Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 28 février 2022 par lequel la préfète du Bas-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être renvoyé.
Par un jugement n° 2203450 du 26 juillet 2022, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 26 août 2022, M. A..., représenté par Me Zimmermann, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 26 juillet 2022 ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 28 février 2022 pris à son encontre par la préfète du Bas-Rhin ;
3°) d'enjoindre à la préfète du Bas-Rhin de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de trente jours ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation administrative dans le même délai ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Sabatakakis, avocate de M. A..., de la somme de 1 500 euros au titre des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
s'agissant de la décision de refus de titre de séjour :
- la préfète du Bas-Rhin a fait une inexacte application des dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, concernant la gravité de son état de santé et la disponibilité du traitement de sa pathologie dans son pays d'origine ;
- la décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation des conséquences sur sa situation personnelle ;
s'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- le préfet n'a pas procédé à un examen particulier de sa situation personnelle ;
- la décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation des conséquences sur sa situation personnelle ;
- en raison de son état de santé, en méconnaissance des dispositions du 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il ne pouvait faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français ;
s'agissant de la décision fixant le pays de destination :
- la décision est illégale par voie de conséquence.
Une mise en demeure a été adressée le 25 juillet 2023 à la préfète du Bas-Rhin qui n'a pas produit de mémoire en défense.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 16 septembre 2022.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Denizot, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant guinéen né le 15 mars 1980, serait entré irrégulièrement en France, selon ses déclarations, en août 2014. M. A... a obtenu une autorisation provisoire de séjour pour raisons de santé, valable du 30 janvier 2015 au 29 janvier 2016. Par la suite, M. A... s'est vu délivrer une carte de séjour sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, valable du 8 février 2018 au 7 février 2019. Le 14 septembre 2020, M. A... a sollicité le renouvellement de son titre de séjour. Par un arrêté du 28 février 2022, la préfète du Bas-Rhin a refusé de délivrer un titre de séjour à l'intéressé, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être renvoyé. M. A... relève appel du jugement du 26 juillet 2022 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la décision de refus de titre de séjour :
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. / La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. / (...) Si le collège de médecins estime dans son avis que les conditions précitées sont réunies, l'autorité administrative ne peut refuser la délivrance du titre de séjour que par une décision spécialement motivée. (...) ".
3. Sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve à l'une des parties, il appartient au juge administratif, au vu des pièces du dossier, et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si l'état de santé d'un étranger nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse pas bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, eu égard à son offre de soins et aux caractéristiques de son système de santé. La partie qui justifie d'un avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) venant au soutien de ses dires doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'effectivité du bénéfice d'un traitement approprié dans le pays de renvoi. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires. En cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile.
4. Il ressort des pièces du dossier que, pour refuser de délivrer un titre de séjour à M. A... en raison de son état de santé, la préfète du Bas-Rhin s'est fondé sur l'avis du 2 juin 2021 du collège de médecins du service médical de l'OFII qui a estimé que l'état de santé de M. A... nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut ne devrait pas entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité.
5. Selon les certificats médicaux produits par l'intéressé, M. A..., au moment de son entrée en France, a été pris en charge pour le traitement d'une cataracte bilatérale sur uvéite bilatérale. Si l'œil gauche était affecté d'une absence de perception lumineuse, l'œil droit a bénéficié d'une opération le 8 octobre 2014. Cette intervention ainsi que les différents suivis hospitaliers ont permis à l'œil droit de M. A... de récupérer une acuité visuelle chiffrée à 5/10 le 24 février 2015, puis à 6/10 le 28 janvier 2019 et enfin à 8/10 faible avec correction le 8 juin 2021. En outre, les termes du certificat médical du 11 juin 2021 qui indiquent que la maladie oculaire de M. A... est " susceptible de réapparaître ", sont trop peu circonstanciés pour caractériser, de manière certaine, une évolution défavorable de la pathologie de l'intéressé. Ces indications, ainsi que celles reprises dans un certificat d'août 2022 postérieur à la décision contestée, sont rédigées en des termes trop hypothétiques et ne sont pas de nature à établir que l'absence de prise en charge de l'état de santé de l'intéressé pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Par suite, la préfète du Bas-Rhin n'a pas fait une inexacte application des dispositions précitées de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en refusant de délivrer à M. A... le titre de séjour qu'il sollicitait sur le fondement de ces dispositions.
6. En second lieu, M. A... justifie avoir exercé une activité professionnelle au cours des années 2018 et 2019 et avoir suivi des cours d'apprentissage de la langue française. Toutefois, M. A... ne justifie d'aucun autre lien personnel ou familial sur le territoire français, notamment avec la personne qu'il présente comme sa conjointe, qui résiderait en France. En outre, il ressort de la fiche de situation de l'intéressé que ses quatre enfants et ses deux parents résident encore en Guinée, pays où il a vécu 34 ans. Par suite, il ne ressort pas des pièces du dossier que la préfète du Bas-Rhin aurait commis une appréciation manifestement erronée des conséquences de la décision de refus de séjour sur la situation personnelle et familiale de l'intéressé.
Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :
7. En premier lieu, il ne ressort ni des termes de la décision contestée ni des pièces du dossier que la préfète du Bas-Rhin n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation personnelle de M. A....
8. En deuxième lieu, pour les mêmes motifs qu'exposés précédemment, il ne ressort pas des pièces du dossier que la préfète du Bas-Rhin aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision d'obligation de quitter le territoire français sur la situation personnelle de M. A....
9. En dernier lieu, aux termes de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français : (...) 9° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié (...) ".
10. Pour les mêmes motifs qu'exposés précédemment, il ne ressort pas des pièces du dossier que M. A... ne pouvait, en application du 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français.
Sur la décision fixant le pays de destination :
11. Ainsi qu'il a été dit précédemment, il n'est pas établi que la décision portant obligation de quitter le territoire français serait illégale. Par suite, M. A... n'est pas fondé à soutenir que la décision fixant le pays à destination duquel il pourra être renvoyé serait illégale en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français.
12. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, les conclusions de sa requête à fin d'injonction ainsi que celles présentées sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A..., à Me Sabatakakis et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée à la préfète du Bas-Rhin.
Délibéré après l'audience du 19 septembre 2023, à laquelle siégeaient :
- Mme Ghisu-Deparis, présidente,
- Mme Samson-Dye, présidente assesseure,
- M. Denizot, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 octobre 2023.
Le rapporteur,
Signé : A. DenizotLa présidente,
Signé : V. Ghisu-Deparis
La greffière,
Signé : M. B...
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
M. B...
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N° 22NC02248