel que soit le sens de sa décision. Ni un appel ni le sursis à exécution du jugement accordé par le juge d'appel sur une demande présentée en application de l'article R. 811-15 du code de justice administrative n'ont pour effet d'interrompre ce nouveau délai. Son expiration a pour conséquence qu'en application des dispositions du paragraphe 2 de l'article 29 du règlement précité, l'Etat requérant devient responsable de l'examen de la demande de protection internationale.
5. La requête de Mme A... B..., introduite le 24 septembre 2021 devant le tribunal administratif de Strasbourg a interrompu le délai de six mois fixé à l'article 29 du règlement (UE) n° 604/2013, qui courait à compter de l'acceptation du transfert par l'Italie. Ce délai a recommencé à courir à compter de la notification, le 11 octobre 2021, à la préfète du Bas-Rhin, du jugement de ce tribunal et n'a pas été interrompu par l'appel de la préfète devant la cour. Il ne ressort d'aucune des pièces du dossier que cet arrêté de transfert aurait été exécuté ni que ce délai aurait été prolongé, en application des dispositions du paragraphe 2 de l'article 29 du règlement du 20 août 2013. Ainsi, la France est devenue responsable de l'examen de la demande de protection internationale de Mme A... B... à la date du 11 avril 2022. Par suite, la décision de transfert étant devenue caduque postérieurement à l'introduction de l'appel et ne pouvant plus être légalement exécutée, les conclusions d'appel sollicitant l'annulation du jugement attaqué ont perdu leur objet.
6. Ainsi qu'il a été dit ci-dessus, les autorités françaises sont devenues responsables de l'examen de la demande d'asile de Mme A... B... à compter du 11 avril 2022. Cette responsabilité découle cependant de la seule expiration du délai fixé par les dispositions précitées du paragraphe 2 de l'article 29 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013. Le présent arrêt, qui se borne à prononcer en conséquence un non-lieu à statuer sur la requête d'appel de la préfète du Bas-Rhin n'implique par elle-même aucune mesure d'exécution au sens des dispositions de l'article L. 911-1 du code de justice administrative. Dans ces conditions, il y a lieu de rejeter les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte présentées par Mme A... B....
7. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de Mme A... B... tendant à l'application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
D É C I D E :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions d'appel de la préfète du Bas-Rhin tendant à l'annulation du jugement du 11 octobre 2021 du tribunal administratif de Strasbourg.
Article 2 : Le surplus des conclusions de Mme A... B... est rejeté.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... A... B... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée à la préfète du Bas-Rhin.
Délibéré après l'audience du 25 mai 2022, à laquelle siégeaient :
- Mme Vidal, présidente de chambre,
- M. Rees, président-assesseur,
- M. Goujon-Fischer, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 16 juin 2022.
Le rapporteur,
Signé : J.-F. Goujon-FischerLa présidente,
Signé : S. Vidal
La greffière,
Signé : S. Robinet
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
S. Robinet
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N° 21NC02856