Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler l'arrêté du 9 décembre 2021 par lequel le préfet de Meurthe-et-Moselle lui a refusé le renouvellement de son titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit.
Par un jugement n° 2200098 du 14 avril 2022, le tribunal administratif de Nancy a annulé cet arrêté, enjoint au préfet de Meurthe-et-Moselle de lui délivrer immédiatement une autorisation provisoire de séjour puis une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " dans le délai de deux mois à compter de sa notification, et a mis à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, à verser à Me Corsiglia.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 12 mai 2022, le préfet de Meurthe-et-Moselle demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de rejeter la demande de M. B....
Il soutient que :
- c'est à tort que les premiers juges ont estimé qu'il avait entaché son refus de séjour d'erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors que l'intéressé n'a présenté aucune demande sur ce fondement, ayant sollicité le renouvellement de son titre de séjour portant la mention " entrepreneur/profession libérale " et que les circonstances de l'espèce ne justifiaient pas son admission exceptionnelle au séjour, l'intéressé n'ayant été admis à se maintenir en France qu'en raison de son activité d'entrepreneur spécialisé dans la fabrication de verre creux, alors qu'il a détourné l'usage de ce titre, que sa maîtrise de la langue française ne présente pas de mérite particulier dès lors qu'il provient d'un pays francophone, qu'une promesse d'embauche ne justifie pas qu'il soit régularisé, qu'il a travaillé irrégulièrement et que l'intéressé ne justifie pas avoir transféré le centre de ses attaches personnelles et familiales en France, où il vit seul alors qu'il a une épouse au Mali ;
- les moyens invoqués en première instance ne sont pas fondés ; les conclusions contestant les refus de délivrance de l'autorisation de travail ne sauraient prospérer, les décisions en question n'étant pas produites.
Par un mémoire enregistré le 15 juillet 2022, M. C... B..., représenté par Me Corsiglia, conclut au rejet de la requête, subsidiairement, en cas d'annulation du jugement, à ce que l'arrêté du 9 décembre 2021 du préfet de Meurthe-et-Moselle soit à nouveau annulé, et à ce que le versement d'une somme de 2 000 euros soit mis à la charge de l'Etat, au titre de la procédure d'appel, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- c'est à juste titre que les premiers juges ont annulé le refus de séjour au regard des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors que le préfet a examiné sa demande sur ce fondement, ainsi que sur le fondement des dispositions relatives tant aux travailleurs non-salariés qu'aux travailleurs salariés ; il justifie d'une longue durée de présence en France, il a bénéficié de titres de séjour, il a exercé une activité professionnelle dès sa régularisation, il occupe un poste que son employeur a vainement tenté de pourvoir, il justifie de son intégration dans la société française et de la maîtrise du français, alors qu'il n'avait jamais été scolarisé dans son pays d'origine, il n'a plus de contact avec son épouse ;
- le refus de délivrance d'un titre de séjour portant la mention " salarié " est entaché d'un défaut d'examen de sa situation personnelle, d'une erreur de droit et d'une erreur de fait ; l'illégalité des refus d'autorisations de travail sollicitées par son employeur est invoquée, au titre de l'exception ;
- c'est à tort que le préfet a refusé de faire usage de son pouvoir discrétionnaire pour renouveler le titre de séjour ;
- l'obligation de quitter le territoire français est illégale en raison de l'illégalité du refus de titre de séjour ;
- la mesure d'éloignement est entachée d'erreur de fait et d'appréciation au regard de ses conséquences sur sa vie privée et familiale, ainsi que d'une erreur manifeste d'appréciation.
Le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale a été maintenu au profit de M. B... par une décision du 13 juin 2022.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Samson-Dye,
- et les observations de Me Corsiglia, pour M. B....
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant malien né le 31 décembre 1985, serait entré en France le 19 août 2012, selon ses déclarations. Il a obtenu un titre de séjour portant la mention " salarié " le 9 décembre 2014, puis en qualité d'entrepreneur, le 16 mars 2016, pour une durée de quatre ans. Le 4 mars 2021, il a demandé le renouvellement de son titre de séjour. Par un arrêté du 9 décembre 2021, le préfet de Meurthe-et-Moselle a refusé de lui délivrer un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, en fixant son pays de destination. Le préfet de Meurthe-et-Moselle relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Nancy a annulé cet arrêté.
