Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler l'arrêté du 25 novembre 2022 par lequel le préfet de Meurthe-et-Moselle lui a refusé le renouvellement de son certificat de résidence algérien, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit.
Par un jugement n° 2300233 du 4 mai 2023, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés le 2 juin 2023 et le 4 août 2023, M. B..., représenté par Me Sgro, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2300233 du tribunal administratif de Nancy du 4 mai 2023 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet de Meurthe-et-Moselle du 25 novembre 2022 refusant le renouvellement de son certificat de résident algérien, l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays à destination duquel il pourra être reconduit ;
3°) d'enjoindre au préfet de Meurthe-et-Moselle de lui délivrer un certificat de résidence algérien, à titre subsidiaire de réexaminer sa situation, dans un délai d'un mois suivant la notification de la décision à intervenir et de lui délivrer un récépissé l'autorisant à travailler dans un délai de 48 heures ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à son conseil en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
sur la décision portant refus de titre de séjour :
- l'auteur de l'acte est incompétent ;
- la décision contestée méconnaît les stipulations des articles 5 et 7 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié et est entachée d'une erreur de fait et d'une erreur d'appréciation ; elle est fondée à tort sur ses revenus fiscaux alors que ses revenus réels sont suffisants pour pourvoir à l'ensemble de ses besoins ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que celles de l'article 6-5 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;
- elle porte une atteinte disproportionnée à sa vie privée et familiale ;
- elle est entachée d'une erreur de droit en ce qu'il a le droit de se voir délivrer un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- la décision est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour ;
- la décision est entachée d'incompétence de son auteur ;
- la décision est insuffisamment motivée ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; elle porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale ;
sur la décision fixant le pays de destination :
- la décision est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;
- la décision est entachée d'incompétence de son auteur.
Par des mémoires en défense enregistrés le 6 juillet 2023 et le 9 août 2023, le préfet de Meurthe-et-Moselle conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens invoqués ne sont pas fondés.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 30 juin 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de Mme Roussaux, première conseillère, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant algérien né le 7 juillet 1993, est entré régulièrement sur le territoire français le 14 septembre 2017 en qualité d'étudiant. Il a bénéficié d'un certificat de résidence algérien " étudiant " jusqu'au 4 novembre 2019. Il a ensuite obtenu un changement de statut et la délivrance de certificats de résidence algérien portant la mention " commerçant " puis " visiteur-profession libérale ", valable en dernier lieu jusqu'au 3 novembre 2022. Le 25 septembre 2022, M. B... a sollicité le renouvellement de son certificat de résidence algérien et la délivrance d'un certificat de résidence de dix ans. Par un arrêté du 25 novembre 2022, le préfet de Meurthe-et-Moselle a rejeté sa demande et l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours en fixant son pays de destination. M. B... relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article 5 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 susvisé : " Les ressortissants algériens s'établissant en France pour exercer une activité professionnelle autre que salariée reçoivent, après le contrôle médical d'usage et sur justification, selon le cas, qu'ils sont inscrits au registre du commerce ou au registre des métiers ou à un ordre professionnel, un certificat de résidence dans les conditions fixées aux articles 7 et 7 bis ". L'article 7 du même accord stipule que : " Les dispositions du présent article et celles de l'article 7 bis fixent les conditions de délivrance du certificat de résidence aux ressortissants algériens autres que ceux visés à l'article 6 nouveau ainsi qu'à ceux qui s'établissent en France après la signature du premier avenant à l'accord ;/ a) Les ressortissants algériens qui justifient de moyens d'existence suffisants et qui prennent l'engagement de n'exercer, en France, aucune activité professionnelle soumise à autorisation reçoivent après le contrôle médical d'usage un certificat valable un an renouvelable et portant la mention " visiteur " (...).".
