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15/11/2024 | FRANCE | N°22NC00242

France | France, Cour administrative d'appel de NANCY, 2ème chambre, 15 novembre 2024, 22NC00242


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... a demandé au tribunal administratif de Besançon l'annulation de la décision implicite par laquelle la ministre chargée du travail a rejeté son recours hiérarchique contre la décision du 4 septembre 2019 par laquelle l'inspecteur du travail avait autorisé son licenciement pour motif économique ainsi que l'annulation de cette décision implicite.



La société par actions simplifiée (SAS) Isola Composite France, anciennement dénommée Von Roll Isol

a France, a demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler la décision du 27 mai 2021 par la...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... a demandé au tribunal administratif de Besançon l'annulation de la décision implicite par laquelle la ministre chargée du travail a rejeté son recours hiérarchique contre la décision du 4 septembre 2019 par laquelle l'inspecteur du travail avait autorisé son licenciement pour motif économique ainsi que l'annulation de cette décision implicite.

La société par actions simplifiée (SAS) Isola Composite France, anciennement dénommée Von Roll Isola France, a demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler la décision du 27 mai 2021 par laquelle la ministre chargée du travail a, d'une part, retiré une précédente décision par laquelle elle avait implicitement rejeté le recours de M. A... contre la décision du 4 septembre 2019 par laquelle l'inspecteur du travail avait autorisé son licenciement pour motif économique, d'autre part, a refusé l'autorisation de licencier M. A....

Par un jugement n°s 20000716 et 2001156 du 2 décembre 2021, le tribunal administratif de Besançon, après avoir constaté qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur les conclusions tendant à l'annulation de la décision du 4 septembre 2019 et de la décision de rejet implicite du recours hiérarchique de M. A..., a annulé la décision du 27 mai 2020 de la ministre chargée du travail.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 1er février 2022, M. B... A..., représenté par Me Boguet, doit être regardé comme demandant à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de rejeter la demande présentée par la société Von Roll Isola France devant le tribunal administratif ;

3°) de mettre à la charge de la société Isola Composite France le versement d'une somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la cause économique des licenciements n'est pas établie, la société ayant délibérément réduit son activité en France ; en tout état de cause, son propre poste de travail sur la presse SCMB n'a pas été supprimé puisqu'il a aussitôt été occupé par un nouveau salarié ;

- son employeur n'a pas entrepris de bonne foi des efforts pour le reclasser ;

- le nombre de points qu'il a obtenu ne correspond pas à l'ordre des licenciements retenu par le document unilatéral en ce qu'il aurait dû obtenir 270 points au titre de son ancienneté et charges de famille, 208 points au titre des critères de compétence ;

- le licenciement est en lien avec son mandat.

Par un mémoire en défense enregistré le 21 avril 2022, la SAS Isola Composite France, représentée par Me Braillard, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de M. A... le versement d'une somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens invoqués ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense enregistré le 3 octobre 2024, le ministre du travail et de l'emploi s'en rapporte à ses écritures de première instance.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du travail ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement convoquées à l'audience publique.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Agnel ;

- les conclusions de Mme Mosser, rapporteure publique ;

- et les observations de Me Bayardon représentant la société Isola Composite France.

Considérant ce qui suit :

