Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler, pour excès de pouvoir, la décision du 9 juillet 2018 par laquelle l'inspectrice du travail de l'unité départementale des Ardennes a autorisé la société Ardennaise Industrielle à le licencier pour motif économique.
Par un jugement no 1801903 du 17 janvier 2020, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande.
Par un arrêt n° 20NC00688 du 7 juillet 2022, la cour administrative d'appel de Nancy a, sur appel de M. A..., annulé ce jugement et cette décision et a mis à la charge de l'Etat et de la société Ardennaise Industrielle la somme de 1 000 euros chacun.
Par une décision n° 467397 du 28 décembre 2023, le Conseil d'Etat statuant au contentieux a, saisi d'un pourvoi présenté pour la société Ardennaise Industrielle, annulé l'arrêt de la cour administrative d'appel de Nancy en date du 7 juillet 2022 et a renvoyé l'affaire devant la même cour.
Procédure devant la cour :
Productions présentées avant le renvoi :
Par une requête et un mémoire, enregistrés respectivement les 16 mars 2020 et 29 octobre 2021, M. A..., représenté par la SCP Ledoux Ferri Riou-Jacques Touchon Mayolet, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 17 janvier 2020 ;
2°) d'annuler la décision de l'inspectrice du travail du 9 juillet 2018 ;
3°) de mettre à la charge de la société Ardennaise Industrielle et de l'Etat la somme de 2 000 euros, chacun, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
S'agissant de la régularité du jugement attaqué :
- les mémoires présentés en première instance par la société SAI ne sont pas recevables, cette société ne pouvant pas porter les réclamations de la société EHPF devant la juridiction sans méconnaître les stipulations de l'article 6, § 1er de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
S'agissant de la légalité de la décision de l'inspectrice du travail :
- la décision en litige est entachée de défaut de motivation, en l'absence de visa des procédures engagées contre la société EHPF et en ce qui concerne le périmètre de l'obligation de reclassement ;
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation dès lors que les opérateurs " moteur universel " n'ont pas été regroupés au sein de la catégorie professionnelle des agents de fabrication si bien que son poste ne fait pas partie des postes supprimés ;
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation quant à la mise en œuvre des critères d'ordre des licenciements ;
- la suppression de son poste procède d'une discrimination à l'encontre des salariés protégés de la société, dans un contexte social très tendu ;
- la décision en litige est entachée d'une erreur de droit et d'erreur d'appréciation, dès lors que les licenciements n'ont pas été valablement autorisés ;
- il n'a pas été tenu compte de l'absence de mise en œuvre des mesures devant intervenir avant la présentation du CSP aux salariés ;
- l'obligation de reclassement a été méconnue dès lors que les offres au sein de la société Sourdillon lui ont été adressées trop tardivement pour qu'il puisse se positionner, qu'aucune recherche complémentaire n'a été menée entre le 26 février et le 7 juin 2018 au sein du groupe Selni, qu'aucune recherche n'a été menée au sein de la société Delta Dore, et que la recherche de reclassement au sein du groupe Selni n'était nullement individualisée ;
- il n'a fait l'objet d'aucune offre de reclassement externe ;
- il n'a pas bénéficié des mêmes perspectives de reclassement externe que les autres salariés ;
- l'inspectrice du travail n'a pas examiné s'il existait une situation de co-emploi avec la société EHPF ;
- la situation de co-emploi imposait de vérifier le respect de l'obligation de reclassement au sein de la société EHPF ;
- compte tenu de la situation de co-emploi, la demande d'autorisation de licenciement aurait dû être présentée par la société EHPF et non par l'administrateur de la société Ardennaise Industrielle ;
- même en l'absence de co-emploi, le reclassement devait être recherché au sein de la société EHPF et du groupe Electrolux.
Par des mémoires, enregistrés les 17 novembre 2020 et 19 novembre 2021, la société Ardennaise Industrielle, représentée par Me Bordier du cabinet Capstan LMS, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de M. A... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.
Par un mémoire en défense, enregistré le 10 décembre 2021, la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion conclut au rejet de la requête.
