Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler l'arrêté du 16 septembre 2022, par lequel le préfet de Meurthe-et-Moselle a refusé de l'admettre au séjour, a prononcé à son encontre une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination, d'enjoindre au préfet de Meurthe-et-Moselle de lui délivrer un titre de séjour, subsidiairement de réexaminer sa situation, dans un délai de trente jours suivant la notification du jugement et, dans cette attente de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, dans un délai de huit jours à compter de la notification du jugement, sous astreinte de 100 euros par jour de retard et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros au bénéfice de son conseil en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
Par un jugement n° 2203614 du 16 mars 2023, le tribunal administratif de Nancy a rejeté la requête de M. B....
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 2 juin 2023, M. B..., représenté par Me Coche-Mainente, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nancy du 16 mars 2023 ;
2°) d'enjoindre au préfet de Meurthe-et-Moselle de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ", et subsidiairement de réexaminer sa situation, dans un délai de trente jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir et, dans cette attente de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, dans un délai de huit jours, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- les décisions contestées sont insuffisamment motivées ;
S'agissant de la décision portant refus de titre de séjour :
- la décision méconnait les dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile compte tenu de la gravité de ses troubles, de la nécessité d'un avis médical et de l'absence de traitement en Albanie ;
- la décision a été prise au regard de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et méconnait ces dispositions ;
- la décision porte une atteinte disproportionnée à son droit à une vie privée et familiale protégé par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
S'agissant de l'obligation de quitter le territoire français :
- la décision est fondée sur une décision de refus de séjour elle-même illégale ;
- la décision porte une atteinte évidente à sa vie privée et familiale protégée par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de sa situation ;
- il souffre d'une pathologie pour laquelle il n'existe pas de traitement substituable dans son pays d'origine et la décision méconnait les dispositions du 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
S'agissant de la décision fixant le pays de renvoi :
- la décision est fondée sur une décision portant refus de séjour et une décision portant obligation de quitter le territoire français elles-mêmes illégales ;
- la décision est insuffisamment motivée ;
- la décision porte atteinte à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire enregistré le 14 septembre 2023, le préfet de Meurthe-et-Moselle conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens de la requête de M. B... ne sont pas fondés.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 2 mai 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de Mme Peton, première conseillère, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant albanais né le 14 mars 1991, déclare être entré en France le 15 juillet 2017. Sa demande d'asile a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 8 novembre 2017 dont la décision a été confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 10 juillet 2018. Sa demande de réexamen de la reconnaissance du statut de réfugié a également été rejetée en 2021. Par la suite, M. B... a sollicité son admission au séjour sur le fondement de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 16 septembre 2022, le préfet de Meurthe-et-Moselle a refusé de faire droit à sa demande, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être renvoyé. M. B... relève appel du jugement du 16 mars 2023, par lequel le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la légalité de l'arrêté du 16 septembre 2022 :
2. Les décisions en litige comportent l'ensemble des considérations de droit et de fait sur lesquelles elles se fondent. Par suite, le moyen tiré du défaut de motivation manque en fait et doit être écarté.
En ce qui concerne la décision portant refus de titre de séjour :
3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" d'une durée d'un an. (...). ". Par ailleurs, aux termes de l'article R. 425-11 du même code : " Pour l'application de l'article L. 425-9, le préfet délivre la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'office et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. (...). ". Aux termes de l'article R. 425-12 du même code : " Le rapport médical mentionné à l'article R. 425-11 est établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration à partir d'un certificat médical établi par le médecin qui suit habituellement le demandeur ou par un médecin praticien hospitalier inscrits au tableau de l'ordre, dans les conditions prévues par l'arrêté mentionné au deuxième alinéa du même article. (...) Sous couvert du directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration le service médical de l'office informe le préfet qu'il a transmis au collège de médecins le rapport médical. (...) Lorsque l'étranger dépose une demande de renouvellement de titre de séjour, le récépissé est délivré dès la réception, par le service médical de l'office, du certificat médical mentionné au premier alinéa. (...) ". Aux termes de l'article R. 425-13 de ce code : " Le collège à compétence nationale mentionné à l'article R. 425-12 est composé de trois médecins, il émet un avis dans les conditions de l'arrêté mentionné au premier alinéa du même article. La composition du collège et, le cas échéant, de ses formations est fixée par décision du directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. Le médecin ayant établi le rapport médical ne siège pas au sein du collège. (...) L'avis est rendu par le collège dans un délai de trois mois à compter de la transmission du certificat médical. (...) ". Enfin, l'article 5 de l'arrêté susvisé du 27 décembre 2016 dispose que : " Le collège de médecins à compétence nationale de l'office comprend trois médecins instructeurs des demandes des étrangers malades, à l'exclusion de celui qui a établi le rapport. (...) ".
