Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler la décision du 29 mars 2019 par laquelle la ministre du travail a autorisé son licenciement pour motif disciplinaire et d'enjoindre aux Transports en commun de l'agglomération troyenne de le rétablir dans ses droits salariaux liés à l'ancienneté pour l'ensemble de la période courant entre son éviction le 5 avril 2019 et sa réintégration ainsi que de procéder à sa réintégration effective.
Par un jugement n° 1901188 du 14 février 2020, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires respectivement enregistrés le 24 mars 2020, le 31 juillet 2020 et le 28 août 2020, M. B..., représenté par Me Mauclair demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 14 février 2020 ;
2°) d'annuler la décision du 29 mars 2019 par laquelle la ministre du travail a autorisé son licenciement pour motif disciplinaire ;
3°) de mettre à la charge du ministre du travail le versement d'une somme de 3 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- son licenciement ne pouvait être autorisé dès lors que le règlement intérieur de l'établissement limite une telle sanction aux seuls cas où le salarié s'est rendu coupable de flagrant délit de vol qualifié, de délit de droit commun et de crimes et que l'avis émis par le conseil de discipline n'était pas motivé ;
- le principe du contradictoire a été méconnu ce qui entache la procédure préalable à la décision attaquée d'irrégularité ;
- le délai entre la convocation à l'entretien préalable et son licenciement est excessif ;
- la matérialité des faits qui lui sont reprochés n'est pas établie ;
- en tout état de cause, le doute sur la matérialité des faits doit profiter au salarié ;
- la décision attaquée est entachée d'une erreur dans la qualification juridique des faits ;
- la faute qui lui est reprochée n'est pas d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement ;
- il existe un lien entre la procédure de licenciement dont il fait l'objet et son mandat syndical ;
- il est victime d'un harcèlement en raison de ses activités syndicales.
Par un mémoire en défense enregistré le 6 novembre 2020, la ministre du travail conclut au rejet de la requête.
Elle soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.
Par des mémoires et des pièces respectivement enregistrés le 10 juillet 2020, le 4 août 2020, le 1er septembre 2020 et le 11 mars 2022, l'établissement public des Transports en commun de l'agglomération troyenne, représenté par le cabinet Fidal, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de M. B... la somme de 3 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code du travail ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Barrois, première conseillère,
- les conclusions de Mme Antoniazzi, rapporteure publique,
- et les observations de Me Mauclair, pour M. B..., ainsi que celles de Me Lecourt,
pour l'établissement public des Transports en commun de l'agglomération troyenne.
Considérant ce qui suit :
1. L'établissement public industriel et commercial des Transports en commun de l'agglomération troyenne (TCAT) a sollicité, le 25 septembre 2018, l'autorisation de licencier pour motif disciplinaire M. B..., membre du comité social et économique, délégué syndical et conseiller prudhommal. Cette autorisation lui a été refusée par une décision de l'inspectrice du travail du 21 novembre 2018. L'établissement TCAT a formé un recours hiérarchique contre cette décision le 15 janvier 2019. Par la décision du 29 mars 2019 dont M. B... a demandé l'annulation au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne, le ministre du travail a annulé la décision de l'inspectrice du travail et autorisé son licenciement. Par la présente requête, M. B... demande l'annulation du jugement du 14 février 2020 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du ministre du travail.
2. En vertu des dispositions du code du travail, les salariés légalement investis de fonctions représentatives bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des salariés qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle. Lorsque le licenciement de l'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé. Dans le cas où la demande de licenciement est motivée par un comportement fautif, il appartient à l'inspecteur du travail et, le cas échéant, au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits reprochés au salarié sont d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement, compte tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé et des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi. Ainsi, il incombe à l'autorité administrative, saisie d'une demande d'autorisation de licenciement d'un salarié protégé, d'apprécier, sous le contrôle du juge administratif, si les règles de procédure d'origine conventionnelle préalables à sa saisine étaient observées.
3. En premier lieu, aux termes de l'article R. 2421-4 du code du travail : " L'inspecteur du travail procède à une enquête contradictoire au cours de laquelle le salarié peut, sur sa demande, se faire assister d'un représentant de son syndicat (...) ".
4. Il ressort des pièces du dossier que le pli de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi de la région Grand-Est adressé à M. B... le 27 mars 2019 qui contenait des documents relatifs à une autre société et par conséquent un autre salarié, ne lui était pas destiné et qu'il a reçu notification de l'ensemble des pièces communiquées par son employeur à l'appui de son recours hiérarchique par des envois électroniques dont il a accusé réception les 4, 5 et 6 mars 2019. Dès lors, il n'est pas fondé à soutenir que les pièces annexées à ce courrier ne lui auraient pas été transmises en méconnaissance du principe du contradictoire alors même que ce courrier lui octroyait un délai pour formuler des observations de cinq jours. En outre, contrairement à ce qu'il soutient, il ne résulte d'aucune disposition législative ou réglementaire une obligation pour le ministre du travail de communiquer le rapport de contre-enquête élaboré dans le cadre du recours hiérarchique et qui, au demeurant, ne comportait aucun élément nouveau qui n'aurait pas été porté à la connaissance de M. B... et ne lui aurait pas permis de présenter utilement sa défense. Enfin, M. B... ne saurait sérieusement soutenir que le courrier électronique en date du 2 avril 2019 par lequel la directrice adjointe de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi Grand Est lui a indiqué ne plus souhaiter être destinataire de courrier de l'intéressé et l'a invité à prendre l'attache de l'inspectrice du travail pour tout échange postérieur, révélerait une méconnaissance du caractère contradictoire de l'enquête. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que le principe du contradictoire a été méconnu.
