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27/12/2024 | FRANCE | N°22NC00382

France | France, Cour administrative d'appel de NANCY, 3ème chambre, 27 décembre 2024, 22NC00382


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler l'arrêté du 30 décembre 2019 par lequel le maire de la commune

de Blanzy-la-Salonnaise a refusé de lui délivrer un permis de construire en vue de la réalisation de travaux ayant pour objet le changement de destination d'un bâtiment agricole en une maison à usage d'habitation d'une surface de plancher de 121,10 mètres carrés sur une parcelle cadastrée section AB n° 430, située rue

Pascal Brochet sur le territoire de cette commune.



Par un jugement n° 2000531 du 16 ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler l'arrêté du 30 décembre 2019 par lequel le maire de la commune

de Blanzy-la-Salonnaise a refusé de lui délivrer un permis de construire en vue de la réalisation de travaux ayant pour objet le changement de destination d'un bâtiment agricole en une maison à usage d'habitation d'une surface de plancher de 121,10 mètres carrés sur une parcelle cadastrée section AB n° 430, située rue Pascal Brochet sur le territoire de cette commune.

Par un jugement n° 2000531 du 16 décembre 2021, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a annulé l'arrêté du 30 décembre 2019, enjoint à la commune de Blanzy-la-Salonnaise de délivrer le permis de construire sollicité dans un délai de deux mois suivant la notification de ce jugement et mis à la charge de la collectivité le versement au pétitionnaire d'une somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés les 15 février et 16 juin 2022, la commune de Blanzy-la-Salonnaise, représentée par la SELAS Devarenne Associés Grand Est, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2000531 du tribunal administratif de

Châlons-en-Champagne du 16 décembre 2021 ;

2°) de rejeter la demande présentée en première instance par M. A... B... ;

3°) de mettre à la charge de M. B... le versement à son bénéfice d'une somme de 2 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'arrêté du 30 décembre 2019 ne méconnaît pas les dispositions de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme dès lors que le projet litigieux se trouve à proximité immédiate d'un bâtiment d'élevage de dix-huit bovins, générant des nuisances olfactives et sonores ;

- eu égard à la proximité entre le projet litigieux et le bâtiment d'élevage, elle était fondée, en tout état de cause, à rejeter la demande de permis de construire pour méconnaissance des règles de distance résultant des dispositions combinées des articles L. 111-3 du code rural et de la pêche maritime et 153-4 du règlement sanitaire départemental des Ardennes ;

- outre qu'il n'est justifié d'aucune spécificité locale au sens des dispositions de l'article L. 111-3 du code rural, le maire n'est jamais tenu de déroger aux règles de distance pour un tel motif.

Par un mémoire en défense et un mémoire complémentaire, enregistrés les 18 avril et 16 août 2022, M. A... B..., représenté par Me Gervais, conclut, dans le dernier état de ses écritures, au rejet de la requête, à la confirmation du jugement de première instance et à la mise à la charge de la commune de Blanzy-la-Salonnaise le versement à son bénéfice d'une somme de 2 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ou, à tout le moins, si la cour l'estimait utile, à ce qu'il soit ordonné avant dire droit une mesure de vérification contradictoire des lieux aux frais exclusifs de l'appelante.

Il soutient que la requête est irrecevable et mal fondée.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code rural et de la pêche maritime ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Meisse,

- les conclusions de M. Marchal, rapporteur public,

- et les observations de Me Jacquemin, substituant Me Devarenne, pour la commune de Blanzy-la-Salonnaise.

Considérant ce qui suit :

1. M. A... B... a fait l'acquisition, le 29 mars 2019, d'une grange et d'un bâtiment agricole annexe, implantés sur une parcelle cadastrée section AB n° 430 et situés à l'angle de la rue d'Avançon et de la rue Pascal Brochet à Blanzy-la-Salonnaise (Ardennes). Le 4 novembre 2019, il a sollicité la délivrance d'un permis de construire en vue de la réalisation de travaux ayant pour objet le changement de destination de ce bâtiment agricole en une maison à usage d'habitation d'une surface de plancher de 121,10 mètres carrés. A la suite de l'avis défavorable au projet de la chambre d'agriculture des Ardennes du 13 décembre 2019, la maire de la commune de Blanzy-la-Salonnaise, par un arrêté du 30 décembre 2019, a refusé de faire droit à cette demande au motif que la construction d'un logement à proximité de bâtiments d'élevage porte atteinte à la salubrité publique et méconnaît ainsi les dispositions de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme. M. B... a saisi le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'une demande tendant à l'annulation de cet arrêté. La commune de Blanzy-la-Salonnaise relève appel du jugement n° 2000531 du 16 décembre 2021, qui annule cet arrêté, lui enjoint de délivrer au demandeur le permis de construire sollicité dans un délai de deux mois suivant sa notification et met à sa charge le versement au pétitionnaire d'une somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Sur la fin de non-recevoir opposée en défense par M. B... :

2. Si M. B... soutient que la requête d'appel serait irrecevable, sa fin de

non-recevoir n'est assortie d'aucune précision permettant à la cour d'en apprécier le

bien-fondé. Par suite, elle ne peut qu'être écartée.