1. Le groupe multinational Von Roll, détenu par la société suisse Von Roll Holding AG, a pour activité dans le monde entier, d'une part, la production de matériaux d'isolation électrique, d'autre part, la production de matériaux et pièces composites. La société Von Roll Isola France, aux droits de laquelle se trouve désormais la société SAS Isola Composite France, est la seule filiale du groupe à produire en France des matériaux et pièces composites dans son site de Delle (Territoire de Belfort). Au cours de l'année 2018, la société Von Roll Isola France a entrepris une réorganisation comportant des suppressions d'emplois. Un accord collectif de plan de sauvegarde de l'emploi a été signé le 28 janvier 2019 et a été complété par un document unilatéral prévoyant trente-cinq licenciements. L'accord collectif a été validé et le document unilatéral a été homologué par décision de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (Direccte) du 21 février 2019. M. A... a été recruté le 31 mai 1989 par la société Von Roll Isola France et occupait le poste de " conducteur de presses polyester " au sein de l'atelier " Seco ". Il était depuis le 1er mars 2017 membre titulaire élu de la délégation unique du personnel de la société et bénéficiait à ce titre de la protection contre les licenciements prévue par les articles L. 2411-1 et suivants du code du travail. Par lettre du 5 juillet 2019, la société Von Roll Isola France a sollicité de l'inspecteur du travail l'autorisation de licencier M. A... pour motif économique. Par décision du 4 septembre 2019, l'inspecteur du travail a autorisé ce licenciement. Contre cette décision, M. A... a formé un recours hiérarchique auprès du ministre chargé du travail ayant donné lieu, en l'absence de réponse, à une décision implicite de rejet acquise le 10 mars 2020. M. A... a alors saisi le 6 mai 2020 le tribunal administratif de Besançon d'une demande tendant à l'annulation de cette décision. Par une décision du 27 mai 2020, la ministre chargée du travail a retiré sa décision implicite de rejet du 10 mars 2020, a annulé la décision de l'inspecteur du travail du 5 septembre 2019 et a refusé l'autorisation de licencier M. A.... M. A... relève appel du jugement du 2 décembre 2021 par lequel le tribunal administratif de Besançon, après avoir constaté qu'il n'y avait plus lieu de statuer sur les conclusions tendant à l'annulation des décisions des 4 septembre 2019 et 10 mars 2020, a annulé la décision du 27 mai 2020 de la ministre chargée du travail.

Sur le motif d'annulation retenu par le jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article R. 2421-7 du code du travail : " L'inspecteur du travail et, en cas de recours hiérarchique, le ministre examinent notamment si la mesure de licenciement envisagée est en rapport avec le mandat détenu, sollicité ou antérieurement exercé par l'intéressé ".

3. En vertu des dispositions du code du travail, le licenciement des salariés légalement investis de fonctions représentatives, qui bénéficient d'une protection exceptionnelle dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, ne peut intervenir que sur autorisation de l'inspecteur du travail. Lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé. Dans le cas où la demande de licenciement est fondée sur un motif de caractère économique, il appartient à l'inspecteur du travail et, le cas échéant, au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si la situation de l'entreprise justifie le licenciement du salarié, en tenant compte notamment de la nécessité des réductions envisagées d'effectifs et de la possibilité d'assurer le reclassement du salarié dans l'entreprise ou au sein du groupe auquel appartient cette dernière. En outre, pour refuser l'autorisation sollicitée, l'autorité administrative a la faculté de retenir des motifs d'intérêt général relevant de son pouvoir d'appréciation de l'opportunité, sous réserve qu'une atteinte excessive ne soit pas portée à l'un ou l'autre des intérêts en présence.

4. Il ressort des pièces du dossier qu'afin de refuser l'autorisation de licencier M. A..., la ministre chargée du travail a estimé que ce projet de licenciement n'était pas dépourvu de tout lien avec le mandat électif de l'intéressé en ce que l'employeur avait minoré son expérience professionnelle dans le cadre de la mise en œuvre des critères d'ordre des licenciements prévus par le document unilatéral du plan de sauvegarde de l'emploi et que la proportion des salariés protégés affectés par une telle mesure était anormale.

5. S'il n'appartient pas à l'autorité administrative, saisie d'une demande d'autorisation de licenciement pour motif économique, de vérifier sa conformité aux critères fixés par un plan de sauvegarde pour l'emploi pour l'ordre des licenciements, il lui incombe de s'assurer que les critères mis en œuvre par l'employeur ne révèlent pas une volonté de discrimination au détriment du salarié investi d'un mandat représentatif.

