Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
L'association franco-iranienne d'Alsace a demandé au tribunal administratif de Strasbourg, d'une part, d'annuler la décision du 21 septembre 2021 par laquelle le directeur régional des finances publiques du Grand Est a mis à sa charge un indu de 22 494 euros correspondant aux sommes perçues pour les mois de décembre 2020 à mars 2021 au titre du fonds de solidarité institué à destination des entreprises particulièrement touchées par les conséquences économiques, financières et sociales de la propagation de l'épidémie de Covid-19 et, d'autre part, d'enjoindre à l'administration de procéder au versement des aides dues pour les mois d'avril et de mai 2021.
Par un jugement no 2107490 du 19 juillet 2022, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté ses demandes.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistré le 19 septembre 2022, l'association franco-iranienne d'Alsace, représentée par Me Alexandre, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il rejette sa demande tendant à l'annulation de la décision du 21 septembre 2021 ;
2°) d'annuler cette décision ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
S'agissant de la régularité du jugement :
- le jugement attaqué n'a pas été signé par le magistrat compétent ;
- il est entaché d'erreur de droit et d'erreur de fait ;
S'agissant de la légalité de la décision du 21 septembre 2021 :
- elle est entachée de défaut de motivation au regard de l'article L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration ;
- elle est entachée d'erreur de droit dès lors que l'administration, qui ne remet pas en cause les conditions d'éligibilité de l'association au bénéfice du fonds de solidarité, se borne à faire état d'irrégularités dont elle n'est pas fondée à se prévaloir, en dehors d'une procédure de contrôle fiscal ;
- elle est entachée d'erreur de fait, dès lors que les chiffres d'affaires déclarés, qui se bornent à intégrer la taxe sur la valeur ajoutée de 10 %, procèdent d'une simple erreur pour laquelle elle invoque sa bonne foi et son droit à l'erreur ;
- le quantum de la demande de restitution de l'aide versée doit être limité aux 10 % ajoutés à tort dans le montant déclaré de son chiffre d'affaires ;
- l'administration ne justifie pas que les dépenses figurant dans ses extraits de compte remettraient en cause le bien-fondé de l'aide qui lui a été versée.
Par un mémoire en défense, enregistré le 23 janvier 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par la société requérante ne sont pas fondés.
Par un courrier du 26 novembre 2024, les parties ont été informées que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office tiré de l'irrecevabilité du moyen de légalité externe (insuffisance de motivation) soulevé, qui relève d'une cause juridique distincte de celle sur le fondement de laquelle la demande a été présentée devant le tribunal administratif, et qui n'est pas d'ordre public.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- l'ordonnance n° 2020-317 du 25 mars 2020 ;
- le décret n° 2020-371 du 30 mars 2020 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Brodier,
- les conclusions de Mme Mosser, rapporteure publique,
- les observations de Me Laumin, avocat de l'association franco-iranienne d'Alsace.
Une note en délibéré, présentée pour l'association franco-iranienne d'Alsace, a été enregistrée le 5 décembre 2024.
Considérant ce qui suit :
1. L'association franco-iranienne d'Alsace, qui exerce une activité économique de " transports de voyageurs par taxis ", a obtenu, au titre du fonds de solidarité à destination des entreprises particulièrement touchées par les conséquences économiques, financières, sociales de la propagation de l'épidémie de Covid-19, des aides d'un montant de 7 716 euros pour le mois de décembre 2020, de 5 661 euros pour le mois de janvier 2021, de 4 516 euros pour le mois de février 2021 et de 4 601 euros pour le mois de mars 2021. Par un courrier du 21 septembre 2021, portant " notification des conclusions du contrôle réalisé ", le pôle de contrôle et d'expertise de Strasbourg de la direction générale des finances publiques du Bas-Rhin a informé l'association que les conditions d'éligibilité au bénéfice du fonds, requises par le décret n° 2020-371, faisaient défaut, et lui a indiqué que les sommes qu'elle avait perçues au titre de ces quatre mois, pour un montant total de 22 494 euros, étaient reprises. L'association franco-iranienne d'Alsace relève appel du jugement du 19 juillet 2022 en tant que le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation pour excès de pouvoir de cette décision.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que la minute du jugement attaqué a été signée par la présidente de la formation de jugement, l'assesseure la plus ancienne et le greffier. Par suite, l'association requérante n'est pas fondée à soutenir que le jugement a été rendu en violation des articles R. 741-7 et R. 741-8 du code de justice administrative.
