Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Par six requêtes distinctes Mme J... I..., l'association de défense de la qualité de la vie au pays de Bitche, M. D... M..., M. L... B..., M. G... H... et la SCI Dorfwiese ont demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler la délibération du 19 décembre 2019 par laquelle le conseil communautaire de la communauté de communes du Pays de Bitche a approuvé la partie Ouest du plan local d'urbanisme intercommunal, ainsi que les décisions du 23 mars 2020 par lesquelles le président de la communauté de communes a rejeté leurs recours gracieux du 17 février 2020.
Par un jugement n° 2005277, 2005278, 2005279, 2005280, 2005281, 2005282 du 9 novembre 2021, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leurs demandes.
Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés le 10 janvier 2022, le 19 juin 2023, le 4 février 2024, le 23 avril 2024 et le 11 septembre 2024, M. G... H..., M. D... M... et Mme J... I..., représenté par Me Bizzarri, demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 9 novembre 2021 ;
2°) d'annuler la délibération du 19 décembre 2019 par laquelle le conseil communautaire de la communauté de communes du Pays de Bitche a approuvé la partie Ouest du plan local d'urbanisme intercommunal (PLUi), ainsi que les décisions du 23 mars 2020 par lesquelles le président de la communauté de communes a rejeté leurs recours gracieux du 17 février 2020 ;
3°) subsidiairement, de faire application des dispositions de l'article L. 600-9 du code de l'urbanisme ;
4°) de mettre à la charge de la communauté de communes du Pays de Bitche la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent, dans le dernier état de leurs écritures, que :
- le jugement contesté ne répond pas au moyen tiré de l'absence de caractère exceptionnel des secteurs de taille et de capacité d'accueil limitées instaurés, en méconnaissance des dispositions de l'article L. 151-13 du code de l'urbanisme ;
- la délibération litigieuse a été prise en méconnaissance des dispositions de l'article L. 2131-11 du code général des collectivités territoriales du fait de la participation du maire de la commune de Petit-Réderching, intéressé à l'affaire ;
- l'évaluation environnementale est insuffisante, en méconnaissance de l'article R. 151-3 du code de l'environnement et des dispositions directement applicables de la directive n° 2001/42/CE du Parlement européen et du Conseil du 27 juin 2001 relative à l'évaluation des incidences de certains plans et programmes sur l'environnement ;
- la généralisation des secteurs de taille et de capacité d'accueil limitées leur ôte tout caractère exceptionnel, en méconnaissance des dispositions de l'article L. 151-3 du code de l'urbanisme ;
- le PLUi adopté par la délibération litigieuse est incompatible avec les objectifs du schéma de cohérence territoriale (SCOT) de l'arrondissement de Sarreguemines ;
- il est entaché d'erreur manifeste d'appréciation dans le classement des parcelles cadastrées section 1 n° 152, 153, 154 et 224 à Bettviller ;
- il est entaché d'erreur manifeste d'appréciation et de détournement de pouvoir dans le classement en zone agricole de la parcelle section 2 n° 512 à Petit-Réderching ;
- il est entaché d'erreur manifeste d'appréciation dans le classement en zone agricole des parcelles situées en cœur de village de Petit-Réderching et dans le classement en zone constructible des parcelles situées en sortie Nord-Est du village.
Par une intervention, enregistrée le 22 janvier 2022, M. C... E..., représenté par Me Bizzarri, demande que la cour fasse droit aux conclusions de la requête de M. H..., M. M... et Mme I... et mette à la charge de la communauté de communes du Pays de Bitche la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement attaqué est insuffisamment motivé ;
- il ne répond pas au moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 151-4 du code de l'urbanisme sur les capacités de stationnement ;
- il ne répond pas au moyen tiré de l'absence de caractère exceptionnel des secteurs de taille et de capacité d'accueil limitées instaurés, en méconnaissance des dispositions de l'article L. 151-13 du code de l'urbanisme ;
- la délibération prescrivant l'élaboration du PLUi est inopposable, faute d'avoir été régulièrement affichée, en méconnaissance des dispositions de l'article R. 123-24 du code de l'urbanisme ;
- l'évaluation environnementale est insuffisante, en méconnaissance de l'article R. 151-3 du code de l'environnement et des dispositions directement applicables de la directive n° 2001/42/CE du Parlement européen et du Conseil du 27 juin 2001 relative à l'évaluation des incidences de certains plans et programmes sur l'environnement ;
- le rapport de présentation ne comprend aucun inventaire des capacités de stationnement des véhicules hybrides et électriques en méconnaissance des dispositions de l'article L. 151-4 du code de l'urbanisme ;
- la généralisation des secteurs de taille et de capacité d'accueil limitées leur ôte tout caractère exceptionnel, en méconnaissance des dispositions de l'article L. 151-3 du code de l'urbanisme ;
- le PLUi adopté par la délibération litigieuse est incompatible avec les objectifs du schéma de cohérence territoriale (SCOT) de l'arrondissement de Sarreguemines ;
- il est entaché d'erreur manifeste d'appréciation dans le classement des parcelles cadastrées section 1 n° 167 à 173 et 198 à Bining.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 6 juin 2022, le 12 octobre 2023, le 1er mars 2024, le 27 août 2024 et le 7 octobre 2024, la communauté de communes du Pays de Bitche, représentée par Me Gillig conclut au rejet de la requête et demande que la somme de 5 000 euros soit mise à la charge des requérants en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions des articles R. 123-24
et R. 123-25 du code de l'urbanisme est inopérant ;
- les autres moyens de la requête ne sont pas fondés.
