Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... et la société RSGY ont demandé au tribunal administratif de Strasbourg de condamner la commune de Schiltigheim au paiement d'une somme de 171 944,79 euros portant intérêts au taux légal et capitalisés à compter du 19 juin 2017, date de réception de la demande préalable.
Par un jugement n° 1705176 du 24 février 2020, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leur demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés le 24 avril 2020 et le 28 avril 2023, M. B... et la société RSGY, représentés par Me Alexandre, demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement n° 1705176 du tribunal administratif de Strasbourg ;
2°) de condamner la commune de Schiltigheim au paiement d'une somme de 200 589,54 euros portant intérêts au taux légal et capitalisés à compter du 19 juin 2017, au titre du préjudice provisoirement arrêté au 30 juin 2017 ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Schiltigheim une somme de 4 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- la faute de la commune est établie :
. ils ont justifié par deux attestations des 8 septembre et 12 septembre 2015 que les travaux étaient réalisés dès le 11 septembre 2015 ;
. alors que le maire a eu connaissance le 11 septembre 2015 de ce que les travaux prescrits par l'arrêté de péril du 12 août 2015 étaient terminés, il n'a pas abrogé l'arrêté de péril, ni procédé à l'affichage de la mainlevée de l'interdiction de perception des loyers conformément à l'article L. 521-2-I alinéa 3 du code de la construction et de l'habitation ;
. c'est sur la base de ces deux attestations que le tribunal administratif de Strasbourg a retenu dans son jugement du 9 mars 2016 que les travaux étaient terminés pour abroger l'arrêté de péril du 12 août 2015 ; le jugement litigieux méconnait donc l'autorité de la chose jugée du jugement du 9 mars 2016 ;
- alors que le jugement litigieux du 24 février 2020 a retenu que le maire aurait dû procéder à l'affichage de l'arrêté de mainlevée, c'est à tort qu'il a ensuite considéré qu'il n'y avait pas de préjudice en conséquence de cette faute ;
- la société RSGY a été privée, à tort, des loyers depuis le 1er octobre 2015, soit depuis le 1er mois suivant la justification des travaux réalisés en septembre 2015 ; le préjudice résulte de la non perception des loyers des logements occupés et de la non relocation des logements frappés par l'interdiction ; ce préjudice, justifié par l'expert-comptable, s'élève à 171 944,79 euros pour la période du 1er octobre 2015 à fin juin 2017 auquel il convient de rajouter la somme 28 644,75 euros à compter de juillet 2017, soit une somme totale de 200 589,54 euros, auxquels il conviendra d'ajouter les intérêts au taux légal à compter du 19 juin 2017, date de réception par la commune de sa demande préalable d'indemnisation.
Par un mémoire en défense enregistré le 16 mars 2021, la commune de Schiltigheim conclut au rejet de la requête et à ce que M. B... et la société RSGY soient condamnés solidairement à lui verser la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- aucune faute ne peut lui être reprochée ;
- en abrogeant l'arrêté de péril du 12 août 2015 au motif de la réalisation des travaux, le jugement du 9 mars 2016 impliquait nécessairement l'abrogation de la mesure d'interdiction de percevoir des loyers ;
- les dispositions de l'article L. 511-3 du code de la construction et de l'habitation relatives au péril imminent ne prévoient pas que le maire soit tenu de prendre un arrêté de mainlevée dès lors qu'aurait été constatée la réalisation des travaux prescrits au propriétaire ; il appartient seulement au maire de prendre acte de leur réalisation et de leur date d'achèvement ;
- le requérant avait bien compris, eu égard à la teneur de son courriel du 20 janvier 2017, qu'il pouvait, à la suite du jugement du 9 mars 2016, de nouveau percevoir les loyers et/ou remettre en location les logements vacants de l'immeuble ;
- le défaut d'affichage, qui procède d'un vice de forme, n'est en tout état de cause pas de nature à ouvrir un droit à indemnisation car la décision de péril imminent était parfaitement fondée au regard de l'état de l'immeuble ;
- il n'est pas établi par les pièces du dossier et notamment des deux attestations et du courriel du 11 septembre 2015 produits, que la réalisation les travaux prescrits par l'arrêté de péril imminent étaient réalisés en septembre 2015 ni qu'ils auraient été justifiés auprès de la commune, ni que les requérants auraient demandé une décision de mainlevée ;
- aucun lien de causalité ne pourra être retenu entre le préjudice allégué et la faute prétendue de la commune : ils ne peuvent faire valoir qu'ils ont été privés de la possibilité de mettre en location les biens dès lors que leur conseil a reconnu dans un courriel du 24 janvier 2017 que les impayés procédaient des locataires eux-mêmes et qu'ils ont volontairement laissé vacants certains biens ;
- au regard du caractère indéterminé de la demande indemnitaire, laquelle invoque alternativement des préjudices de M. B... puis de la société RSGY, la cour ne pourra pas y faire droit car seul le préjudice personnellement subi peut être indemnisé ;
- le préjudice n'est ni certain, ni réel, y compris dans son quantum ; il n'est produit aucun justificatif comptable ou fiscal, ni n'est établi que les locaux vides étaient en état d'être loués ; au contraire, des éléments démontrent que les logements étaient dégradés, ce qui empêchait toute location ; l'arrêté de péril était donc sans emport.