Elle soutient qu'elle s'en rapporte aux écritures qu'elle a produites en première instance.
Productions présentées après le renvoi :
Par des mémoires, enregistrés les 30 janvier et 2 juillet 2024, M. A..., représenté par la SCP Ledoux Ferri Riou-Jacques Touchon Mayolet, conclut aux mêmes fins que ses précédentes écritures.
Il développe les mêmes moyens et fait valoir les mêmes arguments et ajoute que :
- le délai de réflexion de sept jours pour se positionner sur les propositions de reclassement n'a pas été satisfait ;
- les recherches de reclassement interne auraient dû être réitérées dès lors que, d'une part, cela était prévu par le plan de sauvegarde de l'emploi et, d'autre part, que c'était nécessaire compte tenu de l'évolution de la situation du groupe ;
- la société Selni Epierre n'a pas été interrogée et il n'est pas établi qu'elle aurait été dans l'incapacité de proposer des postes de reclassement.
Par un mémoire en défense, enregistré le 1er mars 2024, la société Ardennaise Industrielle, représentée par Me Bordier et Me Lafage du cabinet Capstan LMS, conclut aux mêmes fins que ses précédentes écritures.
Elle soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Par un mémoire en défense, enregistré le 2 juillet 2024, la ministre du travail, de la santé et des solidarités conclut au rejet de la requête.
Elle soutient qu'elle s'en rapporte aux écritures qu'elle a produites en première instance.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de commerce ;
- le code du travail ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Brodier,
- les conclusions de Mme Mosser, rapporteure publique,
- les observations de Me Lafage, avocat de la société Ardennaise Industrielle.
Considérant ce qui suit :
1. En procédure de redressement judiciaire depuis un jugement du tribunal de commerce de Compiègne du 3 janvier 2018, la société Ardennaise Industrielle a fait l'objet d'un plan de cession partielle au profit de la société Delta Dore arrêté par un jugement du même tribunal du 16 mai 2018, par lequel était également autorisé le licenciement des cent cinquante-sept salariés non inclus dans le périmètre de reprise. Par une décision du 30 mai 2018, la directrice régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi de la région Grand Est a homologué le document unilatéral relatif au projet de licenciement économique collectif de l'entreprise société Ardennaise Industrielle. Le 13 juin 2018, l'administrateur judiciaire désigné par le tribunal de commerce de Compiègne pour représenter la société a sollicité l'autorisation de licencier dix-neuf salariés protégés sur les vingt-cinq que comptait l'entreprise. Par une décision du 9 juillet 2018, l'inspectrice du travail de la 2ème section de l'unité départementale des Ardennes a autorisé le licenciement pour motif économique de M. A..., qui avait la qualité de salarié protégé au titre de son mandat de membre du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT). Par un jugement du 17 janvier 2020, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté la demande de M. A... tendant à l'annulation de cette décision. Par un arrêt du 7 juillet 2022, la cour administrative de Nancy a annulé la décision du 9 juillet 2018. Sur pourvoi introduit par la société Ardennaise Industrielle, le Conseil d'Etat a, par une décision du 28 décembre 2023, annulé l'arrêt de la cour et renvoyé l'affaire devant la même cour.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Il ressort du jugement attaqué qu'il vise et analyse les mémoires en défense présentés pour la société Ardennaise Industrielle, en son nom et pour son compte, laquelle avait été mise en cause en sa qualité d'employeur auquel l'inspectrice du travail avait, par sa décision en litige, accordé l'autorisation de licenciement sollicitée. Contrairement à ce que soutient M. A..., la société Ardennaise Industrielle ne peut être regardée comme ayant agi en justice au nom de la société EHPF. Par suite, le moyen tiré de ce que les premiers juges auraient à tort admis la recevabilité des mémoires de la société Ardennaise Industrielle ne peut qu'être écarté.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
3. En vertu des dispositions du code du travail, le licenciement des salariés légalement investis de fonctions représentatives, qui bénéficient d'une protection exceptionnelle dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, ne peut intervenir que sur autorisation de l'inspecteur du travail. Lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, il ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé.