Par un mémoire en défense, enregistré le 6 juin 2022, la communauté de communes du Pays de Bitche, représentée par Me Gillig, conclut au rejet de l'intervention de M. E... et demande que la somme de 5 000 euros soit mise à la charge de ce dernier en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions des articles R. 123-24
et R. 123-25 du code de l'urbanisme est inopérant ;
- les autres moyens de la requête ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la directive n° 2001/42/CE du Parlement et du Conseil du 27 juin 2001 ;
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Berthou,
- les conclusions de M. Marchal, rapporteur public,
- et les observations de Me Bizzarri, représentant M. H... et autres et de Me Erkel, représentant la communauté de communes du Pays de Bitche.
Considérant ce qui suit :
1. Par une délibération du 18 décembre 2014, le conseil de la communauté de communes de Rohrbach-lès-Bitche (CCRLB) a prescrit l'élaboration de son plan local d'urbanisme intercommunal (PLUi). Par une délibération du 18 décembre 2015, le conseil de la communauté de communes du Pays de Bitche a également prescrit l'élaboration de son PLUi. A la suite de la fusion de ces deux établissements publics de coopération intercommunale actée par un arrêté du 23 novembre 2016 du préfet de la Moselle, ainsi devenus la communauté de communes du Pays de Bitche (CCPB), cette dernière a, par une délibération du 2 mars 2017, décidé de poursuivre la procédure d'élaboration du PLUi de Rohrbach-lès-Bitche dans son périmètre initial, dénommé " partie Ouest ", et de confirmer les modalités de collaboration avec les communes, ainsi que les modalités de concertation. L'enquête publique s'est déroulée du 17 juin 2019 au 19 juillet 2019. M. H..., M. M... et Mme I... demandent à la cour d'annuler le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 9 novembre 2021 rejetant leurs conclusions à fin d'annulation de la délibération du 19 décembre 2019 par laquelle le conseil communautaire de la CCPB a approuvé le PLUi " partie Ouest " (ci-après simplement désigné PLUi), ainsi que les décisions du 23 mars 2020 par lesquelles le président de la communauté de communes a rejeté leurs recours gracieux du 17 février 2020.
Sur l'intervention de M. E... :
2. M. E..., qui n'était pas partie en première instance, justifie, en sa qualité de propriétaire de parcelles situées dans le périmètre du PLUi contesté, d'un intérêt de nature à le rendre recevable à intervenir devant le juge d'appel. Son intervention doit, dès lors, être admise.
Sur la régularité du jugement :
3. En premier lieu, le jugement attaqué répond de manière circonstanciée dans son point 6 au moyen invoqué dans les écritures de première instance tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article R. 123-24 du code de l'urbanisme. Le moyen tiré de l'insuffisante motivation de la décision des premiers juges ne peut, dès lors et en tout état de cause, qu'être écarté.
4. En deuxième lieu, en écartant le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 151-4 du code de l'urbanisme sur les capacités de stationnement au motif que le rapport de présentation du PLUi recense les capacités de stationnement des communes et analyse le développement de la mobilité électrique, de la mutualisation des espaces de stationnement et des espaces cyclables, le tribunal a répondu de manière suffisamment précise au moyen tel qu'articulé par les demandeurs qui se bornaient à faire valoir que les capacités de stationnement s'agissant des véhicules hybrides et des vélos des parcs ouverts au public n'y étaient pas indiquées, ni l'éventuelle possibilité de mutualisation de ces capacités.
