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29/06/2022 | FRANCE | N°21NC01435

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 4ème chambre, 29 juin 2022, 21NC01435


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler, d'une part, la décision du 5 avril 2019 par laquelle le directeur départemental des finances publiques a refusé de la réintégrer à compter du 7 mai 2019, d'autre part, l'arrêté´ du 16 mai 2019 portant renouvellement de son conge´ longue maladie a` compter du 7 mai 2019 pour une durée de trois mois, et enfin, la décision du 20 septembre 2019 rejetant son recours gracieux à l'encontre de l'arrêté du 16 mai 2019. Elle

a également demandé au tribunal administratif d'enjoindre à l'Etat de la place...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler, d'une part, la décision du 5 avril 2019 par laquelle le directeur départemental des finances publiques a refusé de la réintégrer à compter du 7 mai 2019, d'autre part, l'arrêté´ du 16 mai 2019 portant renouvellement de son conge´ longue maladie a` compter du 7 mai 2019 pour une durée de trois mois, et enfin, la décision du 20 septembre 2019 rejetant son recours gracieux à l'encontre de l'arrêté du 16 mai 2019. Elle a également demandé au tribunal administratif d'enjoindre à l'Etat de la placer en conge´ de maladie ordinaire a` plein traitement et de la réintégrer dans un autre service dans un délai de deux mois a` compter de la notification du jugement a` intervenir et sous astreinte de 100 euros par jour de retard et enfin de condamner l'Etat à lui verser une indemnité de 66 470 euros au titre des préjudices qu'elle estime avoir subis, a` parfaire.

Par un jugement n° 1902445 et n° 1902455 du 12 mars 2021, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a annulé les décisions du 5 avril et du 16 mai 2019 par lesquelles le directeur départemental des finances publiques de la Marne a refusé de réintégrer Mme B... à compter du 7 mai 2019 et renouvelé son conge´ de longue maladie a` compter de cette date, ainsi que les arrêtés du 13 août 2019 par lesquels la même autorité a requalifié le congé de longue maladie de Mme B... en congé de longue durée à compter du 7 mai 2019 et renouvelé ce conge´ pour une durée de 6 mois a` compter du 7 août 2019 et la décision du 20 septembre 2019 rejetant le recours gracieux de Mme B.... Il a également enjoint au directeur départemental des finances publiques de la Marne de procéder à la réintégration de Mme B... dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement et a condamné l'Etat à lui verser une indemnité de 67 970 euros en réparation des préjudices qu'elle a subis.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 17 mai 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance demande à la cour d'annuler le jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne n° 1902445 et 1902455 en tant qu'il a condamné l'administration à verser à Mme B... la somme de 67 970 euros.

Il soutient que :

- les juges de première instance ont commis une erreur d'appréciation des éléments qui lui ont été soumis par Mme B..., une erreur dans leur contrôle de l'exactitude matérielle des faits et n'ont pas fait usage de leurs pouvoirs d'instruction ;

- le montant du préjudice financier subi par Mme B... a été mal apprécié :

- Mme B... percevait selon toute vraisemblance des revenus de remplacement :

- ses fiches de salaire montrent une souscription auprès de la mutuelle générale de l'économie, des finances et de l'industrie (MGEFI) au moins depuis le mois de janvier 2020 et d'une garantie de paiement de la part indemnitaire du traitement en cas de congé pour maladie ;

- ses fiches de salaire de 2019 font état d'une garantie " incapacité- invalidité " ;

- il est de jurisprudence constante que les personnes morales de droit public ne peuvent pas être condamnées à payer une somme qu'elles ne doivent pas.

Par un mémoire, enregistré le 14 octobre 2021, Mme B..., représentée par Me Lehmann, conclut :

1°) au rejet de la requête ;

2°) par un appel incident, à la réformation partielle le jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne, en condamnant l'Etat à lui verser une somme supplémentaire de 1 447,13 euros pour l'indemniser de son préjudice financier résultant de la perte de ses primes ;

3°) à ce que soit mis à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les premiers juges ont commis une erreur d'appréciation des faits pour ce qui concerne la détermination de son préjudice financier résultant de la perte des primes et indemnités dont elle avait pour la période en cause, une chance sérieuse de bénéficier ;

- ainsi, elle est fondée à solliciter la différence de 1 447,13 euros entre le montant de la condamnation prononcée par le tribunal administratif, soit 66 470 euros, et le montant sollicitée par sa mutuelle, la MGEFI, qui est de 67 917,13 euros et correspondant au remboursement des primes versées pour la période du 7 mai 2019 au 6 mai 2021.

