La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

12/11/2024 | FRANCE | N°21NC00239

France | France, Cour administrative d'appel de NANCY, 5ème chambre, 12 novembre 2024, 21NC00239


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. C... A..., Mme B... A..., Mme H... D... et la société civile immobilière (SCI) SBV ont demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler d'une part, l'arrêté du 4 novembre 2019 par lequel le maire de la commune d'Epinal a délivré un permis de construire à la SCI Reffye Expertise et d'autre part, la décision du maire du 30 janvier 2020 rejetant leur recours gracieux.



Par un jugement n° 2000976 du 24 novembre 2020, le tribunal administratif de Nanc

y a annulé l'arrêté du 4 novembre 2019.



Procédure devant la cour :



Par une re...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A..., Mme B... A..., Mme H... D... et la société civile immobilière (SCI) SBV ont demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler d'une part, l'arrêté du 4 novembre 2019 par lequel le maire de la commune d'Epinal a délivré un permis de construire à la SCI Reffye Expertise et d'autre part, la décision du maire du 30 janvier 2020 rejetant leur recours gracieux.

Par un jugement n° 2000976 du 24 novembre 2020, le tribunal administratif de Nancy a annulé l'arrêté du 4 novembre 2019.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 22 janvier 2021, la SCI Reffye Expertise, représentée par Me De Zolt, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 24 novembre 2020 ;

2°) de rejeter la requête de M. et Mme A..., I... Mme D... et G... présentée devant le tribunal administratif de Nancy ;

3°) à titre subsidiaire, de faire application des articles L. 600-5 et L. 600-5-1 du code de l'urbanisme ;

4°) en tout état de cause, de mettre solidairement à la charge de M. et Mme A..., I... Mme D... et G..., la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- c'est à tort que le tribunal a considéré que l'arrêté litigieux méconnaissait l'article UE 3 du règlement du plan local d'urbanisme d'Epinal ;

- en tout état de cause, il y aurait lieu d'appliquer les articles L. 600-5 ou L. 600-5-1 du code de l'urbanisme ;

- les autres moyens soulevés en première instance ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense enregistré le 15 mars 2022, et un mémoire enregistré le 28 novembre 2022, M. et Mme A..., Mme D... et G..., représentés par Me Gehin, concluent au rejet de la requête, à ce que soient mis à la charge de la commune d'Epinal les entiers frais et dépens de l'instance, en ce compris le timbre CNBF de plaidoirie de 13 euros, ainsi que la somme de 3 000 euros chacune à la commune d'Epinal et à la SCI Reffye Expertise, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- c'est à bon droit que le tribunal administratif a considéré que l'arrêté litigieux méconnaissait l'article UE 3 du règlement du plan local d'urbanisme de la commune d'Epinal ;

- les mentions figurant dans le dossier de permis de construire sont erronées et frauduleuses ;

- l'arrêté en litige méconnaît l'article UE 11 du règlement du plan local d'urbanisme de la commune d'Epinal ;

- il méconnaît l'article L. 332-6 du code de l'urbanisme ;

- il méconnaît la loi n° 85-704 du 12 juillet 1985.

Par des lettres du 16 septembre 2024, les parties ont été informées que la cour était susceptible de surseoir à statuer pendant un délai de quatre mois en vue de la régularisation du vice résultant de la méconnaissance de l'article UE 3 du règlement du plan local d'urbanisme de la commune d'Epinal ainsi qu'invitées à faire valoir leurs observations, dans un délai de quinze jours.

Par un mémoire, enregistré le 25 septembre 2024, M. et Mme A..., Mme D... et G... ont présenté des observations en réponse à la lettre du 16 septembre 2024.

Ils soutiennent que le vice tiré de la méconnaissance de l'article UE3 du règlement du plan local d'urbanisme d'Epinal n'est pas susceptible de se prêter à la mise en œuvre de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme.

Par un mémoire, enregistré le 27 septembre 2024, la SCI Reffye Expertise a présenté des observations en réponse à la lettre du 16 septembre 2024.

Elle soutient que, dans le cas où il serait sursis à statuer en application de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme, un délai de six mois est nécessaire.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Durup de Baleine,

- les conclusions I... Bourguet-Chassagnon, rapporteure publique,

- et les observations de Me Damilot, pour la SCI Reffye Expertise.

