Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler l'arrêté du 26 septembre 2022 par lequel le préfet de Meurthe-et-Moselle lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire, a fixé le pays de destination et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de dix-huit mois.
Par un jugement n° 2202849 du 30 décembre 2022, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 14 juin 2023, M. C..., représenté par Me Sgro, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nancy du 30 décembre 2022 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 26 septembre du préfet de Meurthe-et-Moselle ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 2 000 euros en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
Il soutient que :
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- elle a été prise par une autorité incompétente ;
- il n'a pas été entendu préalablement à l'édiction de l'arrêté litigieux, en méconnaissance des droits fondamentaux de l'Union et de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- la décision attaquée méconnaît les dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- il revenait au préfet de réexaminer son droit au séjour sur le fondement de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
En ce qui concerne la décision relative au délai de départ volontaire :
- elle a été prise par une autorité incompétente ;
- elle est illégale par exception d'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français ;
- le préfet a commis une erreur de droit en se fondant sur la seule inexécution d'une précédente mesure d'éloignement ;
En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :
- elle a été prise par une autorité incompétente ;
- elle est illégale par exception d'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français ;
- la décision ne peut être fondée sur des motifs entrant en contradiction avec ceux qui ont déterminé le refus de séjour qui la fonde ;
- la décision a été prise sans examen sérieux de sa situation particulière ;
En ce qui concerne l'interdiction de retour sur le territoire français :
- elle a été prise par une autorité incompétente ;
- elle est illégale par exception d'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français ;
- la décision est entachée d'une erreur d'appréciation.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 19 juillet 2023 et le 3 mai 2024, la préfète de Meurthe-et-Moselle conclut au rejet de la requête.
Elle soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 22 mai 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- l'accord franco-ivoirien du 21 septembre 1992 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Berthou a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. C..., ressortissant ivoirien déclarant être né le 15 janvier 2003 et entré en France en mai 2019, a été confié au service de l'aide sociale à l'enfance du département de Meurthe-et-Moselle par un jugement de tutelle du tribunal de grande instance de Nancy en date du 2 août 2019. Le préfet de Meurthe-et-Moselle a, le 23 mars 2021, refusé de l'admettre au séjour sur le fondement de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile au motif du caractère peu probant de ses actes d'état civil, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Ces décisions ont été confirmées par un jugement du tribunal administratif de Nancy du 6 juillet 2021 et un arrêt de la cour du 26 avril 2022. Par arrêté du 26 septembre 2022, le préfet de Meurthe-et-Moselle lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai sur le fondement des dispositions de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile au motif que l'intéressé, ne pouvant justifier être entré régulièrement sur le territoire français, s'y est maintenu sans être titulaire d'un titre de séjour en cours de validité. Il a également fixé le pays à destination duquel il est susceptible d'être reconduit d'office et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de dix-huit mois. Par la présente requête, M. C... relève appel du jugement du 30 décembre 2022 par lequel le tribunal administratif de Nancy a rejeté ses conclusions à fin d'annulation de cet arrêté.
Sur le bien-fondé du jugement :
2. L'arrêté contesté est signé par M. D... A..., directeur de l'immigration et de l'intégration, qui bénéficiait d'une délégation de signature consentie par le préfet de Meurthe-et-Moselle par un arrêté du 29 novembre 2021, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture le 30 novembre 2021, à l'effet notamment de signer les décisions litigieuses. Le moyen tiré de l'incompétence du signataire des décisions litigieuses doit donc être écarté.
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
3. En premier lieu, il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne (arrêt C-141/12 et C-372/12 du 17 juillet 2014), que l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne s'adresse non pas aux Etats membres mais uniquement aux institutions, organes et organismes de l'Union. Ainsi, le moyen tiré de la méconnaissance de ces stipulations par une autorité d'un Etat membre est inopérant. D'autre part, une atteinte au droit d'être entendu garanti par les principes généraux du droit de l'Union européenne n'est susceptible d'affecter la régularité de la procédure à l'issue de laquelle une décision faisant grief est prise que si la personne concernée a été privée de la possibilité de présenter des éléments pertinents qui auraient pu influer sur le contenu de la décision.
4. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier que M. C... a été mis à même de présenter toutes observations utiles sur l'éventualité d'une mesure d'éloignement, le préfet de Meurthe-et-Moselle lui ayant fait part par courrier de son intention de prendre une telle mesure en lui laissant un délai de 48 heures. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du droit d'être préalablement entendu ne peut qu'être écarté.
5. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. / L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
6. A la date de la décision M. C... est entré récemment sur le territoire français, en mai 2019, il est célibataire et sans charge de famille sur le territoire français. S'il se prévaut du sérieux et de son investissement dans le suivi de sa formation professionnelle, il ne justifie pas être dépourvu de toute attache familiale dans son pays d'origine. Dans ces conditions, M. C... n'est pas fondé à soutenir qu'il pouvait prétendre de plein droit à l'obtention d'un titre de séjour en application des dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, faisant obstacle à son éloignement. Le moyen tiré de ce que la décision attaquée méconnaîtrait les dispositions de cet article ainsi que les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit, dès lors, être écarté.