En ce qui concerne la légalité externe :
4. Les dispositions de l'article R. 2421-12 du code du travail, dans leur version applicable à la date de la décision en litige, prévoient que : " La décision de l'inspecteur du travail est motivée ".
5. D'une part, il ressort de la décision en litige qu'elle mentionne, au titre des éléments relatifs à la situation de l'entreprise, le jugement du 3 janvier 2018 par lequel le tribunal de commerce de Compiègne a ouvert une procédure de redressement judiciaire au profit de la société Ardennaise Industrielle ainsi que le jugement du 16 mai 2018 par lequel cette même juridiction a arrêté le plan de cession partielle de la société, a ordonné la reprise de vingt-quatre contrats de travail et autorisé le licenciement pour motif économique du personnel non inclus dans le périmètre de reprise et vise la décision d'homologation du document unilatéral portant sur le projet de licenciement économique collectif donnant lieu à la mise en œuvre du plan de sauvegarde de la DIRECCTE du 30 mai 2018. L'inspectrice du travail indique que le motif économique est avéré. Contrairement à ce que le requérant soutient, elle n'avait pas à faire état du jugement du 23 février 2018 par lequel le tribunal de commerce de Compiègne a étendu la procédure de redressement judiciaire à la société Electrolux Home Products France (EHPF), dont l'exécution provisoire a été suspendue par une ordonnance de la présidente de la cour d'appel d'Amiens du 26 avril 2018. D'autre part, en ce qui concerne l'obligation de reclassement, il ressort des termes mêmes de la décision en litige qu'elle fait état des postes de reclassement interne proposés à M. A..., des recherches de reclassement externe effectuées ainsi que des mesures d'accompagnement prévues par le plan de sauvegarde de l'emploi. Par suite, le moyen tiré du défaut de motivation manque en fait et doit être écarté.
En ce qui concerne la légalité interne :
S'agissant de l'auteur de la demande d'autorisation de licenciement :
6. Il ressort des dispositions des articles L. 2421-1 et suivants du code du travail que les demandes d'autorisation de licenciement pour motif économique adressées à l'inspecteur du travail doivent être formulées par l'employeur. Une décision d'autorisation de licenciement n'est donc légale que si la demande a été présentée par l'employeur lui-même ou par une personne ayant qualité pour agir en son nom.
7. D'une part, le requérant ne saurait utilement se prévaloir de l'existence d'une situation de co-emploi entre la société Ardennaise Industrielle et la société EHPF pour contester la qualité de l'auteur de la demande d'autorisation de le licencier.
8. D'autre part, le requérant ne saurait pas plus utilement se prévaloir de l'arrêt du 17 juillet 2018 par lequel la cour d'appel d'Amiens a étendu la procédure de redressement judiciaire de la SAI à la société EHPF au motif que la première était fictive et que la seconde était la seule maître de l'affaire, dès lors que cet arrêt n'a été rendu que postérieurement à la décision en litige. Au demeurant, la Cour de cassation a, par un arrêt du 11 mars 2020, cassé et annulé cette décision d'extension de la procédure judiciaire. Par ailleurs, et ainsi qu'il a été dit précédemment, l'exécution du jugement du 23 février 2018 par lequel le tribunal de commerce de Compiègne avait lui-même décidé d'étendre la procédure de redressement à EHPF était suspendue lorsque l'administrateur judiciaire de la société Ardennaise Industrielle a saisi l'inspectrice du travail de la demande d'autorisation de licencier le requérant.
9. Enfin, il ressort des pièces du dossier que la SAI, qui est une personne morale distincte de la société EHPF, appartient au groupe Selni, qui l'a acquise le 1er novembre 2014, et non au groupe Electrolux. Par ailleurs, si le requérant invoque la participation financière de la société EHPF pour financer non seulement le chômage partiel subi par les salariés de la société Ardennaise Industrielle avant l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire mais aussi les mesures du plan de sauvegarde de l'emploi, ces circonstances ne sont pas de nature à établir que la société Ardennaise Industrielle aurait dû être regardée comme n'étant pas le véritable employeur de ses salariés. Par suite, le requérant n'est pas fondé à soutenir que la demande d'autorisation de licenciement n'a pas été introduite par son employeur.
