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06/12/2022 | FRANCE | N°22NC00851

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre, 06 décembre 2022, 22NC00851


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne l'annulation de l'arrêté du 9 novembre 2021 par lequel le préfet de la Haute-Marne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de son éventuelle reconduite d'office à la frontière.

Par un jugement n° 2102698 du 28 février 2022, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande. r>
Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 4 avril 2022, M. B... A......

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne l'annulation de l'arrêté du 9 novembre 2021 par lequel le préfet de la Haute-Marne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de son éventuelle reconduite d'office à la frontière.

Par un jugement n° 2102698 du 28 février 2022, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 4 avril 2022, M. B... A..., représenté par Me Audard, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2102698 du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 28 février 2022 ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Haute-Marne du 9 novembre 2021 ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Marne, dans un délai de quinze jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir, de lui délivrer un titre de séjour ou, à défaut, de réexaminer sa demande et, durant ce réexamen, de lui remettre une autorisation provisoire de séjour avec autorisation de travail ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement est entaché d'irrégularité dès lors que les premiers juges ont considéré à tort qu'il n'avait pas contesté l'un des deux motifs sur lesquels se fonde la décision portant refus de renouvellement de son titre de séjour, tiré de ce que son comportement constituerait une menace pour l'ordre public ;

- la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour est entachée d'une erreur d'appréciation au regard des articles L. 421-5 et R. 421-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors que l'activité de son entreprise n'est pas incompatible avec la sécurité, la salubrité et la tranquillité publiques et qu'il n'a jamais fait l'objet d'une condamnation emportant interdiction d'exercer une activité commerciale en France ;

- la décision en litige est également entachée d'une erreur d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 432-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors que sa présence en France ne constitue pas une menace pour l'ordre public ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant refus de renouvellement d'un titre de séjour ;

- la décision en litige méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision portant fixation du pays de destination est illégale en raison de l'illégalité des décisions portant refus de renouvellement d'un titre de séjour et obligation de quitter le territoire français.

Par un mémoire en défense, enregistré le 4 juillet 2022, le préfet de la Haute-Marne conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens invoqués par M. A... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 en matière de séjour et de travail ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le décret n° 2020-1310 du 29 octobre 2020 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Meisse, premier conseiller,

- et les observations de Me Audard, représentant M. A....

Considérant ce qui suit :

1. M. B... A... est un ressortissant tunisien, né le 16 septembre 1990. Il est entré régulièrement en France, le 4 septembre 2013, sous couvert de son passeport revêtu d'un visa de long séjour " étudiant ". Il a été admis successivement à séjourner en qualité d'étudiant à compter du 26 septembre 2014, puis de salarié à compter du 26 septembre 2016. Devenu titulaire d'une carte de séjour pluriannuelle portant la mention " salarié ", valable du 26 septembre 2017 au 25 septembre 2021, le requérant a présenté une demande de carte de résident de dix ans au titre de l'article 3 de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 en matière de séjour et de travail, qui a été rejetée, le 29 septembre 2020, au motif qu'il ne justifiait pas de moyens d'existence suffisants. Ayant créé à Langres le 5 mars 2020 une société de restauration rapide, dont il est le gérant-salarié, M. A... a sollicité, le 23 septembre 2021, la délivrance d'une carte de séjour portant la mention " entrepreneur / profession libérale " en application des dispositions de l'article L. 421-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Toutefois, par un arrêté du 9 novembre 2021, le préfet du Haute-Marne a refusé de faire droit à sa demande, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de son éventuelle reconduite d'office à la frontière. M. A... a saisi le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'une demande tendant à l'annulation de l'arrêté préfectoral du 9 novembre 2021. Il relève appel du jugement n° 2102698 du 28 février 2022, qui rejette sa demande.

Sur le bien-fondé du jugement :

2. Aux termes de l'article 11 de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 : " Les dispositions du présent Accord ne font pas obstacle à l'application de la législation des deux États sur le séjour des étrangers sur tous les points non traités par l'Accord. / Chaque État délivre notamment aux ressortissants de l'autre État tous titres de séjour autres que ceux visés au présent Accord, dans les conditions prévues par sa législation. ". Aux termes de l'article L. 421-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui exerce une activité non salariée, économiquement viable et dont il tire des moyens d'existence suffisants, dans le respect de la législation en vigueur, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " entrepreneur/ profession libérale " d'une durée maximale d'un an. ". Aux termes de l'article R. 421-10 du même code : " Lors de la demande de délivrance ou de renouvellement de la carte de séjour prévue à l'article L. 421-5, le préfet vérifie la compatibilité de l'activité en cause avec la sécurité, la salubrité et la tranquillité publiques ainsi que, le cas échéant, l'absence de condamnation ou de décision emportant l'interdiction d'exercer une activité commerciale en France. ". Aux termes de l'article L. 432-1 du même code : " La délivrance d'une carte de séjour temporaire ou pluriannuelle ou d'une carte de résident peut, par une décision motivée, être refusée à tout étranger dont la présence en France constitue une menace pour l'ordre public. ".

