Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 22 novembre 2021, par lequel la préfète du Bas-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour d'une durée de trois ans.
Par un jugement n° 2108023 du 15 décembre 2021, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.
Procédures devant la cour :
I. Par une requête n° 22NC00081 enregistrée le 13 janvier 2022 et des mémoires du 25 mars 2022 et du 15 juin 2022, M. B..., représenté par Me Hentz, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 15 décembre 2021 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 22 novembre 2021 par lequel la préfète du Bas-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour d'une durée de trois ans ;
3°) à titre subsidiaire, d'annuler l'interdiction de retour sur le territoire français ou à défaut de réduire sa durée à six mois ;
4°) d'enjoindre à la préfète du Bas-Rhin de lui délivrer un titre de séjour ou, à défaut, de réexaminer sa situation sous astreinte de 155 euros par jour de retard ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 1 500 euros sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
Sur le refus de titre de séjour :
- la décision est entachée d'un défaut d'examen sérieux et a méconnu le droit d'être entendu du requérant dès lors que le préfet ne lui a pas demandé de produire des pièces établissant sa communauté de vie avec son épouse de 2014 à 2020 ;
- la communauté de vie avec son épouse est établie dès lors qu'elle n'implique pas nécessairement de cohabitation et peut avoir lieu dans un pays tiers ;
- la décision méconnaît les articles L. 423-7, L. 423-23, L. 435-1 et L. 423-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors que les motifs d'ordre public ne permettent pas de justifier l'atteinte portée à sa vie privée et familiale ;
- elle méconnaît l'article 3.1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
Sur l'obligation de quitter le territoire français :
- la décision est insuffisamment motivée ;
- elle méconnaît les dispositions du 6° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît les articles L. 423-7, L. 423-23, L. 435-1 et L. 423-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3.1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle dès lors qu'il ne représente pas une menace à l'ordre public, qu'il est très bien intégré dans la société française et que son épouse et son frère résident en France ;
Sur l'interdiction de retour sur le territoire français :
- la décision est dépourvue de base légale en raison de l'illégalité de la décision l'obligeant à quitter le territoire français ;
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation quant à son principe et sa durée.
La requête a été communiquée à la préfète du Bas-Rhin qui n'a pas présenté de mémoire en défense.
II. Par une requête n° 22NC01538 enregistrée le 16 juin 2022 et un mémoire ampliatif du 13 juillet 2022, M. A... B..., représenté par Me Hentz, demande à la cour le sursis à exécution du jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 15 décembre 2021 et à ce que l'Etat verse à son conseil la somme de 1 000 euros sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- il est exposé à un risque sérieux et imminent d'exécution de la mesure d'éloignement étant placé en rétention administrative depuis 12 juillet 2022 alors qu'il est marié à une ressortissante française qui réside en France ;
- il existe des moyens sérieux d'illégalité de l'arrêté du 21 novembre 2021, identiques à ceux de la requête n°22NC00081.
La requête a été communiquée au préfet du Bas-Rhin qui n'a pas présenté de mémoire en défense.
En application de l'article R. 611-10 du code de justice administrative, le rapporteur a sollicité le 22 septembre 2022 de la préfète du Bas-Rhin, qui n'a pas répondu, la communication de tout élément relatif aux faits commis ou reprochés au requérant en Allemagne.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision en date du 26 septembre 2022.
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Barrois, première conseillère,
- et les observations de Me Hentz, pour M. B....
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant marocain né le 29 juin 1989 à Fès, est entré en France en dernier lieu le 1er septembre 2020, selon ses déclarations. Il a été titulaire d'une carte de séjour portant la mention " étudiant " entre le 25 novembre 2010 et le 30 novembre 2013. Le 11 décembre 2013, il a sollicité son admission au séjour en qualité de conjoint de français en raison de son mariage le 29 juin 2013 avec Mme D..., ressortissante française. Sa demande a toutefois fait l'objet d'un classement sans suite pour manque de diligence de sa part. Après avoir séjourné de manière irrégulière en Allemagne à l'exception de la période courant du 20 août 2019 au 19 novembre 2019 pour laquelle il produit un titre, M. B... est revenu sur le territoire français où il a de nouveau sollicité, le 29 mars 2021, son admission au séjour en qualité de conjoint de français. Le 13 août 2021, il a été placé en détention et condamné le 22 septembre suivant à six mois d'emprisonnement pour des faits d'usage illicite de stupéfiant, de conduite en état d'ivresse manifeste, de violence aggravée et de rébellion. Par un arrêté du 22 novembre 2021, la préfète du Bas-Rhin a refusé de faire droit à sa demande, lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour d'une durée de trois ans. Par la requête n° 22NC00081, M. B... relève appel du jugement du 15 décembre 2021 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté. Par la requête n° 22NC01538, M. B... demande le sursis à exécution de ce jugement du 15 décembre 2021.