Sur le bien-fondé du jugement :
2. Les premiers juges ont annulé le refus de séjour litigieux au motif qu'en refusant de délivrer à M. B... un titre de séjour en qualité de salarié sur le fondement des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet a entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation. Le préfet, qui indique que M. B... n'avait pas présenté de demande de titre sur ce fondement, doit être regardé comme soutenant que le tribunal a fait droit à un moyen inopérant. D'une part, il ne ressort pas des pièces du dossier que M. B... aurait présenté une demande fondée sur les dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. D'autre part, si ces dispositions figurent parmi celles qui sont visées au début de l'arrêté litigieux, il ressort des mentions justifiant le refus de séjour que le préfet a seulement refusé de mettre en œuvre son pouvoir discrétionnaire. Dès lors, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne pouvait être utilement invoqué à l'encontre du refus de titre de séjour litigieux, de sorte que le préfet est fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont fait droit à ce moyen pour annuler cette décision.
3. Toutefois, il appartient à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. B... devant le tribunal administratif et devant la cour.
4. Il ressort des pièces du dossier que M. B... est présent en France depuis l'année 2012 et qu'il y réside de manière régulière depuis plus de sept années à la date de l'arrêté litigieux. En particulier, il a exercé le métier de souffleur de verre à compter de l'année 2014 avant d'exploiter sa propre société dans ce domaine durant quatre ans. Il allègue, sans être contredit, avoir été amené à changer de métier, en raison de la faiblesse des revenus que lui procurait son activité, et a été embauché par l'association Le Pélican, le 1er octobre 2019, en qualité d'agent polyvalent. Il a suivi une formation d'un an, dans le cadre d'un contrat de professionnalisation, pour acquérir un diplôme d'agent d'entretien, finalement obtenu le 17 décembre 2021 et correspondant aux missions pour lesquelles il a été embauché. Il ressort des pièces versées au dossier que M. B... a donné parfaite satisfaction à ses employeurs et plusieurs de ses collègues attestent de son investissement et de son sérieux dans les fonctions qui lui sont confiées ainsi que de sa parfaite intégration sur le territoire français. Le requérant établit également les difficultés de recrutement de l'association Le Pélican sur ce poste, celle-ci n'étant pas parvenue à le pourvoir malgré la publication d'une offre par le biais de Pôle emploi. Par suite, dans les circonstances particulières de l'espèce, M. B... est fondé à soutenir qu'en refusant de mettre en œuvre son pouvoir de régularisation, le préfet a entaché son refus de titre de séjour d'une erreur manifeste d'appréciation, l'annulation de cette décision entraînant celle des autres mesures litigieuses par voie de conséquence.
5. Il résulte de ce qui précède que le préfet de Meurthe-et-Moselle n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a annulé son arrêté du 9 décembre 2021.
Sur les frais de l'instance :
6. M. B... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Par suite, son avocate peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Corsiglia, avocate de M. B..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Corsiglia de la somme de 1 000 euros.
D E C I D E :
Article 1er : La requête du préfet de Meurthe-et-Moselle est rejetée.
Article 2 : L'Etat versera à Me Corsiglia, avocate de M. B..., la somme de 1 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me Corsiglia renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et des outre-mer, à M. C... B... et à Me Corsiglia.
Copie en sera adressée à la préfète de Meurthe-et-Moselle.
Délibéré après l'audience du 19 septembre 2023, à laquelle siégeaient :
- Mme Ghisu-Deparis, présidente,
- Mme Samson-Dye, présidente assesseure,
- M. Denizot, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 octobre 2023
La rapporteure,
Signé : A. Samson-DyeLa présidente,
Signé : V. Ghisu-Deparis
La greffière,
Signé : M. A...
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
M. A...
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N° 22NC01220