S'agissant du motif économique du licenciement :
10. Dans le cas où la demande de licenciement présentée par l'employeur est fondée sur un motif de caractère économique, il appartient à l'inspecteur du travail et, le cas échéant, au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si la situation de l'entreprise justifie le licenciement du salarié. A ce titre, lorsque la demande d'autorisation de licenciement pour motif économique est fondée sur la cessation d'activité de l'entreprise, il n'appartient pas à l'autorité administrative de contrôler si cette cessation d'activité est justifiée par l'existence de mutations technologiques, de difficultés économiques ou de menaces pesant sur la compétitivité de l'entreprise. Il lui incombe en revanche de contrôler que la cessation d'activité de l'entreprise est totale et définitive, en tenant compte, à cet effet, à la date à laquelle elle se prononce, de tous les éléments de droit ou de fait recueillis lors de son enquête qui sont susceptibles de remettre en cause le caractère total et définitif de la cessation d'activité. Lorsque l'entreprise appartient à un groupe, la circonstance qu'une autre entreprise du groupe ait poursuivi une activité de même nature ne fait pas, par elle-même, obstacle à ce que la cessation d'activité de l'entreprise soit regardée comme totale et définitive. En revanche, le licenciement ne saurait être autorisé s'il apparait que le contrôle de travail du salarié doit être regardé comme transféré à un nouvel employeur. Il en va de même s'il est établi qu'une autre entreprise est, en réalité, le véritable employeur du salarié.
11. En premier lieu, il ressort de ce qui a été dit au point 5 du présent arrêt que, pour estimer que le motif économique était avéré, l'inspectrice du travail a tenu compte de ce que, par le jugement du 16 mai 2018, le tribunal de commerce de Compiègne avait autorisé la suppression des cent cinquante-sept postes non repris par la société Delta Dore. L'autorité attachée à la chose jugée par le tribunal de commerce interdisait à l'autorité administrative de contrôler à nouveau l'existence du motif économique. Par ailleurs, et en tout état de cause, contrairement à ce que le requérant soutient, il n'appartenait à l'autorité administrative d'apprécier ni la régularité ni le bien-fondé de ce jugement. En outre, la circonstance que les salariés ne disposent pas de voie de recours pour contester ce jugement du tribunal de commerce est sans incidence sur le contrôle exercé par l'autorité administrative sur le motif économique du licenciement. Enfin, le requérant ne saurait ainsi utilement soutenir, pour contester la décision en litige, que le tribunal de commerce n'était pas compétent pour autoriser les licenciements, ni que les postes de la branche d'activité reprise par la société Delta Dore dans le cadre du plan de cession validé par ce même jugement n'avaient pas été valablement supprimés. Est également sans incidence la circonstance que la société SAI n'était pas encore liquidée et qu'elle demeurait en période d'observation. Par suite, le moyen tiré de l'erreur de droit commise par l'inspectrice du travail dans son contrôle ne peut qu'être écarté.
12. En deuxième lieu, pour les mêmes motifs que ceux énoncés ci-dessus, M. A... n'est pas fondé à soutenir que la société EHPF serait le véritable employeur des salariés de la société Ardennaise Industrielle. Par ailleurs, il ne saurait utilement, pour contester le motif économique tiré de la cessation totale et définitive d'activité de l'entreprise qui l'employait, invoquer une situation de co-emploi entre son employeur et la société EHPF. Par suite, il n'est pas fondé à soutenir que la décision en litige serait entachée d'erreur d'appréciation quant à la réalité du motif économique qui la fonde.
