Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler l'arrêté du 4 novembre 2022 par lequel la préfète du Bas-Rhin a prononcé son transfert aux autorités espagnoles et a ordonné son assignation à résidence pour une durée de quarante-cinq jours.
Par un jugement n° 2202716 du 25 novembre 2022, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 24 janvier 2023, M. A..., représenté par Me Shveda demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 25 novembre 2022 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 4 novembre 2022 par lequel la préfète du Bas-Rhin a prononcé son transfert aux autorités espagnoles et a ordonné son assignation à résidence pour une durée de quarante-cinq jours ;
3°) d'enjoindre à la préfète du Bas-Rhin d'enregistrer sa demande d'asile en procédure normale ou à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation administrative ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 1 500 euros sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- la décision est entachée d'incompétence dès lors que la préfète n'établit pas avoir été absente ou empêchée le jour de la signature de l'arrêté ;
- la décision de transfert est insuffisamment motivée en application de l'article L. 572-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la préfète du Bas-Rhin n'établit pas l'avoir reçu en entretien individuel comme l'exige l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, ni lui avoir délivré les informations prévues par l'article 4 du même règlement ;
- la décision méconnaît l'article 9 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;
- elle méconnaît l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;
- elle méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle méconnaît l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;
- la décision ordonnant son assignation à résidence est dépourvue de base légale en raison de l'illégalité de la décision prononçant son transfert ;
- elle n'est pas proportionnée.
Par un mémoire en défense enregistré le 3 avril 2023, la préfète du Bas-Rhin conclut au rejet de la requête.
Elle soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.
Les parties ont été informées le 8 décembre 2023, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que la décision à intervenir était susceptible d'être fondée sur un moyen relevé d'office tiré de ce que les conclusions à fin d'annulation de la décision de transfert ont perdu leur objet, cette décision ne pouvant plus être légalement exécutée compte tenu de l'expiration du délai de transfert prévu à l'article 29 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013.
Par un mémoire enregistré le 11 décembre 2023, M. A... a répondu qu'en raison de l'expiration du délai de transfert, la France était devenue responsable du traitement de la demande d'asile.
Par un mémoire enregistré le 19 décembre 2023, la préfète du Bas-Rhin a informé la cour que M. A... avait été déclaré en fuite et que le délai de transfert avait été prolongé à 18 mois jusqu'au 25 mai 2024.
A la suite d'une demande de pièces de la présente cour, la préfète du Bas-Rhin a communiqué le 11 janvier 2024 l'intégralité de l'arrêté de transfert du 4 novembre 2022.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 9 janvier 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale des droits de l'enfant ;
- le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de Mme Roussaux, première conseillère, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant russe né le 21 janvier 1971 à Groznyi, est entré en France afin d'y déposer une demande d'asile enregistrée à la préfecture de la Marne le 3 octobre 2022. Les autorités espagnoles ont été saisies d'une demande de prise en charge le 7 octobre 2022 et ont donné leur accord le 18 octobre suivant. Par deux arrêtés du 4 novembre 2022, la préfète du Bas-Rhin a, d'une part, prononcé son transfert aux autorités espagnoles et, d'autre part, ordonné son assignation à résidence pour une durée de quarante-cinq jours avec l'obligation de pointer tous les jours sauf le dimanche entre 9 heures et 10 heures au commissariat de Reims. M. A... a été déclaré en fuite le 22 mai 2023 et le délai de transfert prolongé jusqu'au 25 mai 2024, ce dont ont été informées les autorités espagnoles le même jour. M. A... fait appel du jugement du 25 novembre 2022 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces arrêtés.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
En ce qui concerne la décision de transfert :
2. En premier lieu, le requérant reprend en appel les moyens qu'il avait invoqué en première instance tirés de l'incompétence de l'auteur des arrêtés attaqués, de leur insuffisance de motivation et de la méconnaissance des articles 4 et 5 du règlement (UE) n° 604-2013 du 26 juin 2013. Il y a lieu d'écarter ces moyens à l'appui desquels le requérant ne présente aucun élément de fait ou de droit nouveau, par adoption des motifs retenus à bon droit par le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne.
