Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société à responsabilité limitée (SARL) Hamann France et Monaco a demandé au tribunal administratif de Nancy de prononcer la décharge, en droits, pénalités et amende, des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er décembre 2014 au 31 décembre 2015 et des suppléments d'impôt sur les sociétés établis au titre des années 2014 et 2015.
Par un jugement n° 1802446 du 15 octobre 2020, le tribunal administratif de Nancy, après avoir constaté un non-lieu à statuer dans la mesure d'un dégrèvement prononcé en cours d'instance, a rejeté le surplus des conclusions de cette demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 14 décembre 2020 et des mémoires enregistrés les 8 novembre 2021, 14 mars 2022, 16 mars 2022 et 16 septembre 2022, Me Donnais en qualité de liquidatrice judiciaire de la SARL Hamann France et Monaco, représentée par Me Guénot, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il a rejeté le surplus de la demande ;
2°) de prononcer la décharge des impositions, pénalités et amendes laissées à la charge de la SARL Hamann France et Monaco ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la procédure est irrégulière en ce que la proposition de rectification du 27 juin 2017 est insuffisamment motivée au regard des dispositions de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales ;
- il est établi que la société Hamann Allemagne a comptabilisé à tort ses ventes à ses clients en France dans le compte client ouvert à son nom en les faisant figurer de manière erronée sur ses déclarations d'échanges de biens ; en retenant comme achats ces opérations alors qu'elle n'a pas acquis ces marchandises, le service a vicié sa reconstitution ;
- la reconstitution du chiffre d'affaires et du bénéfice de l'année 2015 est exagérée en ce que le service a retenu à tort la vente d'un véhicule Range Rover Mystère qu'elle n'a en réalité jamais acquis en vue de le revendre et a retenu à tort des ventes de pièces détachées calculées sur des factures d'achats émanant de la société Hamann Allemagne que cette dernière a vendu directement au client Azur ; il y a donc lieu d'exclure ces opérations de son chiffre d'affaires ;
- subsidiairement, il y a lieu de retenir un taux de marge plus réaliste sur la cession du véhicule Range Rover Mystère qui devra être limitée à 10 %.
Par des mémoires en défense enregistrés les 4 juin 2021, 29 décembre 2021 et 5 mai 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens invoqués ne sont pas fondés.
Vu :
- les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement convoquées à l'audience publique.
Ont été entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. A... ;
- les conclusions de Mme Stenger, rapporteure publique ;
- et les observations de Me Guénot, représentant la société requérante.
Considérant ce qui suit :
1. La SARL Hamann France et Monaco, ayant fait l'objet d'un jugement de liquidation judiciaire le 30 mai 2017, exerçait une activité de ventes de pièces détachées de véhicules automobiles et de négoce de véhicules automobiles après modifications, pratique connue sous la dénomination de " tuning ", sous la marque Hamann, appartenant à la société de droit allemand Hamann Gmbh, fabricant allemand de pièces automobiles, dont elle était le distributeur exclusif en France et Monaco. Elle a fait l'objet d'une vérification de comptabilité au titre de la période du 1er juillet 2013 au 31 décembre 2015. Par proposition de rectification du 27 juin 2017, le service vérificateur a porté à sa connaissance des rectifications en matière de taxe sur la valeur ajoutée et d'impôt sur les sociétés, établies selon la procédure de taxation d'office prévue au 2° et 3° de l'article L. 66 du livre des procédures fiscales. Ces rectifications ont été confirmées par lettres des 4 août 2017 et 21 septembre 2017 en réponse aux observations de la société des 28 juillet 2017 et 4 septembre 2017. Les impositions supplémentaires ont été mises en recouvrement le 29 août 2017. Par une réclamation du 15 décembre 2017, la société a contesté partiellement ces impositions. Par une décision du 6 juillet 2018, l'administration fiscale a partiellement admis cette réclamation. La SARL Hamann France et Monaco relève appel du jugement du 15 octobre 2020 par lequel le tribunal administratif de Nancy, après avoir constaté un non-lieu partiel à statuer, a rejeté le surplus des conclusions de sa demande.
