Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 16 novembre 2022 par lequel la préfète du Bas-Rhin lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être reconduite d'office à l'expiration de ce délai.
Par un jugement n° 2208212 du 17 janvier 2023, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 10 février 2023, Mme A... B... représentée par Me Chavkhalov, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 17 janvier 2023 ;
2°) d'annuler l'arrêté de la préfète du Bas-Rhin du 16 novembre 2022 portant obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et fixant le pays de destination ;
3°) d'enjoindre à la préfète du Bas-Rhin de procéder au réexamen de sa situation dans le délai d'un mois à compter de la notification de la décision à intervenir et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 1 500 euros en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- l'arrêté litigieux méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- il méconnaît les stipulations de l'article 8 de cette même convention.
Par un mémoire en défense, enregistré le 24 avril 2023, la préfète du Bas-Rhin conclut au rejet de la requête.
Elle fait valoir que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision en date du 22 mai 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de M. Barteaux, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme B..., ressortissante arménienne, née en 1952, est entrée sur le territoire français le 22 juillet 2022 afin de solliciter la reconnaissance du statut de réfugié. Sa demande d'asile, examinée dans le cadre de la procédure accélérée, a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) le 26 octobre 2022. Par un arrêté du 16 novembre 2022, la préfète du Bas-Rhin a retiré l'attestation de demande d'asile qui avait été délivrée à l'intéressée, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être reconduite d'office à l'expiration de ce délai. Mme B... relève appel du jugement du 17 janvier 2023 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté en tant qu'il lui faisait obligation de quitter le territoire français et fixait le pays de destination.
2. En premier lieu, aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
3. Mme B... se prévaut de la présence sur le territoire français de sa fille, de son gendre et de trois de ses petits-enfants. Toutefois, d'une part, la présence de l'intéressée sur le territoire français est très récente à la date de la décision contestée. D'autre part, elle ne démontre pas les liens qu'elle entretiendrait avec les membres de sa famille dont elle a vécu éloignée jusqu'à son entrée en France. Enfin, elle n'est pas dépourvue d'attaches dans son pays d'origine où elle a vécu jusqu'à l'âge de soixante-dix ans et où résident sa seconde fille ainsi que ses frères. Dans ces conditions, Mme B... n'est pas fondée à soutenir que la décision en litige porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale. Le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit, dès lors, être écarté.
4. En second lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".
5. Mme B... soutient qu'elle encourt des risques en cas de retour en Arménie en raison des violences exercées par son beau-frère, membre d'une organisation criminelle, pour l'obliger à signer la cession d'une maison familiale. Toutefois, elle n'établit pas la véracité de ses allégations en se bornant à produire la retranscription de son récit à l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, alors que sa demande d'asile a été rejetée. En tout état de cause, à supposer même que ces faits soient établis, la requérante ne démontre pas qu'elle ne pourrait bénéficier de la protection des autorités arméniennes. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
6. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande. Ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées sur le fondement des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent également, par voie de conséquence, être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée à la préfète du Bas-Rhin.
Délibéré après l'audience du 5 octobre 2023, à laquelle siégeaient :
- Mme Guidi, présidente,
- M. Barteaux, premier conseiller,
- Mme Brodier, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 17 octobre 2023.
Le rapporteur,
Signé : S. Barteaux
La présidente,
Signé : L. Guidi
La greffière,
Signé : S. Robinet
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme
La greffière,
S. Robinet
N° 23NC00461 2