Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler l'arrêté du 23 août 2021 par lequel le préfet de Saône-et-Loire lui a interdit le retour sur le territoire français pendant une durée de deux ans.
Par un jugement n°2102499 du 1er septembre 2021, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 4 octobre 2021, M. A..., représenté par Me N'Diaye, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 1er septembre 2021 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 23 août 2021 et par voie de conséquence d'annuler la décision portant signalement aux fins de non admission dans le système d'information Schengen et la décision portant assignation à résidence ;
3°) d'enjoindre, à titre principal, au préfet de Saône-et-Loire de lui délivrer une carte de résident d'une durée d'un an, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ; à titre subsidiaire, d'enjoindre au préfet de réexaminer sa situation dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- l'arrêté contesté est entaché d'un vice de procédure dès lors que le préfet n'a pas saisi la commission des expulsions comme le prévoit l'article L. 522-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- en ne se prononçant pas sur les quatre critères prévus à l'article L. 512-2, le préfet a commis une erreur de droit ;
- l'arrêté porte une atteinte grave et disproportionnée à son droit au respect à sa vie privée et familiale et méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le préfet a méconnu les dispositions du 7°) de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le préfet a commis une erreur dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur sa situation personnelle ;
- c'est au mépris du principe de la présomption d'innocence que le préfet a retenu des faits de violence conjugale dans l'arrêté contesté alors qu'il n'avait fait l'objet d'aucune condamnation par un tribunal ;
- le préfet a méconnu les stipulations de l'articles 6-5 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;
- le préfet a méconnu les stipulations de l'article 7 a) de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;
Le préfet de Saône-et-Loire n'a pas produit un mémoire en défense.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme C... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B... A..., ressortissant algérien né le 24 janvier 1977, serait, selon ses déclarations, entré sur le territoire français en janvier 2021. Le 9 juillet 2021, M. A... a fait l'objet d'une interpellation par les services de police du commissariat de Mâcon pour des faits de violences conjugales avec armes. Par un arrêté du 11 juillet 2021, le préfet de Saône-et-Loire lui a fait obligation de quitter le territoire sans délai, a fixé le pays à destination duquel il serait susceptible d'être reconduit et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de trois ans. Cet arrêté a été annulé par un jugement du tribunal administratif de Nancy du 19 juillet 2021 en tant qu'il a prononcé à l'encontre de M. A... une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de trois ans. Par un arrêté du 23 août 2021, le préfet de Saône-et-Loire a prononcé à l'encontre de M. A... une nouvelle interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans. M. A... relève appel du jugement n°2102499 du 1er septembre 2021 par lequel le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 522-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " A la suite de la présentation d'une demande d'asile, l'Office français de l'immigration et de l'intégration est chargé de procéder, dans un délai raisonnable et après un entretien personnel avec le demandeur d'asile, à une évaluation de la vulnérabilité de ce dernier afin de déterminer, le cas échéant, ses besoins particuliers en matière d'accueil. Ces besoins particuliers sont également pris en compte s'ils deviennent manifestes à une étape ultérieure de la procédure d'asile. Dans la mise en œuvre des droits des demandeurs d'asile et pendant toute la période d'instruction de leur demande, il est tenu compte de la situation spécifique des personnes vulnérables. Lors de l'entretien personnel, le demandeur est informé de sa possibilité de bénéficier de l'examen de santé gratuit prévu à l'article L. 321-3 du code de la sécurité sociale. ".
3. Le requérant ne saurait utilement soutenir que le préfet de Saône-et-Loire devait, préalablement à l'édiction de l'arrêté contesté, saisir la commission des expulsions prévue à l'article L. 522-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que cet article ne prévoit aucunement une telle saisine. Par suite, le moyen tiré du vice de procédure doit être écarté comme inopérant.
4. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour. / Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français ". Aux termes de l'article L. 612-10 du même code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. (...) ". Il résulte de ces dispositions que lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, le préfet assortit, en principe et sauf circonstances humanitaires, l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour. La durée de cette interdiction doit être déterminée en tenant compte des critères tenant à la durée de présence en France, à la nature et l'ancienneté des liens de l'intéressé avec la France, à l'existence de précédentes mesures d'éloignement et à la menace pour l'ordre public représentée par la présence en France de l'intéressé.
5. Pour fixer à deux ans la durée de l'interdiction de retour sur le territoire français prononcée à l'encontre de M. A..., le préfet a retenu que ce dernier est entré récemment sur le territoire français et qu'il ne peut se prévaloir d'une vie privée et familiale suffisante en France dès lors que s'il a déclaré être marié religieusement depuis le 1er juin 2021 avec une ressortissante française, il ne produit aucun document attestant une communauté de vie et qu'au surplus il a été interpellé le 9 juillet 2021 pour des faits de violence sur sa compagne. Le préfet ajoute que l'intéressé n'établit pas être isolé dans son pays d'origine où il a vécu jusqu'à l'âge de 44 ans et où réside sa famille selon ses propres déclarations, que sa présence en France ne représente pas une menace à l'ordre public et qu'il n'a pas fait l'objet d'une précédente mesure d'éloignement. Par conséquent, contrairement à ce que soutient le requérant, l'arrêté attaqué a bien été édicté au regard de sa situation et en tenant compte des quatre critères cités par les dispositions précitées de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, doit être écarté le moyen tiré de l'erreur de droit.
6. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " " 1° - Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance / 2° - Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".". Aux termes des dispositions de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : / (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. (...) ".Aux termes du deuxième alinéa de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) 5) au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus ; (...) ".
7. M. A... se prévaut de la relation qu'il entretiendrait depuis trois ans avec une ressortissante française, qu'il aurait religieusement épousé en mars 2021. Toutefois, par les pièces produites, consistant en deux attestations de sa compagne du 25 août 2021 et plusieurs documents relatifs à la situation de cette dernière, tels que son contrat de travail, une attestation de paiement de la caisse d'allocations familiales et une quittance de loyer, le requérant ne justifie ni du caractère ancien et stable de leur relation ni de leur mariage religieux en mars 2021. Par ailleurs, M. A... n'établit pas être dépourvu d'attaches privées et familiales dans son pays d'origine, l'Algérie, où il a vécu jusqu'à l'âge de 44 ans et où réside sa famille, selon ses propres déclarations. En outre, l'intéressé, qui est entré de manière irrégulière sur le territoire français, sans entreprendre les démarches nécessaires à sa régularisation, ne justifie d'aucune insertion particulière dans la société française, alors que, comme l'a relevé le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Nancy, M. A... a fait l'objet d'une interpellation en juillet 2021 pour des faits de violence conjugale avec arme, qu'il ne conteste d'ailleurs pas avoir commis. Dans ces conditions, en prenant l'arrêté contesté interdisant à M. A... le retour sur le territoire français pendant une durée de deux ans, le préfet de Saône-et-Loire n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels la décision contestée a été prise et n'a ainsi pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Pour les mêmes raisons, le requérant n'est pas fondé à soutenir que le préfet a méconnu les stipulations des articles 6-5 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 et aurait commis une erreur dans l'appréciation des conséquences de son arrêté sur sa situation personnelle. Par suite, ces moyens doivent être écartés.
8. En quatrième lieu, aux termes de l'article 7 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles : " a) les ressortissants algériens qui justifient de moyens d'existence suffisants et qui prennent l'engagement de n'exercer, en France, aucune activité professionnelle soumise à autorisation reçoivent après le contrôle médical d'usage un certificat valable un an portant la mention "visiteur" ". Aux termes de l'article 9 du même accord : " (...) Pour être admis à entrer et séjourner plus de trois mois sur le territoire français au titre des articles (...) 7 (...), les ressortissants algériens doivent présenter un passeport en cours de validité et un visa de long séjour délivré par les autorités françaises. Ce visa de long séjour accompagné des pièces et documents justificatifs permet d'obtenir un certificat de résidence dont la durée de validité est fixée par les articles et titres mentionnés à l'alinéa précédent ".
9. M. A... fait valoir que depuis son entrée sur le territoire français en janvier 2021, il est pris en charge par sa compagne qui l'héberge et l'entretient. Toutefois, il est constant que M. A... est entré irrégulièrement en France sans présenter de passeport en cours de validité muni d'un visa de long séjour délivré par les autorités françaises. Par suite, M. A... ne saurait prétendre à la délivrance d'un visa " visiteur " selon les dispositions combinées des articles 7 a) et 9 de l'accord précité.
10. En dernier lieu, il ressort des termes mêmes de l'arrêté contesté que l'interdiction de retour sur le territoire français en litige est motivée par les raisons invoquées au point 5 du présent arrêt et que ce n'est qu'au surplus que les faits de violence conjugale ont été mentionnés par l'autorité préfectorale. Par suite, M. A... ne saurait soutenir que c'est au mépris du principe de la présomption d'innocence que le préfet a retenu ces faits de violence conjugale pour prendre la décision attaquée.
11. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement du 1er septembre 2021, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté contesté. Par suite, sa requête doit être rejetée en toutes ses conclusions y compris celles tendant à l'application des articles L. 761 du code de justice administrative.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur.
Une copie du présent arrêt sera adressée au préfet de Saône-et-Loire.
Délibéré après l'audience du 9 juin 2022, à laquelle siégeaient :
M. Martinez, président,
M. Agnel, président assesseur,
Mme Stenger, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 juin 2022.
La rapporteure,
Signé : L. C...
Le président,
Signé : J. MARTINEZLa greffière,
Signé : C. SCHRAMM
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
C. SCHRAMM
N°21NC02637 2