7. En troisième lieu, lorsque la loi prescrit l'attribution de plein droit d'un titre de séjour à un étranger, cette circonstance fait obstacle à ce qu'il puisse légalement être l'objet d'une mesure d'obligation de quitter le territoire français. Tel n'est pas le cas de la mise en œuvre des dispositions de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, lesquelles ne prescrivent pas la délivrance d'un titre de plein droit mais laissent à l'administration un large pouvoir pour apprécier si l'admission au séjour d'un étranger répond à des circonstances particulières dont l'intéressé se prévaut. En outre, si M. C... fait valoir que l'authenticité de ses documents d'identité doit désormais être reconnue, d'une part, cette allégation est contestée en défense par le préfet et, d'autre part, il lui appartenait soit d'établir l'authenticité de ces documents dans le cadre du contentieux auquel a mis définitivement fin l'arrêt de la cour du 26 avril 2022, soit de présenter ensuite, s'il s'y estimait fondé, une nouvelle demande de titre motivée par des circonstances de fait nouvelles. Pour toutes ces raisons, le requérant ne peut utilement soutenir, dans le cadre de la présente instance, qu'il serait susceptible d'obtenir la régularisation de sa situation et de bénéficier d'un titre de séjour en application de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions doit être écarté comme inopérant.
En ce qui concerne la décision portant refus d'un délai de départ volontaire :
8. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que cette décision est illégale par exception d'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français.
9. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Par dérogation à l'article L. 612-1, l'autorité administrative peut refuser d'accorder un délai de départ volontaire dans les cas suivants : (...) 3° Il existe un risque que l'étranger se soustraie à la décision portant obligation de quitter le territoire français dont il fait l'objet. ". Aux termes de son article L. 612-3 : " Le risque mentionné au 3° de l'article L. 612-2 peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : (...) 5° L'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement ; (...).. ".
10. Il résulte de ces dispositions qu'en l'absence de circonstance particulière, en refusant un délai de départ volontaire à M. C... au motif de l'inexécution de sa précédente mesure d'éloignement, le préfet de Meurthe-et-Moselle n'a commis aucune erreur de droit. Ce moyen doit donc être écarté.
En ce qui concerne la décision portant fixation du pays de destination :
11. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que cette décision est illégale par exception d'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français.
12. En deuxième lieu, M. C... soutient qu'en fixant la Côte-d'Ivoire comme pays de destination, le préfet a entaché son arrêté de contradiction dès lors qu'il remet par ailleurs en cause son état civil. Toutefois, d'une part, le requérant, qui se prévaut lui-même de cette nationalité, ne saurait utilement soutenir qu'elle ne peut pas fonder la fixation du pays de destination et, d'autre part, la décision litigieuse indique que M. C... sera reconduit vers le pays dont il revendique la nationalité mais également vers tout pays dans lequel il serait légalement admissible. Le moyen doit donc être écarté.
13. En troisième lieu, alors que le requérant n'allègue aucun risque en cas de retour dans son pays d'origine, la circonstance que l'arrêté litigieux mentionne qu'il n'établit pas son isolement au Mali en lieu et place de la Côte d'Ivoire et n'encourt aucun risque ou menace contraires aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour dans ce pays ne constitue qu'une erreur de plume sans incidence sur la décision contestée et ne révèle aucun défaut d'examen sérieux de sa situation personnelle. Par suite, ce moyen doit être écarté.
En ce qui concerne la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :
14. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que cette décision est illégale par exception d'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français.
15. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour. / Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français ". Aux termes de l'article L. 612-10 du même code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. Il en est de même pour l'édiction et la durée de l'interdiction de retour mentionnée à l'article L. 612-8 ainsi que pour la prolongation de l'interdiction de retour prévue à l'article L. 612-11 ".
16. Il ressort des pièces du dossier que la situation de M. C..., décrite au point 6 ne révèle pas de circonstances humanitaires pouvant justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour malgré l'absence d'octroi de délai de départ volontaire dont la légalité est confirmée par le présent arrêt. Par ailleurs ainsi qu'il a été dit, l'intéressé, entré récemment en France, n'a pas déféré à une précédente mesure d'éloignement. Au regard de l'ensemble de ces éléments, en prononçant une interdiction de retour sur le territoire français à l'encontre de M. C... et en fixant sa durée à dix-huit mois, le préfet n'a commis aucune erreur d'appréciation. Le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées doit donc être écarté.
17. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêté du préfet de Meurthe-et-Moselle du 26 septembre 2022, ni à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande. Par suite, ses conclusions à fin d'application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, ne peuvent qu'être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de Meurthe-et-Moselle.
Délibéré après l'audience du 3 octobre 2024, à laquelle siégeaient :
- Mme Bauer, présidente,
- M. Meisse, premier conseiller,
- M. Berthou, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 24 octobre 2024.
Le rapporteur,
Signé : D. BERTHOU La présidente,
Signé : S. BAUER Le greffier,
Signé : F. LORRAIN La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
Le greffier :
F. LORRAIN
N° 23NC01905 2