Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. G... A... B... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler l'arrêté du 29 novembre 2022 par lequel le préfet de la Marne lui a refusé la délivrance d'un certificat de résidence d'algérien, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.
Mme F... B... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler l'arrêté du 29 novembre 2022 par lequel le préfet de la Marne lui a refusé la délivrance d'un certificat de résidence d'algérien, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.
Par un jugement n° 2203028 du 5 mai 2023, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté la demande de M. A... B....
Par un jugement n° 2203029 du 5 mai 2023, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté la demande de Mme C... B....
Procédure devant la cour :
I. Par une requête, enregistrée le 30 mai 2023, sous le n° 23NC01675, M. E... B..., représenté par Me Mainnevret, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 5 mai 2023 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Marne du 29 novembre 2022 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
En ce qui concerne la décision portant refus de certificat de résidence :
- elle méconnait les stipulations du 5 de l'article 6 de l'accord franco-algérien et celles de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- elle est illégale en raison de l'illégalité la décision de refus de certificat de résidence ;
- elle n'est pas motivée ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et celles de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :
- elle méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
La procédure a été communiquée au préfet de la Marne qui n'a pas produit de mémoire en défense.
II. Par une requête, enregistrée le 30 mai 2023, sous le n° 23 NC01676, M. E... B..., représenté par Me Mainnevret, demande à la cour d'ordonner le sursis à exécution du jugement du 5 mai 2023 et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 800 euros, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- ses enfants sont scolarisés en France et que l'application de l'arrêté nuira gravement à leur stabilité mentale et à leur éducation dès lors qu'ils ne connaissent pas la culture et la langue algériennes ; l'arrêté méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- il a une activité professionnelle et encourt des risques en cas de retour en Algérie en raison de ses origines kabyles.
La procédure a été communiquée au préfet de la Marne qui n'a pas produit de mémoire en défense.
III. Par une requête, enregistrée le 30 mai 2023, sous le n° 23NC01677, Mme F... B..., représentée par Me Mainnevret, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n°2203029 du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 5 mai 2023 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Marne du 29 novembre 2022 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
En ce qui concerne la décision portant refus de certificat de résidence :
- elle méconnait les stipulations du 5° de l'article 6 de l'accord franco-algérien et celles de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;.
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- elle est illégale en raison de l'illégalité la décision de refus de certificat de résidence ;
- elle n'est pas motivée ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et celles de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :
- elle méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
La procédure a été communiquée au préfet de la Marne qui n'a pas produit de mémoire en défense.
IV. Par une requête, enregistrée le 30 mai 2023, sous le n° 23 NC01678, Mme D... B..., représentée par Me Mainnevret, demande à la cour d'ordonner le sursis à exécution du jugement du 5 mai 2023 et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 800 euros, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- ses enfants sont scolarisés en France et que l'application de l'arrêté nuira gravement à leur stabilité mentale et à leur éducation dès lors qu'ils ne connaissent pas la culture et la langue algériennes ; l'arrêté méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- son éloignement aura des conséquences sur ses études et elle encourt des risques en cas de retour en Algérie en raison de ses origines kabyles.
La procédure a été communiquée au préfet de la Marne qui n'a pas produit de mémoire en défense.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Barteaux,
- et les observations de Me Mainnevret pour M. A... B... et Mme C... B....
Considérant ce qui suit :
1. Mme C... B..., ressortissante algérienne, est entrée régulièrement en France en mai 2016. En décembre de la même année, M. A... B..., de même nationalité, est venue la rejoindre. Le 24 janvier 2022, ils ont sollicité un certificat de résidence d'algérien sur le fondement des dispositions du 5 de l'article 6 de l'accord franco-algérien. Par un arrêté du 29 novembre 2022, le préfet de la Marne a rejeté la demande de Mme C... B..., lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être éloignée. Par un arrêté du même jour, le préfet a également rejeté la demande de titre de séjour de M. A... B..., lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit. M. A... B... et Mme C... B... font appel des jugements du 5 mai 2023 par lesquels le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation de ces deux arrêtés. Parallèlement, ils ont saisi la cour de deux requêtes tendant au sursis à exécution de ces jugements.
2. Ces requêtes concernant les membres d'une même famille, il y a lieu de les joindre pour y statuer par un seul arrêt.
Sur le bien-fondé du jugement :
3. Aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) / 5) au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus ; (...) ".
4. Il ressort des pièces du dossier que M. A... B... et son épouse sont installés en France depuis 2016 avec leurs deux enfants, soit depuis près de 6 ans à la date des arrêtés en litige. Leurs deux enfants, dont leur fille née en 2017, y sont scolarisés et pratiquent des activités sportives et musicales établissant leur bonne intégration. Mme C... B... est inscrite en troisième année de licence en droit à la faculté de Reims. Quant à M. A... B..., il exerce une activité professionnelle sous le statut d'auto-entrepreneur. Les requérants, qui maîtrisent le français, établissent ainsi leur intégration sociale et professionnelle. Enfin, plusieurs membres de la famille de M. A... B... résident régulièrement en France, dont sa mère et sa sœur qui est de nationalité française. Par suite, les requérants sont fondés à soutenir qu'en refusant de leur délivrer un titre de séjour, le préfet de la Marne a méconnu les stipulations précitées du 5 de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968.
5. Il s'ensuit, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens des requêtes, que les refus de titre de séjour contestés doivent être annulés ainsi que, par voie de conséquence, les décisions portant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination.
6. Il résulte de ce qui précède que M. et Mme A... B... sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par les jugements attaqués, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté leurs demandes d'annulation des arrêtés du 29 novembre 2022.
Sur les requêtes à fin de sursis à exécution des jugements attaqués :
7. Le présent arrêt statuant sur les requêtes de M. et Mme A... B... dirigées contre les jugements attaqués, les conclusions de leurs requêtes tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution de ces jugements sont devenues sans objet.
Sur les frais de l'instance :
8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 000 euros chacun au titre des frais exposés par M. A... B... et Mme C... B... et non compris dans les dépens.
D E C I D E :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions des requêtes n° 23NC01676 et 23NC01678 de M. A... B... et de Mme C... B... à fin de sursis à exécution des jugements n° 2203028 et 2203029 du 5 mai 2023 du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne.
Article 2 : Les jugements n° 2203028 et 2203029 du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 5 mai 2023 sont annulés.
Article 3 : L'Etat versera à M. A... B... et Mme C... B... la somme de 1 000 euros chacun au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions des requêtes est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. G... A... B..., à Mme F... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée au préfet de la Marne.
Délibéré après l'audience du 20 février 2024, à laquelle siégeaient :
- M. Wurtz, président,
- M. Meisse, premier conseiller,
- M. Barteaux, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 2 avril 2024.
Le rapporteur,
Signé : S. BARTEAUX
Le président,
Signé : Ch. WURTZLe greffier,
Signé : F. LORRAIN La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
Le greffier :
F. LORRAIN
N° 23NC01675, 23NC01676, 23NC01677, 23NC01678 2