5. En troisième lieu, les demandeurs soutenaient que la généralisation du recours aux secteurs de taille et de capacité d'accueil limitées dans le PLUi leur ôtait le caractère exceptionnel au sens de l'article L. 151-13 du code de l'urbanisme. En répondant qu'ils n'établissaient pas que les périmètres de chacun des secteurs auraient été fixés en méconnaissance de l'article L. 151-13 du code de l'urbanisme, le tribunal a suffisamment motivé sa réponse à ce moyen.
Sur le bien-fondé du jugement :
En ce qui concerne la légalité externe :
6. En premier lieu, aux termes de l'article L. 2131-11 du code général des collectivités territoriales : " Sont illégales les délibérations auxquelles ont pris part un ou plusieurs membres du conseil intéressés à l'affaire qui en fait l'objet, soit en leur nom personnel, soit comme mandataires. ".
7. Il résulte de ces dispositions que la participation au vote permettant l'adoption d'une délibération d'un conseiller communautaire intéressé à l'affaire qui fait l'objet de cette délibération, c'est-à-dire y ayant un intérêt qui ne se confond pas avec ceux de la généralité des habitants de la commune, est de nature à en entraîner l'illégalité. De même, sa participation aux travaux préparatoires et aux débats précédant l'adoption d'une telle délibération est susceptible de vicier sa légalité, alors même que cette participation préalable ne serait pas suivie d'une participation à son vote, si le conseiller intéressé a été en mesure d'exercer une influence sur la délibération. S'agissant d'une délibération déterminant des prévisions et règles d'urbanisme applicables dans l'ensemble d'un territoire, la circonstance qu'un conseiller communautaire intéressé au classement d'une parcelle ait participé aux travaux préparatoires et aux débats précédant son adoption ou à son vote n'est de nature à entraîner son illégalité que s'il ressort des pièces du dossier que, du fait de l'influence que ce conseiller a exercée, la délibération prend en compte son intérêt personnel.
8. Par un arrêt du 27 août 2024 la cour d'appel de Metz a confirmé le jugement du tribunal correctionnel de Sarreguemines du 19 janvier 2024 qui avait retenu la culpabilité de M. K... A..., maire de Petit-Réderching à la date de la délibération litigieuse, et de M. F..., adjoint au maire, s'agissant d'une prise illégale d'intérêt par élu public. La cour a infirmé le jugement sur la peine et a condamné chacun des accusés à une amende de 10 000 euros avec sursis et à la privation du droit d'éligibilité durant cinq ans. Il ressort de la motivation de cet arrêt que la culpabilité des élus résulte notamment de leur intérêt personnel au classement de parcelles en zone constructible et de leur participation à la séance du conseil municipal puis au vote ayant conduit la commune à émettre un avis sur le projet de PLUi. Il ressort par ailleurs des auditions réalisées dans le cadre de l'enquête pénale que MM. A... et F... ont reconnu avoir chacun manœuvré pour obtenir le classement des parcelles pour lesquelles ils avaient un intérêt personnel. Ainsi, dans les circonstances de l'espèce, la participation de M. A..., en sa qualité de conseiller communautaire, à la préparation et au vote est de nature à entraîner l'illégalité du classement en zone constructible des parcelles cadastrées n° 266, 267 et 270 situées sur le territoire de la commune de Petit-Réderching pour lesquelles il a un intérêt personnel qu'il ne conteste pas et qui, en l'espèce, a été effectivement pris en compte par la délibération litigieuse. De même, en l'espèce, la participation de M. F... aux travaux préparatoires, au sein du comité de pilotage, ayant permis d'aboutir à la délibération est de nature à entraîner l'illégalité du classement en zone constructible de la parcelle cadastrée n° 271 pour laquelle il a un intérêt personnel qu'il ne conteste pas et qui, en l'espèce, a été pris en compte par la délibération.
9. En deuxième lieu, l'intervenant reprend en appel, dans les mêmes termes que les requérants dans leur demande de première instance, le moyen tiré de l'inopposabilité de la délibération du 18 décembre 2014 prescrivant l'élaboration du PLUi. Il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus, à juste titre, par le tribunal administratif aux points 5 et 6 du jugement contesté, qui n'appellent aucune précision.
10. En troisième lieu, les requérants, qui n'en contestent pas la transposition en droit interne par les dispositions du code de l'urbanisme qu'ils invoquent par ailleurs, ne peuvent utilement se prévaloir directement de la directive du Parlement et du Conseil du 27 juin 2001 relative à l'évaluation des incidences de certains plans et programmes sur l'environnement.
11. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 104-4 du code de l'urbanisme : " Le rapport de présentation des documents d'urbanisme mentionnés aux articles L. 104-1 et L. 104-2 : / 1° Décrit et évalue les incidences notables que peut avoir le document sur l'environnement ; / 2° Présente les mesures envisagées pour éviter, réduire et, dans la mesure du possible, compenser ces incidences négatives ; / 3° Expose les raisons pour lesquelles, notamment du point de vue de la protection de l'environnement, parmi les partis d'aménagement envisagés, le projet a été retenu. ". Aux termes de l'article R. 151-3 de ce code : " Au titre de l'évaluation environnementale lorsqu'elle est requise, le rapport de présentation : / (...) 5° Présente les mesures envisagées pour éviter, réduire et, si possible, compenser, s'il y a lieu, les conséquences dommageables de la mise en œuvre du plan sur l'environnement ; ".
12. Ainsi que l'ont relevé les premiers juges, l'évaluation environnementale expose, en son point 8, les mesures envisagées pour éviter, réduire et compenser l'impact sur l'environnement. Les requérants, qui se sont bornés en première instance à alléguer que l'exposé de ces mesures serait insuffisant sans préciser au regard de quel enjeu ou parti d'aménagement en particulier, ne complètent pas leur argumentation à hauteur d'appel et se limitent à énoncer une série d'enjeux pour lesquels les mesures envisagées afin d'éviter, réduire et compenser les effets dommageables de la mise en œuvre du PLUi sur l'environnement n'auraient pas été présentées de manière suffisante. Ils ne démontrent toutefois pas la réalité de ces effets sur le territoire concerné par ce plan et n'en précisent pas la nature. Ils ne sont ainsi pas fondés à soutenir que l'évaluation environnementale serait entachée d'insuffisance sur ce point.
13. En cinquième lieu, aux termes du dernier alinéa de l'article L. 151-4 du code de l'urbanisme : " Le rapport de présentation (...) établit un inventaire des capacités de stationnement de véhicules motorisés, de véhicules hybrides et électriques et de vélos des parcs ouverts au public et des possibilités de mutualisation de ces capacités. ".
14. Il ressort des pièces du dossier que le tome A du rapport de présentation comporte en pages 94 et suivantes un inventaire exhaustif des capacités de stationnement du territoire. Il indique par ailleurs, en pages 89 et 90, que les véhicules électriques, qu'il s'agisse des bicyclettes ou des voitures, sont très peu nombreux sur le territoire et que la mise en place d'une borne électrique de recharge rapide sur le parking de covoiturage de Rahling est en projet. Il rappelle en outre que deux bornes privées de recharge de véhicules électriques sont présentes sur le territoire et deux autres sont en projet. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées de l'article L. 151-4 du code de l'urbanisme doit être écarté.
En ce qui concerne la légalité interne :
15. En premier lieu, aux termes de l'article L. 151-13 du code de l'urbanisme : " Le règlement peut, à titre exceptionnel, délimiter dans les zones naturelles, agricoles ou forestières des secteurs de taille et de capacité d'accueil limitées dans lesquels peuvent être autorisés : / 1° Des constructions ; / 2° Des aires d'accueil et des terrains familiaux locatifs destinés à l'habitat des gens du voyage au sens de la loi n° 2000-614 du 5 juillet 2000 relative à l'accueil et à l'habitat des gens du voyage ; / 3° Des résidences démontables constituant l'habitat permanent de leurs utilisateurs. / Il précise les conditions de hauteur, d'implantation et de densité des constructions, permettant d'assurer leur insertion dans l'environnement et leur compatibilité avec le maintien du caractère naturel, agricole ou forestier de la zone. / Il fixe les conditions relatives aux raccordements aux réseaux publics, ainsi que les conditions relatives à l'hygiène et à la sécurité auxquelles les constructions, les résidences démontables ou les résidences mobiles doivent satisfaire. / Ces secteurs sont délimités après avis de la commission départementale de la préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers prévue à l'article L. 112-1-1 du code rural et de la pêche maritime. / Leur caractère exceptionnel s'apprécie, entre autres critères, en fonction des caractéristiques du territoire, du type d'urbanisation du secteur, de la distance entre les constructions ou de la desserte par les réseaux ou par les équipements collectifs. "
16. Il ressort des pièces du dossier, notamment du rapport de présentation, que les auteurs du plan local d'urbanisme intercommunal ont décidé d'instaurer neuf types de secteurs de taille et de capacité d'accueil limitées (STECAL) en zone naturelle (N) et un secteur en zone agricole (A), pour vingt-huit STECAL effectivement délimités dans le règlement graphique, correspondant à une surface totale de 108,18 hectares. Contrairement aux allégations des requérants, l'importance du nombre des STECAL ou du territoire ainsi couvert ne suffit pas à leur ôter, par principe, un caractère exceptionnel au sens des dispositions précitées de l'article L. 151-13 du code de l'urbanisme. Alors qu'ils ne contestent en outre pas le bien-fondé du classement de chacun de ces secteurs en zone A ou N, ils ne soutiennent pas que ce caractère exceptionnel ferait défaut pour chacun d'eux au regard de ses propres caractéristiques, notamment de son type d'urbanisation, de la distance entre les constructions ou de la desserte par les réseaux ou par les équipements collectifs. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 151-13 du code de l'urbanisme tel qu'invoqué par les requérants ne peut qu'être écarté.
17. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 131-4 du code de l'urbanisme : " Les plans locaux d'urbanisme et les documents en tenant lieu ainsi que les cartes communales sont compatibles avec : / 1° Les schémas de cohérence territoriale prévus à l'article L. 141-1 ; (...) ". Aux termes de l'article L. 141-5, relatif au contenu de ces schémas, du même code dans sa rédaction en vigueur à la date de la délibération en litige : " Dans le respect des orientations définies par le projet d'aménagement et de développement durables, le document d'orientation et d'objectifs détermine : / 1° Les orientations générales de l'organisation de l'espace et les grands équilibres entre les espaces urbains et à urbaniser et les espaces ruraux, naturels, agricoles et forestiers ; / 2° Les conditions d'un développement urbain maîtrisé et les principes de restructuration des espaces urbanisés, de revitalisation des centres urbains et ruraux, de mise en valeur des entrées de ville, de valorisation des paysages et de prévention des risques ; / 3° Les conditions d'un développement équilibré dans l'espace rural entre l'habitat, l'activité économique et artisanale, et la préservation des sites naturels, agricoles et forestiers. / Il assure la cohérence d'ensemble des orientations arrêtées dans ces différents domaines. ".
18. Il appartient aux auteurs des plans locaux d'urbanisme, qui déterminent les partis d'aménagement à retenir en prenant en compte la situation existante et les perspectives d'avenir, d'assurer, non leur conformité aux énonciations des schémas de cohérence territoriale, mais leur compatibilité avec les orientations générales et les objectifs qu'ils définissent. Pour apprécier la compatibilité d'un plan local d'urbanisme avec un schéma de cohérence territoriale, il appartient au juge administratif de rechercher, dans le cadre d'une analyse globale le conduisant à se placer à l'échelle de l'ensemble du territoire couvert en prenant en compte l'ensemble des prescriptions du document supérieur, si le plan ne contrarie pas les objectifs qu'impose le schéma, compte tenu des orientations adoptées et de leur degré de précision, sans rechercher l'adéquation du plan à chaque disposition ou objectif particulier.
19. D'une part, l'orientation prescriptive figurant au point II-2 du document d'orientation et d'objectifs du schéma de cohérence territoriale (SCOT) de l'arrondissement de Sarreguemines relatif au développement de l'offre résidentielle prévoit que la programmation de nouveaux logements doit respecter l'orientation relative à l'organisation du territoire autour de l'armature urbaine existante en privilégiant les polarités urbaines en matière de développement de l'offre de logements et en étant accentuée pour les polarités urbaines à hauteur de 60 % des logements contre 40 % dans les villages. Le SCOT précise toutefois que ces pourcentages constituent des ordres de grandeur à observer, qui pourront être adaptés localement afin de prendre en compte les évolutions récentes en termes de production de logements et les situations de blocage en termes d'optimisation de l'enveloppe urbaine existante. Aux termes de cette prescription, cette adaptation doit être justifiée dans le document d'urbanisme local et permettre d'inscrire une proportion plus importante de logements en extension de l'urbanisation.