3. Il ressort des pièces du dossier que le préfet de Meurthe-et-Moselle a refusé de faire droit à la demande de M. B... tendant au renouvellement de son certificat de résidence algérien et à la délivrance d'un certificat de résidence de dix ans, au motif que ses revenus ne permettaient pas de justifier de moyens d'existence suffisants au cours des trois dernières années. Il s'est fondé sur la circonstance que les trois derniers avis d'imposition des années 2021, 2020 et 2019 indiquaient des revenus fiscaux de référence s'élevant respectivement à 11 432 euros, 6 863 euros et 5 492 euros. Il en a ainsi déduit que le requérant ne remplissait pas les conditions de ressources requises par les stipulations précitées.
4. Toutefois, le requérant produit à hauteur d'appel ses comptes de résultats pour les années 2020, 2021 et 2022, lesquels synthétisent la totalité des charges et des produits de son entreprise d'ingénierie et d'études techniques. Ces comptes mettent en évidence un bénéfice net à la clôture de l'exercice comptable au 31 août 2020 de 18 025 euros, au 31 juillet 2021 de 19 482 euros et au 31 août 2022 de 19 700 euros, ainsi que la faiblesse des charges effectivement supportées par l'intéressé. Ces éléments permettent d'avoir une estimation des ressources réelles du requérant, qui justifie ainsi, par ces pièces, disposer de moyens d'existence suffisants, lesquels s'avèrent au demeurant être supérieurs sur l'année au salaire minimum de croissance à temps plein. En se bornant à faire valoir que ces comptes ne sont pas probants au motif qu'ils ne feraient pas apparaitre l'autorité qui les a émis, ou en soutenant qu'ils ne précisent pas les dates précises des exercices, le préfet n'apporte pas d'éléments suffisants permettant de les remettre en cause. La circonstance qu'ils ne coïncideraient pas exactement avec les données transmises aux services fiscaux n'est pas davantage de nature à mettre en cause leur exactitude. Dans ces conditions, le requérant est fondé à soutenir que le préfet de Meurthe-et-Moselle a commis une erreur d'appréciation en refusant de renouveler son certificat de résidence. Il est également fondé à soutenir que l'illégalité de cette décision entraîne celle de la mesure d'éloignement, l'illégalité de cette dernière rendant illégale la décision fixant le pays de renvoi.
5. Il résulte de tout ce qui précède et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête que M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
6. Compte tenu du motif d'annulation retenu, et dès lors qu'il revient à l'administration d'apprécier la situation de l'intéressé au regard des circonstances de fait existant à la date de sa nouvelle décision, et au regard de l'ensemble des critères prévus par les stipulations citées au point 2, le présent arrêt implique seulement qu'il soit enjoint au préfet de Meurthe-et-Moselle de réexaminer la situation de M. B... dans un délai de deux mois suivant la notification du présent arrêt.
7. Il y a également lieu d'enjoindre au préfet de Meurthe-et-Moselle de lui délivrer dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour, en application de l'article L. 614-16 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'autorisant à travailler.
Sur les frais de l'instance :
8. M. B... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Sgro, avocat de M. B..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Sgro de la somme de 1 500 euros.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 2300233 du tribunal administratif de Nancy du 4 mai 2023 et l'arrêté du 25 novembre 2022 du préfet de Meurthe-et-Moselle sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de Meurthe-et-Moselle de réexaminer la situation de M. B... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler.
Article 3 : L'Etat versera à Me Sgro une somme de 1 500 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me Sgro renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. B... est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., à Me Sgro et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée au préfet de Meurthe-et-Moselle.
Délibéré après l'audience du 29 août 2023, à laquelle siégeaient :
- Mme Samson-Dye, présidente assesseure,
- Mme Roussaux, première conseillère,
- Mme Picque, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 septembre 2023.
Le rapporteur,
Signé : S. RoussauxLa présidente,
Signé : A. Samson-Dye
La greffière,
Signé : N. Basso
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
N. Basso
2
N° 23NC01780