Sur le bien-fondé du jugement :

3. Aux termes de l'article R. 111-2 du même code : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales s'il est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique du fait de sa situation, de ses caractéristiques, de son importance ou de son implantation à proximité d'autres installations. ".

4. Il ressort des pièces du dossier que le bâtiment agricole sur lequel doivent porter les travaux, objet de la demande de permis de construire présentée par M. B..., est séparé d'une exploitation d'élevage comportant une vingtaine de bovins par un chemin privé, correspondant à la parcelle cadastrée section AB n° 76, d'une largeur variant entre cinq et sept mètres. En se bornant à mettre en exergue la proximité immédiate entre cette exploitation et la propriété du défendeur, la commune de Blanzy-la-Salonnaise n'établit pas la réalité de l'atteinte à la salubrité publique qui résulterait des nuisances olfactives et sonores susceptibles d'être causées au voisinage par le bétail, alors qu'il résulte notamment des plans de façades du dossier de permis de construire et des photographies versées au débat contentieux que les bâtiments longeant le chemin privé sont constitués, de part et d'autre, de murs élevés et dépourvus d'ouvertures. Par suite, eu égard à la configuration des lieux, c'est à bon droit que les premiers juges ont considéré que l'arrêté en litige du 30 décembre 2019 est entaché d'une erreur d'appréciation au regard des dispositions de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme.

5. La commune de Blanzy-la-Salonnaise soutient cependant dans ses écritures que, eu égard à la proximité entre le projet litigieux et le bâtiment d'élevage, elle était fondée, en tout état de cause, à rejeter la demande de permis de construire pour méconnaissance des règles de distance résultant des dispositions combinées des articles L. 111-3 du code rural et de la pêche maritime et 153-4 du règlement sanitaire départemental des Ardennes du 12 novembre 1979. Elle doit ainsi être regardée comme ayant entendu solliciter une substitution de motifs.

6. L'administration peut, en première instance comme en appel, faire valoir devant le juge de l'excès de pouvoir que la décision dont l'annulation est demandée est légalement justifiée par un motif, de droit ou de fait, autre que celui initialement indiqué, mais également fondé sur la situation existant à la date de cette décision. Il appartient alors au juge, après avoir mis à même l'auteur du recours de présenter ses observations sur la substitution ainsi sollicitée, de rechercher si un tel motif est de nature à fonder légalement la décision, puis d'apprécier s'il résulte de l'instruction que l'administration aurait pris la même décision si elle s'était fondée initialement sur ce motif. Dans l'affirmative, il peut procéder à la substitution demandée, sous réserve toutefois qu'elle ne prive pas le requérant d'une garantie procédurale liée au motif substitué.

7. Aux termes de l'article L. 111-3 du code rural et de la pêche maritime, dans sa rédaction alors applicable : " Lorsque des dispositions législatives ou réglementaires soumettent à des conditions de distance l'implantation ou l'extension de bâtiments agricoles vis-à-vis des habitations et immeubles habituellement occupés par des tiers, la même exigence d'éloignement doit être imposée à ces derniers à toute nouvelle construction et à tout changement de destination précités à usage non agricole nécessitant un permis de construire, à l'exception des extensions de constructions existantes. / (...) / Par dérogation aux dispositions du premier alinéa, une distance d'éloignement inférieure peut être autorisée par l'autorité qui délivre le permis de construire, après avis de la chambre d'agriculture, pour tenir compte des spécificités locales. (...) ". Aux termes de l'article 153.4 du règlement sanitaire départemental des Ardennes : " Sans préjudice de l'application des documents d'urbanisme existant dans la commune ou de cahiers des charges de lotissement, l'implantation des bâtiments renfermant des animaux doit respecter les règles suivantes : - les élevages porcins à lisier sont interdits à moins de 100 m des immeubles habités ou habituellement occupés par des tiers, des zones de loisirs et de tout établissement recevant du public ; - pour les autres élevages de porcs, la distance minimum sera de 25 mètres pour moins de 10 porcs (et) 50 mètres de 10 à 50 porcs ; - les autres élevages, à l'exception des élevages de type familial (élevage de porcs exclus) et de ceux de volailles et de lapins, ne peuvent être implantés à moins de 50 mètres des immeubles habités ou habituellement occupés par des tiers, des zones de loisirs et de tout établissement recevant du public à l'exception des installations de camping à la ferme ; (...) ".