Par une ordonnance du 17 avril 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 9 mai 2023 à midi.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la construction et de l'habitation ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Roussaux, première conseillère,
- les conclusions de M. Michel, rapporteur public,
- et les observations de Me Laumin, représentant M. B... et la société RSGY et de Me Palagi, représentant la commune de Schiltigheim.
Considérant ce qui suit :
1. Par un arrêté du 12 août 2015, le maire de la commune de Schiltigheim a, en application des dispositions de l'article L. 511-3 du code de la construction et de l'habitation et au vu du rapport déposé par l'expert désigné par ordonnance du 16 juillet 2015 du président du tribunal administratif de Strasbourg indiquant que l'immeuble situé 160 route de Bischwiller à Schiltigheim présentait un état de péril imminent, mis M. B... en demeure de procéder, dans un délai de quinze jours, à des mesures et travaux visant à faire cesser ce péril. Cet arrêté précise que conformément aux dispositions du code de la construction et de l'habitation, le loyer en principal ou tout autre somme versée en contrepartie de l'occupation du logement cesse d'être due à compter du 1er septembre 2015. Par un jugement n° 1505861 du 9 mars 2016, le tribunal administratif de Strasbourg a abrogé l'arrêté du maire de Schiltigheim du 12 août 2015 en tant qu'il prescrit à M. B... de procéder à des travaux de protection, de sécurisation et de purge des éléments défaillants en façade et en toiture et a annulé l'arrêté en tant qu'il prescrivait à M. B... de procéder à des travaux de reconnaissance géotechniques. Par une demande indemnitaire préalable du 16 juin 2017, M. B... a demandé à la commune de lui verser la somme arrêtée provisoirement à 171 944 euros en réparation du préjudice qu'il estime avoir subi du fait de la faute du maire à n'avoir pas constaté la réalisation des travaux. Par un courrier du 24 août 2017, la commune a refusé sa demande et a pris le même jour un arrêté portant levée de péril imminent à compter du 9 mars 2016 et a abrogé l'arrêté du 12 août 2015. M. B... et la société RSGY, dont M. B... est président, ont demandé au tribunal administratif de Strasbourg de condamner la commune de Schiltigheim au paiement d'une somme de 171 944,79 euros en réparation de leur préjudice. Par un jugement du 24 février 2020, n° 1705176, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leur demande. M. B... et la société RSGY relèvent appel de ce jugement et sollicitent la condamnation de la commune de Schiltigheim à leur payer une somme actualisée de 200 589,54 euros avec intérêts au taux légal et capitalisés à compter du 19 juin 2017.
Sur les conclusions à fin d'indemnisation :
2. Aux termes de l'article L. 511-1 du code de la construction et de l'habitation dans sa version alors applicable : " Le maire peut prescrire la réparation ou la démolition des murs, bâtiments ou édifices quelconques lorsqu'ils menacent ruine et qu'ils pourraient, par leur effondrement, compromettre la sécurité ou lorsque, d'une façon générale, ils n'offrent pas les garanties de solidité nécessaires au maintien de la sécurité publique, dans les conditions prévues à l'article L. 511-2. Toutefois, si leur état fait courir un péril imminent, le maire ordonne préalablement les mesures provisoires indispensables pour écarter ce péril, dans les conditions prévues à l'article L. 511-3. / (...) ". L'article L. 511-3 du même code dans sa version applicable prévoit que : " En cas de péril imminent, le maire, après avertissement adressé au propriétaire, demande à la juridiction administrative compétente la nomination d'un expert qui, dans les vingt-quatre heures qui suivent sa nomination, examine les bâtiments, dresse constat de l'état des bâtiments mitoyens et propose des mesures de nature à mettre fin à l'imminence du péril s'il la constate. / Si le rapport de l'expert conclut à l'existence d'un péril grave et imminent, le maire ordonne les mesures provisoires nécessaires pour garantir la sécurité, notamment, l'évacuation de l'immeuble. / Dans le cas où ces mesures n'auraient pas été exécutées dans le délai imparti, le maire les fait exécuter d'office. En ce cas, le maire agit en lieu et place des propriétaires, pour leur compte et à leurs frais. / Si les mesures ont à la fois conjuré l'imminence du danger et mis fin durablement au péril, le maire, sur le rapport d'un homme de l'art, prend acte de leur réalisation et de leur date d'achèvement. / Si elles n'ont pas mis fin durablement au péril, le maire poursuit la procédure dans les conditions prévues à l'article L. 511-2. ".
