Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler les décisions du 11 septembre 2019 par lesquelles le préfet du Haut-Rhin lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour et le renouvellement de l'autorisation provisoire de séjour dont elle était titulaire, ensemble la décision du 21 janvier 2020 rejetant son recours gracieux contre ces décisions du 11 septembre 2019.
Par un jugement n° 2002008 du 31 mai 2022, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 20 juillet 2022 et le 25 octobre 2022, Mme A... B..., représentée par Me Boukara, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 31 mai 2022 ;
2°) d'annuler les décisions du préfet du Haut-Rhin du 11 septembre 2019 ;
3°) d'enjoindre au préfet du Haut-Rhin de lui délivrer un certificat de résidence d'Algérien de dix ans, subsidiairement un certificat de résidence d'Algérien portant la mention " vie privée et familiale " et, très subsidiairement, de réexaminer sa situation, dans un délai d'un mois suivant la notification de l'arrêté à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard passé ce délai, et dans cette attente, de lui délivrer sous quinze jours une autorisation provisoire de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat les sommes de 2 400 euros et de 1 800 euros respectivement au titre de l'instance d'appel et de la première instance à verser à son conseil, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
En ce qui concerne la décision portant refus de certificat de résidence d'Algérien :
- la procédure est irrégulière en l'absence de saisine de la commission du titre de séjour ;
- la décision de refus de certificat de résidence d'Algérien est insuffisamment motivée concernant sa non-admission à titre exceptionnel en France ;
- la procédure contradictoire prévue par l'article L. 121-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile a été méconnue dès lors que le préfet ne l'a pas mise en mesure de présenter des observations avant le rejet d'une demande de titre de séjour, examinée d'office, sur le fondement de l'article 6-5 de l'accord franco-algérien ou d'une autorisation provisoire de séjour ;
- elle méconnaît l'article 7 bis b) de l'accord franco-algérien ;
- elle méconnaît l'article 6-5 de l'accord franco-algérien et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle méconnaît l'article 20 du traité de fonctionnement de l'Union européenne et l'article 7.2 de la directive 2044/38/CE du 29 avril 2004 en créant une discrimination à rebours ;
- le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation en refusant de lui délivrer un titre de séjour à titre exceptionnel ;
En ce qui concerne la décision de refus de renouvellement d'une autorisation provisoire de séjour :
- elle est entachée d'un défaut de base légale ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- elle est entachée d'un détournement de pouvoir et de procédure.
Par un mémoire, enregistré le 10 octobre 2022, le préfet de la Haute-Saône conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;
- la directive 2004/38/CE du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004, relative au droit des citoyens de l'Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des Etats membres ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de M. Barteaux a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme B..., ressortissante algérienne, est entrée en France en 2016 sous couvert d'un passeport muni d'un visa de court séjour. Elle a sollicité, le 21 novembre 2017, la délivrance d'un certificat de résidence d'Algérien sur le fondement des articles 6-5 et 7 bis b) de l'accord franco-algérien. Par une lettre du 30 janvier 2018, le préfet du Haut-Rhin a refusé de lui accorder le titre de séjour sollicité mais lui a délivré une autorisation provisoire de séjour valable six mois régulièrement renouvelée jusqu'au 21 septembre 2019 à condition que ses enfants assument intégralement sa prise en charge. Le 16 juillet 2019, l'intéressée a demandé le renouvellement de son autorisation provisoire de séjour et sollicité la délivrance d'un certificat de résidence d'Algérien. Par un courrier du 11 septembre 2019, le préfet du Haut-Rhin a refusé de lui délivrer un certificat de résidence et de renouveler l'autorisation provisoire de séjour. La requérante a présenté contre ces décisions un recours gracieux qui a été rejeté par une décision du 21 janvier 2020. Mme B... fait appel du jugement du 31 mai 2022 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du 11 septembre 2019 refusant de lui délivrer un certificat de résidence algérien et une autorisation provisoire de séjour, ainsi que de la décision du 21 janvier 2020 rejetant son recours gracieux.
Sur le bien-fondé du jugement :
En ce qui concerne la décision portant refus de certificat de résidence :
2. En premier lieu, d'une part, il ressort des termes mêmes de la décision en litige que le préfet a mentionné les considérations de droit et de fait pour lesquelles il a refusé de délivrer un certificat de résidence algérien à Mme B... sur le fondement des articles 6-5 et 7 bis b) de l'accord franco-algérien. D'autre part, la requérante ne peut utilement soutenir que la décision prise sur son recours gracieux n'est pas motivée. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisante motivation des décisions contestées doit être écarté.
3. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration : " Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application de l'article L. 211-2, ainsi que les décisions qui, bien que non mentionnées à cet article, sont prises en considération de la personne, sont soumises au respect d'une procédure contradictoire préalable ".
4. Si, dans le cadre de l'examen de la demande présentée par Mme B... tendant à la délivrance d'un certificat de résidence sur le fondement de l'article 7 bis de l'accord
franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié, le préfet a examiné d'office s'il n'y avait pas lieu de lui délivrer un titre de séjour sur un autre fondement de cet accord, cette circonstance n'impliquait pas qu'au préalable, le préfet recueille ses observations. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 121-1 précitées doit être écarté.
5. En troisième lieu, aux termes de l'article 7 bis de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié : " (...) Le certificat de résidence valable dix ans est délivré de plein droit sous réserve de la régularité du séjour pour ce qui concerne les catégories visées au a), au b), au c) et au g) : (...) / b) À l'enfant algérien d'un ressortissant français si cet enfant a moins de vingt et un ans ou s'il est à la charge de ses parents, ainsi qu'aux ascendants d'un ressortissant français et de son conjoint qui sont à sa charge ; (...) ".
6. Il ressort des pièces du dossier que le préfet du Haut-Rhin a délivré à Mme B... une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à séjourner en France à compter du 8 février 2018, renouvelée jusqu'au 21 septembre 2019. Elle doit ainsi être regardée comme séjournant régulièrement sur le territoire français à la date de sa demande de titre de séjour. S'il ressort des pièces du dossier, notamment d'un avis d'imposition pour l'année 2019, que l'une des filles de l'intéressée a subvenu à ses besoins au titre de l'année 2018 à concurrence de 3 200 euros et l'héberge, cette circonstance ne suffit pas à établir que Mme B..., qui se borne à produire son propre avis d'imposition français pour cette seule année, était prise en charge par ses enfants à la date de la décision en litige. A cet égard, les avis d'imposition pour l'année 2020 de deux de ses enfants, de nationalité française, sur lesquels figurent la déduction d'une pension alimentaire ne permet pas d'établir, même s'ils disposent de revenus suffisants, que celle-ci était destinée à couvrir les besoins de la requérante qu'elle ne pouvait assumer seule. D'ailleurs, l'avis d'imposition pour l'année 2019 du fils de la requérante mentionne la déduction d'une pension alimentaire d'un montant de 3 600 euros qui n'apparaît pas dans la déclaration de Mme B.... Enfin, la requérante, qui a vécu en Algérie jusqu'à l'âge de 85 ans avant d'entrer en France, n'établit pas être dépourvue de ressources propres suffisantes, notamment de pension. Les virements ponctuels en 2010, 2014 et 2016 effectués par sa fille et son fils sur un compte en Algérie ne suffisent pas, en l'absence d'éléments permettant d'identifier leur destinataire, à établir que ses enfants subvenaient déjà à ses besoins en raison de l'insuffisance de ses propres ressources. Par suite, en estimant que Mme B... ne pouvait être regardée comme étant à la charge de ses enfants résidant en France et en refusant pour ce motif de lui délivrer un certificat de résidence, le préfet n'a pas méconnu les stipulations précitées.
7. En quatrième lieu, aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié : " Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) 5) au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
8. Mme B... fait valoir qu'elle est présente depuis trois ans en France où vivent notamment ses quatre enfants, de nationalité française, ainsi que ses petits-enfants. Toutefois, l'intéressée a vécu jusqu'à l'âge de 85 ans en Algérie où résident ses autres enfants. Par suite, dans les circonstances de l'espèce et eu égard à la durée et aux conditions du séjour en France de Mme B..., la décision attaquée n'a pas porté au droit de celle-ci au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise. Le préfet du Haut-Rhin n'a, dès lors, méconnu ni les stipulations de l'article 6 précité de l'accord
franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié, ni celles de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
9. En cinquième lieu, Mme B... fait valoir qu'un droit au séjour est reconnu aux membres de la famille d'un ressortissant communautaire, dont les ascendants directs à charge, et que le refus qui lui est opposé méconnait en conséquence les dispositions de l'article 20 TFUE et de l'article 7.2 de la directive 2044/38 du 29 avril 2004.