6. Il ressort du document unilatéral du plan de sauvegarde de l'emploi que l'un des critères servant à déterminer l'ordre des licenciements était, à côté des charges de famille, de l'ancienneté et d'un éventuel handicap, constitué par les qualités professionnelles, exprimées en nombre de points, appréciées sur la base de matrices de compétences, en vigueur en 2018, établie pour chaque catégorie professionnelle, dont, s'agissant de M. A..., celle des " Presseurs Seco ". Si M. A... soutient que c'est à tort que son employeur lui a attribué 75 % de compétences s'agissant de la presse SCMB, il ne ressort pas des pièces du dossier, en particulier des deux vagues attestations produites, qu'il maîtrisait 100 % de la compétence, en particulier s'agissant de la capacité à former les autres salariés sur la conduite de cette machine. S'il soutient qu'il aurait dû se voir reconnaître sa compétence sur la conduite de la machine " Scieur BP ", il n'apporte à l'appui de cette allégation aucune justification ou précision utile. En revanche, si M. A... justifie par les pièces produites, en particulier ses fiches d'évaluation jusqu'en 2010 et la matrice de compétence de l'année 2017, qu'il aurait dû se voir reconnaitre 25 % de compétence pour la conduite de la presse " Milan ", les huit points qu'il aurait dû recevoir en plus à ce titre n'auraient pas été de nature à lui éviter de faire partie de la catégorie des salariés concernés par une mesure de licenciement. Si M. A... soutient enfin que ses charges de famille ont inexactement été appréciées, un tel moyen est inopérant dès lors que, ni la décision du ministre du 27 mai 2020 et pas davantage le jugement attaqué, ne reposent sur l'examen de ce critère.

7. Le fait que le plan de licenciement concerne trente-cinq salariés sur un effectif initial de quatre-vingt-trois salariés, dont cinq bénéficient de la qualité de salarié protégé sur les neuf relevant de ce statut, est insuffisant pour établir une quelconque discrimination liée au mandat exercé dès lors que ces salariés appartiennent bien à une catégorie dont une partie des emplois est supprimée et qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que les critères d'ordre des licenciements les concernant auraient été inexactement appréciés, ainsi qu'il vient d'être dit ci-dessus dans le cas de M. A.... Dans ces conditions, la circonstance que tous les salariés protégés licenciés appartiennent à la même organisation syndicale, au demeurant la seule représentative de l'entreprise, ne saurait pas davantage constituer un indice de discrimination.

8. Si M. A... soutient que le motif économique du licenciement n'est pas établi en ce qui le concerne en l'absence de suppression de son poste de travail et que son employeur n'a pas satisfait à son obligation de le reclasser, de tels moyens sont inopérants, dès lors que, ni la décision du ministre du 27 mai 2020 et pas davantage le jugement attaqué, ne se fondent sur l'examen de ces conditions de l'autorisation.

9. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Besançon a annulé la décision du 27 mai 2020 par laquelle le ministre chargé du travail avait refusé son licenciement.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la société Isola Composite France, qui n'est pas la partie perdante, verse à M. A... une somme sur ce fondement. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. A... le versement à la société Isola Composite France la somme que cette dernière demande sur ce même fondement.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la société Isola Composite France tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., la SAS Isola Composite France et au ministre du travail et de l'emploi.

Délibéré après l'audience du 17 octobre 2024, à laquelle siégeaient :

M. Martinez, président de chambre,

M. Agnel, président assesseur,

Mme Brodier, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 novembre 2024.

Le rapporteur,

Signé : M. AgnelLe président,

Signé : J. Martinez

La greffière,

Signé : C. Schramm

La République mande et ordonne au ministre du travail et de l'emploi en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

C. Schramm

N° 22NC00242

2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANCY
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 22NC00242
Date de la décision : 15/11/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. MARTINEZ
Rapporteur ?: M. Marc AGNEL
Rapporteur public ?: Mme MOSSER
Avocat(s) : SELARL LIDY

Origine de la décision
Date de l'import : 23/11/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-11-15;22nc00242 ?
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