Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... D... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler la décision du 26 juillet 2021 par lequel la préfète de Meurthe-et-Moselle a refusé de l'admettre au séjour.
Par un jugement n° 2103661 du 22 septembre 2022, le tribunal administratif de Nancy a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 26 juin 2023, M. D..., représenté par Me Chaib, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler l'arrêté attaqué ;
3°) d'enjoindre à la préfète de Meurthe-et-Moselle de lui délivrer un titre de séjour mention " salarié " dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros sur les fondements des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- la décision a été prise par une autorité incompétente ;
- son identité et son état civil sont justifiés par les actes d'état civil qu'il a produits et dont l'administration ne renverse pas la présomption d'authenticité prévue à l'article 47 du code civil ;
- il remplit les conditions prévues par les articles L. 435-3, L. 435-1 et L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le refus de séjour viole l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire enregistré le 21 juillet 2023, la préfète de Meurthe-et-Moselle conclut au rejet de la requête.
M. D... a été admis à l'aide juridictionnelle totale par décision du 11 avril 2023.
Vu :
- les autres pièces du dossier.
Vu :
- la constitution ;
- le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;
- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le code civil ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret 91-1266 du 19 décembre 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement convoquées à l'audience publique.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience publique.
Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Agnel.
Considérant ce qui suit :
1. M. D..., ressortissant malien, serait né le 28 octobre 2022 et a déclaré être entré en France en janvier 2019. Par un jugement du 15 avril 2019, du tribunal de grande instance de Nancy, il a été placé auprès des services de l'aide sociale à l'enfance de Meurthe-et-Moselle. Par une demande du 2 novembre 2020, il a sollicité la délivrance d'un titre de séjour en sa qualité de jeune majeur et à titre exceptionnel. Par une décision du 26 juillet 2021, le préfet de Meurthe-et-Moselle lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour. M. D... relève appel du jugement du 22 septembre 2022 par lequel le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision.
2. M. D... reprend en appel le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de la décision attaquée. Il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus à juste titre par le jugement attaqué.
3. Aux termes de l'article R. 431-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui demande la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour présente les documents justifiant de son état civil et de sa nationalité (...) ". Aux termes de l'article L. 811-2 du même code : " La vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil ". Aux termes de l'article 47 du code civil : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité ".
4. Il résulte de ces dispositions de l'article 47 du code civil qu'en cas de doute sur l'authenticité ou l'exactitude d'un acte de l'état civil étranger et pour écarter la présomption d'authenticité dont bénéficie un tel acte, l'autorité administrative procède aux vérifications utiles. Si l'article 47 du code civil pose une présomption de validité des actes d'état civil établis par une autorité étrangère dans les formes usitées dans ce pays, il incombe à l'administration de renverser cette présomption en apportant la preuve, par tout moyen, du caractère irrégulier, falsifié ou non conforme à la réalité des actes en question. En revanche, l'autorité administrative n'est pas tenue de solliciter nécessairement et systématiquement les autorités d'un autre État afin d'établir qu'un acte d'état civil présenté comme émanant de cet État est dépourvu d'authenticité, en particulier lorsque l'acte est, compte tenu de sa forme et des informations dont elle dispose sur la forme habituelle du document en question, manifestement falsifié.
5. Afin de justifier de son identité et de sa date de naissance, M. D... a produit des documents d'identité et d'état civil établis à partir d'un jugement supplétif tenant lieu d'acte de naissance supposé avoir été rendu le 30 novembre 2018 sur une requête qui aurait été introduite le 26 octobre 2018 par Mme A... C..., mère de l'intéressé. Il ressort cependant de la décision attaquée, et il n'est pas contesté, que M. D... a fait valoir à l'appui de sa demande de titre de séjour que sa mère est décédée en 2016. Dès lors, le document présenté comme un jugement supplétif tenant lieu d'acte de naissance doit être regardé comme un faux. Il en résulte que tous les documents d'identité et d'état civil établis sur la base de ce faux sont eux-mêmes des faux. Par suite, l'autorité préfectorale doit être regardée comme ayant renversé la présomption d'authenticité attachée aux documents présentés par M. D... et pour ce motif a pu lui refuser le titre de séjour sollicité.
6. Ayant à juste titre estimé que M. D... n'avait pas justifié de son identité et de sa date de naissance, l'autorité administrative a pu sans commettre d'erreur de droit, ni erreur d'appréciation refuser d'examiner la demande de titre de séjour présentée sur le fondement des articles L. 435-3, L. 435-1 et L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
7. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
8. Il ressort des pièces du dossier que le séjour en France de M. D..., entré sur le territoire national au cours du mois de février 2019 suivant ses déclarations, est encore récent. M. D... est célibataire et sans charges de famille et il ne soutient pas être dépourvu d'attaches dans son pays d'origine, hormis le décès de sa mère en 2016. En outre, il ne fait état d'aucune précision ni n'apporte aucun élément sur les liens personnels qu'il a pu nouer en France. Alors même qu'il a bénéficié d'un contrat d'apprentissage, il ne peut se prévaloir d'aucune insertion dans la société française. Ainsi, eu égard à la durée et aux conditions du séjour en France de l'intéressé et malgré la formation qu'il a suivie, la décision lui refusant un titre de séjour ne porte pas à son droit de sa vie privée ou familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels elle a été prise et ne méconnaît pas, dès lors, l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et ne repose pas sur une appréciation manifestement erronée de sa situation.
9. Il résulte de tout ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande. Par suite, sa requête doit être rejetée en toutes ses conclusions y compris celles tendant à l'application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... D..., à Me Chaib et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie du présent arrêt sera transmise à la préfète de Meurthe-et-Moselle.
Délibéré après l'audience du 4 avril 2024, à laquelle siégeaient :
M. Martinez, président de chambre,
M. Agnel, président assesseur,
Mme Brodier, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 13 mai 2024.
Le rapporteur,
Signé : M. AgnelLe président,
Signé : J. Martinez
La greffière,
Signé : C. Schramm
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
C. Schramm
N° 23NC02069 2