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 4 novembre 2019, le maire d'Epinal, faisant droit à la demande déposée le 1er août 2019 par la SCI Reffye Expertise, lui a délivré un permis de construire l'autorisant, sur une unité foncière d'une contenance de 6 297 m2 formée des parcelles cadastrées section AW n°s 127, 128, 184, 186 et 188 au 78 rue Louis Barthou, à édifier un ensemble immobilier de dix-sept logements, d'une surface de plancher de 1390, 32 m2. Par une décision du 30 janvier 2020, le maire d'Epinal a rejeté le recours gracieux présenté le 9 janvier 2020 contre ce permis de construire par M. et Mme A..., Mme D... et F.... Par le jugement du 24 novembre 2020 dont la SCI Reffye Expertise relève appel, le tribunal administratif de Nancy, faisant droit à la demande présentée par M. et Mme A..., Mme D... et G..., a annulé cet arrêté du 4 novembre 2019.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne la légalité de l'arrêté du 4 novembre 2019 :

S'agissant du moyen d'annulation retenu par le jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article UE 3 du règlement du plan local d'urbanisme de la commune d'Epinal : " 1-accès. Toute nouvelle construction est interdite sur les terrains non desservis par des voies publiques ou privées, soit directement, soit par l'intermédiaire d'un passage aménagé sur fonds voisins ou éventuellement obtenu par application de l'article 682 du code civil, dans les conditions répondant à l'importance et à la destination de l'immeuble ou de l'ensemble d'immeubles à édifier, notamment en ce qui concerne la commodité : de la circulation, de l'accès et de l'approche des moyens de lutte contre l'incendie (...). Les accès doivent être adaptés à l'opération et aménagés de façon à apporter la moindre gêne à la circulation publique. Lorsque le terrain est riverain de deux ou plusieurs voies publiques, l'accès sur celle de ces voies qui présenterait une gêne ou un risque pour la circulation peut être interdit ".

3. La conformité d'un immeuble aux prescriptions d'un plan local d'urbanisme relatives à la voie de desserte des constructions s'apprécie non par rapport à l'état initial de la voie mais en tenant compte des prévisions inscrites dans le plan local d'urbanisme à l'égard de celle-ci et des circonstances de droit et de fait déterminantes pour leur réalisation qui doit être certaine dans son principe comme dans son échéance de réalisation.

4. En l'espèce, il n'est pas contesté, ainsi que l'admet d'ailleurs la société Reffye Expertise, qu'à la date de délivrance du permis de construire du 4 novembre 2020, les caractéristiques de la voie publique permettant l'accès au terrain étaient insuffisantes en termes de sécurité, eu égard aux exigences du plan local d'urbanisme, le terrain débouchant directement, à l'angle de la rue Louis Barthou et de la rue de Bellevue, à l'emplacement d'un passage piéton et de la bande matérialisée au sol imposant aux véhicules, à l'extrémité de la rue de Bellevue, de marquer l'arrêt avant de s'engager rue Louis Barthou. Il ressort des pièces du dossier que des travaux d'aménagement de la voirie, et notamment une modification du carrefour d'accès au terrain, sont prévus pour pallier cette insuffisance. Toutefois, si la requérante soutient avoir déterminé les modalités de ce réaménagement avec la commune d'Epinal et le département du Doubs, prendre financièrement en charge ses travaux et devoir les réaliser dans le délai de validité du permis, ces éléments, à les supposer établis, ne sauraient faire regarder la réalisation de ces travaux comme certaine, notamment dans son échéance de réalisation. Dans ces conditions, c'est à bon droit que les premiers juges ont considéré que le permis de construire du 4 novembre 2019 méconnaît l'article UE 3 du règlement du plan local d'urbanisme de la commune d'Epinal.

S'agissant des autres moyens :

5. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que, par un arrêté du 29 mars 2014, dont il est justifié du caractère exécutoire à compter du 31 mars 2014, le maire d'Epinal a, sur le fondement de l'article L. 2122-18 du code général des collectivités territoriales, délégué ses fonctions à l'adjoint au maire signataire de l'arrêté du 4 novembre 2019 en matière, notamment, d'urbanisme, cette délégation emportant pouvoir de délivrer et signer tous documents relevant de cette délégation de fonctions. Il suit de là que le moyen tiré de l'incompétence de ce signataire doit être écarté.