5. En deuxième lieu, en l'absence de mise à pied à titre conservatoire, aucune disposition législative ou réglementaire n'impose le respect d'un délai maximal entre la date de convocation à l'entretien préalable au licenciement et la date du licenciement. En outre, il ressort des pièces du dossier que les différentes procédures conventionnelles et administratives qui ont abouti à la décision d'autorisation de la ministre du travail du 29 mars 2019 et au licenciement de M. B... le 5 avril suivant justifient le délai mis en œuvre par l'employeur pour procéder au licenciement du salarié. Dans ces conditions, le moyen tiré de la durée anormalement longue entre la saisine de l'inspecteur du travail et son licenciement doit être écarté.
6. En troisième lieu, aux termes du 9° de l'article 49 de la convention collective nationale des transports publics urbains de voyageurs du 11 avril 1986 auquel renvoie l'article 21 du règlement intérieur de l'établissement et qui expose les sanctions du premier et du second degré applicables aux salariés, " Entrainent la révocation de plein droit, le flagrant délit de vol qualifié, les délits de droit commun et crimes ayant entrainé une condamnation sans sursis. Sauf révocation de plein droit, les sanctions du second degré doivent être prises après avis motivé du conseil de discipline ".
7. D'une part il ressort des dispositions précitées que sauf dans les cas expressément cités, la révocation doit être prononcée après avis motivé du conseil de discipline pour les autres fautes. Contrairement à ce que soutient le requérant, la sanction de révocation n'est pas limitée aux situations citées au 9° de l'article 49 de cette convention.
8. D'autre part, aux termes de l'article 54 de la convention collective nationale des transports publics urbains de voyageurs du 11 avril 1986, " L'agent et son assistant sont convoqués pour être entendus par le conseil de discipline. Après délibération, le conseil émet son avis sur la sanction disciplinaire à appliquer à l'agent qui lui est déféré. La délibération et le vote du conseil ont lieu hors de la présence de toutes personnes étrangères à ce conseil. Le président peut néanmoins faire appeler avant le vote le chef de service chargé de l'instruction et le chef de service dont dépend l'agent pour leur demander tous renseignements utiles, sous réserve d'avertir l'agent et son assistant qu'ils sont libres de se présenter en même temps devant le conseil afin de produire leurs observations. Le vote a lieu au scrutin secret si un membre du conseil en fait la demande. Le président recueille les voix sans voter lui-même et transmet l'avis du conseil de discipline du réseau qui détermine la sanction à appliquer. ". En l'espèce, il ressort des mentions du procès-verbal du conseil de discipline du 27 août 2018, composé de trois représentants de la direction et de trois représentants du personnel, qu'un dossier a été distribué aux membres du conseil, qu'un rappel des faits reprochés en date des 2 et 8 juin 2018 concernant des propos homophobes a été effectué et que M. B... a été entendu, et qu'à l'issue d'un vote à bulletin secret, cinq voix se sont prononcées en faveur du licenciement et qu'un vote blanc a été décompté. L'avis du conseil de discipline est ainsi suffisamment motivé au regard des exigences de la convention collective et du règlement intérieur. Au demeurant, l'employeur ne peut se voir reprocher la teneur de l'avis du conseil de discipline qui a été consulté et a rendu cet avis consultatif au terme d'une procédure régulière.
9. En quatrième lieu, M. B... soutient que le ministre du travail aurait commis une erreur de qualification des faits en qualifiant d'insultes les propos qu'il aurait tenus et ainsi dépassé les limites du litige cristallisées dans la saisine de l'inspecteur du travail du 25 septembre 2018. Contrairement à ce que soutient le requérant, la décision attaquée rappelle que l'établissement a saisi l'inspecteur du travail pour la tenue de propos homophobes à l'encontre de M. A.... En relevant que ces faits constituaient des propos dénigrants portant atteinte à la dignité du salarié et avaient été tenus en dehors de toute provocation la ministre a motivé sa décision lui permettant de considérer qu'ils étaient d'une gravité suffisante justifiant le licenciement. Par suite, le moyen sera écarté comme manquant en faits.