Par une ordonnance du 21 avril 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 20 mai 2022 à 12h00.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Roussaux, première conseillère,

- les conclusions de M. Michel, rapporteur public,

- et les observations de Me Lehmann, représentant Mme B....

Considérant ce qui suit :

1. Mme B..., administratrice des finances publiques adjointe, exerçait des fonctions à la direction départementale des finances publiques. Elle a été placée en congé de longue maladie à compter du 7 mai 2018. Le comité médical, lors de sa séance du 4 avril 2019, a émis un avis favorable à la réintégration de Mme B... au 7 mai 2019 sous réserve d'une mutation dans un autre service. Mme B... a demandé au tribunal de Châlons-en-Champagne d'annuler la décision en date du 5 avril 2019 par laquelle le directeur départemental des finances publiques a refusé de la réintégrer ainsi que celle du 16 mai 2019 portant renouvellement de son conge´ longue maladie a` compter du 7 mai 2019 pour une durée de 3 mois, celle du 20 septembre 2019 rejetant son recours gracieux et sa demande tendant à la réparation des préjudices subis et, enfin, les arrêtés du 13 août 2019 par lesquels le directeur départemental des finances publiques a requalifié son congé de longue maladie en congé de longue durée à compter du 7 mai 2019 et renouvelé son conge´ longue durée pour une durée de 6 mois supplémentaires a` compter du 7 août 2019. Elle a sollicité également l'indemnisation du préjudice subi du fait de ces décisions. Par jugement n° 1902445 et n° 1902455 du 12 mars 2021, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a annulé ces décisions et a condamné l'Etat à verser à Mme B... la somme de 67 970 euros en réparation des préjudices qu'elle a subis. Faute de contestation par le ministre de l'économie, des finances et de la relance de l'indemnisation allouée au titre du préjudice moral, ce dernier doit être regardé comme relevant appel du jugement du 12 mars 2021 en tant uniquement que celui-ci a condamné l'Etat à verser à Mme B... la somme de 66 740 euros au titre de son préjudice financier.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Les moyens tirés de ce que les premiers juges ont entaché leur jugement d'une erreur d'appréciation des éléments qui lui ont été soumis par Mme B..., d'une erreur dans leur contrôle de l'exactitude matérielle des faits et n'ont pas fait usage de leurs pouvoirs d'instruction en sollicitant des pièces complémentaires relèvent du bien-fondé du jugement et non de sa régularité.

Sur l'appel principal du ministre de l'économie, des finances et de la relance :

3. En vertu des principes généraux qui régissent la responsabilité de la puissance publique, un fonctionnaire qui a été irrégulièrement maintenu sans affectation a droit à la réparation intégrale du préjudice qu'il a effectivement subi du fait de son maintien illégal sans affectation. Dans ce cadre, sont indemnisables les préjudices de toute nature avec lesquels l'illégalité commise présente un lien direct de causalité. Pour l'évaluation du montant de l'indemnité due, doit être prise en compte la perte des primes et indemnités dont l'intéressé avait, pour la période en cause, une chance sérieuse de bénéficier, à l'exception de celles qui, eu égard à leur nature, à leur objet et aux conditions dans lesquelles elles sont versées, sont seulement destinées à compenser des frais, charges ou contraintes liés à l'exercice effectif des fonctions.