6. En deuxième lieu, aux termes de l'article R. 431-8 du code de l'urbanisme : " Le projet architectural comprend une notice précisant : / (...) / 2° Les partis retenus pour assurer l'insertion du projet dans son environnement et la prise en compte des paysages, faisant apparaître, en fonction des caractéristiques du projet : / (...) / f) L'organisation et l'aménagement des accès au terrain, aux constructions et aux aires de stationnement. ".

7. Il ressort des pièces du dossier que la notice d'insertion jointe à la demande de permis de construire présentée par la SCI Reffye Expertise fait apparaître, de manière complète et précise, l'organisation et l'aménagement de l'accès, depuis la voie publique de la rue de Bellevue, au terrain, comme l'accès, depuis cet accès à la voie publique, à la construction projetée, ainsi que l'organisation et l'aménagement des places de stationnement et de l'accès à ces dernières. Cette notice est complétée, quant à ces organisation et aménagement, par le plan masse global, comportant un plan d'aménagement de la voirie établi par les services de la commune d'Epinal, faisant en particulier apparaître les conditions de réaménagement de l'accès du terrain sur la rue de Bellevue ainsi que l'intersection entre cette rue et la rue Louis Barthou, le plan masse " zoom sur accès " et le plan PC6 insertions paysagères, qui figure cet accès à l'issue de ce réaménagement comme ce dernier. Dès lors, le moyen pris de la méconnaissance du f) du 2° de l'article R. 431-8 du code de l'urbanisme doit être écarté.

8. En troisième lieu, aux termes de l'article R. 431-9 du code de l'urbanisme : " Le projet architectural comprend également un plan de masse des constructions à édifier ou à modifier coté dans les trois dimensions. Ce plan de masse fait apparaître les travaux extérieurs aux constructions, les plantations maintenues, supprimées ou créées et, le cas échéant, les constructions existantes dont le maintien est prévu. / Il indique également, le cas échéant, les modalités selon lesquelles les bâtiments ou ouvrages seront raccordés aux réseaux publics ou, à défaut d'équipements publics, les équipements privés prévus, notamment pour l'alimentation en eau et l'assainissement. / Lorsque le terrain n'est pas directement desservi par une voie ouverte à la circulation publique, le plan de masse indique l'emplacement et les caractéristiques de la servitude de passage permettant d'y accéder. / Lorsque le projet est situé dans une zone inondable délimitée par un plan de prévention des risques, les cotes du plan de masse sont rattachées au système altimétrique de référence de ce plan. ".

9. Il ressort des pièces du dossier, d'une part, que le plan masse global, comme le plan masse " zoom sur construction " et le plan masse " zoom sur accès ", sont cotés dans les trois dimensions. D'autre part, le plan de masse global indique les modalités selon lesquelles la construction sera raccordée aux réseaux publics d'assainissement, de collecte des eaux pluviales, d'alimentation en eau potable, de communications électroniques, de distribution d'électricité et de distribution de gaz, en localisant les lieux de raccordement à ces réseaux et en figurant le tracé de ces raccordements depuis ces lieux jusqu'à la construction elle-même. Ces informations sont reprises, de manière plus précise, dans le plan masse " zoom sur accès ". Il en résulte que le moyen tiré de la méconnaissance de l'article R. 431-9 du code de l'urbanisme manque en fait.

10. En quatrième lieu, aux termes de l'article R. 431-10 du code de l'urbanisme : " Le projet architectural comprend également : / (...) / c) Un document graphique permettant d'apprécier l'insertion du projet de construction par rapport aux constructions avoisinantes et aux paysages, son impact visuel ainsi que le traitement des accès et du terrain ; / d) Deux documents photographiques permettant de situer le terrain respectivement dans l'environnement proche et, sauf si le demandeur justifie qu'aucune photographie de loin n'est possible, dans le paysage lointain. Les points et les angles des prises de vue sont reportés sur le plan de situation et le plan de masse. ".