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
2. Aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales applicable à la procédure de rectification contradictoire : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation ". Aux termes de l'article L. 76 du même livre applicable aux procédures d'office : " Les bases ou éléments servant au calcul des impositions d'office et leurs modalités de détermination sont portées à la connaissance du contribuable trente jours au moins avant la mise en recouvrement des impositions ".
3. La SARL Hamann France et Monaco ayant été régulièrement taxée d'office en matière de taxe sur la valeur ajoutée et d'impôt sur les sociétés en l'absence de dépôt de ses déclarations de chiffre d'affaires et de résultat, malgré la notification de mises en demeure s'agissant de ces dernières, elle ne saurait utilement invoquer la garantie prévue par les dispositions de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales lesquelles ne s'appliquent qu'en cas de procédure contradictoire de rectification. Il ressort par ailleurs de la proposition de rectification du 27 juin 2017 que cet acte comporte tous les éléments exigés par l'article L. 76 du livre des procédures fiscales ci-dessus reproduits.
Sur le bien-fondé des impositions :
4. La SARL Hamann France et Monaco a été régulièrement taxée d'office en matière de taxe sur la valeur ajoutée et d'impôt sur les sociétés, la charge de la preuve du caractère exagéré des impositions lui incombe en vertu des articles L. 193 et R. 193-1 du livre des procédures fiscales.
5. La société n'a présenté aucune comptabilité au titre de la période vérifiée. Ce défaut de comptabilité a été constaté par procès-verbal du 22 juin 2017. Afin d'arrêter d'office les bases d'impositions, le service a procédé à la reconstitution des chiffres d'affaires et des bénéfices en déterminant les achats revendus à partir des livraisons effectuées à son profit par son fournisseur, la société Hamann Gmbh, que cette dernière avait portées sur ses déclarations d'échanges intracommunautaires de biens. Après études des relevés de comptes bancaires et des factures de ventes qui ont pu être présentés, le vérificateur a déterminé de manière contradictoire avec les dirigeants de la société, un coefficient de marge sur achats revendus de 1,32 au titre de l'année 2014 et de 1,33 au titre de l'année 2014, lui permettant ainsi d'obtenir les chiffres d'affaires hors taxes. Le vérificateur a ensuite admis en déduction la taxe sur la valeur ajoutée apparaissant sur les factures régulières qui ont pu lui être présentées et a estimé les charges déductibles des bénéfices soumis à l'impôt sur les sociétés à partir de ces mêmes factures et des achats de marchandises. Une telle méthode ne saurait en elle-même être regardée comme sommaire ou viciée dans son principe.
6. La société requérante soutient que la reconstitution effectuée est viciée dans son principe en ce qu'elle repose sur les achats provenant de son fournisseur Hamman Gmbh lequel aurait déclaré de manière frauduleuse avoir effectué des livraisons de pièces détachées à son profit alors qu'il les aurait vendues directement à des clients français. En l'absence de comptabilité régulière et probante, par les pièces qu'elle produit et ses seules allégations, la société requérante, qui ne donne aucune indication sur ce qu'aurait été le montant exact de ses achats auprès de son fournisseur et qui ne saurait utilement soutenir que les déclarations intracommunautaires d'échanges de biens n'auraient qu'une valeur statistique, ne démontre pas que ce dernier, en violation du contrat de fourniture exclusive, aurait directement vendu des marchandises à d'autres clients que la SARL Hamann France et Monaco qu'il a indiquée comme sa cliente sur ses déclarations d'échanges de biens et dans sa comptabilité.