S'agissant du poste supprimé :
13. D'une part, M. A... indique qu'il exerçait en dernier lieu des fonctions d'opérateur ou de monteur " moteur universel " au sein de l'entreprise Ardennaise Industrielle, ce qui n'est pas contesté par la société. Il ressort des pièces du dossier que son poste a été classé dans la catégorie professionnelle des " agents de fabrication / opérateurs / opérateurs-régleurs / responsables d'îlot / conducteurs de ligne / contrôleur qualité ". Le requérant n'apporte aucune précision permettant de considérer que le fait d'être opérateur sur la ligne de production " moteurs universels " le distinguerait de tout autre opérateur au sein de l'entreprise ni par suite que son poste n'aurait pas dû être identifié comme relevant de cette catégorie.
14. D'autre part, la société Ardennaise Industrielle a produit, à hauteur d'appel, le tableau relatif à la mise en œuvre des critères d'ordre au sein de cette catégorie professionnelle dont il ressort que M. A... se classait 45ème sur 105 salariés. Le requérant ne conteste pas la mise en œuvre des critères d'ordre le concernant. Par suite, et alors que seuls quatre postes de la catégorie était repris par la société Delta Dore et que le jugement du tribunal de commerce de Compiègne du 16 mai 2018 autorisait le licenciement des cent-un autres salariés relevant de cette catégorie professionnelle, M. A... n'est pas fondé à soutenir que son poste ne faisait pas partie des postes supprimés.
15. Enfin, M. A... ne saurait à cet égard utilement remettre en cause, dans le cadre de la contestation de la décision administrative autorisant son licenciement, les catégories professionnelles telles qu'elles ont été délimitées dans le document unilatéral, lequel a été homologué par une décision de la DIRECCTE qui n'a au demeurant pas été contestée. Enfin, il ne saurait davantage invoquer l'existence d'un climat social tendu au sein de la société ou encore le caractère discriminatoire du critère des qualités professionnelles pour les salariés protégés par rapport aux autres salariés. En tout état de cause, les contrats de six salariés ayant la qualité de salariés protégés, et non seulement de trois, contrairement à ce que le requérant indique, ont été transférés à la société Delta Dore. Par suite, le moyen tiré d'une discrimination dans la détermination des catégories professionnelles et des critères d'ordre des licenciements ne peut qu'être écarté.
16. Il résulte de ce qui précède que l'inspectrice du travail a pu, sans entacher sa décision ni d'erreur d'appréciation ni d'erreur de droit, constater que son poste d'opérateur " moteur universel " n'avait pas été repris et avait été supprimé.
S'agissant du reclassement interne :
17. L'article L. 1233-4 du code du travail dispose : " Le licenciement pour motif économique d'un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l'intéressé ne peut être opéré sur les emplois disponibles, situés sur le territoire national dans l'entreprise ou les autres entreprises du groupe dont l'entreprise fait partie et dont l'organisation, les activités ou le lieu d'exploitation assurent la permutation de tout ou partie du personnel. / Pour l'application du présent article, la notion de groupe désigne le groupe formé par une entreprise appelée entreprise dominante et les entreprises qu'elle contrôle dans les conditions définies à l'article L. 233-1, aux I et II de l'article L. 233-3 et à l'article L. 233-16 du code de commerce. / (...) / L'employeur adresse de manière personnalisée les offres de reclassement à chaque salarié ou diffuse par tout moyen une liste des postes disponibles à l'ensemble des salariés, dans des conditions précisées par décret. / Les offres de reclassement proposées au salarié sont écrites et précises ".
18. Il résulte de ces dispositions que, pour apprécier si l'employeur a satisfait à son obligation en matière de reclassement, l'autorité administrative doit s'assurer, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, qu'il a procédé, jusqu'à sa décision, à une recherche sérieuse des possibilités de reclassement du salarié sur des emplois disponibles sur le territoire national, tant au sein de l'entreprise que dans les entreprises du groupe auquel elle appartient, ce dernier étant entendu, à ce titre, comme les entreprises dont l'organisation, les activités ou le lieu d'exploitation permettent, en raison des relations qui existent avec elles, d'y effectuer la permutation de tout ou partie de son personnel.