20. Si aucune commune du territoire concerné par le PLUi litigieux ne figure parmi les pôles secondaires d'équilibre définis au SCOT, l'armature urbaine est structurée dans le PLUi non seulement autour des villages et du pôle urbain associant les communes de Rohrbach-lès-Bitche et de Petit-Réderching, mais aussi autour de deux " communes portes " situées sur l'axe structurant Bitche-Sarreguemines dont la croissance démographique prévisible se situe à un niveau intermédiaire. Au sein de cette armature, le PLUi prévoit que 44 % des logements dont la création est envisagée sur le territoire le seront dans le pôle urbain, 21 % dans les " communes portes " et 35 % dans les autres villages. Cette justification d'une adaptation locale des objectifs chiffrés fixés par le SCOT, qui figure au PLUi et qui est reprise en défense par la communauté de communes du pays de Bitche, n'est pas remise en cause par les requérants qui se bornent à se prévaloir des réserves formulées par le préfet dans son avis du 29 mai 2019 et par le syndicat mixte de l'arrondissement de Sarreguemines dans son avis du même jour.
21. D'autre part, l'orientation prescriptive figurant au point III-1 du document d'orientation et d'objectifs du SCOT relative à l'optimisation de l'enveloppe urbaine existante retient une création de l'ordre de 600 nouveaux logements par an, dont 46 % par densification du tissu urbain existant et 54 % par extension de l'urbanisation. Elle précise que doivent être prises en compte les potentialités d'accueil dans le tissu urbain existant, qui ne sont pas homogènes sur le territoire. Cette orientation est elle aussi assortie d'une possibilité d'adaptation afin de prendre en compte les évolutions récentes en termes de production de logements et les situations de blocage en termes d'optimisation de l'enveloppe urbaine existante. Cette adaptation, qui doit rester dans le cadre de l'objectif de consommation foncière prévue en extension de l'urbanisation, doit être justifiée dans le PLUi et permettra d'inscrire une proportion plus importante de logements en extension de l'urbanisation, dans la limite de 70 % pour les pôles et de 80 % pour les villages.
22. Il ressort des pièces du dossier et notamment du rapport de présentation que, prenant en compte le potentiel de réduction de la vacance des logements et les possibilités de densification du tissu urbain existant, notamment par le recensement des dents creuses urbanisables, les auteurs du PLUi ont fixé le nombre de logements à créer par densification à 371 sur les 1040 prévus, soit 35,6 %, à comparer à l'objectif de 45 % fixé à l'échelle du SCOT. Il ressort par ailleurs des pièces du dossier, ainsi que l'indique le syndicat mixte de l'arrondissement de Sarreguemines dans son avis, que le PLUi respecte les objectifs de densités fixés par le SCOT, de l'ordre de 23 à 25 logements par hectare, ainsi que les objectifs de modération de la consommation foncière.
23. Il résulte de ce qui précède que, compte tenu de l'importance démographique et géographique limitée de la partie Ouest de la communauté de communes du Pays de Bitche, le PLUi contesté n'est pas incompatible avec les objectifs du SCOT en matière de densification et de développement de l'offre de logement au regard de l'armature urbaine. Le moyen doit donc être écarté.
24. En troisième lieu, il résulte des articles L. 151-5, L. 151-9, R. 151-22 et R. 151-23 du code de l'urbanisme qu'une zone agricole, dite "zone A", du plan local d'urbanisme a vocation à couvrir, en cohérence avec les orientations générales et les objectifs du projet d'aménagement et de développement durables (PADD), un secteur, équipé ou non, à protéger en raison du potentiel agronomique, biologique ou économique des terres agricoles.
25. Tout d'abord, il ressort des pièces du dossier que les parcelles cadastrées section 1 n°152, 153, 154 et 224 à Bettviller sont situées en limite Sud-Est du territoire communal, que la parcelle n°154, bâtie dans sa partie Sud-Ouest en front de rue, est libre de toute construction sur les trois quarts de sa partie arrière, seule concernée par le classement en zone agricole, que la parcelle n° 153 est construite d'un bâtiment dont la nature et la destination ne sont pas précisées par les requérants, et que les deux autres parcelles sont entièrement libres. Cet ensemble de parcelles s'inscrit dans la continuité d'une vaste zone agricole située
au Sud-Est de l'agglomération et se trouve, au vu de la configuration urbaine, en dehors des parties urbanisées de la commune. La communauté de communes du Pays de Bitche fait par ailleurs valoir que son classement en zone agricole permet, en cohérence avec les orientations du PADD tendant à maîtriser les extensions urbaines ainsi qu'à préserver les espaces agricoles, de limiter l'extension de la zone urbaine en frontière du secteur agricole Ap. Ainsi et alors même que ces parcelles seraient desservies en réseaux et qu'elles présenteraient une valeur agronomique faible, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que leur classement en zone agricole serait entaché d'erreur manifeste d'appréciation.
