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21/07/2022 | FRANCE | N°21NC03350

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 4ème chambre, 21 juillet 2022, 21NC03350


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler l'arrêté du 25 janvier 2021 par lequel le préfet de l'Aube lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai d'un mois et a fixé le pays de destination de son éloignement.

Par un jugement n° 2100457 du 27 mai 2021, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistré

e le 28 décembre 2021, M. A..., représenté Me Drame, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler l'arrêté du 25 janvier 2021 par lequel le préfet de l'Aube lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai d'un mois et a fixé le pays de destination de son éloignement.

Par un jugement n° 2100457 du 27 mai 2021, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 28 décembre 2021, M. A..., représenté Me Drame, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 27 mai 2021 du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet de l'Aube du 25 janvier 2021 ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Aube de lui délivrer une carte de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 000 euros à verser à son conseil en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- le jugement est irrégulier car les premiers juges ont omis de répondre au moyen tiré du défaut d'examen sérieux et complet de sa situation ;

- sur la décision portant refus de titre de séjour :

- la décision attaquée est entachée d'un vice de procédure car il n'a jamais été invité à se présenter à la préfecture pour sa demande d'admission au séjour tel que le prévoit la circulaire interministérielle du 25 janvier 2016 relative à la mobilisation des services de l'Etat auprès des conseils départementaux concernant les mineurs privés temporairement ou définitivement de la protection de leur famille et les personnes se présentant comme telles ;

- le préfet n'a pas procédé à un examen sérieux et complet de sa situation ;

- le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation et une erreur de fait au regard des dispositions de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

. s'il n'a pu débuter une formation qualifiante qu'au troisième trimestre 2019, c'est à cause de l'Etat qui a tardé à l'affecter dans un lycée professionnel, faute de place vacante ;

. la résiliation de son contrat d'apprentissage le 18 novembre 2019 ne peut pas lui être reprochée ; l'inscription dans une formation en langue française est une formation destinée à apporter une qualification professionnelle au sens de l'article L. 313-15 ; en l'espèce, il a suivi des enseignements au sein du dispositif UPE2A ( unité pédagogique pour élèves allophones arrivants ) ;

c'est un élève sérieux et assidu, comme le souligne le rapport d'évaluation des services sociaux ;

. il appartenait au préfet d'examiner la nature des liens avec sa famille restée au pays ;

. la circonstance que les autorités consulaires guinéennes en France n'ont pas donné suite à la demande du préfet d'authentification de ses actes d'état civil ne justifie pas un refus de titre de séjour ;

- sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- elle entrainera un arrêt brutal de ses études et est donc entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- sur le moyen commun aux décisions attaquées :

- le préfet a méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense, enregistré le 16 juin 2022, le préfet de l'Aube conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 17 janvier 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de Mme Roussaux, première conseillère, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant guinéen, se disant né le 5 novembre 2001, est entré irrégulièrement en France en février 2018. Il a été placé à compter du 13 mars 2018 auprès de l'aide sociale à l'enfance et, après avoir suivi au lycée professionnel Gabriel Voisin de Troyes (Aube) des cours de français, il s'est inscrit au printemps 2019 en première année de CAP (certificat d'aptitude professionnelle) " peintre applicateur de revêtement ", et a conclu à compter du 1er octobre 2019 un contrat d'apprentissage avec la société Make Up Peinture qui a été rompu le 18 novembre 2019. Il s'est inscrit à compter du 1er octobre 2020 au CFA de Pont-Sainte-Marie (Aube) en CAP " commercialisation et services en hôtel-café-restaurant " et a bénéficié d'un contrat d'apprentissage avec la société " La Charrette Créole ". Il a sollicité le 10 octobre 2019 du préfet de l'Aube la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors applicable. Par un arrêté du 25 janvier 2021, le préfet de l'Aube lui a opposé un refus et l'a obligé à quitter le territoire français à destination de la Guinée. M. A... relève appel du jugement du 27 mai 2021 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. A l'appui de sa demande devant le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne, le requérant soulevait le moyen tiré du défaut d'examen sérieux et complet de sa situation. Il ressort du point 2 du jugement attaqué, contrairement à ce que soutient le requérant, que le tribunal administratif a répondu à ce moyen et l'a écarté. Par suite, le jugement n'est pas entaché d'irrégularité.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

3. En premier lieu, les énonciations de la circulaire interministérielle du 25 janvier 2016, relative à la mobilisation des services de l'Etat auprès des conseils départementaux concernant les mineurs privés temporairement ou définitivement de la protection de leurs familles et les personnes se présentant comme tels, ne constituent pas des lignes directrices dont M. A... pourrait utilement se prévaloir devant le juge. Il n'est donc pas fondé à soutenir que l'arrêté préfectoral du 25 janvier 2021 serait entaché d'un vice de procédure au motif qu'il n'aurait jamais été invité à se présenter à la préfecture pour sa demande d'admission exceptionnelle au séjour.

4. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa version applicable au litige : " A titre exceptionnel et sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire prévue aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 portant la mention " salarié " ou la mention " travailleur temporaire " peut être délivrée, dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, à l'étranger qui a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et l'âge de dix-huit ans et qui justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle, sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. Le respect de la condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigé. ".

5. Lorsqu'il examine une demande de titre de séjour portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire " sur le fondement de l'article L. 313-15, le préfet vérifie tout d'abord que l'étranger est dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, que sa présence en France ne constitue pas une menace pour l'ordre public, qu'il a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et dix-huit ans et qu'il justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle. Disposant d'un large pouvoir d'appréciation, il doit ensuite prendre en compte la situation de l'intéressé appréciée de façon globale au regard notamment du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. Il appartient seulement au juge administratif, saisi d'un moyen en ce sens, de vérifier que le préfet n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation qu'il a portée.

6. En l'espèce, pour refuser à M. A... le bénéfice d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet de l'Aube s'est fondé sur la circonstance que l'intéressé ne justifie pas suivre une formation professionnelle depuis au moins six mois.

7. Il ressort des pièces que le requérant a intégré au dernier trimestre de l'année 2019 une première année de CAP " peintre applicateur de revêtements " et que son contrat d'apprentissage, conclu pour une période du 2 septembre 2019 au 2 septembre 2021, a été résilié le 18 novembre 2019. Il a alors suivi une formation " renforcement linguistique professionnel " du 15 juin au 11 aout 2020 puis a débuté un nouvel apprentissage en vue d'un CAP " commercialisation et services en hôtel-café-restaurant " à compter du 1er octobre 2020.

8. D'une part, si le requérant fait valoir que sa formation qualifiante a démarré tardivement, faute de place vacante, et que la résiliation de son contrat d'apprentissage le 18 novembre 2019 résulte de l'attitude de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation et travail et de l'emploi ( DIRECCTE) qui n'aurait pas procuré à la société avec laquelle il avait conclu son contrat d'apprentissage les documents nécessaires en temps utile, ces circonstances, au demeurant non établies, sont sans incidence sur la situation du requérant à la date à laquelle le préfet a pris sa décision litigieuse le 25 janvier 2021. D'autre part, il n'est pas établi que la formation suivie par M. A... du 15 juin au 11 août 2020 et visant à un " renforcement linguistique professionnel ", constituerait une formation qualifiante. En tout état de cause, elle ne saurait être prise en compte dans la durée de six mois de la formation professionnelle requise par les dispositions citées ci-dessus dès lors qu'elle n'a pas été immédiatement suivie d'une autre formation destinée à apporter au requérant une qualification professionnelle. Enfin, à supposer que le préfet ait entendu se fonder sur le caractère falsifié des documents d'identité présentés par M. A..., il résulte de l'instruction que ce motif présente un caractère surabondant et que cette autorité aurait pris la même décision en se fondant sur le seul motif tiré de l'insuffisante antériorité de la formation professionnelle suivie par le requérant. Il en est de même s'agissant du motif de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. Ainsi, le moyen tiré de l'erreur de droit et de l'erreur manifeste d'appréciation commise par le préfet de l'Aube dans l'application des dispositions de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

9. En troisième lieu, pour les mêmes motifs, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de l'Aube n'aurait pas procédé à un examen complet et sérieux de sa situation.

10. En quatrième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1°) Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2°) Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

11. Si M. A... s'est impliqué dans les formations qu'il a suivies en vue de trouver un emploi stable et qu'il fait preuve d'un comportement sérieux et volontaire, il n'est présent en France que depuis moins de trois ans à la date de l'arrêté attaqué et il est célibataire et sans enfant. Enfin, il n'établit pas être isolé dans son pays d'origine. Dans ces conditions, la décision attaquée ne porte pas, eu égard aux buts dans lesquels elle a été adoptée, une atteinte disproportionnée au droit du requérant au respect de sa vie privée et familiale, et ne méconnait ainsi pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

12. En cinquième lieu, au regard de ce qui a été dit au point précédent, et bien que la décision portant obligation de quitter le territoire français est de nature à interrompre ses études, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation doit être écarté.

13. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et celles qu'il présente sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de l'Aube.

Délibéré après l'audience du 28 juin 2022, à laquelle siégeaient :

- Mme Grossrieder, présidente,

- Mme Roussaux, première conseillère,

- Mme Picque, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 juillet 2022.

La rapporteure,

Signé : S. RoussauxLa présidente,

Signé : S. GrossriederLa greffière,

Signé : N. Basso

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

N. Basso

2

N° 21NC03350


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 21NC03350
Date de la décision : 21/07/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme GROSSRIEDER
Rapporteur ?: Mme Sophie ROUSSAUX
Rapporteur public ?: M. MICHEL
Avocat(s) : DRAME

Origine de la décision
Date de l'import : 16/08/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2022-07-21;21nc03350 ?
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