19. En outre, lorsque l'employeur est tenu de mettre en œuvre un plan de sauvegarde de l'emploi comportant des mesures destinées à favoriser le reclassement des salariés dont le licenciement ne peut être évité, il appartient à l'autorité administrative saisie d'une demande d'autorisation de licenciement pour motif économique, de s'assurer que la procédure de consultation des représentants du personnel a été respectée, que l'employeur a rempli ses obligations de reclassement et que les salariés protégés ont accès aux mesures prévues par le plan dans des conditions non discriminatoires. Il ne lui appartient pas, en revanche, d'apprécier la validité du plan de sauvegarde de l'emploi, dès lors que l'autorisation de licenciement ne fait pas obstacle à ce que le salarié puisse ultérieurement contester cette validité devant la juridiction compétente.
20. Par ailleurs, pour apprécier le caractère sérieux de la recherche de possibilités de reclassement mise en œuvre par une entreprise pour laquelle une procédure collective a été ouverte, il appartient, le cas échéant, au juge administratif de rechercher au préalable si, au vu des éléments communiqués par l'administrateur judiciaire, les difficultés économiques rencontrées par les sociétés du groupe ou, le cas échéant, les spécificités de leur activité, emportaient, à ce stade, l'absence de nouveau poste disponible pour les salariés concernés et faisaient ainsi obstacle à ce qu'il réitère auprès d'elles ses recherches de possibilités de reclassement avant l'intervention de la décision d'autorisation de licenciement.
21. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que l'administrateur judiciaire de la société Ardennaise Industrielle s'est adressé, par un courrier du 21 février 2018 envoyé en recommandé ainsi que par voie électronique, à la société Selni Investissement, à la société Selni Epierre, à la société Idema, à la société Selni Group, à la SCI d'Epierre, à la société nouvelle Sourdillon et à la société Selni, afin de connaître l'existence d'emplois disponibles correspondant à ceux occupés par les salariés qui ne pourraient pas être repris. Il y était précisé que ces emplois devaient être compatibles avec la qualification des salariés, équivalents moyennant une formation adaptée de courte durée, ou bien des emplois de catégorie inférieure, et le cas échéant de courte durée. Etaient annexés à ces différents courriers l'état des catégories professionnelles ainsi que la liste des informations individualisées concernant le personnel. Ces éléments joints permettent d'établir le caractère suffisamment ciblé des recherches de reclassement.
22. En deuxième lieu, en ce qui concerne le périmètre des recherches de reclassement interne, si la société Ardennaise Industrielle a été créée par la société EHPF en novembre 2013, elle a été cédée à la société Selni Investissements le 1er novembre 2014 et appartenait depuis au seul groupe Selni. Ainsi qu'il ressort du plan de sauvegarde de l'emploi contenu dans le document unilatéral homologué le 30 mai 2018, le périmètre des recherches de reclassement interne était par conséquent circonscrit aux autres sociétés du groupe Selni. Le requérant ne saurait ainsi utilement soutenir que les recherches de reclassement devaient s'étendre à la société Delta Dore ou encore à la société EHPF ou au groupe Electrolux. Par ailleurs, ni le jugement du tribunal de commerce de Compiègne du 23 février 2018, au demeurant suspendu à la date de la décision en litige, ni l'arrêt de la cour d'appel d'Amiens du 17 juillet 2018, au demeurant postérieur à cette décision, n'ont eu pour objet ou pour effet d'impliquer une modification du périmètre de ces recherches.