7. S'agissant en particulier de l'année 2015, la société requérante soutient qu'il convient d'exclure du chiffre d'affaires et de son bénéfice quatre opérations de livraisons de kits carrosserie et de pots d'échappement Range Rover au client Azur Autos, au motif que ces marchandises auraient été directement vendues par Hamann Gmbh ainsi qu'en attesterait le paiement fait par le client à cette société. Il résulte toutefois de l'instruction que les factures de ventes ont bien été établies par la SARL Hamman France et Monaco à destination du client Azur Autos. La circonstance que le paiement a été effectué au profit de la société Hamann Gmbh, dans des circonstances que la société requérante ne pouvait ignorer, est sans incidence sur le caractère taxable à la taxe sur la valeur ajoutée et imposable à l'impôt sur les sociétés des livraisons ainsi effectuées. Il résulte au demeurant de l'instruction que les virements effectués par le client Azur Autos au profit de la société Hamann Gmbh en règlement de ces factures ont été inscrits par cette dernière au crédit du compte client de la SARL Hamann France et Monaco de sorte que ce paiement doit s'analyser comme un paiement par délégation.
8. Il résulte de l'instruction qu'a été comprise dans les achats de l'exercice 2015 l'acquisition pour le prix de 197 709,30 euros d'un véhicule Range Rover, revêtu d'une carrosserie dite Mystère, que le service a regardé comme ayant été revendu la même année. Si la société requérante soutient qu'elle n'a pas acheté ce véhicule qui aurait été directement vendu à son acquéreur français par la société Hamann Gmbh, il résulte de l'instruction que la livraison a été portée par la société Hamann Gmbh sur sa déclaration d'échanges de biens au nom de la SARL Hamann France et Monaco. C'est ainsi que les règlements de cet achat ont été enregistrés dans la comptabilité de Hamann Gmbh au crédit du compte client de la SARL Hamann France et Monaco tandis que le véhicule a été proposé à la vente sur son site internet et que l'acquéreur français du véhicule a été en relation constante avec son gérant pour les besoins de cette acquisition. En se prévalant d'un certificat d'immatriculation d'un véhicule de la même marque en France au cours de l'année 2016, la société requérante ne démontre pas ne pas l'avoir vendu au cours de l'année 2015. Il ressort en effet des propres pièces produites par la société requérante que l'acquéreur français du véhicule en a pris livraison au mois de novembre 2015 et l'a fait livrer au Maroc via Algesiras (Espagne) où il l'a sans doute fait immatriculer. Dans ces conditions, la circonstance, à la supposer établie, ce que les documents produits par l'administration en annexe de son mémoire du 29 décembre 2021 tendent à démentir, que ce véhicule aurait de nouveau été immatriculé en France le 10 juin 2016 ne saurait démontrer qu'il n'a pas été vendu en 2015 par la société requérante.
9. Il résulte de l'instruction que le véhicule Range Rover Mystère a été acquis pour la somme de 197 709,30 euros hors taxes (HT) s'agissant d'une acquisition intracommunautaire, prix mentionné dans la déclaration d'échanges de bien et qu'il y a lieu de retenir. Si la société requérante fait cependant valoir que le taux de marge de 33 % retenu par le service dans le cadre de sa reconstitution, s'il est justifié pour la revente de pièces détachées, serait excessif s'agissant de la vente d'un véhicule d'occasion, elle ne produit, afin de justifier le taux de marge de 10 % qu'elle revendique, aucun élément utile relatif à sa pratique commerciale, alors que la charge de la preuve du caractère exagéré des impositions lui incombe.
10. Il résulte de tout ce qui précède que la SARL Hamann France et Monaco n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a rejeté le surplus de sa demande. Par suite, sa requête doit être rejetée en toutes ses conclusions y compris celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
Article 1er : La requête présentée pour la SARL Hamann France et Monaco est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Me Géraldine Donnais en qualité de liquidatrice judiciaire de la SARL Hamann France et Monaco et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Délibéré après l'audience du 1er décembre 2022, à laquelle siégeaient :
M. Martinez, président de chambre,
M. Agnel, président assesseur,
Mme Brodier, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 22 décembre 2022.
Le rapporteur,
Signé : M. AgnelLe président,
Signé : J. Martinez
La greffière,
Signé : C. Schramm
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
C. Schramm
N° 20NC03614 2