3. Il ressort des pièces du dossier que, pour refuser de délivrer à M. A... un titre de séjour portant la mention " entrepreneur / profession libérale ", le préfet de la Haute-Marne s'est fondé sur deux motifs, fondés sur l'article L. 432-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, d'une part, sur les articles L. 421-5 et R. 421-10 du même code, d'autre part, et tirés respectivement de ce que la présence de l'intéressé constituait une menace pour l'ordre public et de ce que l'activité de l'établissement dont il est le gérant était incompatible avec la sécurité et la tranquillité publiques.

4. D'une part, il résulte du bulletin n° 2 du casier judiciaire de M. A..., produit en défense par le préfet de la Haute-Marne, que l'intéressé a été condamné le 3 octobre 2019, respectivement par le tribunal correctionnel et par le président du tribunal de grande instance de Chaumont, à une amende de 800 euros, dont 500 euros avec sursis, pour des faits commis le 14 juillet 2018 de violence avec usage ou menace d'une arme suivie d'une incapacité n'excédant pas huit jours et à une peine de deux mois d'emprisonnement avec sursis pour usage illicite de stupéfiants du 1er février au 23 février 2019 et conduite le 24 février 2019 d'un véhicule en ayant fait usage de substances ou de plantes classées comme stupéfiants. Toutefois, eu égard à la nature de ces infractions, aux conditions dans lesquelles elles ont été commises et au temps écoulé entre ces faits délictueux, non réitérés depuis, et le refus de titre de séjour contesté et alors, au demeurant, que l'intéressé a continué, malgré ses condamnations, à séjourner régulièrement sur le territoire français sous couvert d'une carte de séjour pluriannuelle, il n'est pas démontré que la présence de M. A... en France constituait, à la date de la décision en litige, une menace pour l'ordre public. Dans ces conditions, le préfet de la Marne a commis une erreur d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 432-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit.

5. D'autre part, pour justifier le refus opposé à M. A... sur le fondement des articles L. 421-5 et R. 421-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet de la Haute-Marne fait valoir que, par un arrêté du 17 mars 2021, il a prononcé la fermeture administrative pour une durée d'une semaine de l'établissement géré par l'intéressé pour non-respect, les 13 et 26 février 2021, du cadre réglementaire fixé par l'article 40 du décret du 29 octobre 2020 prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l'épidémie de covid-19 dans le cadre de l'état d'urgence sanitaire, dont les dispositions alors en vigueur interdisaient l'accueil du public dans les restaurants et les débits de boisson, ainsi que la vente à emporter entre 18 heures et 6 heures. Toutefois, quand bien même ce motif aurait pu justifier légalement le refus de titre de séjour opposé à M. A..., il ne résulte pas de l'instruction que le préfet aurait pris la même décision s'il s'était fondé uniquement sur ce motif. Par suite, il y a lieu d'annuler la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour, ainsi que, par voie de conséquence, les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixation du pays de destination, qui se trouvent privées de base légale.

6. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête, que M. A... est fondé à demander l'annulation de l'arrêté du préfet de la Haute-Marne du 9 novembre 2021 et à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

7. Eu égard aux motifs d'annulation retenus, l'exécution du présent arrêt implique uniquement le réexamen de la situation de M. A.... Il y a lieu d'enjoindre au préfet de la Haute-Marne de procéder à ce réexamen dans un délai de deux mois suivant sa notification du présent arrêt.

Sur les frais de justice :

8. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à M. A... de la somme qu'il demande en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 2102698 du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne est annulé.

Article 2 : L'arrêté du préfet de la Haute-Marne du 9 novembre 2021 est annulé.

Article 3 : Il est enjoint au préfet de la Haute-Marne de réexaminer la situation de M. A... dans un délai de deux mois suivant la notification du présent arrêt.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Marne.

Délibéré après l'audience du 22 novembre 2022, à laquelle siégeaient :

- M. Goujon-Fischer, président,

- M. Meisse, premier conseiller,

- M. Denizot, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 6 décembre 2022.

Le rapporteur,

Signé : E. Meisse

Le président,

Signé : J.-F. Goujon-Fischer

La greffière,

Signé : V. Firmery

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

V. Firmery

N° 22NC00851 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 22NC00851
Date de la décision : 06/12/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. GOUJON-FISCHER
Rapporteur ?: M. Eric MEISSE
Rapporteur public ?: Mme ANTONIAZZI
Avocat(s) : CABINET AUDARD ET SCHMITT

Origine de la décision
Date de l'import : 18/12/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2022-12-06;22nc00851 ?
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