Sur les conclusions à fins d'annulation de la requête n°22NC00081 :
2. Aux termes de l'article L. 423-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, " L'étranger marié avec un ressortissant français, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an lorsque les conditions suivantes sont réunies :1° La communauté de vie n'a pas cessé depuis le mariage ;2° Le conjoint a conservé la nationalité française ;3° Lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, il a été transcrit préalablement sur les registres de l'état civil français ".
3. D'une part, même si M. B... a vécu en Allemagne entre 2014 et 2020 alors que son épouse, ressortissante française, avec qui il est marié depuis le 29 juin 2013, résidait en France et qu'il a été incarcéré à la maison d'arrêt de Strasbourg à compter du 13 août 2021, l'absence de résidence commune est sans incidence sur la réalité de leur communauté de vie dès lors que les pièces produites en appel, notamment les différentes photos du couple et les vingt-huit visites au parloir pendant son incarcération, suffisent à établir que les époux ont réussi à maintenir des liens affectifs intenses et stables malgré la distance.
4. D'autre part, un étranger remplissant les conditions prévues à l'article L. 423-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile a droit à la délivrance d'une carte de séjour temporaire, sous la seule réserve que sa présence ne constitue pas une menace pour l'ordre public. Lorsque l'administration lui oppose ce motif pour refuser de faire droit à sa demande, il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi d'un moyen en ce sens, de rechercher si les faits qu'elle invoque à cet égard sont de nature à justifier légalement sa décision.
5. En l'espèce, en l'absence de défense du préfet et de réponse à la mesure d'instruction prescrite en application de l'article R. 611-10 du code de justice administrative visant à obtenir la communication de tout élément de nature à établir la réalité des infractions commises en Allemagne, les seules condamnations visées au dossier ne suffisent pas à caractériser une menace à l'ordre public telle qu'elle justifierait un refus d'un titre de séjour vie privée et familiale au conjoint d'une ressortissante française qui remplit les conditions de l'article L. 423-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
6. Par suite, en refusant le titre de séjour à M. B..., la préfète du Bas-Rhin a méconnu l'article L. 423-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et par voie de conséquence, l'arrêté du 22 novembre 2021 est annulé dans toutes ses dispositions.
7. Il résulte de ce qui précède et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fins d'injonction de la requête n°22NC00081 :
8. Eu égard au motif d'annulation de l'arrêté attaqué ci-dessus retenu et alors qu'il ne résulte pas de l'instruction que des éléments de fait ou de droit nouveaux justifieraient que l'autorité administrative oppose une nouvelle décision de refus, le présent arrêt implique nécessairement que cette autorité délivre à M. B... un titre de séjour. Il y a lieu, par suite, d'enjoindre à la préfète du Bas-Rhin de délivrer ce titre dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a toutefois pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les conclusions à fins de sursis à exécution du jugement attaqué de la requête n°22NC01538 :
9. Le présent arrêt statue sur les conclusions tendant à l'annulation du jugement du 15 décembre 2021 du tribunal administratif de Strasbourg. Il n'y a, par suite, plus lieu de statuer sur les conclusions de la requête, enregistrée sous le n° 22NC01538, de M. A... B... tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement.
Sur les frais liés aux instances :
10. M. B... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Hentz, avocat de M. B..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Hentz de la somme de 1 500 euros.
D É C I D E :
Article 1er : Il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions de la requête n° 22NC01538 de M. A... B... à fins de sursis à exécution du jugement du 15 décembre 2021.
Article 2 : Le jugement n° 2108023 du 15 décembre 2021 du tribunal administratif de Strasbourg et l'arrêté en date du 22 novembre 2021 de la préfète du Bas-Rhin sont annulés.
Article 3 : Il est enjoint à la préfète du Bas-Rhin de délivrer à M. B... une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 4 : L'Etat versera à Me Hentz, avocat de M. B... une somme de 1 500 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me Hentz renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée à la préfète du Bas-Rhin.
Délibéré après l'audience du 29 septembre 2022, à laquelle siégeaient :
- M. Wallerich, président de chambre,
- M. Goujon-Fischer, président-assesseur,
- Mme Barrois, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 20 octobre 2022.
La rapporteure,
Signé : M. BarroisLe président,
Signé : M. E...
La greffière,
Signé : S. RobinetLa République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
S. Robinet
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N° 22NC00081-22NC01538