26. Ensuite, les parcelles cadastrées section 1 n° 167 à 173 et 198 à Bining sont libres de toute occupation et utilisées comme prairies permanentes pour le fourrage. Situées en dehors des parties actuellement urbanisées de la commune, elles bordent une vaste zone agricole à l'Ouest. La communauté de communes du Pays de Bitche fait également valoir qu'elles permettent, en cohérence avec les orientations du PADD tendant à maîtriser les extensions urbaines et à préserver les espaces agricoles, de limiter l'extension de la zone urbaine en frontière des secteurs agricoles Ap et Ac. Si M. E..., propriétaire desdites parcelles, indique que l'une d'elle serait concernée par un projet de construction d'une maison, il n'apporte en tout état de cause aucun élément de nature à établir la réalité d'un tel projet. Ainsi les requérants ne sont pas fondés à soutenir que le classement de ces parcelles en zone agricole serait entaché d'une erreur manifeste d'appréciation.
27. Par ailleurs, les requérants contestent le classement en zone Ad d'un secteur situé en cœur de village. Il ressort toutefois des pièces du dossier qu'il est constitué de nombreuses parcelles certes enclavées dans le village mais formant ensemble une prairie de plusieurs hectares ne pouvant être qualifiée de dent creuse et dont le potentiel agronomique, biologique ou économique n'est pas remis en cause. Ce classement n'est ainsi entaché d'aucune erreur manifeste d'appréciation.
28. Enfin, la parcelle cadastrée section 2, n° 512 à Petit-Réderching appartenant à M. H... est classée en zone agricole pour un tiers en sa partie Ouest, constituée d'un jardin privé, le reste de la parcelle, supportant la maison d'habitation, étant classée en zone constructible. Cette portion de parcelle est bordée à l'Ouest, au Sud et à l'Est de parcelles et portion de parcelle construites et classées en zone urbaine. Elle doit ainsi être regardée comme située dans les parties actuellement urbanisées de la commune. Même si elle borde, au Nord, un vaste espace agricole, son classement en zone agricole ne peut pas en l'espèce être regardé comme participant à une maîtrise de l'extension urbaine ou à une préservation des espaces agricoles. La commission d'enquête avait au demeurant relevé une incohérence et suggéré aux auteurs du PLUi de la classer en zone constructible. Au regard de ces éléments, le classement en zone agricole d'une portion de parcelle cadastrée section 2, n° 512 à Petit-Réderching est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation et doit ainsi être censuré.
29. En quatrième lieu, pour contester le classement en zone Uh4 d'une parcelle située au Nord de l'agglomération, les requérants se bornent à relever qu'il aurait été plus judicieux de fermer le secteur à l'urbanisation au bénéfice de celui évoqué au point 27. Une telle argumentation ne suffit pas à établir d'erreur manifeste d'appréciation alors qu'en outre le moyen portant sur le secteur enclavé dans le village a été écarté.
30. En cinquième et dernier lieu, ainsi qu'il a déjà été dit, par un arrêt du 27 août 2024 la cour d'appel de Metz a confirmé le jugement du tribunal correctionnel de Sarreguemines du 19 janvier 2024 qui avait retenu la culpabilité de M. K... A..., maire de Petit-Réderching à la date de la délibération litigieuse, et de M. F..., adjoint au maire, s'agissant d'une prise illégale d'intérêt par élu public. La cour a infirmé le jugement sur la peine et a condamné chacun des accusés à une amende de 10 000 euros avec sursis et à la privation du droit d'éligibilité durant cinq ans. Il ressort de la motivation de cet arrêt que la culpabilité des élus résulte de leur intérêt personnel au classement de parcelles en zone constructible, de leur animosité personnelle à l'égard de M. H..., dont la portion de parcelle mentionnée au point 28 a été classée comme inconstructible, et de leur participation à la séance du conseil municipal puis au vote ayant conduit la commune à émettre un avis sur le projet de PLUi. Il ressort par ailleurs des auditions réalisées dans le cadre de l'enquête pénale que les intéressés ont reconnu avoir manœuvré pour obtenir le classement des parcelles pour lesquelles ils avaient un intérêt et avoir, pour des raisons de mésentente personnelle, négligé l'examen pour avis de la demande de M. H... tendant à ce que la proposition du bureau d'études de classement de sa parcelle en zone agricole soit reconsidérée. Ces éléments ne suffisent toutefois pas à établir que la délibération du conseil communautaire du 19 décembre 2019 en litige serait entachée d'un détournement de pouvoir dans le classement de la parcelle appartenant à M. H.... Le moyen doit donc être écarté.