4. Mme B... a été privée depuis le 7 mai 2019, du fait de l'ensemble des décisions illégales qui ont été annulées par le tribunal administratif d'une chance sérieuse de percevoir des primes et indemnités intitulées " prime de rendement ", " prime forfaitaire pour travaux supplémentaires ", " allocation complémentaire de fonction technicité " et " allocation complémentaire de fonction cadre supérieur " et pour lesquelles il n'est pas soutenu qu'elles seraient seulement destinées à compenser des frais, charges ou contraintes liés à l'exercice effectif des fonctions. Il résulte de l'instruction et n'est au demeurant pas sérieusement contesté que le montant de la perte de ces primes s'élève à la somme de de 66 470 euros. Le ministre fait cependant valoir que Mme B... a souscrit auprès de la mutuelle générale de l'économie, des finances et de l'industrie (MGEFI) une garantie particulière relatives aux primes, dont l'objet est de garantir son régime indemnitaire notamment en cas de congé longue maladie ou de congé longue durée. En application de ce contrat, elle a bénéficié d'une indemnité correspondant au montant des primes non perçues pendant ses congés. Toutefois et contrairement à ce que soutient l'Etat, cette circonstance ne saurait faire obstacle à la condamnation de l'Etat, qui est tenu d'indemniser le préjudice subi par l'agent au regard de la nature des primes en cause dont il a été privé du fait de sa faute. Cette condamnation ne conduira au demeurant pas à une double indemnisation, la MGEFI ayant sollicité auprès de Mme B... le remboursement de la somme en cause dès lors que la garantie ne trouve plus, du fait de la réintégration de Mme B... en exécution du jugement en litige, à s'appliquer. Le ministre n'est donc pas fondé à soutenir qu'en raison des revenus de remplacement dont Mme B... a bénéficié, le préjudice financier d'un montant de 66 470 euros aurait été mal évalué.

5. Il résulte de tout ce qui précède que le ministre de l'économie, des finances et de la relance n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne l'a condamné à verser la somme de 66 470 euros en réparation du préjudice financier subi par Mme B....

Sur l'appel incident de Mme B... :

6. Une partie est recevable, par la voie de l'appel incident, à majorer en appel ses prétentions indemnitaires en cas d'aggravation du préjudice postérieurement au jugement de première instance, dès lors que le fait générateur en est inchangé.

7. Il résulte de l'instruction qu'à la suite du jugement rendu par le tribunal, la MGEFI a réclamé le 14 juin 2021 à Mme B... le remboursement des indemnités qu'elle lui avait versées pour " perte de primes " pour un montant de 67 917,13 euros pour la période allant du 7 mai 2019 au 6 mai 2021.

8. Le préjudice financier supplémentaire de 1 447,13 euros dont Mme B... demande à être indemnisée a le même fait générateur, le refus illégal de la réintégrer à compter du 7 mai 2019, et s'est révélé postérieurement au jugement de première instance. Mme B... est donc fondée à solliciter la condamnation de l'Etat au versement d'une somme supplémentaire de 1 447,13 euros correspondant à la différence entre le montant de la condamnation prononcée par le tribunal administratif, soit 66 470 euros, et le montant sollicitée par la MGEFI de 67 917,13 euros, correspondant au remboursement des primes versées pour la période du 7 mai 2019 au 6 mai 2021.

9. Il résulte de ce qui vient d'être dit que le montant de la condamnation de l'Etat prononcée par le tribunal administratif doit être portée à la somme de 69 417,13 euros (67 917,13 de préjudice financier + 1 500 de préjudice moral). Mme B... est par suite fondée à solliciter la réformation de l'article 3 du jugement dans cette mesure.

Sur les frais liés au litige :

10. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Mme B... de la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E:

Article 1er : La requête du ministre de l'économie, des finances et de la relance est rejetée.

Article 2 : Le montant de l'indemnité mise à la charge de l'Etat par l'article 3 du jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne est portée à 69 417,13 euros.

Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne n° 1902445 et n° 1902455 du 12 mars 2021 est réformé en ce qu'il a de contraire à l'article 2 du présent arrêt.

Article 4 : l'Etat versera à Mme B... la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique et à Mme A... B....

Délibéré après l'audience du 7 juin 2022, à laquelle siégeaient :

- Mme Ghisu-Deparis, présidente,

- Mme Grossrieder, présidente assesseure,

- Mme Roussaux, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 29 juin 2022.

La rapporteure,

Signé : S. Roussaux La présidente,

Signé : V. Ghisu-Deparis

La greffière,

Signé : N. Basso

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

N. Basso

2

N°21NC01435


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 21NC01435
Date de la décision : 29/06/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme GHISU-DEPARIS
Rapporteur ?: Mme Sophie ROUSSAUX
Rapporteur public ?: M. MICHEL
Avocat(s) : LEHMANN

Origine de la décision
Date de l'import : 12/07/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2022-06-29;21nc01435 ?
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