3. Il résulte de l'instruction que postérieurement au jugement du 9 mars 2016 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a pour partie abrogé l'arrêté de péril imminent du maire de Schiltigheim du 12 août 2015 en tant qu'il prescrit à M. B... de procéder à des travaux de protection, de sécurisation et de purge des éléments défaillants et annulé le surplus, le maire de la commune n'a pas pris acte de la réalisation des travaux. Les requérants, qui font valoir que les travaux prescrits dans l'arrêté de péril imminent ont été exécutés dès septembre 2015, soutiennent que l'absence fautive de constat de la réalisation de ces travaux dès septembre 2015, soit avant et après le jugement du 9 mars 2016, a fait obstacle à ce qu'ils perçoivent des loyers.
En ce qui concerne la première période allant du 1er octobre 2015 jusqu'à la date de notification du jugement du 9 mars 2016 :
4. Il ressort des termes mêmes de l'arrêté de péril imminent que trois types de mesures étaient prescrites : un dispositif de protection, la purge des éléments défaillants en façade et en toitures et des travaux de reconnaissance technique. Il est constant que ces derniers travaux n'ont jamais été réalisés. Par suite pour ce seul motif, le maire de Schiltigheim n'a commis aucune faute en s'abstenant de constater que les mesures prescrites par l'arrêté de péril avaient été réalisés.
5. Par ailleurs et en tout état de cause, les deux attestations des 8 et 12 septembre 2015 produites, au regard de leurs termes peu précis, ne permettent pas d'établir que les travaux de sécurisation et de purge prescrits par l'arrêté de péril, qui auraient dû être réalisés sous la conduite d'une maîtrise d'œuvre spécialisée, ont été effectivement exécutés. A cet égard et contrairement à ce que soutiennent les requérants, le jugement du 9 mars 2016 par lequel le tribunal administratif a abrogé une partie de l'arrêté ne s'est pas fondé sur ces attestations mais a simplement acté de l'accord des parties quant à la réalisation de ces travaux à la date à laquelle il s'est prononcé.
6. Dans ces conditions, le maire de la commune de Schiltigheim n'a commis aucune faute en ne procédant pas à la mainlevée des travaux pour la période allant du 1er octobre 2015 jusqu'à la date de notification du jugement du 9 mars 2016.
En ce qui concerne la seconde période allant de la date de notification du jugement du 9 mars 2015 jusqu'à la mainlevée prise par le maire par décision du 24 août 2017 :
7. Le jugement du 9 mars 2016 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a pour partie abrogé l'arrêté de péril imminent du maire de Schiltigheim du 12 août 2015 en tant qu'il prescrit à M. B... de procéder à des travaux de protection, de sécurisation et de purge des éléments défaillants et annulé le surplus a implicitement mais nécessairement levé l'interdiction de percevoir les loyers qui était alors privée de base légale sans que le maire n'ait à le constater.
8. Par suite, le maire de la commune n'a commis aucune une faute en ne procédant pas à la mainlevée des travaux pour la période postérieure à la date de notification du jugement du 9 mars 2016 jusqu'au 24 août 2017. La circonstance qu'il l'a fait à la demande des requérants est sans incidence sur l'appréciation de la faute.
9. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... et la société RSGY ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leur demande.
Sur les frais liés à l'instance :
10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Schiltigheim, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que M. B... et la société RSGY demandent au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de mettre solidairement à la charge de M. B... et de la société RSGY une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la commune de Schiltigheim et non compris dans les dépens.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. B... et de la société RSGY est rejetée.
Article 2 : M. B... et la société RSGY verseront, solidairement, une somme de 1 500 euros à la commune de Schiltigheim au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent jugement sera notifié à M. B..., à la société RSGY et à la commune de Schiltigheim.
Délibéré après l'audience du 30 mai 2023, à laquelle siégeaient :
- Mme Ghisu-Deparis, présidente,
- Mme Roussaux, première conseillère,
- M. Denizot, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 20 juin 2023.
La rapporteure,
Signé : S. RoussauxLa présidente,
Signé : V. Ghisu-Deparis
La greffière,
Signé : N. Basso
La République mande et ordonne à la préfète du Bas-Rhin en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
N. Basso
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N° 20NC00988