11. Il ressort des pièces du dossier que le dossier de demande de permis de construire présenté par la SCI Reffye Expertise comprend deux vues aériennes ainsi que deux photographies, dont les points et angles de prise de vue sont reportés sur l'une de ces vues aériennes, qui est une donnée publique de référence produite par l'Institut national de l'information géographique et forestière et qui figure tant les constructions existantes que le découpage cadastral et les numéros des parcelles. Ces vues et photographies permettent de situer ce terrain tant dans l'environnement proche que dans le paysage lointain. En outre, les deux photographies jointes au plan de masse " zoom sur accès " ainsi que les vues PC6 insertions paysagères, synthèse 01, synthèse 02 et synthèse 03 permettent d'apprécier l'insertion du projet de construction par rapport aux constructions avoisinantes et aux paysages, comme d'apprécier son impact visuel ainsi que le traitement des accès et du terrain, traitement par ailleurs décrit de manière littérale par la notice d'insertion. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance des c) et d) de l'article R. 431-10 du code de l'urbanisme doit être écarté.

12. En cinquième lieu, le projet est situé dans la zone urbaine UE du plan local d'urbanisme d'Epinal, qui est une zone résidentielle d'habitat individuel. Si l'article UE 1 du règlement de ce plan interdit dans cette zone les " établissements et installations de toutes natures destinées à accueillir des activités pouvant porter atteinte à la salubrité et à la sécurité, ou qui, par leur taille ou leur organisation incompatibles avec la structure architecturale ou urbaine de la zone ", d'une part, la construction autorisée par l'arrêté du 4 novembre 2019 est un immeuble collectif d'habitation, mais non destiné à accueillir des activités et, d'autre part, il ne ressort pas des pièces du dossier que cet immeuble d'habitation serait par sa taille ou son organisation incompatible avec la structure architecturale ou urbaine de la zone UE. Il en résulte que le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées de l'article UE 1 doit, en tout état de cause, être écarté.

13. En sixième lieu, il ressort des pièces du dossier que le terrain d'assiette du projet possède un accès direct sur la voie publique, accès formé par les parcelles cadastrées section AW n°s 127, 128 et 186. Le gérant de la SCI Reffye Expertise a acheté ces parcelles le 25 septembre 2006 et, dans ces conditions, cette société civile n'avait pas à justifier d'un droit de passage ou d'une servitude de passage sur lesdites parcelles. Cet accès, d'une largeur de 6 mètres, est d'une largeur suffisante, compte tenu de l'importance et de la destination de la construction autorisée, tandis que, depuis cet accès, la voie privée, sur ces trois parcelles, menant à la construction, présente une largeur, suffisante eu égard à cette importance et cette destination, de 7, 88 mètres. Tant cet accès que cette voie privée sont de dimensions appropriées pour permettre le passage des véhicules de secours et de lutte contre l'incendie. Tant cette voie que la voirie publique desservant le terrain présentent des caractéristiques adaptées à l'approche du matériel de lutte contre l'incendie. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article UE 3 du règlement du plan local d'urbanisme d'Epinal doit, sur ces divers points, être écarté.

14. En septième lieu, un permis de construire n'a d'autre objet que d'autoriser la construction d'immeubles conformes aux plans et indications fournies par le pétitionnaire. La circonstance que ces plans et indications pourraient ne pas être respectés n'est pas, par elle-même, sauf le cas d'éléments établissant l'existence d'une fraude à la date de la délivrance du permis, de nature à affecter la légalité de celui-ci. La caractérisation de la fraude résulte de ce que le pétitionnaire a procédé de manière intentionnelle à des manœuvres de nature à tromper l'administration sur la réalité du projet dans le but d'échapper à l'application d'une règle d'urbanisme.

15. Si les intimés ont soutenu que la mention d'un accès d'une largeur de 7, 88 mètres par le plan de masse est erronée et procèderait d'une fraude, il ne ressort pas du dossier que le plan masse global ou le plan masse " zoom sur accès " feraient état, quant à cet accès, c'est-à-dire au lieu du contact entre la voie publique et le terrain du projet, d'une telle largeur, qui se rapporte en réalité à la largeur de la voie privée menant, depuis cet accès, à la construction autorisée. Compte tenu de l'échelle de ces deux plans, la largeur de cet accès est de 6 mètres. Il suit de là que le moyen tiré d'une telle mention frauduleuse manque par le fait même qui lui sert de base. En outre et contrairement à ce qui est allégué, le dossier de demande ne rend pas compte de manière inexacte de la pente du terrain du projet mais la décrit au contraire de façon précise et exacte. Ainsi, il ne ressort pas du dossier que la SCI Reffye Expertise aurait procédé de manière intentionnelle à une manœuvre de nature à tromper la commune d'Epinal sur la réalité du projet dans le but d'échapper à l'application d'une règle d'urbanisme, en particulier l'article UE 3 du règlement du plan local d'urbanisme.