4. La partie qui justifie d'un avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration allant dans le sens de ses dires doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour ainsi que la disponibilité du traitement approprié. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires.
5. Le préfet de Meurthe-et-Moselle a considéré, au regard de l'avis rendu par le collège de médecins de l'OFII le 22 février 2022, que si l'état de santé de M. B... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, l'intéressé peut effectivement bénéficier du traitement approprié en Albanie d'une part, et que son état de santé peut lui permettre de voyager sans risque d'autre part. Le requérant soutient qu'il souffre d'une épilepsie focale temporale, secondaire à une malformation corticale de type hétérotopies nodulaire de la substance grise en périventriculaire, ce qui n'est pas contesté. En revanche, si M B... soutient que le traitement approprié n'est pas disponible dans son pays d'origine, il ne l'établit pas au moyen des seuls documents qu'il produit. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.
6. En deuxième lieu, contrairement à ce que soutient M. B..., la décision portant refus de séjour ne se fonde par sur les dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par ailleurs, M. B... n'établissant pas avoir sollicité son admission au séjour sur ce fondement, le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions doit être écarté comme inopérant.
7. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
8. M. B... se prévaut d'une présence de cinq années sur le territoire français. Toutefois, il est célibataire, sans enfant, et est entré récemment en France après avoir vécu la majeure partie de sa vie dans son pays d'origine. Par ailleurs, et alors que M. B... ne produit aucun élément de nature à établir son insertion dans la société française, il ressort des pièces du dossier qu'il a été interpellé le 27 août 2019 pour des faits de vols et a fait l'objet d'une précédente mesure d'éloignement le 28 août 2019 qu'il s'est abstenu d'exécuter. En conséquence, dans les circonstances de l'espèce, eu égard notamment aux conditions de séjour de l'intéressé en France, le préfet n'a pas porté une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée et familiale de M. B... par rapport au but en vue duquel la décision de refus de séjour a été prise. Dès lors le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté. Et, pour les mêmes motifs, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation da la situation personnelle de M. B... doit être également écarté.
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
9. En premier lieu, pour les motifs précédemment exposés, la décision portant refus de titre de séjour n'est pas entachée d'illégalité. Par suite, l'exception d'illégalité du refus titre invoquée à l'encontre de la décision portant obligation de quitter le territoire doit être écartée.
10. En deuxième lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 8, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation commise par le préfet doivent être écartés.
11. En dernier lieu, aux termes de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français : / (...) / 9° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ".
12. Ainsi qu'il l'a été constaté au point 5, M. B... n'établit pas qu'il ne pourrait pas bénéficier d'une prise en charge médicale appropriée en Albanie. En conséquence, le moyen tiré de la méconnaissance du 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.
En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :
13. En premier lieu, les moyens dirigés contre les décisions de refus de titre de séjour et portant obligation de quitter le territoire français ayant été écartés, l'exception d'illégalité de ces décisions, invoquée par le requérant à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision fixant le pays de destination, ne peut qu'être écartée par voie de conséquence.
14. La décision attaquée comporte les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Le préfet a notamment rappelé que M. B... est de nationalité albanaise, et n'établit pas que sa vie ou sa liberté sont menacées dans son Etat d'origine. En conséquence la décision contestée est suffisamment motivée.
15. En deuxième lieu, M. B... soutient que la décision entachée d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors que le défaut de traitement effectif dans l'hypothèse d'un renvoi en Géorgie mettrait un terme aux progrès accomplis et aurait des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Toutefois, au regard de ce qui a été constaté précédemment, le moyen ne pourra qu'être écarté.
16. En dernier lieu, si M. B... soutient que la décision porte atteinte à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, il n'apporte aucun élément probant au soutien de ses allégations. Par suite, le moyen doit être écarté.
17. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande. Il y a lieu de rejeter, par voie de conséquence, les conclusions aux fins d'injonction et celles tendant à l'application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à A... B..., Me Coche-Mainente et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée au préfet du Bas-Rhin.
Délibéré après l'audience du 26 mars 2024, à laquelle siégeaient :
- Mme Guidi, présidente
- Mme Peton, première conseillère,
- Mme Mosser, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 16 avril 2024.
La rapporteure,
Signé : N. PetonLa présidente,
Signé : L. Guidi
La greffière,
Signé : M. C...
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
M.C...
2
N° 23NC01735