En ce qui concerne la régularisation des illégalités constatées :
31. Aux termes de l'article L. 600-9 du code de l'urbanisme : " Si le juge administratif, saisi de conclusions dirigées contre un schéma de cohérence territoriale, un plan local d'urbanisme ou une carte communale, estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu'une illégalité entachant l'élaboration ou la révision de cet acte est susceptible d'être régularisée, il peut, après avoir invité les parties à présenter leurs observations, surseoir à statuer jusqu'à l'expiration du délai qu'il fixe pour cette régularisation et pendant lequel le document d'urbanisme reste applicable, sous les réserves suivantes : / 1° En cas d'illégalité autre qu'un vice de forme ou de procédure, pour les schémas de cohérence territoriale et les plans locaux d'urbanisme, le sursis à statuer ne peut être prononcé que si l'illégalité est susceptible d'être régularisée par une procédure de modification prévue à la section 6 du chapitre III du titre IV du livre Ier et à la section 6 du chapitre III du titre V du livre Ier ; / 2° En cas d'illégalité pour vice de forme ou de procédure, le sursis à statuer ne peut être prononcé que si l'illégalité a eu lieu, pour les schémas de cohérence territoriale et les plans locaux d'urbanisme, après le débat sur les orientations du projet d'aménagement et de développement durables. (...) ".
32. En l'espèce, compte tenu de la portée limitée des illégalités constatées, qui ne portent que sur le classement de cinq parcelles, il n'y a pas lieu, pour la cour, d'exercer les pouvoirs qu'elle tient des dispositions précitées du 1° de l'article L. 600-9 du code de l'urbanisme.
33. Il résulte de tout ce qui précède qu'il y a lieu d'annuler la délibération litigieuse en tant qu'elle classe en zone urbaine les parcelles cadastrées section 2, n° 266, 267, 270 et 271 situées sur le territoire de la commune de Petit-Réderching et en tant qu'elle classe en zone agricole une portion de la parcelle cadastrée section 2, n° 512 à Petit-Réderching.
Sur les frais de l'instance :
34. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. H..., M. M... et Mme I..., qui ne sont pas parties perdantes dans la présente instance, la somme que la communauté de communes du Pays de Bitche demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de la communauté de communes du Pays de Bitche une globale somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par M. H..., M. M... et Mme I... et non compris dans les dépens.
35. M. E..., intervenant en appel, n'acquiert pas, du seul fait qu'il soit propriétaire de parcelles situées dans le périmètre du PLUi litigieux, la qualité de partie à l'instance. Par suite, les conclusions qu'il présente au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ne peuvent qu'être rejetées. Il en va de même des conclusions présentées à ce titre à son encontre par la communauté de communes du Pays de Bitche.
D E C I D E :
Article 1er : L'intervention de M. E... est admise.
Article 2 : La délibération du 19 décembre 2019 par laquelle le conseil communautaire de la communauté de communes du Pays de Bitche a approuvé la partie Ouest du plan local d'urbanisme intercommunal est annulée en tant qu'elle classe en zone urbaine les parcelles cadastrées section 2, n° 266, 267, 270 et 271 situées sur le territoire de la commune
de Petit-Réderching et en tant qu'elle classe en zone agricole une portion de la parcelle cadastrée section 2, n° 512 à Petit-Réderching.
Article 3 : Le jugement n° 2005277, 2005278, 2005279, 2005280, 2005281, 2005282 du tribunal administratif de Strasbourg du 9 novembre 2021 est réformé en tant qu'il est contraire au présent arrêt.
Article 4 : La communauté de communes du Pays de Bitche versera à M. H..., M. M... et Mme I... la globale somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. G... H..., représentant unique en application des dispositions de l'article R. 751-3 du code de justice administrative, à M. C... E... et à la communauté de communes du Pays de Bitche.
Délibéré après l'audience du 12 décembre 2024, à laquelle siégeaient :
- M. Wurtz, président,
- Mme Bauer, présidente-assesseure,
- M. Berthou, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 27 décembre 2024.
Le rapporteur,
Signé : D. BERTHOULe président,
Signé : Ch. WURTZLe greffier,
Signé : F. LORRAIN La République mande et ordonne au préfet de la Moselle en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
Le greffier :
F. LORRAIN
N° 22NC00048 2