8. Il résulte de l'article L. 111-3 du code rural et de la pêche maritime que les règles de distance imposées, par rapport notamment aux habitations existantes, à l'implantation d'un bâtiment agricole sont également applicables, par effet de réciprocité, à la délivrance du permis de construire une habitation située à proximité d'un tel bâtiment agricole. Il appartient ainsi à l'autorité compétente pour délivrer le permis de construire un bâtiment à usage d'habitation de vérifier le respect des dispositions législatives ou réglementaires fixant de telles règles de distance, quelle qu'en soit la nature.

9. Il ressort des pièces du dossier, spécialement des photographies produites par la commune de Blanzy-la-Salonnaise, de l'attestation de l'éleveur du 15 mai 2022 et du

procès-verbal de constat d'huissier du 16 mai 2022 que trois bâtiments de l'exploitation agricole renfermant des bovins sont implantés le long du chemin privé cadastré section AB n° 76 à une distance des biens immobiliers de M. B... largement inférieure à cinquante mètres. Ce dernier n'établit pas, par les éléments qu'il produits, que le troupeau serait parqué en fond de parcelle, à l'opposé de sa propriété. Dans ces conditions, la construction visée par les travaux litigieux, qui aurait dû respecter, par effet de réciprocité, une distance d'éloignement d'au moins cinquante mètres, méconnaît les dispositions combinées des articles L. 111-3 du code rural et de la pêche maritime et 153.4 du règlement sanitaire départemental des Ardennes du 12 novembre 1979.

10. M. B..., qui n'avait pas à solliciter expressément le bénéfice d'une telle dérogation lors du dépôt et de l'instruction de sa demande de permis de construire, fait valoir que la prise en compte des spécificités locales aurait dû conduire la maire

de Blanzy-la-Salonnaise, en application des dispositions du quatrième alinéa de l'article L. 111-3 du code rural et de la pêche maritime, à autoriser un éloignement inférieur à cinquante mètres et, par voie de conséquence, un périmètre d'inconstructibilité plus restreint. Toutefois, les circonstances que le projet litigieux se trouve en zone constructible de la carte communale approuvée le 22 octobre 2009, dans les parties urbanisées de la commune, et que plusieurs immeubles à usage d'habitation sont également situés à proximité immédiate de l'exploitation agricole ne suffisent pas à justifier l'existence de telles spécificités. Par suite et alors que la substitution de motifs demandée ne prive pas le pétitionnaire d'une garantie procédurale liée au motif substitué, la commune de Blanzy-la-Salonnaise est fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont refusé d'y faire droit.

11. Il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens invoqués par M. B... à l'encontre de cet arrêté dans sa demande de première instance.

12. L'intéressé soutenait encore que, eu égard à la présence de plusieurs immeubles à usage d'habitation à proximité immédiate de l'exploitation agricole, à une distance très largement inférieure à cinquante mètres, le refus de délivrance de permis de construire qui lui a été opposé par la maire de Blanzy-la-Salonnaise caractérise une différence de traitement constitutive d'une atteinte au principe d'égalité. Toutefois, outre que le principe d'égalité ne saurait utilement être invoqué pour justifier l'octroi d'un avantage illégal au regard des dispositions d'urbanisme, la circonstance que des constructions existantes ne respecteraient pas les règles de distance instituées par les dispositions combinées des articles L. 111-3 du code rural et de la pêche maritime et 153.4 du règlement sanitaire départemental des Ardennes du 12 novembre 1979 est sans incidence sur la légalité de l'arrêté en litige du 30 décembre 2019.

13. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'ordonner avant dire droit une mesure de vérification contradictoire des lieux, que la commune de Blanzy-la-Salonnaise est fondée à demander l'annulation du jugement n° 2000531 du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 16 décembre 2021.

Sur les frais de l'instance :

14. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Les parties peuvent produire les justificatifs des sommes qu'elles demandent et le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. ".

15. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de la commune de Blanzy-la-Salonnaise, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme réclamée par M. B... au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il n'y pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par la requérante sur le fondement de ces dispositions.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 2000531 du tribunal administratif de

Châlons-en-Champagne du 16 décembre 2021 est annulé.

Article 2 : La demande présentée en première instance par M. B... est rejetée.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 4 : Les conclusions présentées par M. B... en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Blanzy-la-Salonnaise et à M. A... B....

Délibéré après l'audience du 12 décembre 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Wurtz, président,

- Mme Bauer, présidente-assesseure,

- M. Meisse, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 27 décembre 2024.

Le rapporteur,

Signé : E. MEISSE

Le président,

Signé : Ch. WURTZ

Le greffier,

Signé : F. LORRAIN

La République mande et ordonne au préfet des Ardennes, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Le greffier :

F. LORRAIN

N° 22NC00382 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANCY
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 22NC00382
Date de la décision : 27/12/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. WURTZ
Rapporteur ?: M. Eric MEISSE
Rapporteur public ?: M. MARCHAL
Avocat(s) : GERVAIS

Origine de la décision
Date de l'import : 05/01/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-12-27;22nc00382 ?
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