23. En troisième lieu, il n'est pas contesté que seule la société Sourdillon a indiqué disposer de postes non pourvus à offrir au titre du reclassement interne, tandis que les sociétés Selni Group et Selni Investissement ont répondu, par des courriers annexés au document unilatéral du 30 avril 2018, ne pas en avoir. Si la société Ardennaise Industrielle ne produit pas les accusés de réception qui permettraient d'attester que les courriers de recherche sont bien parvenus aux autres sociétés du groupe Selni, il ressort du document unilatéral établi par cette dernière et homologué par la DIRECCTE qu'il a été justifié de ces recherches sérieuses de reclassement. Par ailleurs, il ressort des pièces du dossier, d'une part, que la société Selni, dont l'établissement était situé à Nevers, avait fait l'objet d'un jugement de liquidation judiciaire dès le 21 mars 2018, d'autre part que la société Idema a fait l'objet d'un jugement de liquidation judiciaire postérieurement, le 17 septembre 2018. Ces procédures collectives qui ont abouti au cours de la même année 2018 établissent la réalité des difficultés économiques rencontrées par les sociétés du groupe Selni et la raréfaction corollaire de potentiels postes de reclassement au sein du groupe. Enfin, il ressort également des pièces du dossier que les sociétés Idema et Selni Epierre avaient pour domaines d'activité respectifs la recherche et développement et l'électronique, selon les mentions portées sur le document unilatéral, dont il n'est pas établi qu'ils permettraient la permutation de tout ou partie du personnel de la société Ardennaise Industrielle. Dans les conditions particulières de l'espèce, et alors même qu'il n'y a pas eu de réitération des recherches de reclassement, l'employeur de M. A... doit, à la date de la décision de l'inspectrice du travail, être regardé comme ayant procédé à une recherche sérieuse des possibilités de reclassement au sein des entreprises du groupe Selni auquel la société Ardennaise Industrielle appartenait.
24. En quatrième lieu, il ressort du courrier du 31 mai 2018 produit par la société Ardennaise Industrielle que M. A... s'est vu proposer un poste de reclassement interne, celui d'opérateur régleur sur ligne d'assemblage robinets à sécurité. Ce courrier lui proposait également, dans le cas où il disposerait d'autres qualifications que celles liées au poste qu'il occupait alors, de postuler sur deux autres postes disponibles au sein de la société Sourdillon, dont les caractéristiques lui étaient précisées. Un délai de réflexion courant jusqu'au 6 juin 2018 à 17 heures lui était laissé pour faire parvenir sa réponse. Si le requérant allègue, sans au demeurant l'établir, n'avoir reçu ce courrier que le 7 juin 2018, il ressort des pièces du dossier que la convocation à l'entretien préalable, qui lui a été remise en main propre le 5 juin 2018, mentionnait qu'il disposait " d'un délai de réflexion de sept jours " à ce titre. Le délai de réflexion doit ainsi être regardé, dans les circonstances de l'espèce, comme ayant couru au plus tard à compter du 5 juin 2018. La demande d'autorisation de licenciement ayant été formée le 13 juin 2018, M. A... a ainsi bénéficié d'un délai de sept jours, conformément aux dispositions du plan de sauvegarde de l'emploi contenues dans le document unilatéral. Le requérant ne s'est pas manifesté, pendant ce délai, auprès de l'administrateur judiciaire de la société Ardennaise Industrielle pour s'enquérir de celles-ci. Par suite, M. A... n'est pas fondé à soutenir qu'il n'a pas disposé de la garantie de délai de réflexion prévue par le plan de sauvegarde de l'emploi pour répondre aux offres de reclassement qui lui avaient été faites.
25. Il résulte de ce qui précède que, compte tenu du périmètre des recherches de reclassement et de la situation des différentes sociétés appartenant au groupe Selni, M. A..., qui a refusé l'offre de reclassement qui lui avait été proposée et n'allègue pas que d'autres postes de reclassement auraient existé, n'est pas fondé à soutenir que son employeur aurait méconnu son obligation de reclassement interne.
S'agissant du reclassement externe :
26. Au titre du contrôle qui lui incombe, l'inspecteur du travail doit uniquement vérifier si l'employeur a satisfait à son obligation procédurale en matière de recherche de reclassement externe, qu'elle soit légale, conventionnelle ou résulte, le cas échéant, du document unilatéral homologué ou de l'accord collectif validé par la DIRECCTE. En revanche, il ne lui appartient pas de vérifier le respect par l'employeur de son obligation substantielle de reclassement externe, et notamment le caractère suffisant des recherches accomplies à ce titre.