3. En deuxième lieu, aux termes de l'article 9 du règlement (UE) n° 604-2013 du 26 juin 2013 : " Si un membre de la famille du demandeur, que la famille ait été ou non préalablement formée dans le pays d'origine, a été admis à résider en tant que bénéficiaire d'une protection internationale dans un État membre, cet État membre est responsable de l'examen de la demande de protection internationale, à condition que les intéressés en aient exprimé le souhait par écrit. " Pour l'application de ces dispositions, l'article 2 du même règlement précise : " Aux fins du présent règlement, on entend par : / (...) g) " membres de la famille ", dans la mesure où la famille existait déjà dans le pays d'origine, les membres suivants de la famille du demandeur présents sur le territoire des États membres : / - le conjoint du demandeur, ou son ou sa partenaire non marié(e) engagé(e) dans une relation stable, lorsque le droit ou la pratique de l'État membre concerné réserve aux couples non mariés un traitement comparable à celui réservé aux couples mariés, en vertu de sa législation relative aux ressortissants de pays tiers, / - les enfants mineurs des couples visés au premier tiret ou du demandeur, à condition qu'ils soient non mariés et qu'ils soient nés du mariage, hors mariage ou qu'ils aient été adoptés au sens du droit national, / - lorsque le demandeur est mineur et non marié, le père, la mère ou un autre adulte qui est responsable du demandeur de par le droit ou la pratique de l'État membre dans lequel cet adulte se trouve, / - lorsque le bénéficiaire d'une protection internationale est mineur et non marié, le père, la mère ou un autre adulte qui est responsable du bénéficiaire de par le droit ou la pratique de l'État membre dans lequel le bénéficiaire se trouve ; (...) ".
4. Il ressort des pièces du dossier que M. A... a uniquement mentionné la présence en France de son frère et de son demi-frère, lesquels ne peuvent s'entendre comme des " membres de la famille " au sens et pour l'application des dispositions précitées, et que sa femme et sa fille résident toujours en Russie. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 9 du règlement (UE) n° 604-2013 du 26 juin 2013 doit être écarté.
5. En troisième lieu, aux termes de l'article 17 du règlement (UE) n° 604-2013 du 26 juin 2013 susvisé : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. (...) ". Il résulte de ces dispositions que la faculté laissée à chaque État membre de décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement, est discrétionnaire et ne constitue pas un droit pour les demandeurs d'asile. Cette possibilité, qui s'exerce sous le contrôle du juge, lui est ouverte même en l'absence de raisons sérieuses de croire à l'existence de défaillances systémiques dans l'État membre responsable de l'examen de la demande d'asile, ainsi que cela résulte de l'arrêt C-578/16 PPU de la Cour de justice de l'Union européenne du 16 février 2017.
6. Si le requérant se prévaut de la qualité de réfugié de deux de ses frères, il n'établit ni leur lien de parenté ni l'existence de liens affectifs forts et stables alors qu'ils ne résident pas ensemble sur le territoire français et que l'un d'entre eux habite à Clermont-Ferrand. De plus, il est constant que sa femme et sa fille demeurent toujours en Russie. Enfin, la seule circonstance qu'il ait effectué un scanner thoracique et souffrirait d'une cervicalgie/dorsalgie ne suffit pas à établir que la préfète du Bas-Rhin, en refusant d'enregistrer sa demande d'asile, aurait commis une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions précitées de l'article 17 du règlement (UE) n° 604-2013 du 26 juin 2013.
7. En quatrième lieu, M. A... n'établit pas plus en appel qu'en première instance que son transfert aux autorités espagnoles l'exposerait à être renvoyé en Russie sans réel examen des risques auxquels il y serait exposé. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales est écarté.
8. En cinquième lieu, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant n'étant pas assorti des précisions suffisantes pour permettre d'en apprécier le bien-fondé, il ne peut qu'être écarté.
9. Il résulte de ce de ce qui précède que les moyens soulevés à l'encontre de la décision prononçant le transfert de M. A... aux autorités espagnoles sont écartés.
En ce qui concerne la décision d'assignation à résidence :
10. En premier lieu, dès lors qu'il résulte de ce qui précède que la décision prononçant le transfert de M. A... aux autorités espagnoles n'est pas entachée d'illégalité, le moyen tiré de l'exception d'illégalité de cette décision invoquée à l'encontre de la décision ordonnant son assignation à résidence est écarté.
11. En second lieu, aux termes de l'article L. 751-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui fait l'objet d'une requête aux fins de prise en charge ou de reprise en charge peut être assigné à résidence par l'autorité administrative pour le temps strictement nécessaire à la détermination de l'Etat responsable de l'examen de sa demande d'asile. / (...) En cas de notification d'une décision de transfert, l'assignation à résidence peut se poursuivre si l'étranger ne peut quitter immédiatement le territoire français mais que l'exécution de la décision de transfert demeure une perspective raisonnable (...) ".
12. M. A... n'apporte aucun élément démontrant que la décision d'assignation à résidence serait disproportionnée.
13. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées sur le fondement des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée à la préfète du Bas-Rhin.
Délibéré après l'audience du 18 janvier 2024, à laquelle siégeaient :
- Mme Bauer, présidente,
- Mme Brodier, première conseillère,
- Mme Roussaux, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 6 février 2024.
La rapporteure,
Signé : S. RoussauxLa présidente,
Signé : S. Bauer
La greffière,
Signé : S. RobinetLa République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
S. Robinet
2
N° 23NC00236