Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler la décision du 17 avril 2020 par laquelle l'inspecteur du travail a autorisé son licenciement pour motif économique.
Par un jugement n° 2001022 du 26 juillet 2021, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté la demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 28 septembre 2021, Mme A..., représentée par Me Lacourt, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler la décision attaquée ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la décision d'autorisation est insuffisamment motivée et se fonde sur un jugement du tribunal de commerce de Sedan du 26 mars 2020 entaché de nullité et rendu à la suite d'une procédure irrégulière ;
- l'employeur n'a procédé à aucune recherche de reclassement interne et n'a pas respecté les engagements qu'il avait pris en la matière, engagements qui le liaientt en vertu de l'article 1103 du code civil ;
- l'inspecteur du travail a estimé que le jugement du 26 mars 2020 avait autorisé les licenciements des salariés alors qu'il a autorisé le licenciement des seuls chauffeurs de taxis et non pas des chauffeurs ambulanciers ;
- le licenciement est lié à l'exercice du mandat, le comité économique et social ayant dénoncé la gestion de fait de la société par un des salariés.
Par un mémoire enregistré le 17 février 2023, Me Brucelle en qualité de liquidateur judiciaire de la SARL Taxis Bridoux et Fils, représenté par Me Grisoni, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de Mme A... une somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens invoqués ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de commerce ;
- le code du travail ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement convoquées à l'audience publique.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Agnel ;
- et les conclusions de Mme Mosser, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A... a été recrutée le 1er février 2006 par contrat de travail à durée indéterminée en qualité de chauffeur ambulancière par la SARL Taxis Bridoux et Fils, ayant son siège à Haybes (Ardennes). Par jugement du 17 octobre 2019, le tribunal de commerce de Sedan a prononcé la liquidation judiciaire de la société avec poursuite de l'activité, l'autorisation de poursuite de l'activité étant autorisée jusqu'au 16 avril 2020 par un second jugement du 16 janvier 2020. Dans le cadre de la procédure collective de la SARL Taxis Bridoux et Fils, Mme A... a été élue au comité social et économique et en tant que représentante des salariés auprès du tribunal de commerce. Elle a bénéficié à ce titre de la protection contre les licenciements prévue par les articles L. 2421-3 et L. 2421-6 du code du travail et L. 662-4 du code de commerce. Par lettre du 8 avril 2020, l'administrateur judiciaire de la société a saisi l'inspecteur du travail d'une demande d'autorisation de licenciement de Mme A.... Cette autorisation lui a été accordée par l'inspecteur du travail de l'unité départementale des Ardennes par décision du 17 avril 2020. Mme A... relève appel du jugement du 26 juillet 2021 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision.
Sur la légalité de l'autorisation de licenciement :
En ce qui concerne la légalité externe :
2. La décision attaquée, laquelle doit être motivée en vertu de l'article R. 2424-5 du code du travail, mentionne de manière suffisante et non stéréotypée l'ensemble des considérations de droit et de fait sur lesquelles l'inspecteur du travail s'est fondé afin d'autoriser le licenciement pour motif économique de Mme A.... Par suite, le moyen tiré du défaut de motivation ne peut qu'être écarté.
3. Il n'appartient pas à l'inspecteur du travail et pas davantage au juge administratif, de vérifier la régularité de la procédure par laquelle le tribunal de commerce, sur le fondement de l'article L. 642-5 du code de commerce, retient une offre de reprise du fonds de commerce de l'entreprise faisant l'objet d'une procédure de liquidation judiciaire et autorise, dans le cadre de ce plan de cession, les licenciements de tout ou partie des salariés. Par suite, Mme A... ne saurait utilement soutenir que c'est irrégulièrement que la décision attaquée s'est fondée sur le jugement du tribunal de commerce de Sedan du 26 mars 2020, autorisant le plan de cession de son entreprise, lequel aurait été, selon elle, rendu à la suite d'une procédure irrégulière.