27. En premier lieu, d'une part, il ressort des mentions de la décision en litige que, dans le cadre de son contrôle de la régularité de la procédure suivie par l'employeur, l'inspectrice du travail a vérifié que des recherches de reclassement externe avaient été réalisées. La société Ardennaise Industrielle produit d'ailleurs les courriers que son administrateur judiciaire a adressés aux commissions territoriales compétentes afin de les informer de la procédure de licenciement collectif en cours ainsi que la liste des entreprises situées notamment dans les Ardennes dont les activités sont connexes, qui ont été consultées afin de connaître les éventuels postes disponibles susceptibles d'être proposés aux salariés licenciés. D'autre part, il n'est pas contesté qu'une cellule de reclassement a été mise en place par l'administrateur judiciaire, conformément à l'obligation procédurale inscrite au point 7 - 3 du document unilatéral homologué par la DIRECCTE le 30 mai 2018. La circonstance que cette cellule de reclassement ne serait pas intervenue avant les licenciements, ce qui ne méconnaît pas au demeurant les prescriptions de ce document unilatéral, est sans incidence sur le respect par l'employeur de la formalité lui incombant en vertu de ces dispositions. L'inspectrice du travail a pu s'en assurer sans en faire expressément mention dans la décision en litige. Par suite, le moyen tiré de l'erreur de droit au motif de la méconnaissance des dispositions procédurales du document unilatéral doit être écarté.
28. En deuxième lieu, ainsi qu'il a été dit au point 26 du présent arrêt, il n'appartient pas à l'inspectrice du travail de contrôler le caractère suffisant de la recherche de reclassement externe. Par suite, le requérant ne saurait utilement soutenir que les recherches de reclassement externe étaient insuffisantes
29. En dernier lieu, si M. A... soutient ne pas avoir bénéficié des mêmes perspectives de reclassement externe que d'autres salariés de la société, il n'établit pas qu'il se trouvait dans la même situation que les salariés qui se sont vu proposer de telles offres. Par suite, le moyen tiré d'une discrimination dans l'accès aux offres de reclassement externe, à raison du mandat représentatif exercé, manque en fait et doit être écarté.
S'agissant du lien allégué avec le mandat :
30. D'une part, et contrairement à ce que le requérant soutient, six salariés ayant la qualité de salariés protégés ont, en application des critères d'ordre des licenciements, bénéficié d'un transfert de leur contrat de travail sur les vingt-quatre salariés repris par la société Delta Dore. D'autre part, et ainsi qu'il a été dit précédemment, le poste de M. A... n'a pas été omis dans la définition des catégories professionnelles tandis qu'il ne prétend pas que les critères d'ordre des licenciements auraient été irrégulièrement mis en œuvre le concernant. Enfin, il ne saurait utilement contester le fait qu'un point ait été attribué, au titre des critères d'ordre des licenciements, aux salariés qui n'avaient pas été sanctionnés, le contenu du document unilatéral homologué par la DIRECCTE ne pouvant pas être remis en cause à l'occasion d'un recours en excès de pouvoir contre la décision administrative autorisant le licenciement. Par suite, le moyen tiré d'une discrimination à raison de son mandat de représentation ne peut qu'être écarté.
31. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision de l'inspectrice du travail du 9 juillet 2018.
Sur les frais liés au litige :
32. D'une part, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'Etat et de la société Ardennaise Industrielle, qui ne sont pas les parties perdantes, au titre des frais exposés par M. A... et non compris dans les dépens.
33. D'autre part, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. A... une somme au titre des frais exposés par la société Ardennaise Industrielle et non compris dans les dépens.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par la société Ardennaise Industrielle tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., à la société Ardennaise Industrielle et à la ministre du travail et de l'emploi.
Délibéré après l'audience du 5 septembre 2024, à laquelle siégeaient :
M. Martinez, président,
M. Agnel, président-assesseur,
Mme Brodier, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 26 septembre 2024.
La rapporteure,
Signé : H. Brodier Le président,
Signé : J. Martinez
La greffière,
Signé : C. Schramm
La République mande et ordonne à la ministre du travail et de l'emploi en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
C. Schramm
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No 23NC03816