La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

15/11/2024 | FRANCE | N°23NC02869

France | France, Cour administrative d'appel de NANCY, 2ème chambre, 15 novembre 2024, 23NC02869


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler la décision implicite par laquelle le préfet de Meurthe-et-Moselle lui a refusé un titre de séjour.



Par un jugement n° 2202737 du 30 mai 2023, le tribunal administratif de Nancy a rejeté la demande.



Procédure devant la cour :



Par une requête enregistrée le 11 septembre 2023, M. A..., représenté par Me Cissé, demande à la cour :



1°) d'annuler ce jugement ;



2°) d'annuler l'arrêté attaqué ;



3°) d'enjoindre à la préfète de Meurthe-et-M...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler la décision implicite par laquelle le préfet de Meurthe-et-Moselle lui a refusé un titre de séjour.

Par un jugement n° 2202737 du 30 mai 2023, le tribunal administratif de Nancy a rejeté la demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 11 septembre 2023, M. A..., représenté par Me Cissé, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté attaqué ;

3°) d'enjoindre à la préfète de Meurthe-et-Moselle de lui délivrer un titre de séjour, à défaut de réexaminer sa situation, sous couvert d'une autorisation provisoire de séjour, dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son avocat d'une somme de 2 000 euros toutes taxes comprises (TTC) sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- l'arrêté est insuffisamment motivé ;

- le refus de séjour : méconnaît l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; repose sur une appréciation manifestement erronée de sa situation.

Par un mémoire en défense enregistré le 21 décembre 2023, la préfète de Meurthe-et-Moselle conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que les moyens invoqués ne sont pas fondés.

M. A... a été admis à l'aide juridictionnelle par décision du 10 juillet 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le traité sur le fonctionnement de l'Union Européenne ;

- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement convoquées à l'audience publique.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience publique.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Agnel,

- et les observations de M. A..., accompagné de sa sœur.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant albanais né le 23 février 2001 est entré en France le 9 mars 2017, accompagné de ses parents et de sa sœur. Le 20 mars 2019, l'intéressé a formulé une demande d'asile, rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) et par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) les 28 juin 2019 et 30 septembre 2019. Il a fait l'objet le 15 novembre 2019 d'une obligation de quitter le territoire dont la légalité a été définitivement confirmée par arrêt de cette cour n° 20NC02694 du 3 novembre 2021. M. A... a ensuite été placé en garde à vue pour des faits de violence volontaire sur mineur de quinze ans, à la suite d'une plainte déposée par sa sœur à son encontre le 21 octobre 2021 et, le 28 octobre 2021, le préfet de Meurthe-et-Moselle l'a obligé à quitter le territoire français sans délai et prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de vingt-quatre mois. Par courrier du 4 avril 2022, M. A... a saisi le préfet de Meurthe-et-Moselle d'une demande d'abrogation de l'obligation de quitter le territoire français pris à son encontre et de réexamen de sa situation. M. A... relève appel du jugement du 30 mai 2023 par lequel le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande, regardée comme tendant à l'annulation de la décision expresse du 21 décembre 2022 par laquelle le préfet de la Meurthe-et-Moselle lui a refusé le droit au séjour.

Sur la légalité du refus de séjour :

2. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1 ".