3. En second lieu, si l'association requérante soutient que les premiers juges auraient commis des erreurs de droit et de fait, de tels moyens, qui se rapportent au bien-fondé du jugement attaqué, sont sans incidence sur sa régularité et seront examinés dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel.
Sur la légalité de la décision du 21 septembre 2021 :
4. L'article 1er de l'ordonnance du 25 mars 2020 portant création d'un fonds de solidarité à destination des entreprises particulièrement touchées par les conséquences économiques, financières et sociales de la propagation de l'épidémie de covid-19 et des mesures prises pour limiter cette propagation a institué " un fonds de solidarité ayant pour objet le versement d'aides financières aux personnes physiques et morales de droit privé exerçant une activité économique particulièrement touchées par les conséquences économiques, financières et sociales de la propagation du covid-19 et des mesures prises pour en limiter la propagation ". L'article 1er du décret du 30 mars 2020 pris pour l'application de cette ordonnance a prévu que le bénéfice de ce fonds serait ouvert aux personnes physiques et aux personnes morales de droit privé résidentes fiscales françaises exerçant une activité économique. Ce décret a fixé les modalités de l'aide financière, qui prend la forme d'une subvention attribuée par décision du ministre de l'action et des comptes publics aux entreprises qui en remplissent les conditions.
5. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que l'association franco-iranienne n'a soulevé, devant les premiers juges, que des moyens de légalité interne de la décision du 21 septembre 2021. Par suite, elle n'est pas recevable à invoquer, à hauteur d'appel, le moyen tiré de l'insuffisante motivation de la décision dont elle demande l'annulation, lequel relève d'une cause juridique distincte et n'est pas, par ailleurs, d'ordre public.
6. En deuxième lieu, aux termes de l'article 3 de l'ordonnance du 25 mars 2020 susvisée : " I. - Les aides versées au titre du fonds le sont sur la base d'éléments déclaratifs prévus par décret. (...) / II. - Les documents attestant du respect des conditions d'éligibilité au fonds et du correct calcul du montant de l'aide sont conservés par le bénéficiaire pendant cinq années à compter de la date de versement de cette dernière. / Les agents de la direction générale des finances publiques et les agents publics affectés dans les services déconcentrés des administrations civiles de l'Etat peuvent demander à tout bénéficiaire du fonds communication de tout document relatif à son activité, notamment administratif ou comptable, permettant de justifier de son éligibilité et du correct montant de l'aide reçue pendant cinq années à compter de la date de son versement. Le bénéficiaire dispose d'un délai d'un mois pour produire ces justifications à compter de la date de la demande. / En cas d'irrégularités constatées, d'absence de réponse ou de réponse incomplète à la demande prévue au premier alinéa, les sommes indûment perçues font l'objet d'une récupération selon les règles et procédures applicables en matière de créances étrangères à l'impôt et au domaine. / La procédure prévue au présent II ne constitue pas une procédure de contrôle de l'impôt ". Par ailleurs, parmi les conditions à remplir pour percevoir l'aide du fonds de solidarité au titre des mois de décembre 2020 à mars 2021, figure notamment, pour les " entreprises " dont l'activité rentre dans le champ d'application du décret, le fait d'avoir " subi une perte de chiffre d'affaires d'au moins 50 % " durant la période comprise entre le premier et le dernier jour de chacun des mois en litige. L'article 1er du décret du 30 mars 2020 prévoit à cet égard que " I-Le fonds mentionné par l'ordonnance du 25 mars 2020 susvisée bénéficie aux (...) personnes morales de droit privé résidentes fiscales françaises exerçant une activité économique, (...), remplissant les conditions suivantes : (...) ; 5° Lorsqu'elles sont constituées sous forme d'association, elles sont assujetties aux impôts commerciaux ou emploient au moins un salarié ; (...). / Dans le présent décret, la notion de chiffre d'affaires s'entend comme le chiffre d'affaires hors taxes ou, lorsque l'entreprise relève de la catégorie des bénéfices non commerciaux, comme les recettes nettes hors taxes. Pour la détermination du chiffre d'affaires ou des recettes nettes, il n'est pas tenu compte des dons et subventions perçus par les associations ".