16. En huitième lieu, aux termes de l'article UE 11 du règlement du plan local d'urbanisme d'Epinal : " 1. Dispositions générales. / Le projet peut être refusé ou n'être accordé que sous réserve de l'observations de prescriptions spéciales si les constructions, par leur situation, leur architecture, leurs dimensions ou l'aspect extérieur des constructions ou ouvrages à édifier ou à modifier, sont de nature à porter atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains ainsi qu'à la conservation des perspectives monumentales. / (...) ".

17. En se bornant à faire valoir que le projet méconnaît ces dispositions compte tenu de l'atteinte excessive portée au caractère et à l'intérêt des lieux avoisinants, M. et Mme A... et autres n'assortissent pas leur moyen de précisions suffisantes permettant d'en apprécier le bien-fondé. En tout état de cause, il ne ressort ni des pièces figurant au dossier de demande du permis de construire, ni des photographies produites par la commune d'Epinal et la SCI Reffye Expertise, représentant les constructions avoisinantes au projet litigieux, que les lieux et l'environnement urbain dans lesquels s'insère le projet présenteraient des caractéristiques particulièrement remarquables ou un intérêt, paysager ou architectural, spécifique et notable. Par ailleurs, le projet litigieux s'inscrit dans une zone urbanisée à dominante d'habitat, implanté de manière aérée et diffuse dans cette partie d'Epinal, urbanisation constituée d'un habitat individuel espacé mais aussi de bâtiments d'habitat collectif de dimensions équivalentes à celles du projet litigieux dont plusieurs petits immeubles de construction récente. Il en résulte que l'arrêté du 4 novembre 2019 n'est pas entaché d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article UE 11 du règlement du plan local d'urbanisme.

18. En neuvième lieu, aux termes du premier alinéa de l'article L. 421-6 du code de l'urbanisme : " Le permis de construire ou d'aménager ne peut être accordé que si les travaux projetés sont conformes aux dispositions législatives et réglementaires relatives à l'utilisation des sols, à l'implantation, la destination, la nature, l'architecture, les dimensions, l'assainissement des constructions et à l'aménagement de leurs abords et s'ils ne sont pas incompatibles avec une déclaration d'utilité publique. ".

19. Les dispositions de l'article 2 de la loi du 12 juillet 1985 relative à la maîtrise d'ouvrage publique et à ses rapports avec la maîtrise d'œuvre privée, codifiées dans le code de la commande publique, ne sont pas au nombre de celles, prévues au premier alinéa de l'article L. 421-6 du code de l'urbanisme, au regard desquelles s'apprécie la légalité d'un permis de construire. Il en résulte que le moyen tiré de la méconnaissance de cet article 2 est inopérant.

20. En dixième lieu, aux termes de l'article L. 332-6 du code de l'urbanisme : " Les bénéficiaires d'autorisations de construire ne peuvent être tenus que des obligations suivantes : / (...) / 3° La réalisation des équipements propres mentionnées à l'article L. 332-15 ; / (...) ". Aux termes de l'article L. 332-15 du même code : " L'autorité qui délivre l'autorisation de construire, d'aménager, ou de lotir exige, en tant que de besoin, du bénéficiaire de celle-ci la réalisation et le financement de tous travaux nécessaires à la viabilité et à l'équipement de la construction, du terrain aménagé ou du lotissement, notamment en ce qui concerne la voirie, l'alimentation en eau, gaz et électricité, les réseaux de télécommunication, l'évacuation et le traitement des eaux et matières usées, l'éclairage, les aires de stationnement, les espaces collectifs, les aires de jeux et les espaces plantés. / (...) ". Aux termes de l'article L. 332-7 de ce même code : " L'illégalité des prescriptions exigeant des taxes ou des contributions aux dépenses d'équipements publics est sans effet sur la légalité des autres dispositions de l'autorisation de construire. / Lorsque l'une de ces prescriptions est annulée pour illégalité, l'autorité qui a délivré l'autorisation prend, compte tenu de la décision juridictionnelle devenue définitive, un nouvel arrêté portant la prescription d'une taxe ou d'une contribution aux dépenses d'équipements publics. ".