En ce qui concerne la légalité interne :
4. En vertu des dispositions du code du travail, le licenciement des salariés légalement investis de fonctions représentatives, qui bénéficient d'une protection exceptionnelle dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, ne peut intervenir que sur autorisation de l'inspecteur du travail. Lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé. Dans le cas où la demande de licenciement est fondée sur un motif de caractère économique, il appartient à l'inspecteur du travail et, le cas échéant, au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si la situation de l'entreprise justifie le licenciement du salarié, en tenant compte notamment de la nécessité des réductions envisagées d'effectifs et de la possibilité d'assurer le reclassement du salarié dans l'entreprise ou au sein du groupe auquel appartient cette dernière. A ce titre, lorsque la demande d'autorisation de licenciement pour motif économique est fondée sur la cessation d'activité de l'entreprise, il n'appartient pas à l'autorité administrative de contrôler si cette cessation d'activité est justifiée par l'existence de mutations technologiques, de difficultés économiques ou de menaces pesant sur la compétitivité de l'entreprise. Il lui incombe en revanche de contrôler que la cessation d'activité de l'entreprise est totale et définitive, en tenant compte, à cet effet, à la date à laquelle elle se prononce, de tous les éléments de droit ou de fait recueillis lors de son enquête qui sont susceptibles de remettre en cause le caractère total et définitif de la cessation d'activité. En outre, pour apprécier si l'employeur ou le liquidateur judiciaire a satisfait à son obligation légale et, le cas échéant, conventionnelle en matière de reclassement, il doit s'assurer, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, qu'il a été procédé à une recherche sérieuse des possibilités de reclassement du salarié dans les entreprises dont l'organisation, les activités ou le lieu d'exploitation permettent, en raison des relations qui existent avec elles, d'y effectuer la permutation de tout ou partie de son personnel. En revanche, il ne lui appartient pas de vérifier le respect par l'employeur de son obligation de reclassement externe.
5. Il ressort du jugement du 26 mars 2020, produit aux débats de première instance, que, dans le cadre du plan de cession de la société Taxis Bridoux et Fils, le tribunal de commerce de Sedan a homologué une offre de reprise prévoyant de garder six salariés sur les treize que comptait l'entreprise. En conséquence ce jugement a autorisé le licenciement pour motif économique de sept salariés comprenant un chauffeur loti/navette et six chauffeurs taxi. Si Mme A... soutient que ce faisant la juridiction n'a pas autorisé le licenciement des salariés appartenant à la catégorie des chauffeurs ambulanciers, à laquelle elle appartient, il ressort des pièces du dossier, en particulier du procès-verbal de consultation du comité social et économique ou encore du rapport d'analyse des projets de reprise, que l'ensemble des dix chauffeurs de l'entreprise, dont Mme A..., relevait de la catégorie dénommée " chauffeur taxi " comprenant l'activité de taxi médicalisé et de transport sanitaire. Par suite, Mme A... n'est pas fondée à soutenir que son emploi n'aurait pas été supprimé pour motif économique et que son licenciement n'aurait pas été autorisé par le jugement du 26 mars 2020.
6. Il ressort des pièces du dossier que la société Taxis Bridoux et Fils n'appartenait pas à un groupe et que le jugement du 26 mars 2020, ci-dessus analysé, emportait cessation définitive de l'activité de l'entreprise. Par suite, il n'existait aucune possibilité de reclassement interne des salariés dont le contrat de travail n'avait pas été transmis au cessionnaire de l'entreprise. Il résulte par ailleurs des règles ci-dessus rappelées qu'il n'appartenait pas à l'inspecteur du travail de vérifier le respect par l'employeur de ses obligations en matière de reclassement externe. Si Mme A... soutient que son employeur aurait promis aux salariés qu'ils seraient tous repris dans le cadre du plan de cession, une telle promesse, en l'admettant établie, ne saurait être regardée comme une obligation conventionnelle en matière de reclassement au sens des règles ci-dessus rappelées.
7. La circonstance que la société Taxis Bridoux et Fils aurait eu un gérant de fait demeure sans influence sur la réalité du motif économique du licenciement ainsi que sur l'existence d'une obligation de reclassement des salariés.
8. Il ne ressort pas des pièces du dossier que le licenciement de Mme A... ait été en lien avec ses mandats. Si l'intéressée soutient avoir été victime de représailles pour avoir dénoncé, par un courriel du 24 mars 2020, l'existence d'un gérant de fait, dans le cadre de l'exercice de ses mandats, il ne ressort pas des pièces du dossier que cet incident ait eu une quelconque conséquence sur les licenciements lesquels ont été établis selon des critères d'ordre qui apparaissent sans lien avec les mandats de Mme A....
9. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande.
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
10. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme A... une somme à verser à Me Brucelle en qualité de liquidateur judiciaire de la SARL Taxis Bridoux Père et Fils. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas la partie perdante, verse à Mme A... la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle dans la présente instance.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de Me Brucelle tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A..., à Me Brucelle, en qualité de liquidateur judiciaire de la SARL Taxis Bridoux et Fils et au ministre du travail et de l'emploi.
Délibéré après l'audience du 26 septembre 2024, à laquelle siégeaient :
M. Martinez, président de chambre,
M. Agnel, président assesseur,
Mme Stenger, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 octobre 2024.
Le rapporteur,
Signé : M. AgnelLe président,
Signé : J. Martinez La greffière,
Signé : C. Schramm
La République mande et ordonne au ministre du travail et de l'emploi en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
C. Schramm
N° 21NC02585
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