10. En cinquième lieu, il ressort des pièces du dossier et notamment de trois témoignages précis et concordants que M. B... a prononcé des propos homophobes sur son lieu de travail en présence d'autres salariés de l'entreprise et à l'encontre de l'un d'entre eux, absent à ce moment. De plus, contrairement à ce que soutient M. B..., le rapport de contre-enquête produit dans la présente instance mentionne l'intégralité des témoignages et notamment ceux infirmant de tels propos que le ministre du travail a nécessairement pris en compte dans son appréciation sans qu'il ait l'obligation de les mentionner dans sa décision. En outre, s'il n'est pas contesté que cet incident s'est déroulé dans un contexte de tensions syndicales, il ne ressort d'aucun élément produit à l'instance que les témoignages de ces salariés devraient être mis en doute au motif de leur proximité avec l'un ou l'autre des protagonistes de l'incident. Enfin, la circonstance que les enregistrements vidéos du réfectoire n'aient pas été conservés par l'employeur est sans incidence sur la matérialité des faits dès lors que la présence des salariés sur les lieux a été établie par la communication des horaires de pointage des salariés par l'employeur et que ces enregistrements d'images sans prise de son n'auraient pas, en tout état de cause, permis de confirmer ou d'infirmer les propos reprochés à M. B.... Ainsi, le moyen tiré de ce que la matérialité des faits n'est pas établie doit être écarté.
11. En sixième lieu, il ressort des pièces du dossier que M. B... a tenu le 8 juin 2018 dans un lieu de convivialité de l'établissement des propos violents à caractère homophobe à l'encontre d'un salarié et en présence d'autres salariés. Par suite M. B... n'est pas fondé à soutenir que la ministre du travail aurait inexactement apprécié les faits qui lui étaient soumis en estimant qu'ils étaient fautifs et de nature à justifier à eux seuls son licenciement alors même qu'il n'aurait pas fait l'objet d'une mise à pied et sans qu'il puisse utilement de prévaloir des sanctions moins lourdes prononcées à l'encontre d'autres salariés.
12. En septième lieu, d'une part, aux termes de l'article R. 2421-7 du code du travail, " L'inspecteur du travail et, en cas de recours hiérarchique, le ministre examinent notamment si la mesure de licenciement envisagée est en rapport avec le mandat détenu, sollicité ou antérieurement exercé par l'intéressé. " et d'autre part, aux termes de l'article L. 1132-1 du code du travail, " Aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou de nomination ou de l'accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie à l'article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, notamment en matière de rémunération, au sens de l'article L. 3221-3, de mesures d'intéressement ou de distribution d'actions, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de son origine, de son sexe, de ses mœurs, de son orientation sexuelle, de son identité de genre, de son âge, de sa situation de famille ou de sa grossesse, de ses caractéristiques génétiques, de la particulière vulnérabilité résultant de sa situation économique, apparente ou connue de son auteur, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une prétendue race, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes, de son exercice d'un mandat électif, de ses convictions religieuses, de son apparence physique, de son nom de famille, de son lieu de résidence ou de sa domiciliation bancaire, ou en raison de son état de santé, de sa perte d'autonomie ou de son handicap, de sa capacité à s'exprimer dans une langue autre que le français ".
13. Comme exposé précédemment, s'il n'est pas contesté que les propos fondant la demande de licenciement ont été tenus dans un contexte de tensions syndicales et concernent deux représentants syndicaux de syndicats opposés au sein de l'établissement, il n'est pas établi que cette circonstance aurait eu une incidence sur la décision de l'employeur de demander l'autorisation de licencier M. B... ni que ce dernier serait victime de harcélement. Par ailleurs, contrairement à ce que soutient M. B..., dès lors que les faits sont établis et présentent un caractère de gravité suffisante pour fonder son licenciement, la circonstance que d'autres salariés convaincus de faits de même nature n'aient pas fait l'objet de la même sanction n'est pas en elle-même de nature à entacher d'illégalité la décision attaquée alors que les TCAT justifient par des explications précises et circonstanciées le degré de gravité des sanctions ayant été infligées aux agents cités par le requérant et, ainsi que l'a relevé la ministre du travail dans la décision attaquée, démontrent avoir également prononcé des sanctions de licenciement contre d'autres agents. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de ce que la demande serait en lien avec ses activités syndicales doit être écarté.
14. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande.
15. Par voie de conséquence, les conclusions présentées par le requérant sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions des TCAT tendant à ce que la somme de 3 500 euros soit mise à la charge de M. B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de l'établissement public industriel et commercial des Transports en commun de l'agglomération troyenne présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B..., au ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion et à l'établissement public industriel et commercial des Transports en commun de l'agglomération troyenne.
Délibéré après l'audience du 8 septembre 2022, à laquelle siégeaient :
- M. Wallerich, président de chambre,
- M. Goujon-Fischer, président-assesseur,
- Mme Barrois, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 29 septembre 2022.
La rapporteure,
Signé : M. BarroisLe président,
Signé : M. D...
La greffière,
Signé : S. Robinet
La République mande et ordonne au ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
S. Robinet
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N° 20NC00797