21. D'une part, il résulte des dispositions précitées de l'article L. 332-7 du code de l'urbanisme que M. et Mme A... et autres ne peuvent utilement se prévaloir de la méconnaissance, par l'article 2 de l'arrêté du 2 novembre 2019, des dispositions de l'article L. 332-6 du code de l'urbanisme pour demander l'annulation du permis de construire délivré par cet arrêté à la SCI Reffye Expertise.

22. D'autre part, il résulte des dispositions du 3° de l'article L. 332-6 et de l'article L. 332-15 du code de l'urbanisme que seul peut être mis à la charge du bénéficiaire d'une autorisation d'urbanisme le coût des équipements propres à son projet. Dès lors que des équipements excèdent, par leurs caractéristiques et leurs dimensions, les seuls besoins constatés et simultanés d'un ou, le cas échéant, plusieurs projets de construction et ne peuvent, par suite, être regardés comme des équipements propres au sens de l'article L. 332-15, leur coût ne peut être, même pour partie, supporté par le titulaire de l'autorisation. Relèvent des équipements propres à l'opération ceux qui sont nécessaires à la viabilité et à l'équipement de la construction ou du terrain jusqu'au branchement sur le réseau public d'électricité qui existe au droit du terrain, en empruntant, le cas échéant, des voies privées ou en usant de servitudes, ou, dans les conditions définies au troisième alinéa de l'article L. 332-15, en empruntant, en tout ou partie, des voies ou emprises publiques, sous réserve dans ce dernier cas que le raccordement n'excède pas cent mètres et que le réseau correspondant, dimensionné pour correspondre exclusivement aux besoins du projet, ne soit pas destiné à desservir d'autres constructions existantes ou futures. En revanche, pour l'application de ces dispositions, les autres équipements de raccordement aux réseaux publics d'électricité et, le cas échéant, le renforcement des réseaux existants, ont le caractère d'équipements publics.

23. En l'espèce, la commune d'Epinal a mis à la charge de la société Reffye Expertise des travaux d'aménagement de la voirie tenant à la création de l'accès au terrain d'assiette du projet et en des modifications de l'intersection entre la rue Louis Barthou et la rue Bellevue. Il ressort des pièces du dossier que les aménagements projetés ont été rendus nécessaires afin d'assurer la sécurité des futurs occupants de l'ensemble immobilier comprenant dix-sept logements, générant ainsi un trafic plus important. Par ailleurs, les travaux ont également vocation à assurer la sécurité des piétons empruntant le passage piéton, ainsi que celle des automobilistes devant marquer l'arrêt à cet endroit précis. Au vu de ces éléments, et alors même que le plan de réaménagement de cette intersection a été établi en concertation avec les services de la commune d'Epinal et le conseil départemental des Vosges, il ne ressort pas des pièces du dossier que ces aménagements excèderaient, par leurs caractéristiques et leurs dimensions, les seuls besoins du projet en litige. Bien que, au vu de la situation géographique du projet, ces aménagements bénéficient à la sécurité publique et puissent être utilisés par d'autres administrés que les futurs occupants de l'immeuble, ces seules circonstances ne sauraient avoir pour effet de les qualifier d'équipements autres que propres, au sens du 3° de l'article L. 332-15 du code de l'urbanisme. Dans ces conditions, ces travaux d'aménagement constituent un équipement propre dont la réalisation pouvait être mise à la charge de la SCI Reffye Expertise. Le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 332-6 du code de l'urbanisme doit, par conséquent, être écarté et ce, même à admettre que les intimés justifieraient d'un intérêt leur donnant qualité à agir en annulation de l'article 2 de l'arrêté du 4 novembre 2020, distinct de l'autorisation de construire délivrée à cette société civile.

En ce qui concerne la régularisation :

24. Aux termes de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme : " Sans préjudice de la mise en œuvre de l'article L. 600-5, le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager ou contre une décision de non-opposition à déclaration préalable estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu'un vice entraînant l'illégalité de cet acte est susceptible d'être régularisé, sursoit à statuer, après avoir invité les parties à présenter leurs observations, jusqu'à l'expiration du délai qu'il fixe pour cette régularisation, même après l'achèvement des travaux. Si une mesure de régularisation est notifiée dans ce délai au juge, celui-ci statue après avoir invité les parties à présenter leurs observations. Le refus par le juge de faire droit à une demande de sursis à statuer est motivé ".