3. Il ressort des pièces du dossier que M. A... est entré en France le 9 mars 2017 alors qu'il était encore mineur et résidait dans ce pays depuis cinq ans au jour de la décision attaquée. Son père se trouve en France en situation irrégulière tandis que sa sœur y réside sous couvert d'un titre de séjour régulier, sa mère étant décédée en 2018. Il ressort des pièces du dossier qu'à l'occasion d'un conflit familial, M. A... a été entendu en garde à vue pour des faits de violences qui auraient été commises, en réunion avec son père, sur sa sœur alors mineure. Il ressort toutefois des pièces du dossier que la sœur de l'intéressé a fait l'objet d'une mesure d'assistance éducative auprès de l'aide sociale à l'enfance, que désormais majeure, elle vit de manière indépendante mais qu'elle a renoué avec son frère des liens étroits ainsi qu'il ressort de l'attestation figurant au dossier, dont la sincérité a été confirmée à l'audience devant cette cour. Il ne ressort pas des pièces du dossier que M. A... aurait fait l'objet de poursuites à la suite de la plainte de sa sœur. M. A..., qui maîtrise la langue française, établit avoir obtenu de très bons résultats scolaires au cours de sa scolarité, ayant permis l'obtention d'un certificat d'aptitude professionnelle (CAP) " employé de vente spécialisé option B produits d'équipement courant " en juillet 2020 et d'un baccalauréat professionnel " spécialité métiers du commerce et de la vente option A : animation et gestion de l'espace commercial " en juillet 2021. Il ressort des pièces du dossier que l'intéressé s'est ensuite inscrit en faculté de droit pour se réorienter, au bout d'une année, dans un BTS " Négociation, digitalisation et relation client " dont il suit depuis le cursus avec assiduité et succès. Il ressort des pièces produites que les études poursuivies par M. A... sont de nature à permettre son insertion professionnelle. Si la préfète de Meurthe-et-Moselle fait valoir que l'intéressé a été verbalisé en action de travail dissimulé sur des chantiers de bâtiment, il ne ressort pas des pièces du dossier que ces faits, postérieurs à la décision attaquée, auraient donné lieu à des suites judiciaires. La circonstance, postérieure à la décision attaquée, que M. A... n'a pas respecté les conditions d'une assignation à résidence, alors qu'il avait entrepris d'obtenir la régularisation de sa situation, n'est pas de nature, dans les circonstances de l'espèce, à remettre en cause son parcours d'intégration. Il résulte de l'ensemble de ces éléments, en dépit de la mesure d'éloignement dont le requérant a fait l'objet en dernier lieu, que la décision de refus de séjour litigieuse doit être regardée, dans les circonstances particulières de l'espèce, eu égard à l'insertion de l'intéressé dans la société française, comme reposant sur une appréciation manifestement erronée de sa situation.

4. Il résulte de ce qui précède que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à l'annulation du refus de séjour litigieux.

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

5. L'annulation ci-dessus prononcée implique seulement que la préfète de Meurthe-et-Moselle procède au réexamen de la demande de titre de séjour de M. A.... Il y a lieu, par suite, de lui enjoindre d'y procéder selon les modalités figurant au dispositif du présent arrêt.

Sur les frais liés au litige :

6. M. A... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Cissé, avocat de M. A..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Cissé de la somme de 1 500 euros toutes taxes comprises.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 2202737 du 30 mai 2023 du tribunal administratif de Nancy est annulé.

Article 2 : La décision de refus de séjour prise par le préfet de Meurthe-et-Moselle le 21 décembre 2022 est annulée.

Article 3 : Il est enjoint à la préfète de Meurthe-et-Moselle de réexaminer la demande de titre de séjour de M. A... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 4 : L'Etat versera à Me Cissé la somme de 1 500 euros en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 sous réserve de sa renonciation au versement de la part contributive de l'Etat.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., à Me Cissé et au ministre de l'intérieur.

Copie du présent arrêt sera transmise à la préfète de Meurthe-et-Moselle.

Délibéré après l'audience du 17 octobre 2024, à laquelle siégeaient :

M. Martinez, président de chambre,

M. Agnel, président assesseur,

Mme Brodier, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 novembre 2024.

Le rapporteur,

Signé : M. AgnelLe président,

Signé : J. Martinez

La greffière,

Signé : C. Schramm

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

C. Schramm

N° 23NC02869

2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANCY
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 23NC02869
Date de la décision : 15/11/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. MARTINEZ
Rapporteur ?: M. Marc AGNEL
Rapporteur public ?: Mme MOSSER
Avocat(s) : CISSE

Origine de la décision
Date de l'import : 23/11/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-11-15;23nc02869 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award