7. Il ressort des pièces du dossier que l'administration a, au cours de l'été 2021, sollicité de l'association bénéficiaire du fonds de solidarité les documents permettant de justifier de son éligibilité au dispositif et du correct montant de l'aide reçue, en particulier les liasses fiscales 2019 et 2020, le détail des comptes de classe 7 pour les années 2019, 2020 et du début de l'année 2021, ainsi que les relevés bancaires pour 2021. A l'issue de ses vérifications, elle a indiqué au gérant de l'association que des incohérences existaient entre les déclarations pour obtenir les aides du fonds de solidarité, les relevés bancaires et les comptes de classe 7 et a motivé sa décision du 21 septembre 2021 de procéder à la répétition des aides indues par le fait que les documents produits n'étaient pas en adéquation avec les documents déjà fournis et les déclarations de l'association, si bien que l'association ne remplissait pas la condition " relative à la perte du chiffre d'affaires ". Contrairement à ce que la requérante soutient, l'administration lui a ainsi opposé le défaut d'une des conditions d'éligibilité au fonds de solidarité, conformément à la procédure prévue à l'article 3 de l'ordonnance du 25 mars 2020. L'association requérante ne saurait à cet égard utilement soutenir que l'administration ne pouvait pas, en dehors d'une procédure de contrôle fiscal, retenir l'existence de discordances entre les chiffres d'affaires déclarés et les documents comptables produits pour en justifier. Par suite, le moyen tiré de l'erreur de droit doit être écarté.
8. En troisième lieu, d'une part, il ressort de la décision en litige que l'administration a retenu, à titre principal, que les chiffres d'affaires déclarés par l'association franco-iranienne d'Alsace comme ceux de la période de référence ne correspondaient pas aux écritures comptables produites et n'étaient ainsi pas justifiés. L'association requérante soutient avoir, à tort, déclaré un chiffre d'affaires " toute taxe comprise " lors du dépôt de ses demandes d'aide. Si cet argument semble plausible s'agissant du chiffre d'affaire " de référence " pour l'aide sollicitée au titre du mois de janvier 2021, et à deux euros près pour le chiffre d'affaire de référence pour l'aide sollicitée en décembre 2020, il ne l'est en revanche aucunement pour les deux autres mois pour lesquels l'association a obtenu une subvention de l'Etat. L'association requérante ne peut ainsi être regardée, par cette seule explication, comme établissant le caractère correct des montants des chiffres d'affaires déclarés au titre des mois de référence. Elle ne saurait à cet égard utilement se prévaloir d'un droit à l'erreur ou de sa bonne foi.
9. D'autre part, si l'administration a également relevé diverses irrégularités tenant à la prise en charge de salaires, loyers, frais d'avocats et autres qui ne se rattacheraient pas à l'activité de l'association éligible au cours de la période en litige, ces " irrégularités " dont fait état l'administration pour relever les anomalies de la comptabilité sont en réalité sans incidence sur les chiffres d'affaires qui ont été déclarés.
10. Toutefois, il ressort de ce qui a été dit plus haut, que, faute de justifier de montants de référence corrects, l'association franco-iranienne n'établit pas non plus avoir subi une perte de chiffre d'affaires de 50% au titre de chacun des mois de décembre 2020 à mars 2021. L'administration pouvait, pour ce seul motif, solliciter la reprise des aides versées. Par suite, l'association requérante n'est pas fondée à soutenir que la décision en litige serait entachée d'erreur de droit, d'erreur de fait ou d'erreur d'appréciation.
11. Il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner la recevabilité des conclusions tendant à l'annulation de la décision du 21 septembre 2021, l'association franco-iranienne d'Alsace n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande. Par suite, sa requête doit être rejetée en toutes ses conclusions.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de la société franco-iranienne d'Alsace est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à l'association franco-iranienne d'Alsace et au ministre chargé du budget et des comptes publics.
Délibéré après l'audience du 5 décembre 2024, à laquelle siégeaient :
M. Martinez, président,
M. Agnel, président-assesseur,
Mme Brodier, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 décembre 2024.
La rapporteure,
Signé : H. Brodier Le président,
Signé : J. Martinez
La greffière,
Signé : C. Schramm
La République mande et ordonne au ministre chargé du budget et des comptes publics en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
C. Schramm
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No 22NC02374