25. Il résulte de ces dispositions que lorsque le ou les vices affectant la légalité de l'autorisation d'urbanisme dont l'annulation est demandée, sont susceptibles d'être régularisés, le juge doit surseoir à statuer sur les conclusions dont il est saisi contre cette autorisation. Il invite au préalable les parties à présenter leurs observations sur la possibilité de régulariser le ou les vices affectant la légalité de l'autorisation d'urbanisme. Le juge n'est toutefois pas tenu de surseoir à statuer, d'une part, si les conditions de l'article L. 600-5 du code de l'urbanisme sont réunies et qu'il fait le choix d'y recourir, d'autre part, si le bénéficiaire de l'autorisation lui a indiqué qu'il ne souhaitait pas bénéficier d'une mesure de régularisation. Un vice entachant le bien-fondé de l'autorisation d'urbanisme est susceptible d'être régularisé, même si cette régularisation implique de revoir l'économie générale du projet en cause, dès lors que les règles d'urbanisme en vigueur à la date à laquelle le juge statue permettent une mesure de régularisation qui n'implique pas d'apporter à ce projet un bouleversement tel qu'il en changerait la nature même.

26. Le vice du permis de construire du 4 novembre 2019 résultant de la méconnaissance de l'article UE 3 du règlement du plan local d'urbanisme d'Epinal est, eu égard à l'objet de la règle ainsi méconnue, de nature à entraîner l'illégalité de ce permis dans son ensemble. Dès lors, il n'y a pas lieu de faire application des dispositions de l'article L. 600-5 du code de l'urbanisme.

27. Les règles d'urbanisme en vigueur à la date du présent arrêt permettent une mesure de régularisation du projet autorisé par le permis de construire du 4 novembre 2019 qui n'implique pas d'apporter à ce projet un bouleversement tel qu'il en changerait la nature même. La circonstance que le dossier ne ferait pas apparaitre les modalités matérielles selon lesquelles des travaux de réaménagement au droit de l'accès du terrain à l'intersection des rues Louis Barthou et de Bellevue pourraient être réalisés, à l'effet d'assurer la conformité de ce projet à l'article UE 3 précité, ni le délai dans lequel le maître d'ouvrage de ces travaux pourrait les accomplir ou faire accomplir, ne fait pas obstacle à l'application des dispositions de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme. Les parties ont été invitées à présenter leurs observations sur l'éventualité de la mise en œuvre de ces dispositions. Dès lors, il y a lieu de surseoir à statuer et d'impartir à la SCI Reffye Expertise un délai de quatre mois, à compter de la notification du présent arrêt, à l'effet de notifier à la cour la mesure de régularisation nécessaire.

D E C I D E :

Article 1er : Il est sursis à statuer sur la requête de la SCI Reffye Expertise jusqu'à l'expiration d'un délai de quatre mois à compter de la notification du présent arrêt, imparti à la SCI Reffye Expertise pour notifier à la cour un permis de construire modificatif régularisant le vice relevé au point 4 du présent arrêt.

Article 2 : Tous droits et moyens des parties sur lesquels il n'est pas expressément statué par le présent arrêt sont réservés jusqu'en fin d'instance.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SCI Reffye Expertise ainsi qu'à M. C... A... et Mme B... A..., représentant unique.

Copie en sera adressée à la commune d'Epinal.

Délibéré après l'audience du 15 octobre 2024 à laquelle siégeaient :

- M. Durup de Baleine, président de chambre,

- M. Axel Barlerin, premier conseiller,

- Mme Nolween Peton, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 12 novembre 2024

Le président-rapporteur,

Signé : A. Durup de BaleineL'assesseur le plus ancien,

dans l'ordre du tableau,

Signé : A. Barlerin

Le greffier,

Signé : A. BettiLa République mande et ordonne au préfet des Vosges ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Le greffier,

A. Betti

2

N° 21NC00239


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANCY
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 21NC00239
Date de la décision : 12/11/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. DURUP DE BALEINE
Rapporteur ?: M. Antoine DURUP DE BALEINE
Rapporteur public ?: Mme BOURGUET-CHASSAGNON
Avocat(s) : GEHIN - GERARDIN

Origine de la décision
Date de l'import : 14/11/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-11-12;21nc00239 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award