10. Toutefois, d'une part, la directive 2004/38/CE du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004, relative au droit des citoyens de l'Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des Etats membres, a été intégralement et régulièrement transposée dans l'ordre juridique français. Dans ces conditions, Mme B... ne peut utilement invoquer directement les dispositions de cette directive pour contester la légalité de la décision en litige. Au surplus, il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne (Shirley McCarthy, 5 mai 2011, aff. C-434/09) que les dispositions de la directive du 29 avril 2004 ne s'appliquent qu'aux citoyens de l'Union qui se rendent ou séjournent dans un Etat membre autre que celui dont ils ont la nationalité. La requérante ne peut donc pas utilement s'en prévaloir, dès lors qu'elle n'est pas ressortissante d'un Etat membre et que ses enfants ont, de surcroît, la nationalité française.
11. D'autre part, si dans l'arrêt du 9 mars 2011, Zambrano, aff. C-34/09, la Cour de justice de l'Union européenne a admis un droit au séjour à un ressortissant d'un Etat tiers membre de la famille d'un mineur, citoyen de l'Union européenne, qui ne s'était pas déplacé dans un Etat membre autre que celui dont il avait la nationalité, c'est afin de ne pas priver ce dernier de la jouissance des droits attachés à sa qualité de citoyen de l'Union européenne que lui confère l'article 20 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, notamment celui de séjourner dans l'Etat dont il a la nationalité. Le refus d'autoriser la requérante à séjourner en France, en l'espèce, n'a pas pour effet de porter atteinte aux droits de citoyens européens dont jouissent ses enfants majeurs. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 20 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne et de l'article 7 paragraphe 2 de la directive du 29 avril 2004 doit être écarté.
12. En dernier lieu, eu égard aux circonstances analysées aux points 6 et 8, le préfet du Haut-Rhin n'a pas, dans l'exercice de son pouvoir discrétionnaire de régularisation, entaché sa décision de refus de titre de séjour d'une erreur manifeste d'appréciation. Le moyen doit, par suite, être écarté.
En ce qui concerne la décision portant refus de renouvellement d'une autorisation provisoire de séjour :
13. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier qu'alors même que Mme B... ne remplissait pas les conditions pour obtenir la délivrance d'un certificat de résidence algérien, le préfet, dans le cadre du pouvoir discrétionnaire dont il dispose pour apprécier l'opportunité d'une mesure de régularisation, a décidé de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour à la condition que ses enfants assument intégralement sa prise en charge et qu'elle ne devienne pas, ainsi, une charge pour les finances publiques. Il est constant que le département du Haut-Rhin a été saisi d'une demande de versement de l'allocation personnalisée d'autonomie pour Mme B.... Si la requérante conteste être à l'origine de cette demande, elle ne l'établit pas. Si le département du Haut-Rhin s'est rapproché des services de la préfecture pour connaître la situation de l'intéressée au regard de la régularité de son séjour, à laquelle est conditionnée l'attribution de l'allocation en vertu de l'article L. 232-2 du code de l'action sociale et des familles, cette circonstance est, par elle-même, sans incidence sur la légalité de la décision en litige. Ainsi, en refusant de renouveler cette autorisation provisoire de séjour au motif que la requérante avait sollicité l'allocation personnalisée d'autonomie et quand bien même cette aide n'a pas été perçue, le préfet du Haut-Rhin, qui dispose d'un large pouvoir d'appréciation, n'a pas commis d'erreur de droit, ni d'erreur manifeste dans l'appréciation de la situation de la requérante.
14. En second lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet aurait, en prenant la décision en litige de refus de renouvellement de l'autorisation provisoire de séjour, laquelle, au demeurant, ainsi qu'il a été exposé précédemment, n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation, entaché cette décision d'un détournement de pouvoir ou de procédure.
15. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande. Par suite, la requête de l'intéressée doit être rejetée, y compris ses conclusions tendant à l'édiction d'une injonction sous astreinte et celles présentées tant au titre de la première instance que de l'instance d'appel sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Délibéré après l'audience du 17 octobre 2023, à laquelle siégeaient :
- M. Wurtz, président,
- Mme Bauer, présidente-assesseure,
- M. Barteaux, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 novembre 2023.
Le rapporteur,
Signé : S. BARTEAUX
Le président,
Signé : Ch. WURTZLe greffier,
Signé : F. LORRAIN La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
Le greffier :
F. LORRAIN
N° 22NC01954 2