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10/05/2023 | FRANCE | N°22NC02766

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 4ème chambre, 10 mai 2023, 22NC02766


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 30 juin 2022 par lequel la préfète du Bas-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2204896 du 3 octobre 2022, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 3 novembre 2022, M. A..., repr

senté par Me Yahi, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 3 octobre 2022 du tribunal ad...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 30 juin 2022 par lequel la préfète du Bas-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2204896 du 3 octobre 2022, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 3 novembre 2022, M. A..., représenté par Me Yahi, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 3 octobre 2022 du tribunal administratif de Strasbourg ;

2°) d'annuler l'arrêté préfectoral du 30 juin 2022 de la préfète du Bas-Rhin ;

3°) d'enjoindre à la préfète du Bas-Rhin de réexaminer sa situation dans un délai de quinze jours à compter de la notification de la décision à intervenir et de lui délivrer un titre de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros au bénéfice de son conseil en application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

sur la décision portant refus de titre de séjour :

- elle est insuffisamment motivée au regard du code des relations entre le public et l'administration ; elle ne mentionne pas qu'il est arrivé mineur et qu'il justifie d'une progression dans ses études ;

- elle est entachée d'un défaut d'examen particulier de sa situation ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences ;

- elle méconnaît la circulaire " Valls " du 28 novembre 2012 ;

- elle méconnaît l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- cette décision est illégale en conséquence de l'illégalité du refus de titre de séjour ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation car elle emporte des conséquences d'une exceptionnelle gravité à son encontre ;

La préfète du Bas-Rhin, à qui la procédure a été communiquée, n'a pas produit de mémoire en défense.

Par une ordonnance du 22 novembre 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 26 décembre 2022 à 12h00.

M. A... a été admis à l'aide juridictionnelle partielle à hauteur de 25 % par une décision du 16 décembre 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridictionnelle ;

- le code de justice administrative ;

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme C... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant algérien né en 1999, est entré en France le 12 mars 2016 muni de son passeport revêtu d'un visa de court séjour. Le 25 juillet 2018, il a sollicité la délivrance d'un certificat de résidence en se prévalant de ses attaches en France. Par un arrêté du 15 juillet 2019, le préfet du Bas-Rhin a refusé de l'admettre au séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. M. A... s'est cependant maintenu irrégulièrement sur le territoire français et a réitéré le 23 avril 2021 sa demande d'admission au séjour. Par un arrêté du 30 juin 2022, la préfète du Bas-Rhin a refusé de faire droit à cette demande, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. M. A... relève appel du jugement du 3 octobre 2022 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la légalité de l'arrêté préfectoral du 30 juin 2022 :

En ce qui concerne la décision portant refus de titre de séjour :

2. En premier lieu, le refus de titre de séjour comporte les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Contrairement aux allégations du requérant, la décision mentionne qu'il est arrivé en France à l'âge de dix-sept ans et qu'il a obtenu un certificat d'aptitude professionnelle (CAP) menuiserie en 2018. Par suite, le moyen tiré de son insuffisance de motivation ne peut être accueilli.

3. En deuxième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier, et notamment des termes de la décision attaquée, que la préfète du Bas-Rhin n'aurait pas procédé à un examen particulier de la demande et de la situation personnelle de M. A... avant de refuser de l'admettre au séjour.

4. En troisième lieu, l'article L. 312-3 du code des relations entre le public et l'administration institue une garantie au profit de l'usager en vertu de laquelle toute personne qui l'invoque est fondée à se prévaloir, à condition d'en respecter les termes, de l'interprétation, même illégale, d'une règle contenue dans un document que son auteur a souhaité rendre opposable, en le publiant dans les conditions prévues aux articles R. 312-10 et D. 312-11 du code des relations entre le public et l'administration, tant qu'elle n'a pas été modifiée. En outre, l'usager ne peut bénéficier de cette garantie qu'à la condition que l'application d'une telle interprétation de la règle n'affecte pas la situation de tiers et qu'elle ne fasse pas obstacle à la mise en œuvre des dispositions législatives ou réglementaires préservant directement la santé publique, la sécurité des personnes et des biens ou l'environnement. Les mentions accompagnant la publication de ce document ont pour objet de permettre de s'assurer du caractère opposable de l'interprétation qu'il contient.

5. En instituant le mécanisme de garantie de l'article L. 312-3 du code des relations entre le public et l'administration, le législateur n'a pas permis de se prévaloir d'orientations générales dès lors que celles-ci sont définies pour l'octroi d'une mesure de faveur au bénéfice de laquelle l'intéressé ne peut faire valoir aucun droit, alors même qu'elles ont été publiées sur l'un des sites mentionnés à l'article D. 312-11 du même code. S'agissant des lignes directrices, le législateur n'a pas subordonné à leur publication sur l'un de ces sites la possibilité pour toute personne de s'en prévaloir, à l'appui d'un recours formé devant le juge administratif.

6. Dès lors qu'un étranger ne détient aucun droit à l'exercice par le préfet de son pouvoir de régularisation, il ne peut utilement se prévaloir, sur le fondement de ces dispositions, des orientations générales contenues dans la circulaire du ministre de l'intérieur du 28 novembre 2012 pour l'exercice de ce pouvoir. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de la circulaire du 28 novembre 2012 du ministre de l'intérieur, dite circulaire Valls est inopérant et doit être écarté pour ce motif.

7. En quatrième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales susvisée : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

8. M. A... se prévaut de la présence en France de sa tante et de l'époux de celle-ci, avec lesquels il vit depuis l'âge de dix-sept ans ainsi que de sa bonne insertion dans la société française, démontrée par ses résultats scolaires puis par son intégration professionnelle. Toutefois, le requérant a vécu durant la plus grande partie de son existence dans son pays d'origine où résident toujours ses parents et où il n'est, dès lors, pas dépourvu de liens. Dans ces conditions, les seules circonstances qu'il a obtenu en France un certificat d'aptitude professionnelle dans la spécialité de menuisier en 2018 et qu'il est titulaire d'un contrat à durée indéterminée en qualité d'employé de libre-service, emploi d'ailleurs sans rapport avec sa qualification, ne peut suffire à établir qu'il a fixé en France le centre de ses intérêts matériels et moraux. Ainsi, dans les circonstances de l'espèce, compte tenu de la durée et des conditions du séjour de l'intéressé en France, le refus de titre de séjour attaqué n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts poursuivis par cette décision. Par suite, le moyen tiré de ce que cette décision aurait méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, doit être écarté. Pour les mêmes motifs, cette décision n'est entachée d'aucune erreur manifeste dans l'appréciation de la gravité de ses conséquences sur la situation personnelle et familiale du requérant.

9. En cinquième lieu, les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile relatives aux différents titres de séjour qui peuvent être délivrés aux étrangers en général et aux conditions de leur délivrance s'appliquent, ainsi que le rappelle l'article L. 110-1 du même code, " sous réserve des conventions internationales ". En ce qui concerne les ressortissants algériens, les stipulations de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 régissent d'une manière complète les conditions dans lesquelles ils peuvent être admis à séjourner en France et y exercer une activité professionnelle, les règles concernant la nature des titres de séjour qui peuvent leur être délivrés, ainsi que les conditions dans lesquelles leurs conjoints et leurs enfants mineurs peuvent s'installer en France. Portant sur la délivrance des catégories de cartes de séjour temporaire prévues par les dispositions auxquelles il renvoie, l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est relatif aux conditions dans lesquelles les étrangers peuvent être admis à séjourner en France soit au titre d'une activité salariée, soit au titre de la vie familiale. Dès lors que, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, ces conditions sont régies de manière exclusive par l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, un ressortissant algérien ne peut utilement invoquer les dispositions de cet article à l'appui d'une demande d'admission au séjour sur le territoire national. Toutefois, les stipulations de cet accord n'interdisent pas au préfet, dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire dont il dispose sur ce point, d'apprécier, en fonction de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressé, l'opportunité d'une mesure de régularisation à un ressortissant algérien qui ne remplirait pas les conditions auxquelles est subordonnée la délivrance de plein droit d'un titre de séjour.

10. D'une part, il résulte de ce qui vient d'être dit que M. A... ne peut utilement soutenir qu'il aurait dû se voir délivrer un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui ne s'applique pas aux ressortissants algériens. D'autre part, il ressort des termes de la décision attaquée que la préfète, après avoir rappelé la possibilité pour elle de faire usage de son pouvoir général de régularisation sans texte, a considéré que la situation personnelle du requérant ne justifiait pas une telle régularisation. Or, il a été dit, au point au point 8, que la préfète du Bas-Rhin n'a pas entaché son appréciation d'une erreur manifeste en décidant de ne pas faire usage de son pouvoir de régularisation.

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

11. En premier lieu, les moyens dirigés contre le refus de titre de séjour ayant été écartés, le moyen tiré de ce que l'obligation de quitter le territoire français devrait être annulée, par voie de conséquence de l'illégalité de cette décision, ne peut pas être accueilli.

12. En second lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 8, il ne ressort pas des pièces du dossier que la mesure d'éloignement serait entachée d'erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressé.

13. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doivent être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : le présent arrêt sera notifié à M. D... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée à la préfète du Bas-Rhin.

Délibéré après l'audience du 4 avril 2023, à laquelle siégeaient :

- Mme Ghisu-Deparis, présidente,

- Mme Samson-Dye, présidente assesseure,

- Mme Roussaux, première conseillère,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 9 mai 2023.

La rapporteure,

Signé : S. C...La présidente,

Signé : V. Ghisu-DeparisLa greffière,

Signé : M. B...

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

M. B...

2

N° 22NC02766


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 22NC02766
Date de la décision : 10/05/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme GHISU-DEPARIS
Rapporteur ?: Mme Sophie ROUSSAUX
Rapporteur public ?: M. MICHEL
Avocat(s) : YAHI

Origine de la décision
Date de l'import : 21/05/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2023-05-10;22nc02766 ?
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